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Les clauses de tontine ou d’accroissement ne sont pas en principe constitutives de pactes sur succession future.

Dans le document La copropriété (Page 57-59)

a) Qualification : l’absence de pacte sur succession future

20. Les clauses de tontine ou d’accroissement ne sont pas en principe constitutives de pactes sur succession future.

20.1. Les deux conditions du pacte sur succession future ci-dessus défi- nies dans la jurisprudence de la Cour de cassation (cf. n° 19.1.), doivent être examinées.

D’abord, il me semble que la clause de tontine sensu stricto, en pleine pro- priété ou usufruit, ne porte pas sur un bien susceptible de se retrouver dans le patrimoine du tontinier prédécédé puisque ce bien, plus précisément la part dans le bien du prédécédé, échoira au survivant en venant directement du patrimoine du vendeur initial et sans passer par le patrimoine du partenaire prémourant, par le jeu rétroactif de la condition résolutoire.

Dans le mécanisme de la clause d’accroissement, le bien ne sera pas non plus susceptible d’être « considéré comme devant former un des éléments de (l)a succession » du tontinier prédécédé, puisque la part dans ce bien accroîtra la part de l’autre par l’effet de la clause d’accroissement sans passer normale- ment par la succession du prémourant.

Telle est ma lecture simple de la première condition d’existence d’un pacte sur succession future. J’avoue toutefois ne pas l’avoir rencontrée ailleurs 75.

74. Cf. sur le sujet, dans l’analyse des clauses de tontine, L. BARNICH, « Les clauses d’accroissement en

usage sont-elles à l’abri de tout soupçon ? », Rev. not. belge, 2001, pp. 592 et s., spéc. nos 6 à 8,

pp. 596 et s. Cet auteur va dans le sens, ou fait le constat de l’existence, de la conception relative- ment extensive du pacte sur succession furure. Dans le sens d’une conception plus restreinte, me semble-t-il, cf. Y.-H. LELEU, « Clause de tontine ou d’accroissement temporaire et renouvelable :

une grande complication inutile », Rev. not. belge, 2001, pp. 78 et s., spéc. p. 88, n° 22.

75. Voy. toutefois Y.-H. Leleu qui définit le risque général de qualification de pacte sur succession future, d’une manière plus large que ce que je viens d’indiquer, en ces termes : « (...) le contrat dont il convient d’examiner la compatibilité avec la prohibition est le pacte tontinier dans son ensemble, lequel porte incontestablement sur des biens devant dépendre de la succession des parties, et dont les droits actuels conférés sont fragilisés par la faculté de sortir d’indivision » (Y.-H. LELEU, « Clause

Ensuite, la seconde condition d’existence du pacte sur succession future fera aussi plus certainement défaut, dans la généralité des cas 76, pour ce qui

concerne les deux types de clauses.

Il en ira ainsi du moins si l’on prend en considération le critère du droit purement éventuel, compris de façon restreinte.

En effet, les clauses de tontine ou d’accroissement n’engendrent pas dans le chef des parties des droits « purement éventuels ».

Elle crée des droits patrimoniaux et des obligations, à caractère condi- tionnel, si l’on reprend les catégories retenues par le Code civil (art. 1181 et 1182 du Code), ou simplement éventuels, au sens doctrinal et jurisprudentiel du terme, à savoir un événement futur et incertain, mais inhérent au méca- nisme même de la convention 77.

L’éventualité existe dans la clause de tontine ou d’accroissement, mais c’est une simple éventualité et non une « pure » éventualité.

Si l’on raisonne suivant la catégorie du Code qu’est la condition, ce qui est également tout à fait possible même si cette analyse est sans doute moins fine 78,

cette condition existe dans les deux types de conventions, en tant qu’événement futur et incertain, résidant dans le prédécès de l’un ou l’autre des tontiniers.

L’événement en question n’est pas un terme suspensif lié au décès de l’une des parties, car un terme est un événement futur et certain si ce n’est quant à sa date du moins, en tout cas, dans son principe.

Il est une condition liée au prédécès de l’une ou l’autre des parties : cette condition est un événement incertain quant à sa date et à son principe car, si l’on est sûr de la mortalité des deux tontiniers..., l’on ne sait lequel de ceux-ci

prédécédera ; cet événement est par définition totalement incertain 79.

Dans la clause de tontine, le prédécès opère comme une double condi- tion, suspensive et résolutoire. Dans la clause d’accroissement, il opère comme une simple condition suspensive de l’accroissement 80.

76. Voy. toutefois la jurisprudence que nous analyserons infra, au n° 23, en rapport avec une faculté de résiliation unilatérale avant prédécès dans le chef des tontiniers, en application de l’article 815 du Code civil, introduite dans la clause par la volonté des parties, et reposant la question de la qualification du pacte sur succession future, et la doctrine à cet égard.

77. Au sujet de la notion de droit éventuel, cf. mon étude précitée, pp. 244 et s.

78. En ce qu’elle ne rend pas compte de ce que l’événement futur et incertain qu’est le prédécès affecte de façon intrinsèque la tontine, touchant à son aléa d’ailleurs, et non pas comme une con- dition qui opère stricto sensu de façon extérieure au contrat.

79. Du moins à nouveau à condition que l’aléa soit rempli. Si l’un des tontiniers est sur le point de mourir lorsqu’il conclut la tontine, on ne pourra plus parler d’aléa ni de condition valable. 80. Cf. supra, nos 5 à 7.

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Dans tous les cas, ces clauses ne font pas en principe naître de pacte sur succession future parce qu’elles n’engendrent pas des droits « purements éventuels », mais bien des droits conditionnels ou en tout cas des droits sim- plement éventuels, et des obligations correspondantes liant les tontiniers.

20.2. J’avoue à nouveau que cette analyse se base sur une conception restreinte du pacte sur succession future.

À son encontre, certains soutiendront que dès qu’il existe un mécanisme de révocabilité unilatérale du droit par la partie en question, et que le pacte porte sur un bien susceptible de se retrouver dans la succession de cette partie, la stipu- lation encourt le risque de qualification de pacte sur succession future. Eu égard à la révocabilité du droit ou de l’obligation en cause, le droit devient « purement éventuel », et ne lie plus celui qui peut ainsi le révoquer sans encombre 81.

Cette analyse ne doit bien entendu pas être sous-estimée parce qu’elle peut impliquer un risque non négligeable d’annulation dans le futur, de clau- ses de tontine ou d’accroissement qui seraient qualifiées de pactes sur succes- sion future, suivant cette approche que je qualifierais d’extensive.

Il faut donc que le praticien y fasse attention.

b)

Conséquences

22. Dans la jurisprudence récente en droit belge, le problème de la qua-

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