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Rappel des notions de base et exemples de clauses de tontine et d’accroissement

Dans le document La copropriété (Page 34-38)

3. La tontine 8 au sens large est une convention par laquelle deux

personnes 9 – les « tontiniers » – décident de procéder à une acquisition en

commun d’un bien – d’où une indivision entre eux 10 –, généralement un

immeuble 11, en stipulant que le bien se retrouvera dans le patrimoine du sur-

vivant de ces deux personnes.

Dans la pratique ce type de clause se rencontre essentiellement dans des acquisitions immobilières, par des personnes en couple marié 12 ou non marié 13.

Elle présente deux avantages ou buts principaux : 1) le premier, sur le plan civil, est de permettre au survivant de ces personnes de recevoir la part de l’autre à son décès et de devenir ainsi, le plus souvent 14, plein propriétaire

du bien, dans le cadre d’une opération qui pourra être opposée aux tiers ainsi qu’aux héritiers du prémourant ; 2) le second est fiscal : le survivant du cou- ple se retrouve titulaire de droits sur le bien, à la suite d’une mutation limitée à la part qui lui vient du prémourant et sans devoir en principe des droits de succession sur cette part 15.

4. Dans la pratique, l’on rencontre deux types généraux de clauses : la clause de tontine et la clause d’accroissement, qui peuvent elles-mêmes con- naître plusieurs modalités plus spécifiques.

Je relèverai, pour faire simple, quatre types essentiels de clause : la clause de tontine en pleine propriété ou en usufruit, et de même, la clause d’accroissement en pleine propriété ou en usufruit.

8. Un juriste italien, Lorenzo Tonti, fut l’inventeur de la tontine au 17e siècle.

9. Plus rarement, plus de deux.

10. Cf. infra, nos 10 et 11, ainsi que 24 à 29.

11. Cela peut être aussi un meuble, comme des actions de sociétés. La présente étude sera essentiel- lement axée sur des opérations de type immobilier.

12. Et généralement sous un régime de séparation de biens.

13. Mais il serait aussi possible pour des opérations de planning successoral, par exemple entre ascen- dants et descendants : cf. infra, n° 15, analyse d’une certaine jurisprudence française.

14. Car une tontine impliquant une cession d’usufruit est également concevable et est souvent

pratiquée ; cf. ci-après, n° 4.

15. Par le jeu des conditions résolutoire et suspensive, il acquiert en effet le bien directement du ven- deur initial, du moins dans la clause de tontine (cf. ci-après, n° 5).

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Je me permets de renvoyer, pour le reste, à mon étude précitée ainsi qu’à quelques études de base 16.

5. La clause de tontine en pleine propriété, ou clause de tontine au sens strict, est une clause qui vient se greffer nécessairement, en tant qu’élément accessoire, sur un contrat principal de vente immobilière. Elle est donc tripartite dans la mesure où elle implique aussi le vendeur initial du bien. Il s’agit d’une convention par laquelle les tontiniers acquérant le bien auprès de son vendeur, mettent ce bien en commun – indivision –, chacun des tontiniers devenant plus précisément à la fois propriétaire d’une part dans le bien – et copropriétaire de celui-ci –, sous la condition résolutoire de son prédécès, et propriétaire de la part de l’autre sous la condition suspensive de sa propre survie et du prédécès de l’autre.

Imaginons le cas suivant : A est le vendeur et B et C sont les deux tonti- niers. B et C. acquièrent un immeuble auprès de A en concluant un acte de vente qui contient une clause de tontine en pleine propriété. A est également partie à la clause de tontine puisqu’il est partie à l’acte de vente. Pendant toute la période de survie de B et C – pendente conditione donc –, ils seront propriétaires chacun d’une moitié 17 indivise du bien, en ayant payé chacun la moitié du prix.

Lorsque l’un d’entre eux décède – C par exemple –, la double condition, sus- pensive et résolutoire, se réalise avec rétroactivité, de sorte que le tontiner survivant B est censé avoir acquis la totalité du bien auprès du vendeur A, car il peut ajou- ter à sa moitié initiale, la moitié de son partenaire prédécédé, qui lui échoit. Il se produit une nouvelle mutation mais limitée à cette part. B est protégé vis-à-vis des héritiers de C puisque la part acquise ne transite pas par le patrimoine de C. Enfin, le fisc, s’il peut réclamer à B des droits d’enregistrement sur la part en question, ne peut demander des droits de successions sur un bien qui n’a pas transité par le patrimoine du de cujus, par le jeu des conditions.

6. Une deuxième modalité de clause, parmi beaucoup d’autres je le répète, doit être signalée. Il s’agit de la clause de tontine en usufruit, ou clause « Raucent » car elle a été imaginée par le professeur Raucent dans les années 1970 18. On la

rencontre assez souvent en pratique suivant des modalités diverses.

16. Op. cit., pp. 222 à 225. Et voy. études de G. Rasson, J.-M. Debouche et D. Michiels citées en

note 2, proposant des modèles de clauses. Plus récemment, sur la clause d’accroissement, cf. l’étude de Y. GOLDSCHMIDT et I. DE SELYS LONGCHAMPS, dans l’ouvrage d’UB3, 2008, pp. 37 et s., également citée en réf. 2 ci-dessus.

17. Une autre quotité serait concevable en fonction par exemple de l’investissement de chacun des tontiniers (1/3 / 2/3, 1/4 / 3/4, 1/5 / 3/5, etc.).

18. À son sujet, cf. mon étude, spéc. 224 et réf. L’étude de base de L. RAUCENT était « La clause d’attribu- tion de l’usufruit au survivant des époux », Rev. not. belge, 1971, pp. 362 à 365 ; voy. aussi, pour des exemples de clauses, G. RASSON, « Tontines : aspects civil et fiscal », Rev. not. belge, 1990, pp. 286 et s.

Elle va moins loin que la clause de tontine en pleine propriété parce qu’elle stipule une constitution ou cession d’un usufruit lors du décès de l’un des tontiniers. En voici un exemple simple : « Chacun des (époux) (tonti- niers) (acquéreurs) acquiert du vendeur 19 une moitié indivise du bien et, en

outre, sous la condition de sa survie, l’usufruit de l’autre moitié vendue à son conjoint (ou à l’autre tontinier / ou acquéreur), lequel n’en a la jouissance que sous la condition résolutoire de son prédécès, de sorte que les héritiers du premier mourant n’auront la jouissance de leur moitié qu’au décès du survi- vant des acquéreurs ».

Cette clause intéressante n’est pas totalement limpide. Elle implique que : 1) pendant la période où les deux tontiniers sont vivants – pendente conditione donc –, ils sont en indivision, plus précisément en copropriété ; 2) survient le décès de l’un d’entre eux, le survivant demeure alors bien sûr plein propriétaire de sa moitié initiale, mais il devient d’autre part usufruitier de la part du prémourant ; 3) en conséquence, il est confronté à la nue-propriété des héritiers éventuels du prémourant ; 4) et au décès de ce second tontiner – à savoir le « survivant des acquéreurs » –, les héritiers du premier acquièrent la pleine propriété sur la part de leur auteur, puisque l’usufruit du survivant s’est éteint à son décès (art. 617, début, du Code civil) ; 5) ils se retrouvent, le cas échéant, en indivision et copropriété avec les héritiers de la part du second tontinier décédé.

Voici donc le mécanisme de la tontine en usufruit, dans ses lignes de force principales.

7. La clause d’accroissement 20 est différente de la clause de tontine. Elle ne

fonctionne pas techniquement sur la base du jeu de la double condition réso- lutoire et suspensive. Cette fois, les parties prévoient entre elles, dans le cadre d’une relation bipartite qui n’implique pas normalement le vendeur du bien, soit lors de l’acquisition initiale du bien, soit par après, que le bien immeuble qu’elles ont acquis se retrouvera et viendra « accroître » la part et le patri- moine du survivant d’entre elles, et ce donc sous la condition suspensive du prédécès de l’un des tontiniers et de la survie de l’autre 21.

19. On voit par cette formulation très claire que l’acquisition se fait auprès du vendeur initial du bien, et qu’il n’y a donc pas de cession / mutation entre tontiniers.

20. « Beding van aanwas » en néerlandais.

21. L. Barnich donne l’excellent exemple suivant de clause d’accroissement en pleine propriété : « Les acquéreurs acceptent et déclarent faire cette acquisition indivisément et en commun, avec accroisse- ment au profit du survivant d’eux, de telle façon que lors du décès du premier acquéreur, la part du défunt dans le bien indivis devra revenir au survivant qui deviendra propriétaire de la totalité du bien » (« Les clauses d’accroissement (...) », étude citée en note 2, Rev. not. belge, 2003, spéc. n° 2, p. 593).

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L’accroissement se fait d’une façon automatique en quelque sorte 22. Une

nouvelle mutation survient, mais limitée à la part cédée et accrue. Cette part n’entre pas dans la succession du tontinier de cujus puisqu’elle a été cédée au survivant par la convention d’accroissement, opposable aux héritiers du prédécédé et les liant même en tant que ses ayants cause (art. 1122 du Code civil). La tontinier survivant ne doit pas de droits de successions sur cette part. Trois différences immédiates se marquent quant à la clause d’accroisse- ment par rapport à la clause de tontine : 1) son caractère bipartite entre les tontiniers et le fait qu’elle n’implique pas le vendeur initial en principe ; 2) l’absence de condition résolutoire, l’accroissement étant seulement affecté d’une condition suspensive simple, et 3) dans le même ordre d’idée, l’absence de rétroactivité de l’accroissement lié à une condition suspensive et non une condition résolutoire.

J’aurais tendance à préférer les clauses de tontine en pleine propriété ou en usufruit, dont la mécanique en droit des obligations me paraît plus pure et meilleure que celle des clauses d’accroissement.

La clause d’accroissement prévoit généralement un mécanisme d’accrois- sement à l’égard de la propriété du tontinier prédécédé, au profit du survi- vant. Elle peut aussi stipuler que l’accroissement se fera à l’égard d’un droit d’usufruit qui sera acquis par le survivant, les héritiers du prédécédé devant respecter ce droit et étant en nue-propriété sur le bien, quant à la part du pre- mier tontiner décédé, jusqu’au décès du second tontiner survivant.

À l’instar de la tontine, la clause d’accroissement en pleine propriété trouve donc aussi son pendant dans la clause d’accroissement en usufruit.

Nous en découvrons un exemple, non exempt de certains éléments criti- quables toutefois, dans l’arrêt de la Cour de cassation du 2 avril 2009.

22. Au sujet du mécanisme de l’accroissement, cf. mon étude, spéc. p. 242. Et, entre autres, l’étude de V. GOLDSCHMIDT et I. DE SELYS LONGCHAMPS, « La clause d’accroissement », UB3, 2008, op.

SECTION 3

Examen de l’arrêt de la Cour de cassation

Dans le document La copropriété (Page 34-38)

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