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Un nouveau champ d’application donc ; une loi nouvelle à appliquer aussi C’est l’occasion de dire ici quelques mots sur les mesures transitoires

Dans le document La copropriété (Page 94-98)

Une loi nouvelle à appliquer

4. Un nouveau champ d’application donc ; une loi nouvelle à appliquer aussi C’est l’occasion de dire ici quelques mots sur les mesures transitoires

entourant la réforme. L’article 18 du projet de loi porte les dispositions tran- sitoires et stipule que la réforme sera applicable « à tout immeuble ou groupe d’immeubles qui répondent aux conditions prévues à l’article 577-3 du Code civil 26, à dater du premier jour du troisième mois qui suit celui de sa publica-

tion au Moniteur belge. Les dispositions statutaires non conformes à la législa- tion en vigueur sont inapplicables et réputées remplacées par les dispositions légales correspondantes. Toutefois, le Roi détermine les dispositions qui ne sont applicables aux copropriétés existantes qu’à dater de la coordination de leurs statuts à la législation en vigueur, coordination qui doit intervenir dans les 5 ans de la date déterminée à l’alinéa 1er. En cas d’omission ou de retard

dans la coordination des statuts, l’association des copropriétaires ne pourra se prévaloir de la personnalité juridique à l’égard des tiers, lesquels auront néan- moins la faculté d’en faire état contre elle ».

Nous ferons ici trois observations.

Premièrement, le contenu de cette disposition nous laisse présager une application « à deux vitesses » de la réforme à venir. Certaines des dispositions nouvelles seront en effet visées par un arrêté royal retardant leur mise en œuvre obligatoire au moment de la mise en conformité des statuts au nouveau prescrit légal, et ce dans un délai maximal de 5 ans après l’entrée en vigueur des autres dispositions de la réforme. Le praticien devra donc être attentif et distinguer entre prescriptions dont le caractère impératif est momentanément suspendu et dispositions applicables dès l’entrée en vigueur du nouveau texte. Ces dernières dispositions bénéficient donc d’une impérativité « immé- diate » 27 par rapport aux premières, puisque toute clause des statuts contraire à

leur prescrit sera inapplicable et réputée remplacée par la disposition légale idoine, sans qu’aucun délai de mise en conformité des statuts ne soit accordé aux copropriétaires. Cette dernière conclusion est d’une importance considé- rable lorsque l’on sait que la question de la sanction à appliquer à une clause statutaire contraire au prescrit légal a fait couler beaucoup d’encre, la doctrine étant à l’époque divisée – de façon inégale – entre nullité et caducité de ladite clause 28. Il nous semble que le législateur de 2009 a opté pour une sanction

26. Disposition, pour rappel, consacrée au champ d’application de la loi relative à la copropriété d’immeubles ou de groupes d’immeubles bâtis.

27. Voy. récemment en doctrine, concernant le caractère impératif des articles 577-3 à 577-14 du Code civil, C. MOSTIN et J-Fr. TAYMANS, « Le régime d’exception aux dispositions impératives

de la loi sur la copropriété », Jurim pratique, 2008/3, pp. 95 à 115.

28. Voy., en faveur de la caducité, J. HANSENNE, « Copropriété des immeubles ou groupes

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fondée sur la caducité de la clause puisqu’il décide que « Les dispositions statu- taires non conformes à la législation en vigueur sont inapplicables et réputées remplacées par les dispositions légales correspondantes ». Pour un exemple d’application de cette sanction de caducité, citons l’ultime paragraphe inséré,

in extremis, par le projet de réforme à l’article 577-4 du Code civil. Cette dis-

position vise à exclure le recours aux clauses compromissoires en matière de copropriété d’immeubles ou de groupes d’immeubles 29. Dés l’entrée en

vigueur de la réforme, l’interdiction légale de cette catégorie précise de clauses statutaires aura pour conséquence qu’elles seront « réputées non écrites » 30,

sans qu’il soit nécessaire de les remplacer.

Précisons, dans un second temps, que cette sanction de caducité ne nous paraît pas appropriée pour appréhender tous les cas de figure nés de l’entrée en vigueur de la réforme ; il convient en effet, à notre estime, pour comprendre la pleine portée de cette disposition, de distinguer entre hypothèses où la clause statutaire, contraire à la réforme, peut être remplacée par la disposition légale correspondante ou simplement considérée comme non écrite et situations où la clause des statuts méconnaissant le texte de la réforme ne trouve pas de pendant légal, une marge d’appréciation certaine étant réservée aux copropriétaires ; ces dernières dispositions ne trouveront aucune sanction adéquate dans le système de caducité décrit précédemment. Il nous semble que c’est précisément dans cette dernière hypothèse que l’application « à deux vitesses » de la loi en projet

29. Cette disposition en projet énonce : « Est réputée non écrite, toute clause des statuts qui confie exclusivement à un ou plusieurs arbitres le pouvoir juridictionnel de trancher des conflits qui sur- gissent concernant l’application de la présente section » ; voy. sur cette question largement con- troversée, E. VERRYCK, « Arbitrageclausule », J.J.P., 1998, pp. 269 et s. ; O. CAPRASSE, « Copropriété et arbitrage », note sous Civ. Anvers, 16 novembre 2001, R.G.D.C., 2005/5, pp. 266 à 270 ; S. DUFRENE, « Approches théoriques et pratiques de la loi du 30 juin 1994 », in

La pratique de la copropriété, Bruxelles, Bruylant, 1996, p. 66 ; H. MOUREAU TAYMANS D’EYPER- NON, « De notaris en de arbitrage », T. not., 2001, pp. 62 et s ; voy., C. MOSTIN, « Quelles pers- pectives pour le contentieux de la copropriété dans le cadre des changements législatifs projetés ? », dans le présent ouvrage, spécialement n° $.

30. Voy., sur cette notion, les récents écrit de P. WÉRY, « Les sanctions des clauses illicites envisagées selon la méthode horizontale », in Liber Amicorum Michel COIPEL, sous la coordination de Y. POULLET, P. WÉRY et P. WYNANTS, Bruxelles, Kluwer, 2004, pp. 478 et s.

et 162 ; contra : C. MOSTIN, « Le champ d’application et la force obligatoire de la loi du 30 juin 1994 », in Copropriété – La loi du 30 juin 1994 modifiant et complétant les dispositions du Code civil

relative à la copropriété, éd. U.C.L. Faculté de droit, 1994, pp. 42 à 45, spécialement p. 42 ;

H. CASMAN, « Application dans le temps », in La copropriété forcée dans les immeubles ou groupes

d’immeubles bâtis, sous la direction de J. HANSENNE, La Charte, 1994, pp. 208 et 209 ; P. VAN

DEN EYNDE, « Adaptation des anciens statuts – rédaction des nouveaux statuts – mesures à pren- dre avant le 1er août 1995 », in Copropriété – La loi du 30 juin 1994 modifiant et complétant les dis-

positions du Code civil relative à la copropriété, éd. U.C.L. Faculté de droit, 1994, pp. 326 et 327.

Ces derniers auteurs prônaient la nullité relative de la clause litigieuse ; voy. également, Cass., 4 février 2008, T. App., 2008/2, p. 14, T.B.O., 2008, p. 190, Pas., 2008, I, p. 337, où cette question est soulevée incidemment par le demandeur.

29. Cette disposition en projet énonce : « Est réputée non écrite, toute clause des statuts qui confie exclusivement à un ou plusieurs arbitres le pouvoir juridictionnel de trancher des conflits qui sur- gissent concernant l’application de la présente section » ; voy. sur cette question largement con- troversée, E. VERRYCK, « Arbitrageclausule », J.J.P., 1998, pp. 269 et s. ; O. CAPRASSE, « Copropriété et arbitrage », note sous Civ. Anvers, 16 novembre 2001, R.G.D.C., 2005/5, pp. 266 à 270 ; S. DUFRENE, « Approches théoriques et pratiques de la loi du 30 juin 1994 », in

La pratique de la copropriété, Bruxelles, Bruylant, 1996, p. 66 ; H. MOUREAU TAYMANS D’EYPER- NON, « De notaris en de arbitrage », T. not., 2001, pp. 62 et s ; voy., C. MOSTIN, « Quelles pers- pectives pour le contentieux de la copropriété dans le cadre des changements législatifs projetés ? », dans le présent ouvrage, spécialement n° 3.

30. Voy., sur cette notion, les écrits de P. WÉRY, « Les sanctions des clauses illicites envisagées selon la méthode horizontale », in Liber Amicorum Michel COIPEL, sous la coordination de Y. POULLET, P. WÉRY et P. WYNANTS, Bruxelles, Kluwer, 2004, pp. 478 et s.

peut légitimement trouver son fondement ; la mise en œuvre « progressive » 31

de certaines dispositions déterminées par arrêté royal permettra en effet de lais- ser un délai aux copropriétaires pour mettre leurs statuts en conformité avec le nouveau texte légal, faire les choix opportuns que la loi leur impose et éviter ainsi des lacunes préjudiciables à la sécurité juridique.

Envisageons un exemple concret de cette problématique, pour étayer notre propos : le projet d’article 577-6, § 1er, alinéa 2 du Code civil 32 prévoit

que l’assemblée générale doit se réunir au moins une fois l’an, à une date qui doit être fixée dans le règlement de copropriété. En outre, si ce jour coïncide avec un jour férié légal, l’assemblée est reportée au prochain jour ouvrable ou à une date fixée par l’assemblée générale. Comment résoudre le problème né du fait qu’aucun jour n’a été fixé dans le règlement de copropriété ainsi que l’impose la loi pourtant impérative ? La remarque vaut de façon générale dès lors qu’il s’agit de constater la carence d’une mention obligatoire qui ne peut être remplacée par aucune disposition légale correspondante. Dans un tel cas de figure, l’on ignore quelles sanctions pourront être appliquées. Une nullité totale du règlement de copropriété nous paraît excessive. En déduire que toute décision de l’assemblée générale ordinaire qui se serait réunie alors que la date statutaire n’a pas été fixée dans le règlement de copropriété serait automatique- ment « irrégulière » au sens de l’article 577-9, § 1er, alinéa 1er du Code civil, ne

nous paraît pas plus judicieux : il ne suffit pas, en effet, de prouver l’existence d’une irrégularité pour que l’action en annulation aboutisse, il faut encore démontrer que cette irrégularité a porté à conséquence sur la prise de décision ou qu’elle cause un préjudice à celui qui l’invoque 33. Affaire à suivre donc…

Notons au passage que le législateur nous semble avoir entrevu cette probléma- tique dans la justification de l’amendement n° 73 34. Cet amendement, relatif à

l’obligation de faire figurer la date statutaire de l’assemblée générale ordinaire dans l’acte de base, précisait que si la date statutaire choisie « coïncide avec un jour férié légal », l’assemblée générale peut être organisée « le plus prochain jour ouvrable ou à une autre date fixée par l’assemblée ». La justification de cet

31. Au moment de la coordination des statuts ou, à tout le moins 5 ans, après l’entrée en vigueur de la réforme.

32. Voy. l’article 8 du projet de loi du 16 juillet 2009. Voy. encore sur cette question, P. LECOCQ

et A. SALVÉ, « Un objectif principal, la transparence ; une application particulière, la transmission

d’un lot », dans le présent ouvrage, spéc. n° 4.

33. Voy. C. MOSTIN, « Contentieux et copropriété », J.T., 2007, p. 469 ; C. MOSTIN, « Quelles

perspectives pour le contentieux de la copropriété dans le cadre des changements législatifs projetés ? », dans le présent ouvrage, spécialement nos 33 à 35.

34. Voy. Proposition de loi visant à moderniser et assurer une meilleure transparence dans le fonc- tionnement des copropriétés, Amendements, 23 juin 2009, Doc. parl., Ch. repr., sess. ord. 2008- 2009, n° 1334/006, pp. 14 et 15, www.lachambre.be.

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amendement est rédigée comme suit : « En principe, les statuts peuvent com- porter une disposition prévoyant que l’assemblée générale peut se dérouler un autre jour – le premier jour ouvrable suivant –, lorsque la date initialement fixée coïncide avec un jour férié légal. L’insertion de cette possibilité dans la loi accroît la sécurité juridique, dans les cas où rien n’est prévu dans les statuts, par exemple. Cette possibilité légale de dérogation peut offrir une solution au cas où l’on ne pourrait s’en tenir à la date prévue dans les statuts, fixée, par exem- ple, au troisième jeudi de mai ». La remarque est pertinente ; la solution est toutefois limitée au cas où la date statutaire coïncide avec un jour férié légal.

Enfin, troisième et dernière observation, le texte de l’article 18, adopté par la Chambre dans le projet de loi du 16 juillet 2009 et reproduit ci-dessus, dif- fère légèrement du texte de l’amendement l’ayant initié, à savoir l’amendement n° 99 : celui-ci disposait que « La présente loi s’applique à tout bâtiment ou groupe de bâtiments qui répondent aux conditions prévues à l’article 577-3 du Code civil, à dater du premier jour du troisième mois qui suit celui de sa publi- cation au Moniteur belge. Toutefois, le Roi détermine les dispositions qui ne seront applicables aux copropriétés existantes qu’à dater de la coordination de leurs statuts à la législation en vigueur, coordination qui doit intervenir dans les 5 ans de la date déterminée à l’alinéa précédent. Lorsqu’une telle coordination n’a pas eu lieu dans ce délai, les règles suivantes sont d’application :

– les dispositions statutaires non-conformes à la législation en vigueur sont inapplicables et réputées remplacées par les dispositions légales corres- pondantes ;

– en cas d’omission ou de retard dans la coordination des statuts, l’associa- tion des copropriétaires ne pourra se prévaloir de la personnalité juridique à l’égard des tiers, lesquels auront la faculté d’en faire état contre elle » 35.

Cette distorsion ne manque pas de surprendre puisque aucun sous-amen- dement n’a été déposé en vue de modifier le texte de l’amendement n° 99, par ailleurs dépourvu de justification… 36. Il nous semble toutefois raisonnable de

35. Voy. Proposition de loi visant à moderniser et assurer une meilleure transparence dans le fonc- tionnement des copropriétés, Amendements, 23 juin 2009, Doc. parl., Ch. repr., sess. ord. 2008- 2009, n° 1334/008, p. 4, www.lachambre.be.

36. Notons à cet égard que la proposition de loi initiale prévoyait de modifier l’article 577-4 du Code civil en y insérant un § 4 rédigé comme suit : « Les dispositions statutaires (…) non-conformes à la nouvelle loi sont inapplicables et réputées remplacées par les dispositions légales correspondantes » (voy. proposi- tion de loi du 7 juillet 2008, Doc. parl., Ch. repr., sess. ord. 2007-2008, n° 1334/001, p. 29, www.lachambre.be). L’amendement n° 96 a finalement supprimé cet ajout à l’article 577-4 pour pré- férer le placer dans le projet d’article 18 relatif au droit transitoire (voy. Proposition de loi visant à moder- niser et assurer une meilleure transparence dans le fonctionnement des copropriétés, Amendements, 23 juin 2009, Doc. parl., Ch. repr., sess. ord. 2008-2009, n° 1334/008, p. 2, www.lachambre.be).

soutenir que la portée de ces textes n’est pas substantiellement différente, même si le texte de l’amendement n° 99 paraissait plus restrictif puisque la prise de position du législateur en faveur de la sanction de caducité se limitait aux cas exceptionnels définis par arrêté royal et consistait simplement en la sanction accompagnant l’absence de mise en conformité des statuts avec le nouveau prescrit légal. Dans le texte du projet de loi transmis au Sénat, la sanction de caducité est le principe même et non plus l’exception.

5. Nous conclurons nos propos relatifs à la loi nouvelle à appliquer, en

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