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Les implications concernant les facteurs de demande ?

4.5 Des contrats d’assurance inadaptés

4.5.8 Les implications concernant les facteurs de demande ?

La présence de taux de chargement e¤ectifs di¤érents entre les hommes et les femmes n’af- fecte pas le taux de souscription entre les sexes. Ceci nous donne des indices sur le type de

1 3Cette idée a notamment été avancée par André Masson lors des Rencontres de la Chaire "Risques et Chances

de la Transition Démographique" au Palais Brongniart le Lundi 6 Avril 2009. Ces rencontres avaient pour thème "Transferts, solidarité et inégalités intergénérationnels".

facteur de demande susceptible d’expliquer la taille restreinte du marché. Cette absence de corrélation peut s’expliquer d’au moins deux manières.

– L’élasticité prix de la demande de l’assurance dépendance peut être quasi nulle.

– Certains facteurs relatifs à la demande réduisent l’intérêt de l’assurance davantage pour les femmes que pour les hommes.

Nous n’avons pas de certitude sur l’élasticité-prix de la demande d’assurance dépendance mais il semble peu probable qu’elle soit nulle. Les estimations de l’élasticité-prix de l’assurance santé varient entre -0,6 et -1,8 (Cutler 2002). Plutôt que de s’intéresser à l’élasticité brute de la demande d’assurance dépendance, il convient d’étudier dans quelle mesure d’autres facteurs in‡uant sur la demande ne peuvent pas modi…er le prix implicite de l’assurance. Parmi ces di¤érents facteurs, la littérature retient :

– la sous-estimation de la probabilité d’être dépendant ;

– la famille comme source d’aide informelle non rémunérée, ou comme assurance informelle ; – le substitut à l’assurance que constitue l’aide sociale Medicaid.

Ces di¤érents facteurs réduisent la demande d’assurance car lorsque nous les prenons en compte ils augmentent le prix net14 de l’assurance.

La prise en charge proposée par Medicaid in‡ue particulièrement sur la demande d’assu- rance, notamment chez les femmes. Medicaid exerce un e¤et d’éviction sur la demande d’assu- rance privée. Il o¤re un substitut imparfait mais gratuit à l’assurance privée. Medicaid impose non seulement une taxe implicite à l’achat de l’assurance privée mais en plus cette taxe implicite est plus élevée pour les femmes que pour les hommes (Brown & Finkelstein 2004a).

Medicaid implique en e¤et une taxe implicite car l’assurance dépendance protège le patri- moine de l’assuré ce qui en retour diminue les chances de béné…cier de l’aide Medicaid qui est versée sous condition de revenu et de patrimoine. De plus, l’assurance joue le rôle de premier payeur et non de complémentaire. Même si l’individu est éligible à l’aide Medicaid, l’assurance paiera en premier et Medicaid couvrira uniquement les dépenses non couvertes par l’assurance. Il en résulte qu’une large partie des primes versées à la compagnie d’assurance sert à …nan- cer des prestations qui ne font que se substituer aux prestations fournies par Medicaid sous condition de ressources. Entre un individu qui s’assure et un individu qui ne s’assure pas, leur

prise en charge sera a priori identique sauf que l’un aura en plus versé des primes pendant de nombreuses années alors que l’autre aura a¤ecté cette somme à sa consommation. Cette taxe implicite ne fait qu’augmenter le taux de chargement e¤ectif que nous avons calculé précédem- ment. Dans le cas individuel, on va donc s’intéresser au taux de chargement net, c’est à dire le niveau supplémentaire de prestations que l’on reçoit si on n’est pas assuré par rapport à la prestation que l’on reçoit en l’absence d’assurance.

La taxe implicite plus élevée pour les femmes s’explique parce que les femmes ont en espé- rance une probabilité de recours aux soins plus élevée que les hommes. Pour un même niveau de patrimoine, une femme a une probabilité plus élevée qu’un homme de devenir éligible à l’aide Medicaid. Parce qu’elles vivent en moyenne plus longtemps et plus longtemps en dépendance, les femmes ont une probabilité plus forte de béné…cier de l’aide Medicaid en …n de période de dépendance. Prenons l’exemple d’un homme et d’une femme disposant à l’entrée en dépendance d’un patrimoine identique. Si l’homme est dépendant pendant 2 ans et la femme est dépendante pendant une durée de 5 ans, l’homme aura peut-être épuisé tout son patrimoine au moment de son décès. La femme aura épuisé tout son patrimoine au bout de 2 ans et deviendra ensuite éligible au programme Medicaid. Elle recevra donc des prestations …nançées par Medicaid pen- dant encore trois ans. Cet e¤et est en outre renforcé par le fait qu’en moyenne, les femmes ont un niveau de richesse plus faible que les hommes.

Medicaid augmente donc davantage le taux de chargement pour les femmes que pour les hommes. Si on reprend l’équation 4.1, l’aide gratuite fournie par Medicaid va augmenter le numérateur de l’expression 4.4. T P t=0 5 P s=1 0 B @Qt;sminfXt;s;Bt;sg t Q j=0 (1+ij) 1 C A T P t=0 5 P s=1 0 B @ Qt;sPs t Q j=0 (1+ij) 1 C A (4.4)

Le taux de chargement sera donc réduit. Medicaid apparaît donc comme un facteur explicatif important de la demande d’assurance et explique également pourquoi en dépit d’un taux de chargement e¤ectif plus intéressant pour les femmes, celles-ci ne souscrivent pas beaucoup plus

que les hommes. Ces résultats ne sont cependant pas transposables au cas français dans la mesure où les critères d’éligibilité à l’aide sociale sont complètement di¤érents en France.

On peut alors se demander pourquoi les compagnies ne proposent pas des prix di¤érents pour les hommes et pour les femmes. Les compagnies réalisent donc des pro…ts plus importants sur les contrats vendus aux hommes par rapport aux contrats vendus aux femmes. Cette question renvoie à une question plus générale sur le recours partiel des compagnies d’assurance aux informations disponibles dans leur tari…cation. Cette question a d’ailleurs déjà été abordée sur d’autres marchés de l’assurance (Finkelstein & Poterba 2006).

4.6

Conclusion

En dépit des nombreuses explications théoriques développées pour rendre compte de la faible taille du marché de l’assurance dépendance, peu de travaux se sont intéressés aux parti- cularités de ce marché. Dans leur article Brown et Finkelstein font l’e¤ort de s’intéresser aux caractéristiques empiriques de ce marché.

Les défaillances du côté de l’o¤re ont deux conséquences observables empiriquement : des prix de l’assurance supérieurs au prix actuariel et un niveau de couverture réduit. A partir des caractéristiques des contrats les plus largement souscrits, les auteurs montrent que ces deux prédictions sont véri…ées. Les prix des contrats dépendance sont bien majorés par rapport au prix actuariel et ils le sont davantage que sur les autres marchés de l’assurance. Les niveaux de couverture sont eux aussi réduits. Les contrats couvrent en moyenne moins d’un tiers du risque de dépense de soins. Les auteurs montrent par ailleurs que ces résultats sont robustes aux hypothèses alternatives.

Dans le même temps les auteurs montrent que ces deux caractéristiques ne permettent pas d’expliquer pleinement la taille limitée du marché. Pour que ces deux phénomènes rendent compte pleinement de la taille limitée du marché, on devrait observer un rationnement par les prix et/ou un rationnement par les quantités. Ces résultats suggèrent que les explications relatives à la taille limitée du marché sont davantage à rechercher du côté de la demande plutôt que du côté de l’o¤re.

Troisième partie

Les déterminants de la demande

d’assurance

Chapitre 5

Les comportements de demande

d’assurance face au risque

dépendance : une approche

théorique

« Tout ce qui est simple est faux, tout ce qui est compliqué est inutilisable. » Paul Valéry