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Chapitre 7 : Conception de l’ingénierie

7.3. Synthèse des connaissances mobilisées

7.3.1. Issues des sciences géographiques

L’importance du nombre actuel de spécialistes de la géographie des risques, ne serait-ce qu’en France, est à l’image de l’importante contribution de cette discipline à leur gestion. Le risque est devenu un objet géographique, avec pour preuve l’inclusion de son apprentissage dans les classes du secondaire.

Originellement focalisée sur les processus naturels, les aléas, les géographes ont progressivement investi les questions sociales relatives, par exemple, à la perception, la représentation ou encore à la vulnérabilité face aux risques naturels. En tant que question sociale, le risque relève forcément de la géographie, qui s’intéresse aux rapports spatiaux et à leurs traductions spatiales [Veyret Y. et al, 2004].

Nous avons vu dans la deuxième partie de ce document que les outils de modélisation des risques comportent généralement quatre modules : aléa, enjeux, vulnérabilité, risque. La principale difficulté résidant dans l’appréciation de la vulnérabilité des enjeux, nous choisissons de nous focaliser dans cette section sur quelques éléments de méthode issus des sciences géographiques pour la connaissance de la vulnérabilité des enjeux et des territoires, vu ici, de manière assez réductrice, comme des portefeuilles d’enjeux publics et privés spatialement distribués.

Les différentes approches dont fait état la littérature peuvent être classées de la manière suivante :

Fig 120. L’importance du choix de l’approche, adapté de [Meyer V., 2001] et [Reese S., 2003]

Le collectif du programme de recherche européen FLOODsite précise les différentes caractéristiques de ces approches dans un guide pour l’évaluation des dommages dus aux inondations.

Tab 27. Caractéristiques des différentes approches [FLOODsite, 2007]

Ce guide, ayant pour objectif d’être très pratique, ne met pas en valeur les travaux de recherche récents sur la vulnérabilité des enjeux, essentiellement appréciée à l’aide de fonctions de dommage, dont nous avons déjà évoqué certaines limites auparavant. Même si ces derniers ne permettent pas encore de donner une définition précise à ce concept, il nous semble important d’en évoquer quelques uns permettant de dégager la spécificité de la démarche géographique, en soulignant l'originalité de ses outils conceptuels et méthodologiques, notamment en termes d'analyse spatiale.

Nous ne pouvons ici faire état de tous les travaux dont nous avons pu avoir connaissance que ce soit dans l’abondante littérature, dans le cadre de groupes de travail tel que celui du SIGMA Cassini sur les risques ou de colloques, très nombreux sur le sujet, avec une mention spéciale aux trois premières rencontres « Géographes et assureurs face aux risques naturels » organisés par la MAIF, la MRN et, par ordre chronologique, les universités de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, Montpellier III et Paris Diderot, proposant des contributions de bon nombre de laboratoires de recherche travaillant sur le sujet (GESTER, C3ED, DEPAM, PRODIG, GEOSYSCOM, EDYTEM, etc.).

En conséquence, nous avons choisi de présenter d’abord quelques notions théoriques sur le concept, mettant en évidence la nécessité d’une approche pluridisciplinaire, puis de faire état de quelques travaux dont nous avons pu nous inspirer dans le cadre de notre recherche, pour leur caractère pratique mobilisant les technologies de l’information géographique.

 Présentation de quelques travaux théoriques

[Reghezza M., 2008] présente une analyse de la vulnérabilité qui permet d'intégrer les différentes acceptions de la notion dans une seule grille de lecture : le risque est résolument pluridisciplinaire.

Fig 121. La naissance d’un concept polysémique [Reghezza M., 2006]

Selon elle, l’ambiguïté du concept ne fait que refléter l’éclatement des sciences et le cloisonnement des communautés scientifiques. Ces dernières ont manifestement bien compris l’intérêt de se mobiliser conjointement sur le sujet, offrant ainsi, dans un ouvrage collectif à l’initiative des Nations Unies par exemple, un recueil des différentes méthodes d’évaluation de la vulnérabilité pratiquées par quarante universitaires et praticiens internationaux [Birkmann J., 2008]. Nous y retrouvons de multiples formes de vulnérabilité, également décrites par [Leone F. et Vinet F., 2006], à l’intersection de plusieurs dimensions et/ou sphères d’analyse :

Fig 123. Les sphères du concept de vulnérabilité [Birkmann J., 2005]

A cette vision plutôt statique de la vulnérabilité, il nous semble également intéressant de tenir compte de la vision dynamique proposée par [Pigeon P., 2005 et 2008]. Celui-ci défend l’intérêt d’une géographie qui utilise l’analyse systémique, moyen d’approcher la complexité, et l’incertitude. A partir de cas d’étude en France et au Sri Lanka, il montre que la géographie permet de comprendre ce que cachent les enjeux institutionnels, et pourquoi les politiques visant à gérer les risques produisent autant d’effets inattendus et révèlent les vulnérabilités cachées.

Fig 124. Les effets non désirés de la gestion des inondations révèlent la vulnérabilité cachée à Scionzier, et la complexité [Pigeon P., 2008]

En démontrant que l’efficacité totale de gestion du risque est un leurre, il nous entraîne sur la question de l’acceptabilité du risque qui est essentiellement une question politique. Comme le montre le schéma ci-dessus, toute mesure de gestion à des répercussions plus ou moins positive et l’évaluation de son efficacité relève plus de l’évaluation de la capacité des politiques à s’adapter rapidement.

Sur ce registre d’évaluation des politiques de gestion des risques naturels, et plus particulièrement des politiques de prévention, [Laganier R., 2006] invite dans un ouvrage collectif à se poser la question de l’inscription du risque dans un espace de controverse constitué de choix collectifs et partagés. L’évaluation de la pertinence et de la performance de la politique réglementaire [Hubert G. et Pottier N., 2006], notamment celle des Plans de prévention des risques (PPR), devient alors un enjeu pour les parties prenantes du système de gestion dans son ensemble afin d’allouer au mieux les ressources budgétaires disponibles [Scarwell H.-J., 2008].

Le SIG est alors un précieux outil pour réduire les facteurs d’incertitude, en contribuant à leur quantification partielle, notamment pour estimer les futurs dommages et mettre en place des plans de gestion de crise. Mais comme l’indiquent pratiquement tous les auteurs, il persiste un sérieux problème de disponibilité des approches, en raison notamment de la difficulté d’acquisition de certaines données. A ce titre, [Leone F. et Vinet F., 2006] ont réalisé un méticuleux travail de classification des différentes approches d’évaluation de la vulnérabilité aux menaces naturelles selon leur niveau de disponibilités :

- disponibilité opérationnelle : approches bien rôdées, méthodes standardisées, reproductibles ;

- disponibilité sub-opérationnelle : approches non standardisées, protocole méthodologique reproductible ;

- disponibilité non opérationnelle : approches en cours de développement/recherche ;

- pas de disponibilité.

Dans le cadre de nos travaux, nous avons été amenés à adapter les méthodes s’inscrivant dans les deux premiers cas de figure.

 Présentation de quelques travaux mobilisant l’outil SIG

Il faut s’interroger sur le caractère opératoire des approches choisies et des méthodes qui leur sont associées. A l’échelle macro ou méso (exemple : [ARMONIA, 2007]), l’approche la plus répandue consiste à distribuer des données socio-économiques par unité administrative à l’aide d’un mode d’occupation du sol, puis à estimer la part en zone d’aléa proportionnellement à la superficie concerné [Thieken A. H. et al, 2006]. C’est la méthode retenue par l’Institut français pour l’environnement [IFEN, 2008].

A plus grande échelle, ou à l’échelle micro selon le schéma introduit précédemment, [Payraudeau S. et al., 2008] propose la hiérarchie suivante pour l’appréciation de la vulnérabilité des logements.

Fig 125. Comparaison des méthodes d’évaluation [Payraudeau et al., 2008]

L’approche de type B est illustrée sur la figure ci-dessous :

Fig 126. Evaluation des logements exposés à une crue centennale [Paraydeau S. et al, 2008]

L’approche de type C permet de dépasser les limites de cette dernière, ne permettant pas de distinguer les logements situés à l’étage, donc moins vulnérables. Cependant, elle nécessite une enquête de terrain.

Fig 127. Typologie de l’habitat dans le Val nantais selon le degré de vulnérabilité [Jousseaume V. et Mercier D., 2008]

L’approche de type D met en évidence les parentés possibles de problématiques avec la sociologie ou l’économie. Pour l’illustrer nous prenons l’exemple des travaux de [Beck E. et Glatron S., 2008] sur la vulnérabilité socio-spatiale aux risques majeurs (industriels et sismiques) dans la région de Mulhouse. La réalisation d’enquêtes sur la perception et la représentation du risque des individus permettent de construire un indice de vulnérabilité :

Fig 128. Indice de vulnérabilité au risque sismique [Beck E. et Glatron S., 2008]

La vulnérabilité des activités économiques aux risques naturels a fait l’objet de moins de travaux de la part des géographes ou géomaticiens, à l’exception peut être de [Mengual P., 2005] sur la vulnérabilité des PME-PMI aux inondations et [Gleize J.-F., 2005] sur la vulnérabilité des réseaux de transport parisien. Les entreprises, pour des raisons stratégiques évidentes, sont peu enclines à mettre à disposition des informations sensibles pouvant les desservir. Les approches disponibles, très nombreuses, relèvent plus de l’ingénierie du risque, selon de nombreux courants théoriques, du risk management [Véret C. et Mékouar R., 2005], ou de la micro-économie.

Le manque d’information en la matière constitue une sérieuse difficulté pour les approches (socio)-économiques que nous allons évoquer maintenant.

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