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La réception de l’hypothèse du passage de la régulation ex ante à la régulation ex post

Section II. La portée doctrinale de la transcription de l’économie des réseaux en droit de la régulation

A. La réception de l’économie des réseaux par l’Autorité de la concurrence 438 Dans son action, l’ARCEP doit collaborer avec d’autres autorités administratives indé-

1. La réception de l’hypothèse du passage de la régulation ex ante à la régulation ex post

439. L’Autorité de la concurrence adopte en premier lieu l’hypothèse du passage de la régula- tion ex ante à la régulation ex post. Celle-ci, particulièrement affirmée, a d’abord été posée par l’intermédiaire de son pouvoir consultatif général1117 (a) puis a été reprise lors de l’exercice de son

pouvoir d’avis dans le cadre de la procédure d’analyse des marchés pertinents ex ante1118 (b).

Cette réception s’explique très simplement. En effet, le modèle de l’économie des réseaux ayant pour conséquence in fine d’accroître les pouvoirs de l’autorité de concurrence en lui transfé- rant les compétences des autorités de régulation sectorielle, il apparaît logique que l’autorité de concurrence exprime une préférence pour cette théorie économique qui lui est favorable.

a. Une réception affirmée lors de l’exercice du pouvoir consultatif général 440. Le Conseil de la concurrence a, de la façon la plus nette, utilisé son pouvoir consultatif général afin d’élaborer une doctrine en tous points conforme à la théorie de l’économie des ré- seaux. En effet, non seulement l’hypothèse du passage de la régulation ex ante à la régulation ex

1115 CPCE, article D.301.

1116 Il existe cependant un avis du 30 septembre 2003 où le CSA fait utilisation de la notion de régulation ex ante. V.,

en faisant état, ARCEP, Décision n° 06-0160 précitée, p. 17, selon laquelle le CSA considère que « la question d’une

régulation ex ante du segment de la diffusion des radios publiques en mode FM devrait être posée, afin de favoriser l’ouverture à la concur- rence et de permettre une baisse des coûts supportés par [Radio France] ». Il est cependant difficile de démontrer quoique ce soit

à partir de ce seul exemple.

1117 C. Com, article L. 462-1. Il s’agit ici de son « rôle consultatif général en matière de concurrence ». V., VOGEL L., Droit

français de la concurrence, Paris, LawLex, « JuriScience », 2006, p. 24.

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post est affirmée (i), mais cette hypothèse est par ailleurs considérée comme valable pour tous les

secteurs régulés (ii).

i. La doctrine du caractère transitoire de la régulation ex ante

441. Tout d’abord, dans un avis relatif à un projet de lignes directrices s’agissant de l’homologation des tarifs de France Télécom rendu en 2001, le Conseil de la concurrence a fait pour la première fois utilisation du concept d’obligation ex ante et a considéré qu’un jour « la régu-

lation tarifaire elle-même, hors service universel, (…) pourra être abandonnée, le droit de la concurrence suffisant à assurer le fonctionnement normal du marché » 1119.

442. Ensuite, dans un avis de 2003, relatif à une demande d’avis par les autorités ministérielles concernant le projet de loi relatif aux communications électroniques ayant pour objet de transpo- ser le « paquet réglementaire » de 2002, le Conseil de la concurrence a montré toute l’étendue de sa réception du modèle de l’économie des réseaux1120. Il considéra ainsi que le nouveau cadre régle-

mentaire devait prendre en compte le rapprochement du droit sectoriel et du droit de la concur- rence, qui constitue la « seconde étape du processus d'ouverture à la concurrence du secteur des communications

électroniques »1121. La « régulation ex ante » fut par ailleurs qualifiée de « régime transitoire »1122, et le Con-

seil à cette occasion « se félicit[a] que le caractère transitoire du régime dérogatoire de régulation ex ante soit

explicitement affirmé »1123. Dès lors, au final, les règles du droit de la concurrence sont considérées

comme « amenées à réguler à elles seules le libre jeu du marché »1124.

443. Enfin, plus récemment encore, saisi par le ministre de l’économie d’une disposition de la loi relative à la modernisation de l’économie destinée à encourager le développement de la fibre optique, le Conseil a rappelé qu’il a « toujours considéré que le développement de cette concurrence par les

infrastructures était nécessaire pour réduire progressivement le champ de la régulation sectorielle, notamment ex- ante, au profit d’une seule régulation ex-post par les règles du droit commun de la concurrence »1125.

444. En somme, L’Autorité de la concurrence reprend donc sans nuance le modèle de l’économie des réseaux s’agissant de la disparition de la régulation sectorielle à son profit. En

1119 Avis n° 01-A-17 du Conseil de la concurrence du 6 novembre 2001 relatif à un projet de lignes directrices con-

cernant l’homologation des tarifs de téléphonie fixe de France Télécom, p. 15.

1120 Avis n° 03-A-07 du Conseil de la concurrence du 21 mai 2003 relatif à une demande d'avis du ministre de la

culture et de la communication et de la ministre déléguée à l'industrie concernant un projet de loi relatif aux commu- nications électroniques.

1121 Ibid., § 5. 1122 Ibid., § 8. 1123 Ibid., § 29. 1124 Ibid., § 5.

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outre, le Conseil n’a pas hésité dans le passé pas à adopter l’hypothèse selon laquelle la théorie de l’économie des réseaux est applicable pour tous les secteurs régulés.

ii. L’applicabilité de ce schéma à l’ensemble des secteurs régulés 445. De façon plus audacieuse encore, le Conseil de la concurrence, dans son avis de 2003, n’hésite pas à suivre la logique de l’économie des réseaux lorsqu’il affirme que le « dispositif retenu

par le législateur pour accompagner cette seconde étape du processus d'ouverture à la concurrence du secteur des communications électroniques aura, sur ce plan, valeur d'exemple pour les autres secteurs autrefois exploités par des monopoles, tels que ceux de l'énergie ou des postes, dont la première phase de libéralisation est actuellement en cours »1126. Le Conseil de la concurrence adopte donc l’hypothèse que tous les secteurs d’industries

de réseau seront également ouverts à la concurrence par le biais de la logique mise en place par la théorie de l’économie des réseaux.

Or, la reprise de cette hypothèse démontre bien l’étendue de la réception par l’Autorité de la concurrence du modèle de la théorie de l’économie des réseaux, dans la mesure où celle-ci est sans doute l’hypothèse la plus audacieuse de cette théorie économique. Cette réception est encore confirmée et affinée à l’occasion de la procédure d’analyse des marchés pertinents ex ante.

b. Une réception confirmée à l’occasion de la procédure d’analyse de la pertinence ex ante des marchés

446. Le Conseil de la concurrence a confirmé sa doctrine élaborée précédemment à l’occasion des procédures d’analyse des marchés pertinents ex ante, à la fois lorsque le marché en question est considéré comme relevant de la régulation sectorielle (i) et, de manière plus significative en- core, lorsque le marché fait l’objet d’une dérégulation ex ante (ii).

i. La réaffirmation de la doctrine à l’occasion de la qualification de la pertinence ex ante d’un marché

447. Par un avis donné à l’occasion de la qualification ex ante du marché de la terminaison d’appel vocal, considéré comme fondateur de sa doctrine1127, le Conseil de la concurrence a, ren-

voyant à son avis de 20031128, considéré que le « rapprochement entre droit sectoriel et droit de la concur-

rence constitue une nouvelle étape dans un processus dont l’objectif de long terme doit rester la suppression de toute

1126 Cons. Conc., Avis n° 03-A-07 précité, § 5. 1127 Cons. Conc., Avis n° 06-A-21 précité, § 1. 1128 Cons. Conc., Avis n° 03-A-07 précité.

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régulation ex ante »1129. Le nouveau paquet réglementaire de 2002 est alors considéré comme ou-

vrant une « période intermédiaire » pendant laquelle la « régulation ex ante » est réservée au cas où le droit de la concurrence en lui-même ne serait pas assez efficace1130.

448. L’hypothèse du passage de la régulation ex ante à la régulation ex post a ensuite été réaffir- mée à de très nombreuses reprises, par exemple lors de l’analyse du marché de gros de la termi- naison d’appel SMS sur les réseaux mobiles1131, de la terminaison d’appel sur les réseaux mobiles

de certaines sociétés Outre-mer1132, de la terminaison d’appel vocal sur les réseaux mobiles1133, etc.

De ce point de vue, l’analyse des marchés des liaisons louées est particulièrement révélatrice de la transcription de l’économie des réseaux puisque le passage de la régulation sectorielle au droit commun de la concurrence est fondé sur l’émergence d’une concurrence par les infrastruc- tures1134.

1129 Avis n° 04-A-17 du Conseil de la concurrence du 14 octobre 2004 relatif à une demande d’avis présentée par

l’Autorité de Régulation des Télécommunications en application de l’article L. 37-1 du code des postes et communi- cations électroniques, § 5.

1130 Ibid., § 63. Réalisant une étude complémentaire à celle de l’autorité de régulation s’agissant de la pertinence ex ante

du marché de la terminaison d’appel vocal vers les mobiles, le Conseil de la concurrence considéra, s’agissant de l’incapacité du droit de la concurrence à remédier seul aux problèmes concurrentiels présents sur le marché, qu’en raison des caractéristiques structurelles de celui-ci, et le temps que le marché puisse trouver une solution efficace pour contourner la facilité essentielle en cause, les « outils de la régulation ex ante peuvent efficacement compléter, pour la gestion

de cette phase, ceux de la régulation ex post ».

1131 Avis n° 06-A-05 du Conseil de la concurrence du 10 mars 2006 relatif à une demande d’avis de l’Autorité de

régulation des communications électroniques et des Postes en application de l’article L. 37-1 du code des postes et communications électroniques, portant sur l’analyse des marchés de gros de la terminaison d’appel SMS sur les ré- seaux mobiles, § 26. Dans cette affaire, le Conseil de la concurrence qualifie les marchés susceptibles de faire l’objet d’une régulation ex ante de marchés « régulables », en réaffirmant par ailleurs que « la régulation ex ante relève, en effet, du

régime de l’exception par rapport au droit commun du droit de la concurrence et doit être limitée à ce qui est strictement nécessaire ».

1132 Avis n° 06-A-11 du Conseil de la concurrence du 20 juin 2006 relatif à une demande d’avis de l’Autorité de régu-

lation des télécommunications en application de l’article L. 37-1 du code des postes et communications électro- niques, portant sur l’analyse des marchés de gros de la terminaison d’appel sur les réseaux mobiles des sociétés Ou- tremer Télécom et Saint Martin & Saint Barthélemy Tel Cell dans la zone Antilles Guyane, §6. Dans cette affaire, le Conseil de la concurrence a pu réaffirmer son adoption du modèle de l’économie des réseaux en soulignant le fait que « l’une des principales particularités du cadre normatif mis en place par les directives de 2002, par rapport au cadre précédent, réside

dans son caractère à la fois non automatique et adapté aux circonstances du marché et à leur évolution, non seulement en ce qui concerne les obligations imposées aux opérateurs mais aussi en ce qui concerne le principe même d’une régulation ex ante sur ce marché ».

1133 Avis n° 07-A-05 du Conseil de la concurrence du 19 juin 2007 relatif à une demande d’avis de l’Autorité de régu-

lation des communications électroniques et des postes (ARCEP) dans le cadre de la procédure d’analyse du marché de gros de la terminaison d’appel vocal sur les réseaux mobiles, §4. Dans cette affaire, le Conseil de la concurrence trouva une nouvelle occasion de réaffirmer son attachement au modèle de l’économie des réseaux. Le Conseil préco- nise en effet « une réflexion stratégique sur les enjeux concurrentiels du secteur, les objectifs poursuivis et sur l’articulation entre le droit

commun de la concurrence et le droit sectoriel » qui « doit progressivement s’effacer au profit du premier ».

1134 Cons. Conc., Avis n° 06-A-10 précité. Ainsi, le Conseil de la concurrence va estimer, conformément à l’opinion

de l’ARCEP (§82), que « seule une concurrence suffisante entre les infrastructures peut permettre, à terme, de garantir l’exercice d’une

concurrence effective, la réglementation ex ante ayant pour objet, à titre transitoire, de permettre la concurrence entre les services et la liberté de choix de l’acheteur mais également de favoriser les investissements de développement des infrastructures concurrentes de celles de l’opérateur historique » (§83).

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ii. Les avis rendus à l’occasion de la dérégulation ex ante d’un marché 449. S’agissant de l’hypothèse du passage de la régulation ex ante à la régulation ex post, les avis intervenant à l’occasion de la dérégulation ex ante de certains marchés sont bien entendu particu- lièrement significatifs. Ainsi, dans son avis sur la décision relative à la dérégulation ex ante du mar- ché des offres de gros d’accès large bande livrées au niveau national, le Conseil de la concurrence, constatant qu’il s’agissait là de la première fois que l’autorité de régulation comptait lever la régu- lation ex ante d’un marché, a estimé que « ce projet de décision élaboré par l’ARCEP confirme ainsi dans

son principe le caractère particulier et transitoire de la régulation dans le secteur des communications électroniques instituée par le nouveau cadre communautaire de 2002 »1135.

450. En définitive, il résulte des éléments qui précèdent que l’Autorité de la concurrence adopte sans réserve l’hypothèse selon laquelle la régulation est une fonction provisoire destinée à disparaître à son profit, réalisant ainsi une parfaite adoption de l’économie des réseaux. Par ail- leurs, elle consacre une autre hypothèse fondamentale de l’économie des réseaux concernant les objectifs et les méthodes des régulations ex ante et ex post.

2. La réception des hypothèses relatives à la distinction des régulations ex ante et ex

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