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La cohérence du critère du « choix ou à la disposition des matières »

Paragraphe 1 : Le critère classique de la marque de la personnalité de l’auteur maintenu en droit Sénégalais

B. La cohérence du critère du « choix ou à la disposition des matières »

90. – L’adéquation du critère au regard des catégories d’œuvres protégées. Le bien-fondé de l’adhésion des législations française et sénégalaise, comme tant d’autres, au critère du « choix ou à la disposition des matières » peut aussi être recherché par le moyen d’une analyse de sa cohérence. Si le critère énoncé permet de déceler le siège de l’originalité, la question que l’on pourrait se poser est alors de savoir s’il permet de

333 TGI Paris, 30 sept. 1998 : Légipresse 1998, n° 157, I, p. 148.

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CJCE, 4e ch., 6 juill. 2009, aff. C-5/08, Infopaq International A/S c/ Danske Dagblades Forening : A&M 5/2009, p. 521 ; Comm. com. électr. 2009, comm. 97, note C. Caron ; Propr. intell. 2009, p. 379, obs. V.-L. Benabou ; JCP E 2010, 1691, obs. F. Sardain, pts 33 à 37.

335 CJUE, 1er déc. 2011, aff. C-145/10, Painer c/ Axel Springer AG et a. : Comm. com. électr. 2012, comm. 26 ; LEPI févr. 2012, p. 2, C. Bernault ; RLDI janv. 2012, n° 2589, obs. L. Costes.

151 renvoyer à une catégorie d’œuvres acceptée dans le système de la propriété littéraire et artistique.

En mettant l’accent sur le libellé du critère de la protection, la création recherchée dans une base de données peut se manifester de deux manières au moins. L’œuvre peut prendre forme au moment de l’activité de compilation ou de collecte, qui renvoie au choix. Elle peut aussi prendre forme durant l’activité d’arrangement auquel fait référence le terme « disposition ». Rien n’exclut également que l’œuvre protégée soit le résultat du cumul des deux éléments de la clé de la protection ou même de leur combinaison, référence fait au choix dans la disposition336. Mais, l’alternative qui résulte de la conjonction « ou » entre les deux termes du critère permet de noter, avec Philippe Gaudrat, deux types d’œuvres : une « œuvre de sélection ou une œuvre d’organisation »337.

Philippe Gaudrat évoque lui même, à la suite de cette remarque, le caractère révolutionnaire de l’admission de l’œuvre de sélection en droit français. La solution semble heurter en effet les principes traditionnels en vertu desquels le choix n’est pas en soi une activité créatrice et devrait être cantonné dans le champ du droit des marques. Toutefois, dans le domaine des bases de données, nous pensons que le choix auquel se livre le concepteur s’inscrit dans une dimension beaucoup plus complexe. Et c’est au regard de la complexité inhérente au choix des éléments que l’effet de l’acte de sélection devrait pouvoir être éligible à la protection par le droit d’auteur. L’activité de sélection à laquelle se livre le créateur de base de données n’est pas semblable à celle du commerçant338 qui s’est contenté de choisir une marque ou un signe distinctif parmi une multitude de possibilités. Pour permettre à sa base de répondre à la vocation d’œuvre utilitaire, le concepteur est appelé à choisir des données aussi pertinentes qu’importantes

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Sur le choix dans la disposition, V. Nathalie Mallet-Poujol, Commercialisation des banques de données, n° 574, op. cit. n° 20.

337 Philippe Gaudrat, « Loi de transposition de la directive 96/9/CE du 11 mars 1996 sur les bases de données : dispositions relatives au droit d'auteur » : RTD com. 1998, p. 605.

338 Voir André Françon. Cours de propriété littéraire, artistique et industrielle. Collection « Les cours de droit », Litec, Paris, 1999, p. 7. Pour justifier l’exclusion du droit des marques du champ du droit d’auteur, Françon avait notamment donné l’exemple suivant : « Le commerçant qui utilise une marque s’est contenté de choisir une expression ou une image pour distinguer ses produits de ceux d’un concurrent (…)». Il avait conclut en disant que « choisir, ce n’est pas créer, inventer ».

152 par leur nombre. Le choix d’une multitude d’éléments opéré à partir d’un nombre quasi infini de ces mêmes éléments peut favoriser la manifestation de la marque de la personnalité du concepteur de bases. La sélection qui en résulte ne peut être qu’une œuvre protégeable339, il en est ainsi lorsqu’est mis en avant le critère de l’apport intellectuel, comme c’est le cas en droit français. Le raisonnement est identique lorsque l’empreinte de la personnalité de l’auteur de la base devait se manifester dans la disposition de ces mêmes éléments qui forment le contenu du recueil ou que leur arrangement soit le résultat un apport intellectuel.

Si l’œuvre de sélection et l’œuvre de d’organisation ne sont pas expressément citées par les textes français et sénégalais, il n’en demeure pas moins qu’elles puissent être acceptées comme objet de protection. Dans le code de la propriété intellectuelle comme dans la loi n° 2008-09, l’on s’accorde à protéger les droits des auteurs sur toutes les œuvres de l'esprit, quels qu'en soient la forme d’expression, le mérite ou la destination. Le niveau d’ouverture des législations française340 et sénégalaise341 aux « œuvres de sélection » et « aux œuvres d’organisation » se mesure en outre à l’aune du caractère indicatif des listes d’œuvres protégeables qu’elles proposent.

En s’articulant avec des catégories d’œuvres acceptées dans le système de la propriété littéraire et artistique, le critère du « choix ou à la disposition des matières » bénéficie de l’avantage de la cohérence. Cet atout peut contribuer considérablement à justifier la convergence de vue des rédacteurs du CPI et de la loi sur le droit d’auteur au Sénégal sur ce critère de protection des bases de données.

S’il est possible, à l’issue de cette analyse, de conclure à l’existence d’un certain nombre d’avantages en termes de cohérence et de pertinence au profit du critère de protection des bases de données, il faut aussi entrevoir une analyse de ces faiblesses.

339 Philippe Gaudrat, « Loi de transposition de la directive 96/9/CE du 11 mars 1996 sur les bases de données : dispositions relatives au droit d'auteur », Op.cit.

340

Cf. article L. 112-2 du CPI français.

153 Paragraphe 2 : Les limites affectant le critère du « choix ou à la disposition des

matières »

91. – Les limites identifiées. Le critère du « choix ou de la disposition des matières » ne présente pas que des avantages pouvant justifier l’adhésion des législateurs sénégalais et français notamment. Des revers inhérents à la clé de la protection des bases de données peuvent également être identifiés à certains égards. A cet effet, il convient, dans un premier temps, de voir les limites liées à l’opérationnalité du critère (A). Dans un second temps l’accent est mis sur les limites liées à son articulation avec le concept même de base de données (B).

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