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La logique juridique de l’ouverture à la concurrence du secteur électrique par la jurisprudence

Section II. La transcription progressive de l’économie des réseaux en droit de la régu lation

A. La logique juridique de l’ouverture à la concurrence du secteur électrique 301 L’ouverture à la concurrence du secteur électrique, quoique plus tardive que celle des

1. La logique juridique de l’ouverture à la concurrence du secteur électrique par la jurisprudence

302. Sans doute parce que l’ouverture à la concurrence était plus complexe dans l’électricité qu’en matière de communications électroniques, c’est d’abord sur le fondement des principes de

810 LAROUCHE P., « Contrôle ex ante et ex post. Possibilités et contraintes en droit national, à la lumière de

l’expérience néerlandaise », in M.-A. Frison-Roche (dir.), Les engagements dans les systèmes de régulation, « Thèmes et commentaires », Paris, Presses de Sciences Po/Dalloz, 2006, p. 95.

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libre circulation (a), puis seulement ensuite sur le fondement du droit de la concurrence (b), que la jurisprudence a impulsé l’ouverture à la concurrence de ce secteur.

a. L’application des libertés de circulation

303. Les différentes libertés du droit communautaire ont été mobilisées afin d’œuvrer à l’ouverture à la concurrence du secteur électrique. C’est notamment le cas de la liberté de circula- tion des marchandises et de la liberté de circulation des capitaux.

304. En premier lieu, en matière électrique, l’ouverture à la concurrence a d’abord consisté à faire échec aux monopoles d’importation et d’exportation existants dont disposaient les grandes entreprises nationales811.

Dans le fameux arrêt Commune d’Almelo du 27 avril 1994, la Cour a qualifié, alors que la question était contestée et que les États-membres faisaient valoir qu’il s’agissait d’un service, l’électricité de marchandise812, confirmant une solution qui avait déjà été posée implicitement

dans l’arrêt Costa contre Enel de 1964813. Dès lors, c’est sur la base de l’obligation d’aménagement

des monopoles nationaux, liée à la qualification de marchandise, que le droit communautaire a cherché à remettre en cause les monopoles d’importation et d’exportation.

Dans l’arrêt Commune d’Almelo, la Cour avait considéré que ce principe était applicable, mais avait accepté une dérogation fondée sur l’ancien article 86§2, à condition que le développe- ment des échanges ne soit pas affecté dans une mesure contraire à l’intérêt de la communauté814.

Ainsi, si les monopoles n’ont pas été remis en cause à cette occasion, c’était seulement par déro- gation sur le fondement du SIEG. Cependant, l’applicabilité même de ces principes démontrait que le changement de logique par rapport aux systèmes précédents était en toute hypothèse acté. 305. En second lieu, le principe de libre circulation des capitaux a également été utilisé afin d’ouvrir à la concurrence le secteur énergétique. Ce fut notamment le cas par la condamnation des actions spécifiques existant dans le secteur de l’énergie, pour lesquelles la Cour a estimé que, s’il était possible de prévoir par exception des dispositifs limitant la liberté de circulation des capi- taux dans le but d’intérêt général d’approvisionnement en électricité, ceux-ci devaient néanmoins

811 ISIDORO C., L’ouverture du marché de l’électricité à la concurrence communautaire et sa mise en œuvre (Allemagne, France, Italie,

Royaume-Uni), op. cit., p. 141.

812 Arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 27 avril 1994, Commune d'Almelo et autres contre NV

Energiebedrijf Ijsselmij, C-393/92, § 28.

813 Arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 15 juillet 1964, Flaminio Costa contre E.N.E.L, C-

6/64. La Cour a en effet accepté d’apprécier le respect des dispositions du traité relatives à l’élimination des restric- tions quantitatives aux échanges, admettant ainsi implicitement que l’électricité pouvait être qualifiée de marchandise.

V., également Arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 30 avril 1974, Giuseppe Sacchi, C-155/73.

814 Arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 23 octobre 1997, Commission des Communautés euro-

péennes contre Royaume des Pays-Bas, République italienne, République française et Royaume d’Espagne, Affaire jointes C-157/94,

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être objectifs, transparents, nécessaires et proportionnés815.

Néanmoins, la nécessité de sauvegarder la structure concurrentielle du marché n’est pas un intérêt général suffisant permettant de déroger à la liberté de circulation des capitaux816. Le

principe de libre circulation, s’il peut accompagner l’ouverture à la concurrence, n’est cependant pas construit comme un instrument exclusivement à son service. Il a ainsi été récemment fait application de ce principe en matière d’électricité par la censure d’une réglementation italienne visant à éviter que des établissements publics européens, et notamment français, ne s’emparent du capital des sociétés énergétiques italiennes817.

306. Les premiers jalons de l’ouverture à la concurrence du secteur électrique résultent donc de l’application des principes de liberté. Ce raisonnement a par ailleurs été renforcé par l’application des principes du droit de la concurrence.

b. L’application du droit de la concurrence

307. Dans le secteur de l’électricité, l’application des règles du droit de la concurrence dérive de la jurisprudence (i) mais ces dernières n’ont pas conduit à l’ouverture complète à la concurrence dans la mesure où les monopoles ont été justifiés sur le fondement du SIEG (ii).

i. L’application du droit de la concurrence au secteur électrique

308. Face aux difficultés pour ouvrir les marchés électriques nationaux au début des années 1900, c’est d’abord la Commission européenne qui a poussé à l’application du droit de la concur- rence en cette matière. Ainsi, saisie d’une plainte contre les monopoles d’importation et d’exportation, la Commission avait sanctionné dans une décision Ijsselcentrale du 16 janvier 1991 ce qu’elle considérait comme une entente non justifiable sur le fondement du SIEG818.

L’application du droit de la concurrence à ces industries avait ensuite été confirmée par le Tribu- nal de première instance dans une décision Rendo du 18 novembre 1992819.

Dans un second temps, la Cour de justice a également admis l’application du droit de la concurrence à l’électricité. Elle a ainsi considéré dans l’arrêt Commune d’Almelo qu’il était de juris-

815 Arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 4 juin 2002, Commission des Communautés européennes

contre Royaume du Portugal, C-367/98 ; Adde Arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes, Commission des Communautés européennes contre Royaume de Belgique du 4 juin 2002, C-503/99 ; Adde Arrêt de la Cour de justice des

Communautés européennes du 4 juin 2002, Commission contre République française, C-483/99.

816 CJCE, Commission des Communautés européennes contre Royaume du Portugal, C-367/98, précité, § 52.

817 Arrêt de la Cour de justice des communautés européenne du 2 juin 2005, Commission des Communautés européennes

contre République italienne, C-174/04.

818 Décision 91/50/CEE de la Commission, du 16 janvier 1991, relative à une procédure d'application de l'article 85

du traité CEE [IV/32.732 - IJsselcentrale (IJC) et autres].

819 Arrêt du Tribunal de première instance (première chambre) du 18 novembre 1992, Rendo NV, Centraal Overijsselse

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prudence constante que le comportement d’une entreprise publique devait être apprécié au regard des règles du droit de la concurrence820. Cependant, cela n’a pas conduit à l’ouverture à la concur-

rence du secteur car il a été considéré, dans le même temps, que les monopoles en question étaient justifiés sur le fondement du SIEG.

ii. La dérogation du service d’intérêt économique général

309. En effet, s’il a été prévu dans l’arrêt Commune d’Almelo l’application du droit de la concur- rence à l’électricité, il a été accepté, dans le même temps, la possibilité d’y déroger sur le fonde- ment du service d’intérêt économique général821.

Ainsi, si la Cour a décidé d’appliquer les règles de la concurrence au secteur électrique, elle a cependant admis dans le même temps des dérogations fondées sur l’intérêt général. Cette ou- verture à la concurrence limitée démontre bien que la logique initiale de l’ouverture à la concur- rence des industries de réseau est de nature juridique et non de nature économique.

310. En somme, il résulte de l’ensemble des éléments qui précèdent que la libéralisation du secteur électrique trouve son origine dans l’application du système juridique communautaire par la jurisprudence, qui a conduit à une ouverture à la concurrence limitée du secteur. Le constat est le même concernant le droit dérivé, qui est cependant allé plus loin dans la libéralisation.

2. La logique juridique de l’ouverture à la concurrence du secteur électrique par le

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