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Les failles de l’autorité de sûreté nucléaire japonaises

436.- L'Agence japonaise de sûreté nucléaire (en

japonais原子力安全・保安院 (Genshiryoku Anzen Hoanin), en anglais Nuclear and

Industrial Safety Agency et abrégée en NISA) était une subdivision du METI

(Ministère japonais de l'Économie, du Commerce et de l'Industrie) chargée de superviser le respect de la réglementation dans le domaine de la sûreté nucléaire. Elle

a été critiquée, notamment après Fukushima, pour avoir eu des conflits d'intérêt avec le METI qui faisait la promotion du nucléaire304.

437.- En 2007, le Comité d’étude des tremblements de terre au sein du Ministère des Sciences avait déjà dénoncé le fait que les mêmes personnes édictaient les règles, réalisaient les inspections et validaient ensuite les rapports. Et, que le législateur ne faisait que valider (avec un tampon officiel) les rapports établis par les exploitants des centrales. ». L'ancien gouverneur de la préfecture de Fukushima Eisaku Sato a dénoncé les défaillances du système. Il déclare : « Une organisation qui est totalement indigne de confiance est chargée d'assurer la sécurité des centrales nucléaires japonaises. Le problème n'est donc pas limité à la Tokyo Electric Company, laquelle a derrière elle un long passif de dissimulation: c'est tout le système qui en cause. »305.

438.- Suite à ses défaillances306 dans la gestion de l'accident nucléaire de Fukushima,

le directeur de l'agence Nobuaki Terasaka a été remercié en août 2011. Le 20 juin 2012, le gouvernement japonais décida de la dissoudre et de la remplacer par une nouvelle autorité de réglementation du nucléaire, la NRA, autorité administrative indépendante rattachée au ministère japonais de l'Environnement (MOE) 307308.

§ I-. L’Europe et l’indépendance de l’autorité de réglementation

439.- La Commission européenne avait donc initialement envisagé, dans son projet de nouvelle directive, de consacrer une indépendance de Jure de l’autorité de réglementation, à l’instar du statut de l’autorité de réglementation espagnole, puis s’est rétractée sous la pression politique de certains États nucléaires.

En quoi consiste cette nouvelle directive et pourquoi une indépendance de jure poserait-elle difficulté au sein de l’Union européenne?

L’expérience de Fukushima a pourtant rappelé l’importance d’une indépendance forte de l’autorité de sûreté nucléaire qui soit séparée de toute influence politique et gouvernementale. Depuis Fukushima, l’indépendance de l’ASN se conçoit en effet avec une acuité nouvelle.

304 The New York Times Japan’s Premier Seeks Support for Using Nuclear Power June 8, 2012. 305 Japan Extended Reactor’s Life, Despite Warning, page 2/2], New York Times, 21 mars 2011. 306 « Fukushima Probe Puts Regulator, Cellphones on List of Failures », Bloomberg, 26 décembre 2011.

307 Recent Development of Environmental Policies in Japan - p12 « (...) and establish the “Nuclear Regulation Authority (NRA)”, as an independent commission body affiliated to the MOE. Chairman and Commissioners are appointed by the Prime Minister after the approvalof the National Diet. »

440.- La proposition d’amendement de la directive sûreté du 13 juin 2013 renforce certes l’indépendance fonctionnelle de l’Autorité de sûreté nucléaire, mais est-ce suffisant au regard de ce qui s'est passé à Fukushima … ?

Certains auteurs remettraient même en cause l’indépendance de l’autorité de sûreté nucléaire française.

§ II-. Remise en cause de l’indépendance de l’autorité de sûreté

nucléaire

441.- H. Delzangles insiste sur le fait que l’indépendance de l’ASN peut être fragilisée309 :

En premier lieu, la pression du pouvoir exécutif peut être un frein à cette indépendance, dit-il, dans la mesure où plus de la moitié, trois des cinq membres du collège de l’ASN, sont nommés par le Président de la République. Or c’est bien par rapport au pouvoir exécutif qu’il importe que l’autorité soit indépendante.

En deuxième lieu, il dénonce le fait qu’il peut exister parmi les spécialistes du secteur une certaine proximité avec les pouvoirs publics et les opérateurs, ce qui peut faire douter de leur impartialité.

En troisième lieu, une question peut être posée sur le fait, dit-il, de savoir si l’ensemble des membres de l’ASN doivent adhérer - ils être acquis à la cause nucléaire.310

Par ailleurs, si l’État détient environ 85% d’EDF et 87% d’AREVA, les principaux producteurs et exploitants des centrales nucléaires311 , ces derniers n’en sont pour

autant pas dénués d’ambitions commerciales. Ne serait-ce pas une atteinte à la mise en place d’une indépendance de jure de l’autorité de sûreté en France.

309 Delzangles H., « L’indépendance de l’Autorité de sûreté nucléaire, des progrès à envisager », Revue juridique de l’environnement, n° 1/2013, p. 7.

310 La position de la Commission de réflexion pour la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique remis au Président de la République le 26 janvier 2011, La documentation française, janvier 2011, p.121 « Si les intérêts moraux sont susceptibles, dans certains cas, d’entrer en conflit avec l’action publique, ce sont bien les intérêts matériels qui sont le plus susceptibles de générer des difficultés ou des doutes sur l’impartialité de l’agent. En outre, l’instauration de mécanismes, notamment de déclaration, destinés à prévenir systématiquement tout « conflit d’intérêts », quelle que soit son intensité, avec des intérêts intellectuels, philosophiques, politiques, syndicaux, idéologiques ou religieux, c’est-à-dire avec des convictions personnelles, constituerait une atteinte importante à la liberté d’opinion constitutionnellement garantie, et serait excessivement intrusive. Il est d’ailleurs délicat de définir une conviction sous l’angle de « l’intérêt » de la personne concernée, et impossible de lui attribuer, en la matière, les intérêts d’un tiers. Les notions de consistance et d’intensité des intérêts en cause sont donc déterminantes pour apprécier ce qui relève ou non du champ d’éventuels conflits. C’est ainsi que les convictions religieuses ou politiques ne peuvent être regardées de manière générale comme des « intérêts », tandis que des mandats officiels de la part d’institutions religieuses ou politiques peuvent être pris en compte. La Commission a donc résolument écarté l’idée d’identifier, traiter et corriger des conflits d’intérêts de cette nature de manière générale. Le principe en la matière doit rester celui de la confiance et de la responsabilité de la personne concernée, qui est réputée ne pas être influencée par ses convictions dans l’exercice de ses missions, sauf pour certains types de fonctions, d’actes ou de mesures pour lesquels l’existence de telles convictions, dès lors qu’elles se traduiraient par un engagement concret, pourrait être regardée comme structurellement problématique ».

Selon certains auteurs, un opérateur commercial, même s’il est détenu par l’État et fournisseur d’un service public, risquera de faire primer son profit sur la sécurité absolue.

À ce sujet, le rapport publié par la Commission d’enquête constituée par le Parlement japonais après la catastrophe nucléaire de Fukushima affirmait qu’il s’agissait d’un « désastre créé par l’homme (…) résultat d’une collusion entre le gouvernement, les agences de régulation et l’opérateur TEPCO »312. Au regard de cette situation,

l’Autorité administrative indépendante, ou la plus indépendante possible, est le maillon essentiel pour assurer la sûreté de façon indépendante sur le secteur.

312 « The official report of Fukushima Nuclear Accident Independent Investigation Commission », Diète Nationale du Japon, p.17

CHAPITRE III

L’opportunité de modifier le statut de l’AAI par exemple en

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