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Section I. De l’économie du bien-être à l’économie des réseau

A. L’économie des réseaux positive

2. La remise en cause du monopole naturel

200. Une telle définition du réseau permet à l’économie des réseaux de remettre en cause l’hypothèse du monopole naturel dans le secteur des communications électroniques (a) et dans une moindre mesure dans le secteur de l’électricité (b).

a. La remise en cause du monopole naturel dans les communications électroniques

201. Si l’instauration de la concurrence ne pose guère de difficultés sur la couche haute et mé- diane du réseau, elle peut être plus complexe sur la couche basse en raison de la présence de mo- nopoles naturels. Cependant, l’économie des réseaux émet l’hypothèse que le maintien de ces monopoles naturels est, dans le pire des cas, de nature transitoire, notamment en raison du déve- loppement technologique (i). Ce développement technologique se conjugue à l’effet de club pour rendre possible l’exercice de la concurrence (ii).

i. L’effet pro-concurrentiel du développement technologique

202. L’argument du développement technologique est fondamental dans la théorie de l’économie des réseaux, dans la mesure où il fonde la disparition des monopoles naturels et par voie de conséquence la possibilité de mettre en place une concurrence de droit commun à place d’une régulation sectorielle579. Ce dépassement technologique se produirait ainsi par la construc-

tion de réseaux fixes alternatifs, le contournement des réseaux fixes par le mobile, et par le phé- nomène de la convergence.

203. En premier lieu, la théorie de l’économie des réseaux constate la possibilité de mettre en place des réseaux alternatifs à ceux de l’opérateur historique. Cette possibilité est liée à des avan- cées technologiques ayant permis une chute brutale des coûts qui a fait perdre aux réseaux de communications électroniques leurs caractéristiques de monopoles naturels580. Il peut s’agir de

579 V., parmi de nombreux autres exemples CURIEN N., Économie des réseaux, op. cit., p. 46 et p. 69 ; Adde FLACHER

D., JENNEQUIN H., Réguler le Secteur des Télécommunications ? Enjeux et perspectives, Paris, ECONOMICA, 2007, p. 1 ;

Adde CROCQ I., Régulation et réglementation dans les télécommunications, Paris, Economica, « Nouvelles technologies de

l’information et de la Communications », 2004, p. 8, p. 100 et p. 123 et s.

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réseaux construits ex nihilo et de réseaux développés à partir de réseaux existants, actifs ou pas- sifs581. La création de ces réseaux engendre alors une concurrence par les infrastructures.

204. En deuxième lieu, la théorie de l’économie des réseaux considère que la technologie mo- bile permet de dépasser les maillons de monopole naturel restants, comme la boucle locale fi- laire582. En effet, ces technologies sans fil, du fait de leurs caractéristiques techniques, ne consti-

tuent pas des monopoles naturels583. On peut citer ici la technologie des licences mobiles de troi-

sième et bientôt de quatrième génération, qui permettent de faire sensiblement la même chose avec des appareils mobiles qu’avec les réseaux fixes, notamment en termes d’accès à internet, les systèmes de boucles locales radios permettant de se connecter à l’utilisateur final sans investisse- ments considérables, voire le développement des communications par satellites584.

205. En troisième lieu, l’économie des réseaux met en avant les conséquences du processus de convergence dans le dépassement du monopole naturel. En vertu de ce principe, les contenus et les réseaux se rapprochent technologiquement585 ce qui conduit progressivement à une conver-

gence des métiers et des opérateurs586. Plusieurs types de convergences sont ainsi observables et

ont un impact du point de vue concurrentiel.

Tout d’abord, il existe une convergence des réseaux qui permet une concurrence par les infrastructures587 dans la mesure où elle permet de contourner les maillons de monopole natu-

rel588. Par exemple, les réseaux câblés peuvent désormais être utilisés pour fournir des services de

communications électroniques589. Cette convergence explique qu’une concurrence entre infras-

tructures se soit développée plus facilement dans les pays où, historiquement, les réseaux câblés sont bien implantés590, comme au Royaume-Uni où le régulateur a fait en sorte d’encourager le

développement des câblo-opérateurs591.

Ensuite, il existe une convergence des communications électroniques, de l’audiovisuel et de l’informatique par le biais des technologies « tout IP » permettant l’apparition d’opérateurs in-

581 CROCQ I., Régulation et réglementation dans les télécommunications, op. cit., pp. 11-18.

582 SIDAK J. G., « The failure of good intentions : the collapse of American telecommunications after six years of

deregulation », in C. Robinson (Ed.), Successes and Failures in Regulating and Deregulating Utilities, Evidence from the UK,

Europe and the USA, Cheltenham, Royaume-Uni, Northampton, États-Unis, Edward Elgar, 2004, p. 10. Cf. Infra.

583 CURIEN N., Économie des réseaux, op. cit., 2005, p. 70 ; Adde GERADIN D., KERF M., Controlling Market Power in

Telecommunications, Antitrust vs Sector-specific Regulation, Oxford, Oxford University Press, 2005, p. 7.

584 CROCQ I., Régulation et réglementation dans les télécommunications, op. cit., pp. 19-32. V., également FLACHER D.,

JENNEQUIN H., Réguler le Secteur des Télécommunications ? Enjeux et perspectives, op. cit., pp. 244-245.

585 FLACHER D., JENNEQUIN H., Réguler le Secteur des Télécommunications ? Enjeux et perspectives, op. cit., p. 249. 586 Ibid., p. 246.

587 CROCQ I., Régulation et réglementation dans les télécommunications, op. cit., pp. 47-48.

588 GERADIN D., KERF M., Controlling Market Power in Telecommunications, Antitrust vs Sector-specific Regulation, op. cit., p.

61.

589 CROCQ I., Régulation et réglementation dans les télécommunications, op. cit., p. 14. 590 Ibid., p. 160.

591 GERADIN D., KERF M., Controlling Market Power in Telecommunications, Antitrust vs Sector-specific Regulation, op. cit.,

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tégrés fournissant les trois types de services592, ce qui renforce la concurrence.

Par ailleurs, on constate une convergence entre les réseaux fixes et les réseaux mobiles, puisque ces derniers sont de plus en plus capables de prendre en charge des fonctionnalités jus- qu’ici uniquement accessibles par le biais de l’accès à internet via le réseau fixe593. Cela permet

bien sûr de développer la concurrence par les infrastructures.

Enfin, on constate une convergence entre les réseaux de communications électroniques et les réseaux électriques, puisque ceux-ci peuvent de plus en plus être utilisés pour acheminer des communications électroniques594. Cette solution technique serait susceptible de développer la

concurrence par les infrastructures, même si cette technologie n’en est aujourd’hui qu’à ses balbu- tiements595.

206. En somme, l’hypothèse du monopole naturel n’est plus pertinente pour la théorie de l’économie des réseaux, notamment grâce au développement technologique qui permet désormais de le contourner par de nombreux moyens. Ce développement technologique se conjugue par ailleurs à l’effet de club dont l’effet est pro-concurrentiel.

ii. L’effet pro-concurrentiel de l’effet de club

207. L’effet de club, en ce qu’il stimule l’agrandissement du club tant du point de vue de l’offre que du point de vue de la demande, est considéré comme ayant un effet pro-concurrentiel entraî- nant une concurrence auto-entretenue par un effet boule de neige596.

Cela implique alors de distinguer deux phases principales d’ouverture à la concurrence dans les industries de réseau, selon la masse critique qu’a atteint le marché. Dans un premier temps, le marché est trop petit et l’effet de club n’est pas activé, et les incitations concurrentielles sont donc faibles. Dans un second temps, au contraire, c'est-à-dire dès que le marché est arrivé à maturité, l’effet de club va jouer automatiquement pour entraîner une croissance auto- entretenue597. La réglementation doit alors accompagner l’évolution de ce marché en augmentant

progressivement sa maturité jusqu’à que la concurrence puisse produire cet effet.

208. En définitive, il résulte de l’ensemble des éléments qui précèdent que le monopole naturel n’est plus une hypothèse pertinente pour l’économie des réseaux en ce qui concerne les commu-

592 FLACHER D., JENNEQUIN H., Réguler le Secteur des Télécommunications ? Enjeux et perspectives, op. cit., pp. 246-249 ;

Adde GERADIN D., KERF M., Controlling Market Power in Telecommunications, Antitrust vs Sector-specific Regulation, op. cit.,

pp. 60-61.

593 NIHOUL P., RODFORD P., EU Electronic Communications Law. Competition and Regulation in the European Telecom-

munications Market, Oxford, Oxford University Press, 2004, p. 45.

594 SABLIERE P., « Électricité et communications électroniques », AJDA, 2006, pp. 1196-1200. 595 Ibid., pp. 1200-1202.

596 CURIEN N., Économie des réseaux, op. cit., pp. 9-14. 597 Ibid., pp. 24-25.

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nications électroniques. C’est également le cas, quoique soutenir cette hypothèse soit beaucoup plus difficile, concernant le secteur électrique.

b. La remise en cause du monopole naturel dans l’électricité

209. Dans le secteur de l’électricité, l’impact du développement technologique est moindre que dans le secteur des communications électroniques. Il faut ici distinguer la couche des services de la couche du réseau.

Du point de vue des services, il semble acquis que le développement technologique, par la multiplication des procédés de production, a renforcé les possibilités de mettre en place une con- currence dans le domaine de la production598.

Du point de vue du réseau, cependant, la situation est beaucoup plus complexe et la théo- rie de l’économie des réseaux semble parfois admettre l’existence d’un monopole naturel, parfois au contraire considérer que le monopole naturel va également disparaître599. L’économie des ré-

seaux semble en somme assez mal à l’aise concernant sa propre capacité à servir de cadre d’analyse au secteur électrique.

210. Pour conclure, du point de vue positif, la théorie de l’économie des réseaux apparaît cons- truite sur un ensemble d’hypothèses opposées à celles de l’économie du bien-être. Celles-ci lui permettent, du point de vue normatif, de proposer l’ouverture à la concurrence des industries de réseaux selon un schéma allant de la régulation dite ex ante à la régulation dite ex post.

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