• Aucun résultat trouvé

GESTION DES RESULTATS

Section 1 : La gestion des résultats

I. DEFINITIONS DE LA GESTION DES RESULTATS

La littérature financière et comptable sur la gestion du résultat est relativement riche.

Plusieurs définitions de la gestion du résultat ont été proposées. La définition la plus citée est celle de Schipper (1989) qui considère la gestion des résultats comme « une intervention délibérée dans le processus de présentation de l’information financière dans le but de s’approprier des gains personnels ».

Dans le même sens, Degorge et al. (1999) définissent la gestion des résultats comme

« l’utilisation de la discrétion managériale pour influencer le résultat diffusé auprès des parties prenantes ». Cette définition considère la gestion des résultats comme un comportement discrétionnaire visant à influencer les investisseurs pour une interprétation voulue des chiffres (Godfrey et al., 2003). Ainsi, l’objectif fondamental de ce comportement selon Breton et Stlowy (2004, p. 5) est la modification de la perception des investisseurs sur le marché concernant le risque de l’entreprise. Les définitions de Degeorge et al. (1999) et de Breton et Slowy (2004) n’ont pas restreint la gestion des résultats à l’opportunisme. La gestion des résultats peut être conduite aussi dans un objectif de signalisation. C’est dans ce même ordre d’idées, Xue (2004) considère que les deux perspectives ne sont pas mutuellement exclusives. L’auteur ajoute les entreprises ayant de bonnes opportunités de croissance sont les seules qui peuvent gérer les résultats dans un objectif de signalisation. Il s’est justifié par la limite de la gestion comptable qui est contrainte par la réglementation comptable et l’impact négatif de la gestion réelle sur la profitabilité future de l’entreprise.

Similairement, Altamuro et al. (2005) montrent que le gonflement des revenus de l’année en cours (càd décaler une partie des revenus des exercices ultérieurs vers l’exercice en cours) est motivée par l’opportunisme managérial et par la volonté des dirigeants de fournir une information pertinente sur la performance future de l’entreprise.

Subséquemment, deux perspectives perçoivent différemment la gestion des résultats : la perspective opportuniste et la perspective informationnelle. Nous traitons en détail, dans ce qui suit ces deux perspectives :

™ La perspective opportuniste

L’approche opportuniste considère la gestion des résultats comme une action délibérée effectuée par les dirigeants, en vue d’induire en erreur les investisseurs à propos de la performance de l’entreprise. Par exemple, ils vont essayer de gonfler le résultat pour faire croire à une bonne performance, ou bien réduire le résultat rapporté pour atteindre le niveau prévu par les analystes, maximiser leurs profits personnels… Dans le cadre de cette approche, nous pouvons retenir la définition la plus citée dans les articles, celle de Healy et Wahlen (1999) : « la gestion du résultat intervient lorsque les dirigeants utilisent leur attitude discrétionnaire dans le processus de comptabilité financière et dans la structuration des transactions pour modifier les états financiers soit pour induire en erreur certaines parties prenantes sur les performances économiques réelles de l’entreprise, soit pour influencer les enjeux contractuels qui reposent sur les nombres comptables ».

Plusieurs recherches réalisées dans le contexte américain soulignent que les dirigeants sont motivés à gérer les résultats à travers les accruals pour des raisons opportunistes. Ces motivations sont liées à la théorie politico-contractuelle, à la théorie de la sécurité d’emploi et à la gestion des résultats par les seuils.

La théorie politico-contractuelle suppose que les dirigeants sont opportunistes et utilisent toutes les libertés que leur offrent les normes comptables pour publier les chiffres comptables qui leur conviennent le mieux. Développée par Watts et Zimmerman (1986), cette théorie permet de formuler les hypothèses relatives à la rémunération incitatrice des dirigeants, aux clauses restrictives dans les contrats de dette et à la minimisation des coûts politiques.

La perspective opportuniste est également basée sur la théorie de la sécurité de l’emploi initiée par Fudenberg et Tirole (1995). Dans une période de mauvaise performance, les dirigeants sont incités à prendre des mesures discrétionnaires dans le but de dissimuler une faible performance et maintenir leur poste de travail. Dans ce sens, Pourciau (1993) avance que le contexte d’un remplacement non routinier28 des dirigeants constitue un terrain fertile

28 Pourciau (1993) définie le changement non routinier comme un remplacement non planifié qui se matérialise dans la plupart des cas par une résignation forcée du dirigeant.

pour déceler les agissements opportunistes du dirigeant en l’occurrence la manipulation du résultat comptable. L’auteur montre que le changement non routinier des dirigeants les incite à s’adonner à une manipulation de résultat à la hausse afin de dissimuler une mauvaise performance et éviter ainsi la perte de leur emploi qui par conséquent affecte leur réputation professionnelle. En outre, Easterwood (1998) teste la latitude des dirigeants à gérer les résultats dans le cas d’une offre publique d’achat durant le dernier trimestre qui précède immédiatement la tentative de prise de contrôle. L’auteur compare le signe des accruals discrétionnaires dans deux groupes d’entreprises : le premier relatif aux entreprises victimes des appels d’offre et le second composé d’entreprises n’ayant subi aucune tentative de prise de contrôle. Les résultats obtenus montrent que les dirigeants des entreprises ciblées par un appel d’offre d’achat optent pour des accruals discrétionnaires supérieurs à leur paire dans la même industrie durant le trimestre qui précède la prise de contrôle. Les dirigeants de ces entreprises accroissent le résultat afin de dissimuler une faible performance et préserver leur emploi.

Par ailleurs, les motivations des dirigeants à agir d’une manière opportuniste sont étayées par la volonté d’atteindre certains seuils de résultat. Plusieurs études empiriques ont essayé de tester la gestion des résultats autour de ces seuils. C’est ainsi que plusieurs chercheurs ont mis en évidence que les dirigeants sont averses pour la publication des pertes (Hayn, 1995 ; Moreira et Pope, 2007), d’un résultat inférieur au résultat de l’exercice précédent (Burgstahler et Dichev, 1997 ; Holland et Ramsay, 2003 ; Jacob et Jorgensen, 2007) et d’un résultat qui diffère des attentes des analystes financiers (Burgstahler et Dichev, 1997 ; Degeorge et al.,1999 ; Bartov et al., 2002 ; Lee, 2007).

™ La perspective informationnelle

Les pionniers de cette approche sont Holthausen (1990) et Healy et Palepu (1995). Ils considèrent que les manipulations comptables visent à améliorer la communication financière de l’entreprise. Cette conception quelque peu paradoxale des manipulations comptables trouve son origine dans les théories de l’économie de l’information. Celles-ci considèrent que les dirigeants disposent d’informations privées sur les perspectives d’avenir de leur entreprise, informations qu’ils doivent impérativement communiquer aux investisseurs, pour que ces derniers puissent évaluer correctement les titres qui leur sont offerts. La théorie des signaux

apporte des arguments selon lesquels les choix et les pratiques comptables peuvent être utilisés comme outils de signalisation et que, par conséquent, la pratique de la gestion des résultats peut s’expliquer par la volonté des dirigeants de signaler des informations privées telle que la performance future de l’entreprise. Dans ce contexte, l’approche informationnelle conçoit la gestion des résultats de façon optimiste. Les dirigeants vont gérer les résultats pour transmettre une information sur le marché de capitaux. Un appui empirique à une gestion à la hausse des résultats pour améliorer les termes d’une émission d’actions a été fourni, notamment avant les émissions d’actions (DuCharme et al., 2005), avant les offres alléchantes d’actions (Teoh et al., 1998b ; Subba Reddy, 2005), avant les offres publiques d’achat (Teoh et al., 1998a) et avant les acquisitions financées par actions (Erickson et Wong, 1999 ; Abdul Rahman et Abu Bakar, 2004). Les recherches montrent aussi que les entreprises, pour des objectifs de cotation, gèrent à la hausse leurs résultats avant de s’introduire en bourse (Charitou et Louca, 2003 ; Roosenboom et al., 2003 ; Chen et al., 2005a ; Li et al., 2008).

Selon la perspective de communication, les accruals discrétionnaires sont utiles pour les dirigeants dans la mesure où ils permettent de réduire les problèmes liés à l’asymétrie d’information et plus spécifiquement, la possibilité de sous évaluation des entreprises qui présentent des opportunités de croissance importantes. Dans ce contexte, Gul et al. (2003) et Nwaeze (2002), concluent que les entreprises qui présentent des niveaux de croissance élevés gèrent les résultats à la hausse afin de communiquer cette information à leurs investisseurs.

Egalement, l’hypothèse de communication a été confirmée par Ahmed et al. (1999) qui avancent l’idée selon laquelle les dirigeants des entreprises ayant de bonnes opportunités d’investissements utilisent la gestion du résultat pour signaler ces opportunités. Une conséquence logique de ces études est que les entreprises qui présentent des perspectives de croissance élevées essayent de se différencier par rapport aux entreprises ayant de faibles opportunités de croissance et ce, en utilisant la gestion des résultats dans sa perspective de communication.

Dans le même sens, Ahmed et Zhou (2000) trouvent que les entreprises très performantes gèrent les résultats afin de communiquer leurs informations privées, cependant pour les entreprises moins performantes, les dirigeants réagissent d’une manière opportuniste.

En effet, une faible performance est susceptible d’augmenter la probabilité de renvoi des dirigeants ce qui peut les amener à manipuler les accruals afin de cacher la détérioration de la

performance et de préserver par conséquent leur emploi. Ainsi, les dirigeants des entreprises ayant de faibles performances sont les plus impliqués dans l’utilisation opportuniste de la gestion des résultats. En effet, lorsque l’entreprise est de faible performance, les dirigeants sont plus préoccupés plutôt par la survie que par l’établissement d’une stratégie de reporting crédible.

Etant donné les différentes perspectives (opportuniste ou encore informationnelle (Holthausen, 1990)) que peut prendre la gestion des résultats, il serait plus juste de définir la gestion des résultats de manière « neutre ». La gestion des résultats consiste à utiliser la flexibilité des choix comptables, qu’offrent les conventions et les principes comptables généralement admis, afin de modifier le résultat comptable.

D’après les deux perspectives précitées, nous pouvons dire que notre étude se positionne dans la perspective opportuniste de la gestion des résultats par opposition à la perspective informationnelle. En fait, les dirigeants agissent d’une manière opportuniste pour camoufler les investissements non rentables placés dans une situation de free cash flow. En revanche, ils ne gèrent pas les résultats dans une perspective de communication afin de se distinguer des autres entreprises.

Outline

Documents relatifs