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La reconnaissance de la titularité du droit d’auteur aux personnes physiques

102. – Une convergence dictée par la vision classique du droit d’auteur. L’approche traditionnelle française du droit d’auteur à laquelle a adhéré le Sénégal est éminemment personnaliste. Dans cette conception dite également humaniste, l’activité créatrice reste l’apanage de la personne humaine dotée d’une intelligence et d’une sensibilité : des aptitudes qu’ignorent les entités comme la société ou l’association357. De même, la

créés par un ou plusieurs employés dans l'exercice de leurs fonctions ou d'après les instructions de leur employeur sont dévolus à l'employeur qui est seul habilité à les exercer ». Ce renversement de tendance par rapport au droit commun de la propriété littéraire et artistique n’est pas applicable aux bases de données.

165 définition de l’originalité entendue comme la marque de la personnalité de l’auteur conforte la place de la personne physique au cœur de la protection du droit d’auteur.

Dans cette perspective, la création originale est, d’après les mots de Jean Mesnard « l’œuvre dans laquelle s’exprime le moi authentique et profond du créateur »358. Nous conviendrons alors qu’une œuvre de l’esprit ne jouit de la protection du droit d’auteur que parce qu’elle reflète l’empreinte même faible de la personnalité d’une personne physique, qui a pu, à travers elle, extérioriser son savoir faire, ses passions, ses sensations ou son être. C’est d’ailleurs cette subjectivité qui fait que le public qui reçoit l’œuvre ressent son propre écho. Aussi, rappelons-le, le droit au respect de son nom, de sa qualité et de son œuvre, qui constitue une prérogative d’ordre moral reconnu aux créateurs personnes physiques, n’est transmissible à cause de mort qu’à leurs héritiers. Il s’agit d’une situation qui n’est envisageable que pour les personnes physiques seules aptes à avoir des héritiers à la survenance de leur décès. L’exercice même des attributs moraux qui s’attachent au droit d’auteur est en réalité inconciliable avec la personne morale ; ce qui rend impossible l’attribution de tels privilèges à cette catégorie de personnes. En France, la loi de 1957 a été grandement inspirée par une doctrine et une jurisprudence empreintes d’une idéologie humaniste du droit d’auteur. Ce texte qui traduit le mieux la conception française du droit d’auteur se particularise par la place centrale qui est donnée à l’individu créateur dans son système de protection. Il limite ainsi la qualité d’auteur aux seules personnes physiques. A la lumière de son article premier359, la qualité d’auteur est acquise dès l’instant de la création ; étant donné que l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit de cette œuvre, du seul fait de sa création d’un droit de propriété incorporel. Dans la même dynamique, la création est admise indépendamment de toute divulgation publique

358 Il s’agit d’une intervention que le Professeur Jean Mesnard a eu à faire lors d’une séance publique annuelle consacrée par les cinq Académies qui forment l’institut de France à un sujet commun : l’originalité. Elle s’est tenue suite à la parution de l’ouvrage de M Laligant sur le critère du droit d’auteur le 26 octobre 1999.

359 Aux termes de l’alinéa 1er de l’article 1er de la loi n°57-298 du 11 mars 1957 sur la propriété littéraire et artistique, « L'auteur d'une œuvre de l'esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous » ; JORF 14 mars 1957 rectificatif JORF 19 avril 1957 en vigueur le 11 mars 1958. Le texte a été abrogé par la loi n°92-597 du 1 juillet 1992 - art. 5 (V) JORF 3 juillet 1992.

166 de l’œuvre, comme le prévoit l’article 7 de la même loi360. Elle résulte du seul fait de la réalisation même inachevée de la conception de l’auteur.

Ces principes, qui confortent la titularité initiale de la personne physique concernant le droit d’auteur, figurent aujourd’hui en premières lignes dans la loi sénégalaise de 2008 sur le droit d’auteur et les droits voisins361. Ils trouvent également leurs sièges aux articles L111-1 et L111-2 du CPI qui les intègrent dans le droit de la propriété intellectuelle en vigueur en France.

Comme nous venons de le préciser, en France et au Sénégal, la question de la titularité des droits sur la base de données obéit au droit commun de la propriété littéraire et artistique. Le constat est en effet conforté par l’absence de dispositions spécifiques concernant ces nouvelles formes de création. Par conséquent, le titulaire des droits ne peut être que celui qui créée l’œuvre base de données, celui qui exprime sa personnalité à travers elle ; étant accepté que c’est de la création que naît le droit de l’auteur sur la base de données et que l’auteur ne peut logiquement être qu’une personne physique. Telle est la solution conforme à la conception personnaliste du droit d’auteur de tradition français. Toutefois, force est de constater que les bases de données obéissent à une réalité concrète bien particulière. S’il reste une possibilité envisageable qu’une base de données soit l’œuvre d’une personne physique isolée, sa complexité structurelle suggère que sa création soit le résultat de l’implication de plusieurs personnes physiques. De plus, dans la quasi-totalité des cas, ce sont des organisations ou des entreprises spécialisées dans la fabrication de bases de données, donc des personnes morales, qui prennent l’initiative et mettent à disposition les ressources nécessaires pour réaliser des projets de création de ces outils informationnels. Cette dernière éventualité a été bien prise en compte par la directive européenne sur les bases de données qui admet qu’une personne morale puisse

360 Aux termes de l’article 7 de la loi n°57-298 du 11 mars 1957 sur la propriété littéraire et artistique, « L'œuvre est réputée créée, indépendamment de toute divulgation publique, du seul fait de la réalisation, même inachevée, de la conception de l'auteur » ; JORF 14 mars 1957 rectificatif JORF 19 avril 1957 en vigueur le 11 mars 1958. Le texte a été abrogé par la loi n°92-597 du 1 juillet 1992 - art. 5 (V) JORF 3 juillet 1992.

361 Ces principes ont été successivement consacrés par les articles 1er et 2 de la loi n° 2008-09 du 25 janvier 2008 sur le droit d’auteur et les droits voisins au Sénégal.

167 être titulaire des droits sur une base lorsque la législation de l’État membre concerné l’autorise.

103. – Axes de réflexion. En limitant notre analyse sur cet élément de convergence autour de la titularité initiale des droits d’auteur reconnue aux seules personnes physiques, deux axes de réflexions peuvent être envisagés. La première concerne l’hypothèse de la création de la base de données par une personne physique (paragraphe 1). La seconde porte sur la création de la base de données par plusieurs personnes physiques (paragraphe 2).

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