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Cette analyse est confortée par un arrêt récent de la Cour de cassa tion, du 20 juin 2005 53 , précisant la jurisprudence découlant d’un arrêt du

Dans le document La copropriété (Page 51-54)

a) Qualification générale : convention aléatoire

16. Cette analyse est confortée par un arrêt récent de la Cour de cassa tion, du 20 juin 2005 53 , précisant la jurisprudence découlant d’un arrêt du

6 septembre 2002 54, et qui m’amène à proposer une nouvelle définition de

l’aléa dans les contrats aléatoires.

16.1. Dans l’espèce à la base de cet arrêt de 2005, une convention de vente avec constitution de rente viagère avait été conclue entre un vendeur et une amie « intime » de ce vendeur, le premier étant très malade, en phase terminale d’un cancer, et ayant mis fin à ses jours un mois après la conclusion de la convention.

Pouvait-on encore parler d’aléa dans un tel contexte où la chance de gain ou de perte n’était pas réciproque et réelle, et était même totalement déficiente, le vendeur devant décéder sous peu, indépendamment de son sui- cide qui allait survenir peu après ?

L’opération fut contestée par les héritiers du vendeur. Elle fut invalidée par la cour d’appel de Liège, dans un arrêt du 18 mai 2004, la cour décidant que la convention était nulle faute d’aléa et partant, d’objet.

La Cour de cassation a rejeté un pourvoi dirigé contre cet arrêt. Je relève les attendus suivants qui énoncent certains principes importants : « Attendu qu’il résulte des articles 1104 et 1964 du Code civil qu’un contrat est aléa-

toire lorsque l’équivalence des prestations réciproques auxquelles les parties sont obligées est incertaine parce que l’existence ou la quo- tité de l’une d’elles dépend d’un événement incertain ;

Qu’il s’ensuit que l’existence d’une chance de gain ou d’un risque de perte est essentielle à la validité d’un contrat aléatoire tel le contrat de vente moyennant constitution d’une rente viagère ;

Qu’en l’absence de cet aléa, pareil contrat est nul faute d’objet, lors même que les conditions d’application des articles 1974 et 1975 du Code civil ne sont pas réunies 55 ;

53. Pas., 2005, I, pp. 1375 et s.

54. Pas., 2002, I, spéc. pp. 1542 et s.

55. Ces articles prévoient que le contrat créé sur la tête d’une personne décédée au jour du contrat, ou atteinte d’une maladie dont elle est décédée dans les vingt jours de la date du contrat, ne « produit aucun effet ». Les conditions de ces articles n’étaient pas réunies en l’espèce puisque le vendeur n’était pas mort de sa maladie, mais d’un suicide, survenu un mois après la conclusion du contrat.

Qu’en (sa première) branche, le moyen, qui soutient le contraire, man- que en droit » 56.

La Cour rappela ensuite les constatations du juge du fond, en réponse à une troisième branche du moyen, pour conclure que le juge avait pu décider légalement, en conséquence, que la convention de vente avec rente viagère litigieuse était dépourvue d’aléa et d’objet.

16.2. L’arrêt du 20 juin 2005 est encore plus clair, par les vertus du triste cas d’espèce sur lequel il portait, qu’un arrêt précédent de la Cour de cassa- tion du 6 septembre 2002 57. Ce dernier apporte toutefois également de l’eau

à notre moulin en matière d’appréciation de l’aléa dans les clauses de tontine et d’accroissement.

Cette fois, l’opération de vente avec rente viagère litigieuse était plus précisément une vente avec réserve d’usufruit au profit du vendeur.

Or ce dernier avait 87 ans et trois mois. D’autre part, la valeur en pleine propriété de l’immeuble vendu avait été fixée à 1.120.000 FB, ce qui avait été admis par le receveur de l’enregistrement, et le prix de vente de la nue- propriété avait été fixé à 1.000.000 FB, en étant converti en une rente via- gère annuelle de 200.000 FB.

On ne connaît pas l’âge du capitaine nu-propriétaire – de jeunes neveux du vendeur, semble-t-il – mais l’opération fut attaquée et l’argument de l’absence de caractère aléatoire de la vente avec rente viagère, fut émis, sans doute eu égard au grand âge du vendeur.

Cette fois-ci, cet argument fut rejeté par le juge du fond, et la Cour de cassation, rejeta également le pourvoi en cassation pris notamment de la vio- lation de l’article 1964 du Code civil, en utilisant la même motivation que celle reprise dans l’arrêt de 2005.

La Cour a rappelé également les énonciations du juge du fond, dont cel- les suivant lesquelles : « il n’est pas établi qu’au moment de la vente, l’état de santé du vendeur était si mauvais qu’il ne pouvait qu’en être déduit

que sa fin était proche ni que sa volonté était entachée d’un vice ; (et) le vendeur a voulu faire bénéficier les acquéreurs d’un prix intéressant en reconnaissance de l’affection qui les unissait et des services qu’ils rendaient à leur vieil oncle » 58.

56. Ibidem, spéc. p. 1381. Mis en évidence par l’auteur.

57. Pas., 2002, I, p. 1543 et s.

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16.3. Je crois pouvoir déduire de ces arrêts de 2002 et de 2005, la défini- tion suivante de l’aléa, qui renouvelle les analyses que j’avais faites en l’an 2000 : l’aléa est la chance de gain ou de perte qui caractérise un contrat pouvant être qualifié d’aléatoire ; l’aléa existe « lorsque l’équivalence des prestations réciproques auxquelles les parties sont obligées est incertaine parce

que l’existence ou la quotité de l’une d’elles dépend d’un événement incertain » 59.

En vertu de cette définition, l’aléa devrait s’apprécier en confrontant les chances de gain ou de perte caractérisant le contrat, et le degré d’incertitude de ces chances de gain ou de perte est déterminé en fonction de l’événement futur incertain en question. S’il existe une réelle incertitude, l’aléa est démontré ; si cette incertitude fait défaut, le contrat n’est pas aléatoire et peut être annulé faute d’objet.

Lorsque l’aléa est lié au décès d’une partie, ou au prédécès de celle-ci, il dépend essentiellement, voire exclusivement, de l’appréciation de la chance de vie ou de mort de cette partie, comparée le cas échéant à celle de son partenaire.

L’aléa ne devrait donc pas être fonction de la situation objective des parties quant à l’investissement patrimonial qu’elles font au moment d’acheter le bien et de se soumettre à une clause de tontine ou d’accroissement.

16.4. Notons que cette vision des choses n’est pas partagée par une doc- trine non négligeable, sur le sujet, qui conseille, en matière de clauses de ton- tine et d’accroissement et au nom d’une conception encore économique de l’aléa, lorsqu’il existe une disparité d’âges trop importante entre tontiniers, de la compenser par un investissement financier plus important du plus jeune des tontiniers 60.

Si l’on veut se prémunir de tout doute en la matière, on agira en ce sens. Nous retrouverons infra (n° 19.3) cette problématique de deux concep- tions, l’une large et l’autre stricte, d’une même notion – ce sera celle de pacte sur succession future –, devant engager le praticien à la prudence.

Le juge du fond apprécie pour le reste souverainement en fait l’existence de l’aléa, et ce au moment de la formation du contrat 61.

59. Je souligne.

60. Cf. à ce sujet, V. GOLDSCHMIDT et I. DE SELYS LONGCHAMPS, « La clause d’accroissement », étude citée (note 2), in ouvrage UB3, 2008, spéc. n° 9, p. 41, et réf.

61. Cf. aussi Cass., 25 juin 1982, Pas., 1982, I, p. 1261 ; Cass., 4 juin 2004, Pas., 2004, I, p. 971, et

concl. du min. public sur la façon d’apprécier la résolution d’un contrat de vente moyennant constitution d’une rente viagère.

b)

Conséquences

17. L’aléa dépendra essentiellement de l’appréciation par le juge de la

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