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B. LA FEMME LIBANAISE ET LA GUERRE

3. La femme libanaise : entre lois des hommes et lois de Dieu

3.2. Le féminin en religion : de l’énigme au refus

3.2.3. La religion au pouvoir : le refus du féminin ?

« Ces idées religieuses, qui professent d'être des dogmes, ne sont pas le résidu de

l'expérience ou le résultat final de la réflexion : elles sont des illusions, la réalisation des désirs les plus anciens, les plus forts, les plus pressants de l’humanité ; le secret de leur force est la force de ces désirs. Nous le savons déjà : l'impression terrifiante de la détresse infantile avait éveillé le besoin d'être protégé - protégé en étant aimé - besoin auquel le père a satisfait ; la reconnaissance du fait que cette détresse dure toute la vie a fait que l'homme s'est cramponné à un père, à un père cette fois plus puissant. »258

Quand Freud évoque un « refus du féminin » ou une « protestation virile » chez l'homme, ce n’est qu’en référence à une « rébellion contre sa position passive ou féminine à

l'égard d'un autre homme »259 . Le refus du féminin s'inscrit alors dans un registre uniquement référé à l'angoisse de castration (« En d'autres termes, la « protestation virile » n'est autre

qu'angoisse de castration. »260). Cette dimension de crainte de passivité vis-à-vis de l'objet homosexuel et d'identification à un être châtré n'est pas inexacte, mais elle ne tient compte que d’une logique phallocentrique.

J. Schaeffer propose d'entendre le « féminin » à un niveau plus archaïque, comme étant d'abord ce qui détermine la capacité d'ouverture du Moi à la poussée constante de la pulsion, et ce dans les deux sexes. Le caractère « effractant » de la pulsion, même s'il est également «

nourricier », provoque une « angoisse de féminin ». Autrement dit l’angoisse du féminin

258

Freud, S. (1927), L'avenir d'une illusion, opcit.

259

Freud S. (1937), « L'analyse avec fin et l'analyse sans fin », in Résultats, Idées, Problèmes II, Paris, PUF, 1985, p.266

260

renvoie à « l'angoisse de pénétration du Moi et du corps par un étranger. »261. Angoisse d'être envahi par ce qui entre, que les limites soient abolies, mais il est paradoxalement nécessaire d’être traversé par cette énergie nourricière. Face à cette angoisse, le Moi doit accomplir un difficile « travail du féminin », qui s'étaye sur une organisation anale suffisamment souple : « Ce travail du Moi, dit-elle, exige de sa structure anale qu'elle mette

en œuvre sa fonction d'ouverture (démission du fantasme de tout contrôler). »262

Mais la qualification de « féminin » est, à ce niveau archaïque, plutôt une métaphore. Elle ne peut être employée qu'à partir de l'élaboration de la différence des sexes, lors de la phase phallique. Le refus du féminin serait alors, pour la fille et le garçon, une phase de surinvestissement narcissique du pénis qui constitue « un des moyens de dégagement de

l'imago prégénitale et de l'emprise maternelle »263, dégagement qui s'était amorcé lors des phases précédentes, orale et anale. Les couples organisateurs de la psycho sexualité passent progressivement du couple incorporation/rejet (oral), à celui d'actif/passif (anal) puis à celui de phallique/châtré. En somme, l’ « angoisse de féminin » équivalente à l’angoisse d'être pénétré, a pour prototype la relation du Moi et de la pulsion. Elle sera par la suite retravaillée par les fantasmes oraux, anaux et phalliques qui lui feront prendre des formes diverses. Toutes ces étapes du développement psychosexuel et les fantasmes qui en découlent seront réactivés à l'adolescence. Processus, lors duquel s'ajoutent la véritable découverte du sexe féminin, le vagin, et la possibilité de réalisation sexuelle. (Nous reviendrons sur ces apports dans la troisième partie de la thèse).

J. Schaeffer, met ainsi d'une part l’accent sur la résonnance archaïque de l'angoisse de féminin dans ses liens avec l'objet maternel, et considère d’autre part, qu'au niveau de l'organisation phallique, ce dont se défend l'homme est non seulement « l'identification au

féminin = châtré, mais également l'angoisse de pénétrer la femme selon la motricité de la poussée constante. »264Ou dit autrement, le complexe de castration « n'est plus seulement

l'angoisse de perdre le pénis, ou de ne pas l'avoir. Il se traduit pour le garçon par : comment

261

Schaeffer J., Le refus du féminin, PUF, Paris, 2013, p.65.

262

Ibid., p.67.

263

Schaeffer J., « Peur et conquête du féminin à l’adolescence dans les deux sexes », Adolescence, 2007, T.25, 2, p.263.

264

utiliser ce pénis dans la sexualité ? »265

Le « refus du féminin » chez l'homme est donc celui de son propre rapport à la passivité, dans la lignée des fantasmes fusionnels et homosexuels, celui des identifications à la mère, mais également celui des représentations attachées à l’objet maternel et érotique. Les hommes ont peur des femmes donc, et c'est cette peur qui les pousse à vouloir les dominer.

J. Schaeffer différencie le « refus du féminin, roc dépassable, qui cède et va vers l’ouverture,

celle qui est nécessaire à la pénétration et à la jouissance sexuelle, et un “refus du féminin”, roc indépassable, qui ne négocie pas, fermeture coûte que coûte au pulsionnel et à l’étranger, et qui conduit à la frigidité dans les deux sexes. » Selon elle, « plus le moi admet de pulsion sexuelle en son sein, plus il est riche, et mieux il vit ». C’est donc l’ouverture pulsionnelle à

l’autre étranger qui permettra à ce roc d’être dépassable et à rencontrer le féminin en soi et donc à être plus « riche », à vivre « mieux » et donc à être plus libre. La division confessionnelle qui s’est accentuée depuis la guerre civile, semble correspondre à ce roc indépassable qui se ferme à l’étranger.