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Paragraphe 1 : La base de données créée par une personne physique

A. Le régime de droit commun appliqué pour la base de données créée par une personne isolée

1. La base de données créée spontanément

108. – L’adaptation des principes généraux. L’application du droit d’auteur aux bases de données ne pose pas de grandes difficultés lorsque l’auteur à identifier n’est qu’une personne physique isolée. La solution découle de l’interprétation de la première règle générale relative à la titularité des droits dans la législation Sénégalaise. « L’auteur d’une œuvre est la personne physique qui l’a créée »362. En application de ce principe, la personne qui crée la base de données est ainsi investie des droits patrimoniaux et moraux sur l’œuvre. Le CPI avait, auparavant, consacré la même solution en s’abstenant de prévoir tout régime dérogatoire sur la question de la titularité ab initio de l’auteur personne physique. Ainsi, en France, la question de la titularité des droits sur la base de données obéit au droit commun de la propriété littéraire et artistique. L’article L. 111-1 du CPI est tout à fait explicite sur le sens à donner quant à la détermination de celui sur la tête de qui échoient les droits sur une base de données créée. Aux termes de ses dispositions, « l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous ». Il en découle sans équivoque que c’est de la création que naît le droit de l’auteur sur l’œuvre base de données. En d’autres termes, le titulaire des droits est celui-là seul qui créée la base dont l’originalité s’exprime à travers le choix ou la disposition des matières.

362 La formule empruntée est celle de l’article 12 de la loi sénégalaise n° 2008-09 du 25 janvier 2018 sur le droit d’auteur et les droits voisins.

169 Etant entendu qu’il s’agit, pour les bases de données, d’appliquer le droit commun du droit d’auteur pour ce qui est de la titularité, il n’est pas superflu de relever la position de la jurisprudence française. Celle-ci avait retenu la solution dans son principe concernant la question de la titularité des droits d’auteur concernant une émission de télévision363. Après avoir analysé avec précision le rôle joué par le prétendant à la qualité d’auteur dans l'élaboration de l'œuvre litigieuse, les juges avaient ainsi mis l’accent sur l'absence d'apport personnel et original du réalisateur pour conclure qu’il n'avait pas concouru à la création intellectuelle de l'œuvre et à lui refuser par voie de conséquence cette qualité. Lorsqu’une œuvre base de données prend forme, les juges ne rechercheront que la personne physique dont la personnalité s’est exprimée dans ce recueil pour en identifier l’auteur initial.

Des solutions jurisprudentielles analogues traitant de l’origine de l’apport intellectuel mais mettant en cause d’autres œuvres que les bases de données, peuvent révéler certains enseignements. Les juges français ont déjà eu à, par exemple, la qualité d’auteur à celui qui s’était limité à donner l’idée ou à fournir le thème en matière picturale ou au client d’un architecte qui a fait part de ses désirs et de ses goûts à travers des esquisses sommaires gratuitement établies par un ami364. Dans la même optique, les juges ont aussi refusé de reconnaître la qualité d’auteur à un producteur dont le seul apport a été de fournir des indications globales au véritable auteur de l’œuvre sans concourir directement à la réalisation de celle-ci365.

En France toujours, la proposition consistant à attribuer la qualité d’auteur à celui qui prend l'initiative et la responsabilité de la constitution de la base n’a pas connu de succès. Elle a tout bonnement été écartée dans la perspective de sauvegarder la conception personnaliste du droit d’auteur qui impose la personne physique comme seule apte à incarner la qualité d’auteur. La position du Sénégal, en ce sens, a été de s’arrimer à cette

363 Voir Cass. 1ère Civ., 29 mars 1989, Rutman : RIDA 3/1989, p. 262.

364 Voir notamment Cass. 1ère Civ., 8 novembre 1983 : Bull. civ. I, n° 270 ; TGI Paris, 3ème ch., 21 janvier 1983 : D. 1984, inf. rap. p. 286, observation Colombet ; Comp. Cass. Crim. , 26 janvier 1965 : JCP G 1965, IV, p. 30 ; CA Paris, 4ème ch., 20 novembre 1996 : RIDA 3/1997, p. 321.

170 perspective personnaliste du droit d’auteur, avec comme conséquence de ne retenir que la personne physique comme titulaire ab initio des droits sur l’œuvre.

Le constat est alors qu’il n’existe aucune spécificité par rapport à l’objet de notre réflexion. Le régime applicable à toutes les autres œuvres de l’esprit demeure ainsi transposable aux bases de données dont l’auteur n’est qu’une seule personne physique. Il convient de rappeler cependant, qu’avec la généralisation du numérique et l’essor des bases de données en ligne, l’hypothèse de l’implication d’une personne unique dans la réalisation de l’ouvrage devient de plus en plus rare. Quoiqu’il en soit, il existe un ensemble de principes généraux qui gouvernent la qualité d’auteur et qui du reste constituent des repères fiables. Ainsi, l’auteur d’une base de données est la personne physique qui, à l’issue d’une activité créative individuelle, a réalisé le « choix ou la disposition des matières » constitutive d’une œuvre de l’esprit. En cas de doute sur le titulaire originaire du droit d’auteur, la voie est tracée par l’article 14 de la loi de 2008 qui pose une présomption simple découlant de la divulgation de la base de données. Il en ressort que « la qualité d'auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui sous le nom de qui l'œuvre (base de donnée) est divulguée ».

Le caractère adapté de la solution au phénomène des bases de données peut tout de même susciter certaines interrogations. En plus du producteur de la base de données qui peut être une personne physique ou une personne morale, ces outils informationnels sont très souvent le fait de plusieurs personnes. Il peut ainsi se poser une difficulté majeure dans l’identification de celui là même qui a imprimé dans la base de données sa personnalité.

Une des difficultés sera aussi de déterminer avec certitude l’apport de la personne physique isolé qui prétend être titulaire des droits sur l’œuvre base de données. C’est sens doute cette spécificité des bases de données qui a fait naître l’idée de lui attribuer le même régime que les logiciels. Il n’est pas, en effet, trop dépourvu de sens, au regard de la complexité du phénomène étudié, de vouloir reconnaitre la qualité d’auteur à celui qui prend l'initiative et la responsabilité de la constitution de la base, comme dans le cas de l’œuvre collective reconnue en France. Il est toutefois évident que la consécration d’une telle option manquerait certainement de pertinence et de cohérence, si l’on considère la tradition personnaliste du droit d’auteur français et sénégalais.

171 Si l’on s’intéresse à un autre registre qui concerne tout autant l’implication d’une personne physique unique dans la réalisation de la base, le constat peut être presque analogue. Lorsque la personne physique isolée est ainsi liée par un contrat de commande dans lequel elle s’oblige à créer une base de données, les règles qui gouvernent la titularité des droits d’auteur demeurent également celles du droit commun.

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