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L’indépendance de l’autorité de sûreté nucléaire, une responsabilité nationale

401.- M. André-Claude Lacoste273 affirme que cette indépendance est essentielle ; je

cite :

« Tout d'abord, l'indépendance de l'Autorité de sûreté nucléaire par rapport aux

promoteurs de l'énergie nucléaire est essentielle, car en cas de désaccord technique fort avec un exploitant nucléaire, il faut que l'Autorité de sûreté puisse faire entendre sa position. ».

« La sûreté nucléaire ne se négocie pas et ne se délègue pas ! » précise M. Lacoste. 402.- En France, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) est une autorité administrative indépendante. Cette indépendance est récente et s’est réalisée de manière progressive comme le montre M. Philippe Saint Raymond274 dans son ouvrage : « Une longue marche vers l’indépendance et la transparence, l’histoire de l’Autorité de sûreté nucléaire française ». Ce fut un long cheminement qui a commencé dans les années

1950 jusqu’à sa création, en 2006, en tant qu’Autorité administrative indépendante. Cette indépendance s'est établie progressivement sous l'influence des hommes et des institutions, et de l’expérience issue de plusieurs crises et accidents nucléaires (Three Mile Island, Tchernobyl, Épinal…275). 276

273 Monsieur André-Claude LACOSTE l’ex- président de l’Autorité de sûreté de la France

274 Philippe Saint Raymond est ingénieur général des Mines honoraire. Ancien élève de l’École Polytechnique et de l’École des Mines de Paris, il a exercé pendant une dizaine d’années des responsabilités importantes dans le domaine du contrôle à la direction de la sûreté des installations nucléaires puis à la direction générale de la sûreté nucléaire et de la radioprotection. Il préside le groupe permanent d’experts « laboratoire et usines mettant en œuvre des matières radioactives » placé auprès de l’ASN.

Par ailleurs, M. Saint Raymond préside le Comité d’histoire de l’ASN, qui a été créé en septembre 2009. Ce comité constitué de 6 membres : André-Claude LACOSTE, Michel Bourguignon, Jean-Christophe Niel, Alain Delmestre et Daniel Quéniart. Ils ont été des témoins et des acteurs de l’évolution du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France.

Son ouvrage : « Une longue marche vers l’indépendance et la transparence, l’histoire de l’Autorité de sûreté nucléaire française » est publié par La Documentation française, le 15 novembre 2012.

275 Au niveau national : [démonstration des problèmes qui ont entrainé cette indépendance :En France, l'accident d'Épinal en est une illustration : il a entraîné une action vigoureuse vis-à-vis des centres de radiothérapie.

403.- À l’origine, la sûreté nucléaire était sous contrôle ministériel à la différence des Américains277 , des Canadiens278 ou des Espagnols279 qui ont, très tôt, confié cette

compétence à des entités indépendantes du gouvernement. Le contrôle de la sûreté nucléaire était en effet assuré par la direction générale de la sûreté nucléaire et de la radioprotection280, placée sous la responsabilité du ministre de la santé et qualifié

d’« Autorité de sûreté nucléaire »281. La situation en Inde est d’ailleurs comparable à

celle de la France au début des années 1970. Cependant, il reste encore plusieurs pays nucléaires dans le monde où il n’y a pas d’autorité de sûreté nucléaire, ou, lorsqu’elle existe, qui ne jouit pas (du moins pas suffisamment) de son indépendance : c’est le cas du Japon (fut) !

404.- C’est le principe d’impartialité de l’action publique qui a justifié en France la mise en place d’une telle indépendance, avec l’appui de l’Union européenne282 . Il est

apparu nécessaire en effet, de protéger l’autorité de sûreté nucléaire (dans ses fonctions) et d’éviter qu’elle soit dans une situation de conflit d’intérêts lors des transitions ministérielles, dans la mesure où le gouvernement est à la fois

Au plan international, l'accident de Tchernobyl a durablement affecté la confiance de l'opinion dans les organismes chargés d'informer le public. Cet accident conduira à la mise en place, en France, d'une échelle de gravité des accidents nucléaires, ancêtre de l'actuelle échelle INES.]

276 Le Déaut J.-Y., « Le système français de radioprotection, de contrôle et de sécurité nucléaire : la longue marche vers l’indépendance et la transparence », Rapport au premier ministre, La Documentation française, 1998.

277 L’Atomic Energy Act de 1946 a créé l’Atomic Energy Commission transformée, suite à des critiques récurrentes sur le manque de contrôle, par le Energy Reorganization Act de 1974 en Nuclear Regulatory Commission

278 La Commission canadienne de sûreté nucléaire, entité indépendante, a été établie en 2000 en vertu de la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires pour remplacer l’ancienne Commission de contrôle de l’énergie atomique (CCEA) fondée en 1946

279 Ley 15/1980 de Creación del Consejo de Seguridad Nuclear, modifiée par la Ley 33/2007

280280 Décret n°73-278 du 13 mars 1973 portant création d’un conseil supérieur de la sûreté nucléaire et d’une direction générale de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, (JORF du 15 mars 1973).

281 Décret n° 2002-254 relatif à l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, (JORF n°48 du 26 février 2002 p. 3585).

282 « L’ensemble constitué par la direction générale de la sûreté nucléaire et de la radioprotection et les divisions de la sûreté nucléaire et de la radioprotection des directions régionales de l’industrie, de la recherche et de l’environnement, qui constituent ses services déconcentrés, est reconnu aujourd’hui comme l’autorité de sûreté nucléaire française (…). Pour autant, la situation de droit plaçant, en France, ces services sous l’autorité entière du Gouvernement peut susciter des interrogations sur l’interaction entre les préoccupations de sûreté nucléaire et de radioprotection et d’autres objectifs que le Gouvernement doit aussi assumer, comme veiller à l’approvisionnement énergétique ou jouer son rôle d’actionnaire principal de grands opérateurs du secteur nucléaire ; une telle question peut prendre une importance particulière au moment où sont décidés de grands investissements dans le domaine de l’énergie nucléaire » Sénat, Session ordinaire de 2005-2006, n° 217, annexe au procès- verbal de la séance du 22 février 2006, lettre rectificative au projet de loi relatif à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, présentée par M. Dominique de Villepin.

interventionniste (opérateur) sur le marché nucléaire mais aussi organe de surveillance de la sûreté nucléaire283. Il ne peut donc être impartial dans cette

dernière fonction.

405.- En 1998, Le Premier ministre Lionel Jospin confirmait ainsi que « le

Gouvernement a réaffirmé l’importance qu’il attache au respect des règles démocratiques et de transparence, ainsi que la nécessité de séparer clairement les fonctions de contrôleur et d’exploitant. À cette fin, il a annoncé qu’il présenterait des dispositions législatives sur ce sujet, reposant notamment sur la création d’une autorité indépendante ».

406.- Et le Conseil de l’Union européenne a en effet précisé dans la directive du 25 juin 2009284 que les États membres doivent instituer une autorité de réglementation

compétente dans le domaine de la sûreté nucléaire. Cette autorité doit être « séparée sur le plan fonctionnel de tout autre organisme ou organisation s’occupant de la promotion ou de l’utilisation de l’énergie nucléaire, y compris la production d’électricité, afin de garantir son indépendance effective de toute influence indue dans sa prise de décision réglementaire »285 . Le droit de l’UE impose désormais

l’indépendance fonctionnelle de l’ASN.

407.- Le respect de l’indépendance de l’autorité de sûreté nucléaire primordial par rapport aux influences de toute sorte, qu’elles soient industrielles, économiques ou politiques, pour assurer un très haut niveau de sûreté.

M. Lacoste précise que l’indépendance de l’ASN constitue une vraie «culture de sûreté ». 408.- En France, l’autorité de sûreté nucléaire est une autorité administrative indépendante, consacrée par la loi du 13 juin 2006 dite loi TSN. Son indépendance est avant tout fonctionnelle, bien que dans la pratique elle officie dans le cadre d’une

283 La lettre de mission de Lionel Jospin en 1998 : « la nécessité de séparer clairement les fonctions de contrôleur et d’exploitant ». Le Déaut J.-Y., « Le système français de radioprotection, de contrôle et de sécurité nucléaire : la longue marche vers l’indépendance et la transparence », Rapport au premier ministre, La Documentation française, 1998.

284 Directive sûreté 2009/71 Euratom - Vu ses considérants : (8) La responsabilité nationale des États membres en matière de sûreté nucléaire des installations nucléaires constitue le principe fondamental sur la base duquel ont été développées les règles en matière de sûreté nucléaire au niveau international, telle qu’entérinée par la convention sur la sûreté nucléaire. Ce principe de la responsabilité nationale, de même que celui de la responsabilité première de la sûreté nucléaire d’une installation nucléaire, qui incombe au titulaire de l’autorisation sous le contrôle de son autorité de réglementation nationale compétente, devraient être confortés et le rôle et l’indépendance des autorités de réglementation compétentes devraient être renforcés par la présente directive.

indépendance de jure. Dans les faits, ses décisions sont en effet prises de manière tout à fait indépendante du Gouvernement286.

Section I

Consécration de l’indépendance fonctionnelle de l’autorité de

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