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I La radioprotection encadrée par des normes internationales

195.- Pendant longtemps, le droit de la radioprotection était un droit réservé au domaine médical. Ce droit avait pour objectif d’établir des limites aux doses d’exposition dus aux rayonnements de la radioactivité en dessous desquelles une personne exposée n’était pas supposée développer de maladie.

Le progrès de la science a permis de connaître l’effet réel des radiations sur le corps humain : ainsi les expositions à de faibles doses de radiation peuvent elle aussi entraîner des maladies radio induites ou dommages stochastiques, par opposition aux dommages déterministes qui se produisent pour de fortes expositions.

A. Les règles de radioprotection de sources normatives internationales

196.- Le droit de la radioprotection est le plus ancien dans la famille du droit nucléaire, de sources essentiellement internationales, sur la base de textes non contraignants. Les recommandations de la CIPR puis le droit de l’Union européenne ont en effet consacré une législation assez dense pour encadrer la radioprotection, composée des normes contraignantes et non contraignantes, qui pour l’essentiel, sont intégrés en droit interne, leur imposant une valeur normative législative.

197.- Le cadre juridique de la radioprotection prend donc sa source au cœur du droit international et est élaboré au sein des instances internationales spécialisées.

- l’UNSCEAR (United Nations Scientific Committee for the Effects of Atomic Radiations) qui est un comité scientifique des Nations Unies, étudie les effets des rayonnements ionisants

- L’UNSCEAR publie en suite des rapports sur l’état des connaissances sur les sources radioactives et leurs effets, et les soumets à la CIPR, qui a son tour prépare des recommandations sur la manière de gérer le risque radiologique. L’AIEA et Euratom adoptent, sur la base de ces recommandations, un cadre législatif et réglementaire en droit interne.

B. Les recommandations de la CIPR nouvellement réformées

Les normes européennes et internationales, en matière de radioprotection, est en pleine évolution.

198.- La CIPR (Commission Internationale de protection radiologique) est une organisation non gouvernementale, créée en 1928 à l’occasion du Congrès International de radiologie. Ce congrès réunissant les radiologues pour étudier les effets des rayons X et du radium sur leurs patients et à eux-mêmes.

En 1938, la CIPR établit la première limite de dose, qui concernait les seuls professionnels, à environ 500 mSv

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par an, en vue de réduire tout risque contre les effets des fortes de doses de rayonnements, les seuls connus à cette époque.

199.- Après la seconde guerre mondiale, l’action cancérogène des rayonnements a été reconnue et il était dès lors devenu évident que des expositions inférieures aux limites établies, pouvaient entrainer des effets extrêmement graves. La CIPR recommande alors d’abaisser les limites de dose à 3 mSv par semaine pour les travailleurs (soit environ 150 mSv par an) et le dixième de cette valeur pour la population en raison de possibles risques génétiques et de la sensibilité de certains individus qui les rend particulièrement vulnérables aux rayonnements.

- 200.- En 1959, la CIPR produit sa première publication officielle, publication n°1, elle recommande de limiter la dose professionnelle hebdomadaire, en tenant compte de l’accumulation des doses ; fixée à une moyenne de 50 mSv par an mais elle autorise des dépassements exceptionnels, autour de 30 mSv par trimestre, soit un maximum de 120 mSv par an.

- 201.- La CIPR définit des recommandations qui seront régulièrement actualisées165 sur l’évaluation et la gestion du risque radiologique, dont les

dispositions ont inspiré les législateurs nationaux et notamment le législateur français mais aussi le législateur européen par la mise en œuvre de directives en matière de radioprotection, prévu dans le traité Euratom.

- En 1977, la CIPR introduit une philosophie pour gérer les risques, dans la publication n°26 qui sera complétée en 1991. Il s’agit de protéger l’Homme contre les rayonnements ionisants et effets nocifs non stochastiques en limitant la probabilité d’apparition des effets stochastiques à des niveaux jugés acceptables. Elle prévoit trois principes de base pour la protection radiologique.

l'environnement), réalisée par l'Agence britannique de l'environnement et autres, octobre 2006, ISSN 1365-6414. 164 mSv : milisivert

165 Références : ICRP, 1991b. 1990 Recommendations of the International Commission on Radiological Protection. [Recommandations 1990 de la Commission internationale de protection radiologique.] Publication CIPR 60, Ann. CIPR 21 (1-3). Publication CIPR 65. Publication ICRP, 1996a. Radiological protection in medicine. [Protection radiologique en médecine.] Publication CIPR 73. Ann. CIPR 26. ICRP, 2007b. Radiological protection in medicine. [Protection radiologique en médecine.] .

- 202.- Ces principes concernent la doctrine actuelle sur l’acceptabilité du risque lié aux effets de la radioactivité, puisque que les expositions « habituelles » ne sont pas exemptes de tout risque. La priorité est d’étudier de très près les cancers radio-induits et effets héréditaires, risques potentiels des faibles doses donc des situations normales ; la CIPR délaisse les effets des fortes doses, qui ne peuvent résulter que de situations accidentelles.

- 203.- Le principe d’optimisation de la protection apparaît pour la première fois : il s’agit de maintenir toutes les doses aux valeurs les plus faibles auxquelles l’on peut parvenir sans difficulté, compte tenu des aspects sociaux et économiques (couramment représenté par l’acronyme anglais ALARA : as low as readily achievable) et la limite annuelle est fixée à 50 mSv pour les travailleurs et à 5 mSv pour les membres du public. L’optimisation de la protection occupe une place de plus en plus importante ; un chapitre entier de la Publication n°222 (1973) de la CIPR.

- Dans le milieu des années 90, la CIPR modifie le système de protection pour : (i) des raisons scientifiques166, afin de tenir compte de l’apport des dernières

connaissances dans les domaines de la radiobiologie et de l’épidémiologie, (ii) des raisons techniques et pratiques, tirant profit du retour d’expérience et (iii) des raisons sociétales, afin d’adhérer aux courants de pensée adoptées par la société en matière de protection contre les nuisances de tous ordres.

- 204.- La CIPR introduit alors la gestion du risque radiologique autour de trois principes :

 la justification des pratiques,

 l’optimisation de la protection, en reprenant les termes « ALARA »,

166LES RAISONS SCIENTIFIQUES concernent :

• Le risque de cancer aux faibles doses, qui est revu à la lumière des données récentes de l’épidémiologie, de la radiobiologie et de l’expérimentation animale. Les principales conclusions sont les suivantes :

- il n’existe aucune raison valable de modifier de la valeur de 2 recommandée en 1990 pour le Facteur d’Efficacité de Doses et de Débits de Dose (FEDDD), qui permet de prendre en compte le moindre risque de cancer aux faibles doses et faibles débits de dose par rapport à celui des fortes doses aiguës ;

- l’existence d’un seuil à l’action des rayonnements demeure très improbable, bien qu’il ne puisse pas être formellement écarté dans certains circonstances;

- une relation linéaire entre la dose et l’effet constitue la meilleure représentation du risque de cancer radio-induit ; - certaines valeurs des facteurs de pondération pour les rayonnements (wR), qui permettent d’apprécier la dangerosité de chaque type de rayonnement, doivent être légèrement modifiés ;

- les valeurs des facteurs de pondération pour les tissus (wT), qui permettent d’apprécier la dangerosité des rayonnements en fonction de la sensibilité des organes et des tissus, peuvent être affinées.

- dans la gamme des faibles doses (inférieures à quelques dizaines de mSv), les lésions de l’ADN occupent une position clé dans la cancérogenèse radio-induite.

 la limitation des doses.

- 205.- Toute exposition aux rayonnements ionisants doit être justifiée par des avantages qu’elle procure, ce principe est la base du système réglementaire français qui régit la détention et l’usage des sources de rayonnements en lien avec le fonctionnement des Installations Nucléaires de Base (INB).

- Pour la CIPR, toute activité relative à l’utilisation des rayonnements ionisants ne peut être autorisée que pour autant celle-ci produise un bénéfice positif net pour la société (analyse coût /avantage) ;

- La CIPR consacre ainsi le principe fondamental d’optimalisation167 de la

radioprotection dans lequel la CIPR propose un arbitrage entre les coûts de la protection et les niveaux d’expositions résiduels en s’appuyant sur la notion d’utilisation efficace des ressources.

206.- Les doses d’exposition ne doivent donc pas dépasser certaines limites en fonction du niveau à partir duquel les avantages sont considérées comme insuffisants et ce au regard de l’avantage procuré. Ce principe d’optimisation de la protection dit principe ALARA168 « As Low as reasonable »: induit donc une exposition qui devra

être maintenue à un niveau aussi bas que raisonnablement possible compte tenu des facteurs socioéconomiques en jeu pour assurer la protection radiologique.

207.- Le principe ALARA « aussi faible que raisonnablement que possible » est un principe universellement accepté et donne une définition de la limite des doses d’irradiation irréversible.

Cela étant, aucune dose ne peut à ce jour être considérée comme entièrement dépourvue de risques ainsi l’équivalent de dose reçu par l’homme ne doit pas dépasser certaines limites recommandées par la CIPR : c’est le principe de limitation des doses individuelles.

208.- Mais, alors comment pourrait-on envisager « As Low as reasonable » « à un niveau aussi bas que raisonnablement possible » dans une conception de limitation du risque, la plus proche possible du risque zéro en matière de radioprotection. Est-ce concevable ? Comment est-ce qu’un tribunal pourra se prononcer sur le cas d’un patient ou d’un travailler qui présente des maladies alors que la limite de dose aurait été respectée ?

Applicabilité du principe ALARA aux travailleurs et public

L’adoption du principe ALARA (As Low As Reasonnably Achievable) ou principe d’optimalisation de la radioprotection dont l’objectif est « de maintenir le niveau de

doses individuelles aussi bas que raisonnablement possible, compte tenu des facteurs économiques et sociaux » : ce principe se traduit par le fait que l’emploi des techniques nucléaires doit être justifié par des avantages évidents pour les travailleurs et la population dans son ensemble.

209.- Les doses reçues par les travailleurs doivent être aussi réduites que possible, mais il convient de s’arrêter dans les démarches visant à réduire les doses, lorsque toute réduction supplémentaire ne se justifie plus, par rapport à l’augmentation du coût nécessaire pour la réaliser.

Le principe prend en compte l’utilisation des rayonnements ionisants soit liée à des coûts sociaux équivalents pour la population ou les travailleurs.

Les matériels, les procédés ou l’organisation du travail au sein d’une Installation Nucléaire de Base (INB) doivent être conçus de telle sorte que les expositions professionnelles individuelles et collectives soient maintenues aussi bas que raisonnablement possible avec une optimisation de la radioprotection à la recherche de la mise en œuvre des actions de protection les meilleures au regard du critère coûts/efficacité.

210.- Il s’agit en fait de gérer les risques d’expositions et donc de prévoir les expositions, les identifier et quantifier les actions de protection possibles et retenir celles qui sont compatibles avec les ressources disponibles et l’équité et d’optimisation.

Le principe ALARA suit donc un principe de justification des pratiques par comparaison des avantages/inconvénients qui doit faire apparaître un bénéfice d’action ainsi sur le principe de la limitation des doses par la CIPR 60 pour le public est de 1 mSv/an et les travailleurs 100 mSv sur 5 ans avec un maximum de 50 mSv sur une année. La Publication n°60 précise en fait les objectifs suivants : procurer à l’homme un niveau de protection approprié, sans limiter indûment les activités bénéfiques à l’origine des expositions.

211.- Et selon l’IRSN, le choix de 1 mSv recommandé par la CIPR serait aujourd’hui remise en cause. Or, le gouvernement japonais a pourtant décidé d’établir à 20 mSv, le niveau de radioactivité pouvant permettre aux habitants de regarder leur logis à Fukushima.

Existe-t-il un véritable risque pour la santé de ces habitants ?

L’IRSN indique que la CIPR établit implicitement une échelle de risque pour la gamme de dose dues aux pratiques courantes, en qualifiant les expositions d’inacceptables (au-dessus de la limite), de tolérables (au-dessous de la limite mais au-dessus de la contrainte), d’acceptable (au-dessous de la contrainte) et de négligeable (au-dessous d’une certaine valeur qui n’est pas précisée !). L’IRSN indique aussi que l’inconvénient de ce système, c’est qu’il ne permet pas d’appréhender une application claire et précise, et ce bien que les professionnelles le prenne pour être la référence. La radioprotection nécessiterait dès lors une meilleure définition scientifique et technique.

Section II

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