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La pertinence démontrée du critère classique pour les bases de données

Paragraphe 1 : Le critère classique de la marque de la personnalité de l’auteur maintenu en droit Sénégalais

B. L’adéquation du critère classique au phénomène des bases de données

2. La pertinence démontrée du critère classique pour les bases de données

72. – Le maintien du critère classique de l’originalité toujours justifié. La justification du maintien de la définition classique de l’originalité en droit sénégalais peut, malgré les nombreuses faiblesses qu’elle paraît recéler, être recherchée sous deux angles au moins. Le premier consiste à évaluer sa pertinence par rapport aux fondements et à l’objet du droit d’auteur. Le second repose sur l’analyse de la cohérence du critère de l’originalité par rapport aux prérogatives offertes par la protection du droit d’auteur.

Une réflexion conduite sous le premier angle révèle une adéquation parfaite de la définition de l’originalité donnée par le législateur sénégalais avec la conception personnaliste du droit d’auteur. S’il est possible de prendre en compte la dimension économique centrée sur l’idée de travail à récompenser dans la recherche des fondements du droit d’auteur, la prééminence de l’auteur personne physique n’est plus à contester. Elle se mesure par rapport à l’importance, dans ce système privatif, de l’exigence de respect de la personne humaine. La référence au droit naturel283, avec comme corolaire la consécration d’un droit moral ou de prérogatives exorbitantes du droit commun284, en est une parfaite illustration. Même dans l’arbitrage des intérêts de l’auteur et ceux de la société par exemple, la conception personnaliste du droit d’auteur implique une

283

Antonio Ciampi, « Diritto di autore, diritto naturale » :RIDA 1/1957, p. 3.

284 Il en est ainsi des règles exorbitantes du droit commun instituées pour préserver le consentement de l’auteur d’une œuvre dans les opérations de cessions.

127 hiérarchie favorable, en principe, à l’auteur. Si en droit sénégalais285 l’auteur d’une œuvre de l’esprit, entendu comme la personne physique à l’origine de la création, jouit sur cette œuvre d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous, c’est uniquement du fait de la relation de proximité qui existe entre l’auteur et sa création. L’œuvre est même considérée comme une émanation de la personnalité de l’auteur. Cette qualité induit l’existence d’un lien indéfectible entre l’un et l’autre. Elle contribue par conséquent à renforcer la pertinence du maintien de la définition classique au Sénégal.

L’appréciation de la cohérence du critère classique de l’originalité par rapport aux prérogatives offertes par la protection du droit d’auteur permet également de justifier le maintien de la définition de l’article 7 de la loi de 2008. L’idée d’une incarnation de la personnalité de l’auteur dans son œuvre, admise par la conception personnaliste, découle de la perspective d’un droit moral de l’auteur sur son œuvre. C’est ce principe que le législateur sénégalais a tenu à affirmer en ces termes : « Le droit moral, qui est l’expression du lien entre l’œuvre et son auteur, est attaché à la personne de celui-ci »286. Sous ce rapport, la reconnaissance d’un droit moral doit reposer sur l’acceptation que sa condition d’acquisition soit directement liée à la sauvegarde de la personnalité de l’auteur incarnée dans l’œuvre.

73. – Le rôle limité du juge sénégalais dans l’appréciation de l’originalité d’une base de données. La clarté et la précision du législateur sénégalais dans la rédaction de l’article 7 de la loi sur le droit d’auteur et les droits voisins ne laisse aucune marge pour recourir à d’autres critères même pour la qualification des œuvres de « dernière génération ». Tout autre critère d’appréciation de l’originalité, autre que l’empreinte de la personnalité de l’auteur, s’avère exclu et risquerait une censure de la juridiction suprême. L’apparition de nouveaux types d’œuvres, de la deuxième génération, au rang desquelles figurent les bases de données, n’a eu aucune incidence sur la définition de la notion d’originalité.

285 En ce sens voir une lecture combinée des articles 1er et 12 de la loi n° 2008-09 du 25 janvier 2008 sur le droit d’auteur et les droits voisins au Sénégal.

286 Voir article 27 de la loi n° 2008-09 du 25 janvier 2008 sur le droit d’auteur et les droits voisins au Sénégal.

128 Prenant le contrepied d’une certaine partie de la doctrine française287, le législateur sénégalais, à travers sa démarche, suggère que les efforts d’adaptation doivent être le fait des objets protégés et non du système de protection. La responsabilité du juge sénégalais est alors clairement délimitée lorsqu’il s’agira d’établir si oui ou non une base de données devra être acceptée sous le giron du droit d’auteur. Les magistrats devront en effet se limiter à voir si le « choix ou la disposition des matière » d’une base de données porte la « marque de la personnalité » de son concepteur et se garder de toute tentative d’objectivation du critère d’originalité. La difficulté, à ce niveau, est que beaucoup de base de données risque d’être exclus du champ de la protection du droit d’auteur. D’où, en France, la justification de la recherche d’une conception évolutive de l’originalité.

Paragraphe 2 : La recherche d’une conception évolutive de l’originalité en France 74. – Une originalité objectivée. Contrairement à son homologue sénégalais, le législateur français s’est abstenu de tout confinement de la notion d’originalité dans une quelconque définition formelle. Il a préféré opter pour une démarche offrant plus de flexibilité et permettant d’accueillir plus facilement les œuvres de dernière génération telles que les bases de données. Pour bénéficier ainsi de la protection au titre de la propriété littéraire et artistique, un recueil d’œuvres ou de données diverses doit constituer une « création intellectuelle » à travers le choix ou la disposition des matières qui la composent288. Même s’il est clair que l’originalité d’une base de données s’apprécie au regard du choix ou de la disposition des matières, aucune référence à l’originalité elle même, en tant que notion, n’est dévoilée.

Plusieurs voies sont ainsi laissées à l’appréciation prétorienne et aux interprétations de la doctrine pour saisir la notion d’originalité ; ce qui facilite son adaptation aux bases de

287 Pierre-Yves Gautier, op. cit., p. 512. Des auteurs comme Pierre-Yves Gautier soutiennent en effet qu’à partir du moment où le critère traditionnel est essentiellement d’origine jurisprudentiel on ne voit pas ce qui empêcherait les juges de l’adapter, de modifier les définitions qu’ils ont eux même posées.

129 données. Une analyse des multiples décisions jurisprudentielles à ce sujet a révélé une forte tendance à l’objectivation de l’originalité en France.

Si une telle démarche a permis de faciliter l’acceptation de bases de données dans le giron du droit d’auteur, la cohérence de ce système de protection privative en a connu certains revers, du fait même de l’affadissement du critère d’originalité. L’approche évolutive du droit français quant à la détermination du critère de l’originalité appelle ainsi certaines observations quant à sa pertinence. Elle maintient également l’actualité d’un débat sur la cohérence du critère de protection mis en avant pour les bases de données.

75. – Axes de réflexion. Après une analyse combinée de la pertinence et de la cohérence de la conception évolutive de l’originalité (A), nous nous interrogerons sur les perspectives de la condition d’originalité dans le domaine particulier des bases de données (B).

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