• Aucun résultat trouvé

Cette première partie descriptive nous a permis de montrer que la dépendance était bien un risque et non une étape de la vie. L’assurance a donc vocation à s’appliquer pour …nancer sa prise en charge. Les éléments chi¤rés que nous avons pu évoquer nous ont également permis de comprendre dans quelle mesure il existait une "énigme de l’assurance dépendance". La dépendance représente bien un risque …nancier conséquent susceptible de se produire pour une majorité des personnes âgées. Il est même susceptible se faire de plus en plus pressant dans les prochaines décennies en raison des évolutions démographiques.

Les revenus des individus âgés sont la plupart du temps insu¢ sants pour faire face à ces dé- penses de prise en charge. Le complément apporté par l’aide publique est également incomplet. A noter également qu’elle défavorise les classes moyennes. Face à ce besoin de …nancement, le marché de l’assurance existe mais il peine à se développer. Fait troublant, alors que la prise de conscience du risque a fortement augmenté depuis 200315 le marché de l’assurance dépen-

dance connaît un ralentissement de sa croissance annuelle. C’est à cette énigme que nous allons maintenant tenter de résoudre en nous intéressant successivement à l’o¤re, à la demande et aux asymétries d’information susceptibles de perturber l’équilibre de marché.

la maladie d’Alzheimer, aux campagnes publicitaires des assureurs, au développement d’associations et de site internet sur la question. Pour un aperçu de l’évolution de l’opinion sur la prise de conscience du risque voir (CSA 2006).

Deuxième partie

Les déterminants de l’o¤re

d’assurance dépendance

Chapitre 3

Le marché peut-il assurer

l’intégralité du risque dépendance ?

"The contribution of the many to the misfortunes of the few." Devise du Lloyd’s

3.1

Introduction

A…n de mieux comprendre pourquoi le marché de l’assurance dépendance n’est pas davan- tage développé, il convient de s’intéresser dans un premier temps à l’o¤re. Plusieurs facteurs sont susceptibles de peser sur l’o¤re d’assurance :

– les modalités de la prise en charge publique ; – le degré de concurrence entre les acteurs ; – l’assurabilité du risque.

Dans notre étude nous priviligierons le troisième type d’explication. Avant d’aller plus avant dans l’étude de l’o¤re, il s’agit en premier lieu de se demander si le risque considéré est bien assurable par le marché. Pour que le marché assure un risque, la loi des grands nombres doit s’appliquer. Les événements doivent donc être indépendants, la probabilité doit être connue et le coût du sinistre également. Dans ces conditions, l’assureur peut tarifer un contrat d’as- surance. Dans le cas contraire, la compagnie d’assurance sera confrontée à des problèmes de

solvabilité1. Le risque dépendance présente cependant une particularité : il est un risque long. Tout comme le risque maladie, il comprend deux composantes imbriquées l’une dans l’autre : le risque …nancier que représente le fait de tomber en situation de dépendance mais également le risque de reclassi…cation (Geo¤ard 2000). Un risque long est donc un risque qui contient un risque de reclassi…cation. Le risque de reclassi…cation peut se comprendre comme le risque de devenir un mauvais risque ou plus généralement de changer de type de risque.

De…nition 1 Le risque de reclassi…cation est le risque de variation des conditions dans les- quelles les assurés souscrivent un contrat d’assurance en seconde période conditionnellement à la réalisation de l’état de la nature de première période. (Bardey 2002).

Un risque long peut donc se dé…nir comme un risque où la probabilité de sinistre mais également le coût de sinistre évoluent fortement dans le temps. L’assureur doit alors se couvrir à la fois contre une probabilité mais également contre la variation de cette probabilité. Le risque dépendance est encore plus caractéristique des risques longs que le risque santé. En e¤et la probabilité d’être dépendant à 50 ans est plus faible que la probabilité de tomber malade au même âge alors que la probabilité de devenir dépendant à 85 ans est très élevée. En réalité, le risque dépendance peut se décomposer en trois types de risque :

1. la probabilité de devenir dépendant ; 2. la durée en dépendance ;

3. le coût de cette dépendance.

Comme la dépendance est un risque long, couvrir la dépendance nécessite également de maîtriser l’évolution dans le temps de ces 3 risques. Le risque dépendance comprend donc :

– une risque d’évolution dans le temps de la probabilité de devenir dépendant ; – un risque d’évolution dans le temps de la durée moyenne de dépendance ; – un risque d’évolution dans le temps du coût de prise en charge.

Les trois risques qui composent le risque dépendance sont donc a¤ectés par le risque de reclassi…cation. Par ailleurs, le risque d’occurence et de durée en dépendance peuvent se dé- composer en deux types de risque :

1

– le risque individuel. L’individu peut avoir une information cachée sur son niveau de santé qui se révèle au …l du temps. Un individu peut donc changer de catégorie de risque. – la probabilité moyenne de devenir dépendant ou la durée moyenne peut augmenter en

raison de l’allongement de l’espérance de vie.

Le risque d’évolution dans le temps du coût de sinistre dépend également de deux phéno- mènes :

– l’évolution de la durée moyenne de dépendance ; – l’évolution du coût unitaire moyen de prise en charge.

Les deux premiers types de risque dépendent des évolutions démographiques et du traitement de certaines pathologies invalidantes. Le troisième risque que l’on peut appeler le risque de coût ou de dérive des coûts est lui plus complexe. Il est intimement lié au contexte réglementaire et social qui encadre la prise en charge. L’assurabilité du risque …nancier de la dépendance dépend donc de la capacité à prévoir l’évolution des risques sous-jacents. D’un point de vue théorique, cela revient à étudier dans quelle mesure le marché du risque dépendance est un marché complet. La méthode retenue se base sur un modèle théorique (Cutler 1993) et fait appel aux méthodes de prévisions classiques des séries temporelles. Nous étudierons donc dans quelle mesure l’assureur peut prévoir l’évolution de la probabilité de devenir dépendant, de la durée en dépendance et du coût de sinistre. Plus il est possible de prévoir, plus l’assureur peut tarifer un contrat. Si une incertitude demeure sur l’évolution des coûts, alors l’assureur peut décider de ne pas supporter l’intégralité du risque. Il ne prendra en charge que les deux premières composantes à l’aide d’une assurance en rente (produit forfaitaire). Le degré d’assurabilité du risque dépendance et des di¤érents risques sous-jacents détermine donc la nature du contrat d’assurance proposé par l’assureur. L’assurance en rente est une couverture incomplète du risque dépendance puisqu’elle ne couvre pas le risque d’évolution des coûts. Si les produits proposés sont incomplets, les individus peuvent avoir rationnellement intérêt à ne pas souscrire ce type de contrat ce qui expliquerait le faible développement du marché.

Le chapitre 3 est organisé comme suit. La section 2 décompose les di¤érentes composantes du risque dépendance. La section 3 présente le cadre théorique de l’assurabilité. La section 4 présente les données de coût d’aide à domicile utilisées. La section 5 présente les résultats des estimations et des prévisions et montre dans quelle mesure il est possible de repousser la

frontière de l’assurabilité sur le risque dépendance. La section 6 conclut.