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Le rationnement par les quantités : un niveau de couverture limité

4.4.1 Dé…nition

Les contrats sont également soumis à un rationnement par les quantités. Le terme de quan- tité est compris ici comme l’étendue du risque. Un rationnement par les quantités signi…e que tout le risque n’est pas couvert. Les prestations proposées ne couvrent alors qu’une partie du sinistre et non son intégralité. Cette couverture partielle peut s’expliquer par des problèmes d’assurabilité du risque intertemporel (chapitre 3). Les individus seraient donc désireux d’ache- ter des contrats proposant des niveaux de couverture11 plus élevés, pour un même taux de chargement. Cependant, de tels contrats ne sont pas proposés. Le concept de rationnement par les quantités implique que si des niveaux de couverture plus élevés étaient proposés pour un même taux de chargement, ces contrats seraient préférés par les individus. Le concept de rationnement par les quantités peut se comprendre de deux façons. Toute augmentation du prix de l’assurance au delà du prix actuariel va contracter la demande. Un prix prohibitif va donc nécessairement réduire la quantité demandée. Cependant, Brown et Finkelstein réservent le terme de "rationnement par les quantités" pour les situations où les individus souhaitent souscrire des garanties plus étendues et où ils ne le peuvent pas car elles ne sont pas proposées par le marché. Le contrat en rente, tel qu’il est majoritairement proposé sur le marché français est un bel exemple de rationnement par les quantités. Brown et Finkelstein montrent à ce titre

1 1Ici, le terme de niveau de couverture du risque correspond au terme anglais de "comprehensiveness of in-

surance". Ce concept renvoie à la part du risque couvert par le contrat d’assurance. Nous parlerons aussi de générosité du contrat d’assurance qui renvoie à une traduction plus littérale de "comprehensiveness" mais qui est plus facile d’emploi. Dans notre étude, les termes de générosité du contrat d’assurance et de niveau de couverture du contrat d’assurance sont donc synonymes.

que le contrat standard souscrit par un individu âgé de 65 ans et conservé jusqu’à sa mort ne couvre qu’un tiers de l’espérance actualisée de ses dépenses de dépendance.

4.4.2 Modélisation

Le niveau de couverture d’un contrat mesure la part espérée des soins long terme couverte par le contrat. Il est donc représenté comme le ratio entre la valeur espérée actualisée des indemnités et la valeur espérée actualisée des dépenses de soins. Pour un contrat simple, c’est à dire sans franchise et avec une période d’indemnité illimitée, la formule du niveau de couverture est dé…nie par la formule 4.3.

niveau de couverture = T P t=0 5 P s=1 0 B @Qt;sminfXt;s;Bt;sg t Q j=0 (1+ij) 1 C A T P t=0 5 P s=1 0 B @Qt;s Xt;s t Q j=0 (1+ij) 1 C A (4.3) 4.4.3 Résultats

Les auteurs montrent que le contrat type souscrit par un individu âgé de 65 ans et détenu jusqu’au décès de l’assuré couvrira près d’un tiers (34%) de la valeur espérée actualisée des dépenses de soins. Cette couverture limitée est due principalement à la présence du plafond journalier des indemnités …xé à 100$ nominaux. Si le montant nominal n’évolue pas dans les 20 prochaines années, l’assurance ne couvrira plus qu’un tiers du coût e¤ectif d’une journée dans un établissement de soins. Si on enlève le plafond quotidien de remboursement, on estime que le niveau de couverture du risque augmentera de deux tiers. En revanche, si on élimine à la fois la franchise et la période maximum d’indemnisation tout en conservant le plafond quotidien de 100$ le niveau de couverture du risque n’augmentera que de la moitié.

Brown et Finkelstein s’interèssent à ce phénomène de rationnement par les quantités en examinant les niveaux de couverture ainsi que les taux de chargement pour un individu âgé

de 65 ans et ceci pour huit contrats d’assurance dépendance largement répandus sur le marché américain. Une simple description du marché américain montre que les contrats qui couvrent plus de 90% de l’espérance actualisée des dépenses de soins sont proposés sur le marché. De plus, les taux de chargement n’augmentent pas systématiquement avec le niveau de couverture du contrat proposé. En particulier, les taux de chargement ne sont pas systématiquement plus hauts pour les contrats qui proposent une prestation croissante par rapport aux contrats qui proposent une prestation nominale constante. Et ce, même si les contrats qui proposent des prestations croissantes tendent à proposer des niveaux de couverture deux fois plus élevés. L’absence d’une structure systématique dans le classement des taux de chargement par niveau de couverture est cohérent avec le fait qu’on n’observe pas de di¤érences systématiques dans le recours aux soins entre les individus qui achètent des contrats avec di¤érents niveaux de couverture (Finkelstein & Garry 2006).

Le fait que des contrats proposant des couvertures presque complètes sont disponibles pour des taux de chargement qui sont comparables aux contrats qui couvrent le moins et qui sont les plus couramment achetés va à l’encontre de l’hypothèse d’un rationnement par les quantités sur ce marché. Il est probable que les taux de chargement élevés limitent davantage la demande pour des niveaux de couverture plus élevés. Si c’était le cas, nous devrions voir les femmes acheter davantage des contrats proposant des niveaux de couverture élevés que les hommes. Les données disponibles suggèrent au contraire que les femmes souscrivent des contrats moins généreux que les hommes.

Il existe cependant une forme di¤érente de rationnement par les quantités qui existe bel et bien sur ce marché. En e¤et, les individus en mauvaise santé se voient souvent refuser l’accès à un contrat d’assurance, du moins par les compagnies les plus importantes (Murtaugh, Kemper & Spillman 1995) (WeissRating 2002). La pratique qui consiste à refuser des assurés, plutôt que de leur proposer un prix plus élevé est manifeste. Elle est d’autant plus surprenante lorsque l’on sait que le marché n’est pas encadré par une régulation par les prix qui elle pourrait empêcher les compagnies d’assurance d’appliquer des tarifs di¤érents. Il est curieux de constater que même en l’absence de réglementation, les compagnies d’assurance préfèrent refuser un client plutôt que d’augmenter le prix du contrat. Cette pratique n’est pas propre au marché de l’assurance dépendance et renvoie à des comportements de réputation ou d’image de marque. Cette pratique

peut également renvoyer à des défaillances de marché telles que les asymétries d’information qui sont davantage un problème pour les personnes apparement en mauvaise santé. Cependant, ce type de rationnement par les quantités n’est probablement pas un facteur explicatif majeur de la faible taille du marché. Nous estimons que seulement près de 15% des individus âgés de 60 à 70 ans au sein de l’échantillon HRS 2000 se verraint refuser un contrat d’assurance s’ils en faisaient la demande.

4.4.4 Une explication su¢ sante ?

Nous observons également que les compagnies qui o¤rent des niveaux de prestation plus élevés à taux de chargement égal, ne sont pas davantage souscrites. Les contrats proposant les niveaux d’indemnités les plus faibles couvrent 90% du marché. Cela nous laisse penser que le rationnement par les quantités n’apparaît pas comme un problème signi…catif sur le marché de l’assurance dépendance.

Mettre ces résultats en relation avec le chapitre sur Cutler. Certes il y a bien un problème d’assurabilité du marché mais ce ne serait pas la raison principale qui ferait que les individus ne s’assurent pas puisqu’on voit que lorsque la couverture est plus étendue, ils ne souscrivent pas davantage.