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Chapitre 7 : Conception de l’ingénierie

7.1. Présentation des principes de conception retenus

7.1.2. Le recours à la théorie de l’innovation technologique et aux méthodes de

[Millier P., 2005] nous apprend que la caractéristique commune de la majorité des projets d’innovation technologique est un certain « foisonnement » traduisant un développement parfois chaotique, pour ne pas dire anarchique, afin de tenter de répondre à tous les besoins. Face à cette possible situation « foisonnante », l’auteur nous prévient de plusieurs égarements à éviter :

- développer un objet technique au lieu d’un produit, point de rencontre entre une possibilité technique et une demande solvable de la part des clients ;

- croire qu’en face de cet objet très performant il y a un gros marché homogène, existant, quantifiable, sûr et le chercher ;

En pareille situation, il suggère alors de :

- laisser le projet commencer à foisonner et explorer systématiquement le plus grand nombre de voies pour élargir le champ de ses possibilités et permettre d’avoir le choix entre plusieurs pistes, des plus accessibles aux plus éloignées ;

- donner une représentation exhaustive du marché potentiellement accessible en en faisant la segmentation puis, hiérarchiser les segments en fonction de la plus ou moins grande facilité à y accéder ;

- se focaliser sur un à trois segments marché seulement en consacrant tous ses efforts de développement à ces segments sans jamais lâcher prise.

Selon l’auteur, cette phase de foisonnement a beau être turbulente et chaotique, l’observation montre qu’elle est nécessaire au succès des projets. L’opération de focalisation sur un segment doit impérativement être menée en collaboration avec un partenaire qui est, la plupart du temps, un client. Cette opération de co-développement permet de se faire guider vers la solution la plus adaptée.

Ces arguments nous semblent rejoindre les spécificités de la compétition par l’innovation des entreprises mis en évidence par [Le Masson P. et al, 2006], à savoir : une compétition en situation d’incertitude sur l’identité des objets, menée en contrôlant rigoureusement les ressources consacrées à l’innovation. Selon ces auteurs, ces deux tendances, combinées, poussent les entreprises à inventer de nouvelles formes d’organisation de leurs « capacités d’innovation », et en particulier de toutes leurs activités de conception (recherche, développement, ingénierie, marketing, design, stratégie, communication, etc.). S’ils reconnaissent qu’il n’y a pas encore de voie établie qu’il suffirait de suivre, il souligne néanmoins qu’il est possible de dégager les conditions qu’un tel modèle d’action doit remplir :

Cahier des charges firme innovante

La perspective ouverte par les activités de conception

Modèle d’activité et de raisonnement

Un modèle d’activité sans stabilisation de l’identité des produits (flexibilité sur les produits et les compétences)

La firme comme fonction de conception = expansion des connaissances, co-évolution des compétences et des produits

Objets à gérer

Structurer des capacités d’innovation sans se fonder sur des métiers ou des performances

Capacité à générer des objets nouveaux pour supporter la conception collective = lignées et rentes

d’apprentissage

Logique de performance

Croissance par l’innovation répétée, dans un contexte d’identité des objets instables (pas des coups isolés)

Croissance prudentielle par réutilisation de la

connaissance produite en excès, sans stabilisation de l’identité des objets

Formes d’organisation Toute la firme, sans se

limiter au cadre du projet

Métabolisme (anneaux avec cœur conceptuel)

Tab 25. Cahier des charges pour la gestion des capacités d’innovation [Le Masson P. et al, 2006]

Ce cahier des charges nous apparaît assez proche de nos préoccupations dans notre cadre opératoire, très fortement contraint par l’absence de formulation claire des besoins et son caractère innovant pour une profession n’ayant pas ou très peu de connaissances en matière de technologies de l’information géographique ainsi que sur les phénomènes naturels et leurs modélisations. [Le Masson P. et al, 2006] proposent un cadre méthodologique pour la conception innovante. Son principe fondamental consiste à séparer deux espaces :

- l’espace des concepts C est celui des « points de départ » de tous les concepteurs. Un concept ne représente pas une réalité mais un potentiel d’expansion. Travailler sur un « concept » consiste précisément à suspendre le jugement et à spécifier ce concept en

lui ajoutant des attributs. Un concept est validé à l’aide de connaissances existantes ou créées à cette occasion ;

- l’espace des connaissances K contient les propositions validées : techniques, commerciales, sociales, réglementaires, etc. Toutes les connaissances nouvelles produites par les techniques de tests, d’essais, de mesure consistent à rajouter des propositions dans l’espace des connaissances.

La conception consiste à spécifier progressivement un concept de C en lui ajoutant des propriétés issues de K (éventuellement en produisant des connaissances nouvelles). Il y a donc un ensemble d’aller et retour entre l’espace C et l’espace K. Le processus est illustré par la figure ci-dessous :

Fig 114. Schéma de synthèse sur le processus C-K [Le Masson P. et al, 2006]

Les auteurs soulignent que ce modèle de conception est fondamentalement collectif et appellent espace de conception un espace de travail dans lequel les apprentissages nécessaires au raisonnement de conception sont possibles. L’espace de « pilotage de la valeur » est l’espace qui initie les espaces de conception et qui en synthétise les apprentissages. Les relations entre espace de conception et pilotage de la valeur sont modélisées par des opérateurs de désignation, pour la constitution de l’espace de conception, et d’extraction, pour l’intégration des apprentissages de l’espace de conception dans le raisonnement d’ensemble. A noter enfin que les espaces de conception peuvent être reliés à un pilotage de la valeur des partenaires. Ces différentes notions permettent de représenter le processus d’exploration d’un champ d’innovation selon le schéma ci-dessous :

Fig 115. Pilotage de la valeur et espaces de conception [Le Masson P. et al, 2006]

Cette théorie nous paraît très pertinente pour formaliser le processus de conception mis en œuvre. Celui-ci est présenté dans la prochaine section.

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