• Aucun résultat trouvé

III Le démantèlement : une opération également administrative

389.- Le déclassement d’une INB est une opération administrative qui retire à l’installation la qualification d’INB pour en faire un site classique ou une installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE). Il permet aussi de lever les contrôles réglementaires auxquels est soumise une INB. C’est l’un des pouvoirs les plus importants de l’ASN au sens normatif du terme, dans son pouvoir réglementaire ; il est toutefois soumis à homologation du ministre265.

390.- Le déclassement laisse en principe le site complètement assaini. Le décret de déclassement exige que l’opérateur démontre que l’assainissement final du site a bien été atteint, et qu’il décrive l’état du site après démantèlement266. L’exploitant doit dès

lors réaliser une analyse des sols, des bâtiments ou des équipements restants une fois l’installation démantelée.

264 Voir site de l’ASN sur les incidents recensés consultable à l’adresse www.asn.fr 265 l’article 29 VIII de la loi TSN

Néanmoins l’ASN indique que le déclassement n’implique pas toujours la remise d’un site en son état antérieur à la création de l’INB. En effet certaines incertitudes ou certains dangers potentiels peuvent encore subsister au-delà du déclassement d’un site.

391.- Deux incertitudes subsistent après le démantèlement. La première concerne les obligations imposées à l’exploitant pour faciliter les servitudes d’utilité publique une fois le site déclassée, la seconde est plus problématique puisqu’elle concerne la gestion des déchets issus de ce démantèlement.

Par conséquent, l’exploitant doit démontrer qu’aucun risque ne résulte du terrain d’implantation du site (après démantèlement). Il s’agit d’une servitude conventionnelle au profit de l’État.

Dans l’hypothèse où l’exploitant n’est pas en mesure de démontrer l’absence de toute pollution radioactive ou chimique résiduelle sur ce site l’ASN édicte le décret de déclassement mais peut imposer, sur demande ou d’office, des servitudes d’utilité publique en fonction de l’état du site après démantèlement. Elles peuvent entrainer la limitation au seul usage industriel ou l’adoption de mesures radiologiques en cas d’affouillements par exemple.

Selon le rapport 2012 de l’ASN267 de nombreux sites déclassés ou assainis sont grevés

de servitudes. Cela démontre la difficulté à remettre en l’état un site après exploitation nucléaire.

393.- L’autre incertitude concerne le devenir des déchets issus du démantèlement. Une opération de démantèlement produit des déchets radioactifs à vie longue (qu’ils soient de faible, moyenne ou haute activité), et même des déchets de Haute activité (qu’ils soient à vie courte ou longue). L’ASN précise que : « Les exploitants nucléaires français disposent depuis 2008 de filières permettant la gestion de la majorité des déchets issus du démantèlement des installations nucléaires, et devraient pouvoir disposer, dans le futur, de filières d’élimination permettant la gestion de la totalité de ces déchets

»

268

.

394.- L’ASN précise que la gestion de ces déchets est donc un enjeu qui doit être pris en compte dès le début du projet de construction de la centrale - du moins lors de la demande d’autorisation d’exploitation269.

267Rapport 2012 ASN p. 467 et 468.

268 « La politique de l’ASN en matière de démantèlement et de déclassement des installations nucléaires de base en France », ASN, Indice 0.v3, avril 2009, p. 4

L’Autorité souligne aussi de façon générale que « les déchets de haute et moyenne activité à vie longue, qui représentent environ 3% du volume des déchets radioactifs existants mais concentrent plus de 99% de la radioactivité, ne disposent pas encore de filière de gestion définitive adaptée à leur nocivité ». Elle précise que « de telles filières doivent être mises en place et que, du point de vue de la sûreté, le stockage en couche géologique profonde est la filière adaptée à ces déchets »270.

Dans ce cadre, l’ASN surveille étroitement le site de stockage en couche géologique profonde situé entre la Meuse et la Haute-Marne, dénommé CIGEO271.

CONCLUSION

395.- Le démantèlement représente donc un enjeu économique et politique mais aussi juridique : car il convient en effet de clarifier et si possible d’harmoniser les normes relatives au financement de ces opérations et, d’autre part, d’instituer un cadre de la gestion sûre des nouveaux déchets qui seront ainsi produits.

396.- Par ailleurs, à moyen terme, le vieillissement de nombreuses centrales va considérablement modifier le programme de démantèlement des États membres à moyen terme. Ce vieillissement concerne notamment des structures, des systèmes et des composants d'une installation nucléaire, et en particulier la fragilisation de composants difficiles à remplacer dans la pratique, tels que les cuves des réacteurs, qui constitue une limite naturelle à l'exploitation prolongée des installations dans des conditions acceptables.

M. Pierre-Franck Chevet, président de l’ASN en France souligne que : « la poursuite

du fonctionnement des réacteurs au-delà de 40 ans n’est pas acquise »272 !

Le 16 octobre 2013, Monsieur Chevet a en effet indiqué, dans un entretien accordé au journal le Monde, que :

« Les réacteurs actuels ont été initialement conçus pour une durée de fonctionnement de 40 ans. Ils sont soumis à une obligation de réexamen décennal qui étudie la conformité de l’installation aux exigences de sûreté et qui informe aussi sur les travaux d’amélioration du niveau de sûreté. »

397.- M. Chevet indique que l’objectif pour le « post-quarante ans » est de se rapprocher des standards applicables aux nouveaux réacteurs, avec une amélioration très nette de la sûreté, tel est l’enjeu de la prolongation d’exploitation au-delà des 40

270 Site ASN sur le dossier déchets

271 avis n° 2013-AV-0179 de l’ASN du 16 mai 2013 sur les documents produits par l’ANDRA depuis 2009 relatifs au projet de stockage de déchets radioactifs en couche géologique profonde

ans », et que ce sont des exigences tant nationales qu’européennes qu’EDF doit respecter.

Par conséquent les États membres doivent veiller à ce que toute prolongation d’exploitation de la centrale nucléaire, au-delà de 40 ans, n'expose pas les travailleurs et la population à des risques supplémentaires.

398.- À cet effet, la révision de la directive 2009/71/Euratom insère de nouveaux objectifs, qui imposent aux autorités de réglementation et aux titulaires de l'autorisation, en cas de prolongation d’exploitation des centrales au delà de 40 ans, de s’assurer d’un niveau de sûreté toujours aussi élevé.

TITRE III

INDÉPENDANCE DE JURE DE LAUTORITÉ DE

RÉGLEMENTATION : UN DEVOIR AU SEIN DUN ÉTAT

SOUVERAIN

399.- L’existence d’une autorité de sûreté nucléaire indépendante, forte et compétente, est indispensable pour assurer un haut niveau de sûreté nucléaire, au sein d’un État souverain.

C’est une responsabilité tant nationale qu’européenne et mondiale. Cette indépendance sera aussi le gage d’un contrôle efficace de la sûreté et l’aboutissement d’une transparence effective vis-à-vis de la société civile, préalables indispensables à une instauration de la confiance en la sûreté de l’énergie nucléaire.

400.- Au sein de certains États, l’Autorité de sûreté nucléaire n’est pas indépendante, pour des raisons culturelle, économique ou politique. Cette situation n’est pas sans conséquences sur le contrôle de la sûreté nucléaire. Ainsi, au Japon, le fait que l’autorité de sûreté ne fut pas indépendante du Gouvernement a été considéré comme un problème dans la gestion de crise de Fukushima.

Il convient d’évoquer dans une première partie, l’indépendance de l’autorité de sûreté nucléaire en quoi la responsabilité nationale (Chapitre I), viendra ensuite une analyse sur un avant et après Fukushima vers une culture de contre pouvoirs de l’autorité, (Chapitre II) avant d’examiner l’opportunité de modifier le statut de l’AAI, en France, vers une indépendance de jure (Chapitre III)

Cette étude se limitera à une comparaison entre le système de contrôle français et le système japonais de l’autorité de sûreté nucléaire.

CHAPITRE I

L’indépendance de l’autorité de sûreté nucléaire, une

Outline

Documents relatifs