• Aucun résultat trouvé

Organisation de la thèse

A…n de comprendre pourquoi le marché de l’assurance dépendance n’était pas su¢ sament développé, nous avons adopté une démarche simple. Nous nous sommes demandé s’il existait une o¤re, une demande et si les asymétries d’information pouvaient perturber l’équilibre Pareto optimal. Ces trois questions structurent nos trois parties. Cependant, il nous a semblé néces- saire d’apporter un complément descriptif dans le second chapitre de la partie introductive. Sur un risque davantage connu comme la santé ou la retraite, ce chapitre empirique serait ap- paru redondant. Cependant, le risque dépendance est encore assez peu connu et le marché de l’assurance dépendance encore moins. Bon nombre de statistiques auxquelles nous faisons réfé- rence proviennent d’organismes professionnels (FFSA) et ne sont pas directement accessibles. La thèse est organisée comme suit.

Le chapitre deux précise à l’aide d’éléments empiriques dans quelle mesure il existe une "énigme de l’assurance dépendance".

La seconde partie s’intéresse à l’o¤re d’assurance et est composée de deux chapitres. Le chapitre trois étudie dans quelle mesure le degré d’assurabilité détermine le type de contrat o¤ert et peut peser sur l’équilibre de marché. Cette partie se situe en première position

1 8

Notamment l’enquête HID réalisée entre 1999 et 2002 mais également les études réalisées à l’aide du modèle de microsimulation Destinie.

1 9

car elle nous a semblé un préalable à la ré‡éxion. Avant de savoir si les individus sont intéressés par la souscription d’un contrat, il convient en premier lieu de se demander si ce risque est assurable, autrement dit, s’il a vocation à être couvert par les compagnies d’assurance. Ce chapitre montre que ce risque est plus assurable que ne le laissaient entendre les précédents travaux (Cutler 1993), surtout si on privilégie l’aide à domicile. C’est le premier apport de la thèse.

Le chapitre quatre s’intéresse aux autres imperfections de marché susceptibles de peser sur l’o¤re d’assurance.

La seconde partie s’intéresse à la demande d’assurance.

Le chapitre cinq s’intéresse aux conditions théoriques d’existence d’une demande d’assurance dépendance. Cette partie nous conduit donc à nous réinterroger sur le cadre théorique utilisé jusqu’à présent. Nous retenons l’hypothèse d’un schéma indemnitaire en rente et non d’une co-assurance du risque de dépense de soins. Le modèle met ainsi en évidence les conditions dans lesquelles l’arbitrage est plutôt favorable à l’assurance ou, au contraire, à l’épargne. Il étudie également comment les résultats sont modi…és si on raisonne dans un cadre bivarié. C’est le second apport de la thèse.

Le chapitre six étudie les déterminants de la demande d’assurance face à une o¤re incomplète à partir de données bancaires. Dans un premier temps, nous montrons à l’aide d’un modèle Logit simple que les personnes qui s’assurent le plus contre la dépendance sont les personnes appartenant aux csp ouvriers, employés ou ouvriers et employés à la retraite. Au sein de cette catégorie, la probabilité de s’assurer est plus forte pour les femmes et augmente avec l’âge. Ce premier type de résultat plaide pour une faible élasticité-prix de l’assurance dépendance. Les variables d’interaction nous montrent ensuite qu’une femme appartenant à la catégorie agriculteur, ouvrier ou employé et disposant d’un petit patrimoine a une probabilité de s’assurer qui est 5 fois plus élevée que le reste de la population. Or, l’enquête HID nous apprend que ce sont ces catégories socio-professionelles qui en moyenne ont le risque de devenir dépendantes le plus élevé. Ces premiers résultats peuvent résulter d’une démarche rationnelle mais aussi d’une démarche altruiste. Les individus s’assureraient contre le fait de ne rien transmettre à leurs enfants. Ces résultats nous laissent par ailleurs penser qu’un phénomène d’antisélection est possible sur le marché de l’assurance dépendance. C’est le troisième apport de la thèse.

Dans une troisème partie, nous nous intéressons à l’e¢ cience du marché de l’assurance dépendance dans un contexte d’asymétrie d’information.

Le chapitre sept étudie les e¤ets possibles des asymétries d’information sur le marché de l’assurance dépendance en France. En dépit des e¤ets de sélection observés dans le chapitre six, les tests standards concluent à une absence d’antisélection. Ce résultat constitue le quatrième apport de la thèse.

Chapitre 2

L’énigme de l’assurance dépendance

" L’économiste doit, comme tout le monde, se préoccuper des …ns ultimes de l’homme."

Alfred Marshall

2.1

Introduction

Dans les années 70, une distillerie de whisky rencontre des di¢ cultés économiques. A…n de relancer ses ventes, elle décide de lancer une grande campagne de communication autour du thème "Un grand prix sera accordé à celui qui nous apporte le monstre du Loch Ness". Suite à cette campagne, le conseil d’administration décide de s’adresser à un assureur a…n de se couvrir contre le risque qu’un quidam trouve le fameux monstre du Loch Ness. L’assureur leur posa alors une question à laquelle les membres du conseil d’administration n’avaient jusqu’alors pas pensé : "Qu’est-ce que vous appelez le monstre du Loch Ness ?". Cette anecdote racontée par Denis Kessler nous rappelle que l’assurance plus encore que tout autre champ économique base son fonctionnement sur une dé…nition stricte des concepts. L’étude de l’assurance dépendance ne serait faire l’économie d’un approfondissement conceptuel. Dans la mesure où cette notion reste encore assez mal connue, une brève partie descriptive semble nécessaire a…n de mieux dé…nir le "monstre du Loch Ness".

Cet approfondissement permettra de déterminer si la dépendance est un risque ou une étape de la vie. L’assurance n’a en e¤et vocation qu’à couvrir des risques et non …nancer des dépenses quasi inéluctables. C’est à partir de cette dé…nition de la dépendance que nous pourrons nous interroger sur son assurabilité à l’occasion du chapitre 3. L’enjeu est double. Non seulement il convient de déterminer ce qu’on appelle dépendance, mais il s’agit également de savoir si les contours de cette dé…nition sont su¢ sament solides pour permettre à une compagnie d’assurance de couvrir ce risque. Cette analyse nous permettra notamment d’opérer une distinction entre les concepts de dé…cience, de handicap et de dépendance. La graduation des di¤érents états de dépendance doit également présenter des frontières su¢ sament étanches. Elle permettra à la compagnie d’assurance de segmenter les risques et d’empêcher les comportements d’aléa moral. Les caractéristiques du risque peuvent également in‡uer son assurabilité. La dépendance peut ainsi être rangée dans la catégorie des risques longs dans la mesure où sa probabilité d’occurence peut fortement évoluer dans le temps. Le décalage de la sinistralité dans le temps implique que le risque dépendance ne dépend non pas du risque de devenir dépendant aujour- d’hui, mais du risque de devenir dépendant ainsi que de la durée moyenne de dépendance dans 15 ou 25 ans. Il est donc nécessaire de s’intéresser aux projections de la population dépendante et des durées moyennes de dépendance.

Comme nous l’avons présenté dans l’introduction, nous nous intéresserons principalement au risque …nancier de la dépendance. Une estimation de la distribution du coût de prise en charge est nécessaire. Le risque …nancier dépend également des évolutions du coût de la dépendance dans les 15 ou 25 prochaines années, au moment où les taux de prévalence seront les plus importants. Face à ce coût il est nécessaire d’étudier dans quelle mesure les individus peuvent …nancer leurs dépenses à l’aide de leur revenu (autoassurance), de l’aide informelle dont ils disposent ou de l’aide publique et surtout dans quelle mesure ils pourront le faire dans une vingtaine d’années. Si ce n’est pas le cas, les individus devraient alors recourir à un contrat proposé par le marché de l’assurance. Nous nous intéresserons donc aux di¤érents types de contrats proposés sur le marché français ainsi qu’à la dynamique du marché. Là encore une synthèse descriptive nous a semblé nécessaire dans la mesure où il n’existe pas de statistiques o¢ cielles librement accessibles. En dépit du risque …nancier supporté par les individus en cas

de dépendance, le marché peine à dépasser les 10% d’assurés chez les plus de 40 ans1. Ces di¤érents éléments chi¤rés nous permettront donc de mieux mesurer l’étendue du paradoxe de l’assurance dépendance.

Il y a donc bien une énigme de l’assurance dépendance. Fait troublant, cette énigme s’observe également aux Etats-Unis et dans la plupart des pays développés. Ceci nous con…rme dans l’idée que cette énigme ne s’explique pas uniquement par des caractéristiques institutionnelles propres à la France mais qu’elle rélève d’un phénomène plus large.

Le chapitre 2 est organisé comme suit. La section 2 est l’occasion de mener un approfon- dissement conceptuel de la notion de dépendance, de mieux en comprendre les causes et les méthodes de mesure. La section 3 dresse une rapide synthèse des évolutions attendues en ma- tière de population dépendante. La section 4 apporte des estimations relatives au coût de la dépendance et dresse un tableau de sa prise en charge. La section 5 s’intéresse à la dynamique du marché de l’assurance dépendance. La section 6 conclut.