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Section 2 : Les utilisations possibles du free cash flow

I. DISTRIBUTION DU FREE CASH FLOW AUX ACTIONNAIRES DE L’ENTREPRISE

2. Le rachat d’actions et free cash flow

Les entreprises disposent des alternatives pour assurer la rémunération de leurs actionnaires ; elles peuvent utiliser le dividende ou le rachat d’actions (Brealey et Myers, 2000). Depuis une quinzaine d’années aux États-Unis et plus récemment au Canada et dans la plupart des pays européens dont la France, le rachat d’actions est devenu un véritable moyen de distribution de fonds aux actionnaires23.

Le rachat d’actions est une pratique financière qui consiste en l’achat, par une entreprise, de ses propres titres généralement contre du cash. C’est une opération assez adoptée par les entreprises et largement répondue dans la plus part des places financières, citons en tête le marché français depuis l’assouplissement de la loi française à ce sujet.

23 La littérature financière fournit d’autres motivations pour lesquelles les entreprises rachètent leurs actions:

réajustement de la structure de capital (Bagwell et Shoven, 1988), la défense contre des prises de contrôle (Bagwell, 1991), la signalisation (Dittmar, 2000 ; Gingligner et L’Her, 2006) et l’expropriation des richesses au détriment des obligataires et au profit des actionnaires.

En effectuant un rachat d’actions, le dirigeant accomplit réellement un double objectif : il montre d’abord qu’il n’utilisera pas le free cash flow à sa convenance, signalant par-là qu’il est conscient de ses devoirs envers les actionnaires. De plus, il augmente la rentabilité à court terme des actions, enrichissant ainsi ces mêmes actionnaires. La théorie de free cash flow prédit à cet égard qu’à l’exception des entreprises qui disposent de projets d’investissement rentables non financés, les cours boursiers vont s’accroître en cas de suppléments de distribution non anticipée ou promesses de distribution tel que l’annonce de programme de rachat d’actions.

Pour Fenn et Liang (1998), la principale motivation derrière les rachats d’actions est la distribution de flux discrétionnaires associée à la réduction des conflits d’agence entre les dirigeants et les actionnaires, puisqu’ils permettent le versement de fonds temporaires aux actionnaires sans engagement permanent de l’entreprise.

Le rachat d’actions propres permet donc de discipliner les dirigeants, d’éliminer leurs comportements opportunistes et de réduire l’asymétrie d’information entre dirigeants et actionnaires. Il est donc un moyen efficace pour mieux valoriser l’entreprise. L’hypothèse de free cash flow prédit une relation positive entre les rachats d’actions et le free cash flow.

Richardson (2002) justifie sa réflexion à l’étude des rachats d’actions par plusieurs motifs. D’abord, le rachat d’actions est souvent préféré aux dividendes parce que le rachat est plus avantageux en matière d’impôt que les dividendes pour la plupart des investisseurs. En second lieu, contrairement aux dividendes réguliers, qui implique un engagement de maintenir le paiement sur les périodes futures, le rachat d’actions est perçu a priori comme un moyen occasionnel et non permanent de distribuer du cash (Fama et French, 2000 ; Grullon et Michaely, 2002). Par conséquent, les entreprises disposant d’excédents cash flows, et qui ne sont pas certains de leurs capacité à générer de cash flows similaires sur les périodes futures, devraient racheter leurs actions plutôt que distribuer des dividendes.

Dans ce cadre, Richardson (2002) teste sa première hypothèse qui stipule que la probabilité d’annoncer un plan de rachat d’actions augmente avec l’ampleur du free cash flow. Pour ce faire, l’auteur estime la régression logistique suivante :

Pr (REP =1t) = α + β1 FCFt + β 2 FCF t-1 + β 3 FCF t-2 + β 4 FCF t-3 + εt

Où REP : est une variable dichotomique égale à 1 en cas d’annonce d’un plan de rachat d’actions dans l’année en cours, et zéro dans le cas contraire.

L’auteur trouve que le free cash flow de l’année de l’annonce d’un plan de rachat d’actions et celui de l’année antérieure sont significatifs en expliquant la décision de rachat d’actions. Autrement dit, l’auteur constate que la probabilité d’annoncer un plan de rachat d’actions est plus élevée chez les entreprises ayant un niveau élevé de free cash flow.

Le rachat d’actions peut se faire sous différentes formes dont l’une est l’offre publique de rachat d’actions « tender-offer ». Cette forme représente un engagement crédible pour distribuer le free cash flow. Etant donné son caractère public, cette technique de rachat implique en général une procédure assez lourde et ne peut être révoquée une fois lancée. En examinant cette forme particulière de rachat d’actions, Richardson (2002) teste l’hypothèse suivante : A condition d’annoncer un plan de rachat d’actions, la probabilité de choisir une offre publique de rachat d’actions « tender-offer » augmente avec l’ampleur du free cash flow.

Malgré que l’offre publique de rachat d’actions constitue un engagement plus plausible pour distribuer le free cash flow, l’auteur n’a pas pu confirmer son hypothèse.

Le free cash flow ne semble pas être une cause déterminante de la décision d’annoncer une offre publique de rachat d’actions « tender- offer ».

En outre, l’hypothèse de free cash flow implique que les entreprises ayant des niveaux élevés de free cash flow et qui jouissent de faibles coûts de financement externe, rachètent plus d’actions. En effet, les entreprises qui disposent des niveaux élevés de free cash flow supportent un risque plus élevé du surinvestissement. Par conséquent, elles ont intérêt à distribuer le free cash flow aux actionnaires et plus spécifiquement sous forme de rachat d’actions. Encore, les entreprises qui jouissent de faibles coûts de financement externe peuvent distribuer plus de cash aux actionnaires. En effet, si ces entreprises devraient faire appel à des fonds externes dans le futur (parce que le cash flow est plus faible que ce qui est prévu ou les opportunités d’investissement profitables sont plus élevées que prévues), le financement serait peu coûteux.

Pour vérifier l’hypothèse de free cash flow, Fenn et Liang (1998) testent la relation transversale entre les rachats par ramassage en bourse « open market repurchases » et certaines données comptables pour un échantillon d’entreprises composé de deux sous échantillons « celles qui distribuent des dividendes » et « celles qui ne distribuent pas de dividendes » sur une période de douze ans (1984-1995).

Les résultats de régressions soutiennent fortement l’hypothèse de free cash flow. Plus exactement, pour les deux sous-échantillons, les coefficients estimés pour chacune des cinq variables utilisées pour vérifier l’hypothèse de free cash flow présentent les signes prévus et sont statistiquement significatives. Pour les deux échantillons, le rachat par ramassage en bourse « open market » est positivement lié au cash flow net d’exploitation (la variable utilisée pour mesurer le free cash flow), négativement lié au ratio « valeur de marché des actifs à la valeur comptable des actifs »24 (la variable utilisée pour mesurer les opportunités de croissance), négativement lié à la dette (la variable utilisée pour mesurer les coûts de financement externe), et positivement lié au cash et à la taille de l’entreprise (inverse des variables de substitution des coûts de financement externe)25.

Pour les deux sous échantillons, les coefficients estimés pour chacune des cinq variables utilisées pour vérifier l’hypothèse de free cash flow sont généralement similaires dans leur signe. Cependant, dans certains cas comme celui du rachat d’actions, ils sont nettement plus élevés pour les entreprises qui ne distribuent pas de dividendes. Une explication plausible à ce résultat est que les entreprises qui ne distribuent pas de dividendes utilisent davantage le cash excessif dans le rachat de leurs propres actions.

Encore, Dittmar (2000) montre que les rachats d’actions sont très sensibles au niveau de free cash flow. Plus précisément et sur la période 1977-1996, l’auteur trouve un impact positif de la trésorerie excédentaire et du manque des opportunités de croissance sur la décision de rachat ainsi que sur le montant des actions rachetées. De même, Grullon et

24 La variable utilisée pour mesurer les opportunités de croissance est le ratio « market-to-book asset» qui est égal à la valeur du marché des actifs divisée par la valeur comptable des actifs, où la valeur de marché des actifs est égale à la valeur comptable des actifs plus la valeur de marché des capitaux propres moins la valeur comptable des capitaux propres.

25 Les entreprises les plus grandes supportent généralement moins de coûts d’agence, ce qui entraîne moins de coûts de financement externe (Smith et Warner, 1979). La dette peut être considérée comme une mesure des coûts financiers de détresse et, par conséquent, comme une mesure des coûts de financement externe ; le cash peut être considéré comme ayant un effet opposé à celui de la dette puisqu’il est utilisé pour rembourser la dette.

Michaely (2004) confirment l’hypothèse de free cash flow en remarquant que les rachats sont liés à un excès de fonds et à un manque d’opportunités de croissance. Encore, Oswald et Young (2004) constatent que les secteurs d’activité qui sont caractérisés par un niveau de free cash flow élevé sont ceux qui rachètent le plus leurs propres actions.

Dans la mesure où les coûts d’agence du free cash flow diminuent à travers la distribution de ces fonds excédentaires aux actionnaires (les dividendes et le rachat d’actions), le recours à l’endettement, instrument disciplinaire privilégié par Jensen (1986) mérite aussi d’être traité. A cet égard, l’affectation du free cash flow aux créanciers de l’entreprise fera l’objet de la rubrique suivante.

II. AFFECTATION DU FREE CASH FLOW AUX CREANCIERS DE

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