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RELATION ENTRE LE FREE CASH FLOW ET LA GESTION DES RESULTATS

Section 2 : Impact des mécanismes externes de gouvernement des entreprises sur la relation entre le free cash flow et la gestion des

I. QUALITE DE L’AUDIT EXTERNE

L’auditeur est considéré comme un véritable vecteur pour la discipline des dirigeants opportunistes. Jensen et Meckling (1976) soulignent que l’auditeur externe fait partie intégrante du processus de contrôle des dirigeants et qui à côté d’autres mécanismes aboutit à l’alignement des intérêts des dirigeants à ceux des actionnaires. Par ailleurs, Short et al.

(1999) précisent que la demande de l’information comptable auditée est un aspect fondamental de gouvernement des entreprises dans la mesure où elle permet de réduire l’asymétrie informationnelle entre dirigeants et actionnaires.

La mission de l’auditeur est de veiller à la bonne application des règles comptables et d’émettre une opinion motivée sur les comptes de l’entreprise. Les auditeurs jouent un rôle de contrôle externe déterminant susceptible de limiter les pratiques de gestion des résultats.

Cependant, tous les auditeurs ne présentent pas les mêmes garanties de compétence et d’indépendance, ce qui peut se traduire par un contrôle de qualité variable selon les auditeurs.

La qualité de l’audit externe est définie par DeAngelo (1981) comme étant « l’appréciation par le marché de la probabilité jointe qu’un auditeur donné va simultanément découvrir une anomalie significative dans le système comptable de l’entreprise cliente et mentionner cette anomalie » (DeAngelo, 1981 ; p. 186).

La capacité d’un auditeur à se montrer rigoureux et indépendant est appréciée par sa réputation. En effet, la réputation des auditeurs est prônée et elle même rémunérée par le marché (Asthana et al., 2004 ; Krishnamurthy et al., 2006). Elle assure la transparence de la qualité des états financiers. En effet, les auditeurs réputés n’ont pas intérêt à ternir leur réputation pour valider des rapports inexacts. Plusieurs travaux tendent à démontrer que les

grands cabinets d’audit les « Big Eight », (devenus aujourd’hui les « Big Four »37) permettent une meilleure vérification de la sincérité et de la régularité des états financiers attribuée à la

haute qualité d’audit de ces cabinets (DeAngelo, 1981 ; Palmrose, 1988 ; Teoh et Wong, 1993 ; Graswell et al., 1995). Ces cabinets sont statistiquement plus

conservateurs dans la formulation de leur opinion et plus aptes à contenir les pratiques comptables discrétionnaires. De nombreux travaux académiques tendent à établir une relation négative entre divers substituts de qualité du processus d’audit, notamment la réputation et l’indépendance de l’auditeur externe, et la propension des entreprises à gérer leurs résultats comptables. DeFond et Jiambalvo (1993) montrent que l’occurrence d’un conflit auditeur-client, relatif à une décision comptable visant à augmenter le résultat, est plus probable si l’auditeur est un grand cabinet anglo-saxon, suggérant ainsi une plus grande capacité de ces derniers à affronter les pressions managériales pour maintenir un jugement indépendant.

Partant de l’étude de plusieurs milliers d’entreprises, Becker et al. (1998) constatent que les accruals discrétionnaires des entreprises auditées par des cabinets « Big six » sont significativement inférieurs (entre 1,5% et 2,1% des actifs totaux) aux accruals discrétionnaires des autres entreprises. De même, Francis et al. (1999) observent des accruals discrétionnaires plus faibles parmi les entreprises auditées par les cabinets « Big six », bien que les accruals totaux de ces entreprises soient plus élevés. Par ailleurs, Francis et Krishnan (1999) montrent que les auditeurs « Big six » ont davantage tendance à émettre des rapports assortis de réserves pour les entreprises présentant des accruals élevés. En outre, McMeeking et al. (2007) trouvent, pour des entreprises britanniques (période 1992-1998), que les « Big Five » se démarquent des autres auditeurs en limitant les accruals discrétionnaires du fonds de roulement lorsque les entreprises semblent viser une manipulation à la hausse du résultat (avant manipulation, elles affichent soit une perte, soit un résultat en baisse par rapport à l’exercice précédent). L’étude de Kim et al. (2003) montre également que les « Big five » se différencient des autres cabinets par leur attitude prudente vis-à-vis des choix comptables, et ce probablement en raison de la pression qu’exerce sur eux l’appareil judiciaire Américain.

En d’autres termes, les « Big five » toléreraient moins les manipulations visant à surévaluer le résultat car, dans un tel contexte, ils risquent fort d’être poursuivis en justice par des groupes d’investisseurs et condamnés au versement de dommages et intérêts importants. De même, Krishnan (2003) affirme que l’audit joue un rôle important dans la réduction des coûts

37La disparition d’Andersen suite à l’affaire Enron a réduit les grands cabinets à quatre : Price WaterhouseCoopers, Deloitte Touche Tohmatsu, Ernst and Young et KPMG.

d’agence en contraignant la gestion opportuniste des accruals. Ce rôle est d’autant plus prononcé pour les auditeurs appartenant aux « Big Six ». En fait, les résultats de son étude indiquent que les entreprises auditées par des « Big Six » présentent un niveau faible des accruals discrétionnaires comparativement à celles auditées par des cabinets « Non-Big ».

Dans un contexte d’introduction en bourse, Chen et al. (2005a) montrent que les auditeurs de qualité « Big five » contraignent la gestion des résultats et fournissent des informations comptables et financières plus précises.

A contre courant, Piot et Janin (2007) trouvent que la réputation de l’auditeur (BIG5) ne permet pas de contenir la gestion du résultat en France, contrairement à ce qui a été constaté à plusieurs reprises aux États-Unis (Becker et al., 1998 ; Kim et al., 2003). Il semble même que la présence d’un « Big five » affecte positivement l’ampleur des accruals discrétionnaires à court terme. Ce résultat est cohérent avec le moindre risque judiciaire encouru par les grands cabinets d’audit en France, par rapport à l’environnement étasunien nettement plus actif à ce niveau.

En outre, les normalisateurs ont tendance à avancer qu’une trop longue association entre l’auditeur et son client constitue une menace à l’indépendance. Il se créée en effet des liens personnels entre les parties, ainsi qu’une familiarisation pouvant entraîner une baisse de vigilance de la part de l’auditeur. Certains évoquent « la routinisation » de la mission, qui s’illustre notamment par le fait que l’auditeur consacre moins d’efforts à l’identification des faiblesses du contrôle interne et des sources potentielles de risque.

L’impact de la durée de relation auditeur- client sur la gestion des résultats a été relativement peu testé. Frankel et al. (2002) observent une relation négative entre la durée de la relation auditeur-client et les accruals en valeur absolue. Autrement dit, la composante discrétionnaire du résultat comptable, indifféremment haussière ou baissière, diminue quand la durée de la mission accroît. Des modélisations distinctes montrent que l’effet modérateur de cette variable n’est significatif que pour les entreprises qui gèrent leur résultat à la baisse.

Ces résultats sont globalement incohérents avec une perte de compétence et/ou d’indépendance de l’auditeur dans le temps.

L’auditeur est en mesure de jouer un rôle économique très important en matière de crédibilité des résultats de l’entreprise tout en oeuvrant à contraindre la manipulation des accruals comptables et empêcher les dirigeants des entreprises ayant des free cashs flow de manipuler les résultats pour camoufler les mauvais investissements réalisés. Il s’avère ainsi pertinent de s’interroger sur l’influence de la qualité de l’audit sur la relation entre le free cash flow et la gestion des résultats. Dans ce cadre, Chung et al. (2005a) présument que les auditeurs modèrent la relation entre le free cash flow et les accruals discrétionnaires positives.

Ils stipulent que l’auditeur de bonne qualité est plus prudent lorsque l’entreprise cliente présente des coûts d’agence élevés. Ainsi, lorsque le free cash flow est élevé, les auditeurs

« Big Six » limiteront l’utilisation des accruals discrétionnaires davantage que dans le cas où le free cash flow est faible. Conformément à leur hypothèse, les auteurs trouvent que les auditeurs « Big Six » contraignent, en général, les accruals discrétionnaires, mais ils sont particulièrement plus actifs lorsque les entreprises clientes présentent un free cash flow en surplus. Par ailleurs, ils constatent qu’une longue durée de la relation auditeur-client38 constitue une menace à l’indépendance et entraîne une baisse de vigilance de la part de l’auditeur. Néanmoins, lorsque l’entreprise cliente présente un niveau élevé de free cash flow, les auteurs constatent que les auditeurs deviennent beaucoup plus vigilants et atténuent l’utilisation des accruals discrétionnaires d’augmentation des résultats. D’où l’hypothèse suivante :

H 7 : La qualité de l’audit externe modère la relation entre le free cash flow et la gestion des résultats.

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