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B. LA FEMME LIBANAISE ET LA GUERRE

2. La femme et la guerre

2.1. L’identité féminine en guerre : entre sexe et pouvoir

2.1.2. La différence entre les sexes : pouvoir et domination masculine

« Le genre ne laisse pas la psychanalyse tranquille, même si elle peut ne rien avoir envie de faire avec lui. Il trouble, ne laissant pas tranquille le sexe et le sexuel, sexuel comme politique, mais le sexe échappant toujours de n'être qu'un instant du sexuel, tout comme le genre »214

Selon V. Bourseul (2015)215, le genre traduit quelque chose du sexe et de l'écart entre l'anatomie et le psychique, le génital et le social, l'assignation et l'affirmation et le sexe. Le genre illustre les processus de constructions sociales et culturelles à son origine. Ainsi le

214

Bourseul, V., « Anatomie et destin du « genre » chez Freud et quelques contemporains », in l'évolution psychiatrique V. 80 n°2, 2015, p. 249

215

genre ne ferait que reprendre la place « entre » occupée par ces constructions sociales. Le genre n’est pas un nouvel énoncé pour désigner des femmes, des hommes, du masculin, du féminin, ou pour parler de différence des sexes, mais il est à concevoir comme une famille d’analyse qui coupe avec les façons communes de pensée, le système dichotomique hiérarchisé entre les sexes et les valeurs et représentations qui leur correspondent.

La division entre le masculin et le féminin engendre des tensions et des paradoxes.

La question de la différence sexuelle a pendant longtemps, été étudiée selon catégories aristotéliciennes de l'acte et de la puissance. Comprenant le sexe selon la forme et la matière mais surtout selon le couple actif/passif qui a amené à impliquer la supériorité de l'homme sur la femme. Selon les études du genre, la différence des sexes demeure la résultante d’une norme, d’un Ordre, qui s’établie à travers l’enfance et la dyade du couple parental père, mère.

La différence entre les deux sexes est idéologiquement traduite dans un langage binaire et hiérarchisé. Selon F. Héritier (1996), « On ne voit toujours qu'un seul des deux pôles est

valorisé, et chose troublante, est souvent valorisé l’aspect considéré moralement comme négatif et a contrario dévalorisé l’aspect positif d’une paire d’oppositions. Par exemple, tous les hommes en société disent préférer la paix à la guerre, mais, néanmoins, partout il est mieux vu pour un homme d’être valeureux au combat que « femmelette ». La valorisation d’un pôle négatif rend compte d’un rapport de force. Ce qui est moralement le meilleur pour être socialement décrié ou de peu de statut» 216

Selon F. Heritier, la légitimisation de l’ordre social par le mythe et son incarnation dans la prééminence du masculin, s’origine dans une violence originelle faite aux femmes. Néanmoins, elle ajoute-, «toutes les sociétés n’ont pas élaboré de mythologies à proprement

parler pour fonder la domination masculine, lui donner sens. Mais toutes ont un discours idéologique, un corps de pensée symbolique qui a cette même fonction de justifier la suprématie de l’homme aux yeux de tous les membres de la société, à ceux des femmes comme à ceux des hommes, car les uns et les autres participent par définition de la même idéologie, inculquée dés l’enfance »217

216

Héritier F., Masculin/féminin, Tome I, La pensée de la différence, Odile Jacob, 1996, p.206

217

En effet, le concept du rapport social entre les sexes s’est développé à partir de 1980 en lien avec celui de la division sexuelle et du travail. L’essentiel de ses recherches est de mettre l’accent sur les dimensions matérielles de l’oppression, sans pour autant négliger les dimensions symboliques. Selon F.Héritier, les représentations les plus traditionnelles de la différence des sexes trouvent leur fondement dans la procréation : le mâle féconde la femelle qui porte et accouche. Or, être mère ou père s’articulera différemment à la construction du masculin et du féminin selon chaque organisation sociale et selon chaque époque. Ainsi nous pouvons dire avec F. Heritier que « le mythe déclare explicitement que toute culture, toute

société est fondée sur l’inégalité sexuelle et que cette inégalité est une violence. Ce repérage est fondamental dans cette thèse en ce qu'il permettra une définition de la dynamique culturelle du féminin et aussi une mise en perspective des tournants anthropologiques de la problématique de la domination masculine. »218 ( Nous reviendrons tout au long de ce chapitre sur l’appoet de F. Heritier)

Selon M.Ferrand (2004)219, l’évolution des inégalités sexuées ne s’étudie pas de la même façon suivant les sphères de la société où elles s’expriment. Cette évolution différentielle pose la question de l’articulation entre rapport de sexe et d’autres rapports sociaux, particulièrement de classe.

Par ailleurs, dans Le Monde des femmes. Inégalité des sexes, inégalité des sociétés, (Jacques Véron,1997) J. Véron, examine la place spécifique des femmes dans chaque société afin de mettre en avant les dynamiques démographiques, économiques et sociales en jeu. En approchant la question des inégalités sociales entre les hommes et les femmes, et la façon dont ces inégalités sont produites et reproduites, J. Véron propse l’hypothèse selon laquelle l’égalité ou « l’absence de la discrimination est une composante fondamentale du bien être

des femmes dans une société »220.

Pour conclure, à travers les théories du genre et l’étude sur les inégalités de la différence des sexes nous sommes amenés à penser que la guerre civile libanaise- régression de la culture au dogme religieux et au meurtre justifié- remet en avant l’inégalité des sexes.

218

Ibid, p. 218

219

Ferrand, M., Féminin, Masculin, Paris, La Découverte, 2004

220

Véron, J., Le Monde des femmes. Inégalité des sexes, inégalité des sociétés. L’épreuve des faits, Paris, Seuil, 1997, P.53

La guerre a des effets indéniables sur les rôles sexués. La guerre prend un visage purement masculin, et elle maintient son pouvoir, sa domination sur la femme libanaise. Celle-ci peinera à sortir du dictat du patriarcat. C’est comme si, au Liban, la question du genre ne pouvait même pas se poser, tellement le pouvoir est abusif et tant dans ce contexte « L’anatomie c’est le destin ! ».