• Aucun résultat trouvé

RELATION ENTRE LE FREE CASH FLOW ET LA GESTION DES RESULTATS

Section 2 : Impact des mécanismes externes de gouvernement des entreprises sur la relation entre le free cash flow et la gestion des

III. LA DISTRIBUTION DES DIVIDENDES

Bien que l’endettement soit l’instrument disciplinaire préconisé par Jensen (1986), il semble opportun de considérer également la distribution de dividendes en tant que mécanisme de réduction du risque de free cash flow. La distribution massive de dividendes, en rendant les

flux financiers internes insuffisants pour couvrir les besoins d’investissement, contraignent en effet les dirigeants à recourir à des financements externes pour satisfaire la mise en oeuvre d’une politique d’investissement donnée et ainsi à se soumettre à la discipline du marché financier. Les dividendes représentent ainsi un mécanisme implicite pour contrôler les actions des dirigeants.

Deux types d’études empiriques traitent la relation entre les dividendes et le risque de free cash flow. Certaines études cherchent à expliquer le niveau de dividendes par le risque de free cash flow alors que d’autres analysent la réaction du marché des actions à l’annonce de variations significatives des dividendes en fonction du risque de free cash flow.

Plusieurs auteurs, tels que Smith et Watts (1992), Gaver et Gaver (1993), Lang et al.

(1996) et Gugler (2003), confirment l’utilité de la distribution de dividendes dans la réduction du niveau de free cash flow. En effet, Smith et Watts (1992) trouvent une relation significativement positive entre le taux de rendement en dividendes et le rapport « valeur comptable des actifs/valeur de marché de l’entreprise », inversement reliée aux opportunités de croissance de l’entreprise. Parallèlement, Gaver et Gaver (1993) comparent les politiques de dividendes de deux sous échantillons, celui des entreprises à fortes opportunités de croissance à celui à faibles opportunités de croissance. Cette comparaison montre que le taux de rendement en dividendes est significativement inférieur chez les entreprises à fortes opportunités de croissance. Sur la base d’un panel de 214 entreprises australiennes sur la période 1991-1999, Gugler (2003) trouve également que les entreprises ayant des opportunités de croissance faibles présentent des ratios élevés de paiement de dividendes.

Plus récemment, Nekhili et al. (2009) témoignent que la distribution des dividendes joue un rôle important dans la réduction du niveau de free cash flow. Leur résultat, qui corrobore ceux de Smith et Watts (1992), Gaver et Gaver (1993), Lang et al. (1996) et de Gugler (2003) permet d’affirmer que la distribution massive des dividendes limite la gestion discrétionnaire des flux excédentaires et réduit, ipso facto, le recours des dirigeants à la gestion des résultats.

En outre, d’autres recherches examinent la réaction du marché des actions à l’annonce de variations significatives de dividendes en fonction du free cash flow. La théorie de signalisation et celle de surinvestissement expliquent différemment la réaction des actionnaires aux annonces de dividendes. Selon la théorie de signalisation, les dirigeants se

servent des dividendes pour transmettre l’information interne à ses actionnaires. Ainsi, une augmentation (diminution) du dividende renseigne les investisseurs sur les perspectives favorables (non favorables) futures de l’entreprise39. Alors que selon la théorie de free cash flow, une hausse du dividende est perçue comme étant une bonne nouvelle pour l’entreprise n’ayant pas d’opportunités de croissance puisqu’elle aura tendance à réduire le risque de surinvestissement en limitant les cash flows disponibles. De même, une baisse du dividende des entreprises à faibles opportunités de croissance est analysée par les actionnaires comme une mauvaise nouvelle car ils peuvent interpréter cette baisse comme étant une tentative de la part des dirigeants pour accroître les fonds excédentaires, et donc à financer des projets qui n’apportent que peu de valeur à l’entreprise. Dans ce cadre, Lang et Litzenberger (1989) constatent que le versement des dividendes aux actionnaires dans les entreprises en situation de surinvestissement (Q inférieur à l’unité) est mieux perçu que dans celle maximisant leur valeur. Encore, Vogt et Vu (2000) observent que les entreprises dégageant des fonds discrétionnaires significatifs, combinés avec des dépenses d’investissement passées importantes, présentent des rentabilités faibles. Inversement, les entreprises ayant procédé à des distributions de dividendes élevées présentent des rentabilités plus élevées. Lie (2000), constate aussi, une relation positive entre l’existence de fonds excédentaires et les augmentations de dividendes. En particulier, Lie (2000) a pu établir que les entreprises ont tendance à faire des versements de dividendes extraordinaires ou à faire des offres de rachat lorsqu’elles ont des fonds excédentaires non récurrents. Par contre, lorsque les entreprises ont des fonds excédentaires récurrents, elles font plutôt recours à une augmentation des dividendes ordinaires. Ceci semble indiquer que les actionnaires font pression sur les dirigeants pour qu’ils versent des dividendes lorsque le risque d’opportunisme augmente.

Par ailleurs, les mécanismes de gouvernance peuvent influencer la politique de dividende. Sur la base de 412 entreprises cotées sur la bourse de Hong Kong entre 1995 et 1998, Chen et al. (2005b) trouvent que la présence des administrateurs externes indépendants au sein du conseil d’administration n’a pas d’effet significatif sur le niveau de dividende distribué. En plus, plusieurs travaux (Rozeff, 1982 ; Alii et al., 1993 ; Schooley et Barneay, 1994 ; Saxena, 1999) présument une relation positive entre le niveau de dividende et le degré de dispersion du capital liée à la difficulté de surveillance des dirigeants. Autrement dit, plus la dispersion du capital de l’entreprise est grande, plus la surveillance des dirigeants est

39 Voir l’étude de Kato et al. (2002) sur le marché Japonais et celle de Yoon et Starks (1995) sur le marché américain.

rendue difficile. En effet, les firmes managériales présentent un faible capital interne et dans le même temps un degré élevé de dispersion du capital, autant d’éléments qui accroissent les coûts d’agence.

Aux Etats-Unis, Moh’d et al. (1995) constatent qu’un capital dispersé justifie une distribution soutenue de dividendes. Dans ce sens, Mollah et al. (2000) trouvent que la concentration de propriété est négativement et la dispersion du capital est positivement reliée au niveau distribué de dividendes. Ainsi, la concentration de propriété et la distribution de dividendes sont considérées comme des mécanismes substituables dans la résolution du problème de free cash flow. Leurs résultats confortent donc la théorie de free cash flow et suggèrent que les conflits d’agence ont également un rôle explicatif important en matière de dividendes dans les marchés émergents. Contrairement et sur la base d’un échantillon de 985 entreprises britanniques cotées entre 1992-1998, Renneboog et Trojanowski (2007) constatent que la présence de détenteurs de blocs de contrôle, dans l’objectif de limiter les coûts d’agence de free cash flow, améliore la distribution de dividendes. Egalement, Kouki et Guizani (2009) trouvent que les entreprises tunisiennes dont la propriété est concentrée, distribuent plus de dividendes. Autrement dit, la présence de détenteurs de blocs de contrôle augmente le niveau de dividende distribué. Ce résultat confirme celui de Faccio et al. (2001) qui trouvent que les ratios de dividendes sont plus élevés en Europe en présence de détenteurs de blocs de contrôle, qui, in fine, limitent, d’après les auteurs, l’expropriation des actionnaires minoritaires. En effet, l’étude de Kouki et Guizani (2009) souligne l’effet significatif du free cash flow sur la politique de dividendes et concluent à la complémentarité entre la présence de détenteurs de blocs de contrôle et la distribution de dividendes.

Rozeff (1982) est le premier à avoir reconnu le rôle des membres internes dans le contrôle des dirigeants. Il trouve que la politique de dividende est négativement reliée au niveau de la propriété managériale. Agrawal et Jayaraman (1994) observent, sur un échantillon d’entreprises se finançant exclusivement par fonds propres, que celles présentant des niveaux de participation managériale faibles ont des taux de distribution de dividendes plus élevés, ce résultat étant obtenu après contrôle des effets du free cash flow et du taux de croissance. Ce qui suggère que les dividendes et la propriété managériale sont des mécanismes de substitution pour réduire les coûts d’agence de free cash flow.

Sur la base d’un échantillon de 131 entreprises françaises cotées sur la période 1988-1994, Calvi-Reveyron (2000) teste l’incidence de la structure d’actionnariat de l’entreprise sur le niveau de dividende, en comparant trois catégories d’entreprises, les entreprises managériales40, les entreprises familiales et les entreprises contrôlées. Pour les entreprises familiales, les dirigeants sont les propriétaires principaux de l’entreprise et le capital est fortement concentré, l’imbrication est forte entre propriété et décision, d’où l’absence de relations d’agence entre détenteurs du capital et dirigeants. Le niveau des dividendes doit être plus élevé dans les entreprises managériales que dans les entreprises familiales. Dans les entreprises contrôlées par un groupe, les dirigeants sont externes, comme pour les entreprises managériales. Toutefois, le groupe détenteur d’une partie importante du capital étant présent au conseil d’administration (celui-ci nomme les dirigeants), la séparation entre propriété et décision n’est pas aussi franche que pour les entreprises managériales (Charreaux et Pitol-Belin, 1990). Calvi-Reveyron (2000) trouve que les entreprises managériales et les entreprises contrôlées présentent chacun d’entre eux un taux de distribution plus important que celui des entreprises familiales. Ces résultats valident l’hypothèse selon laquelle le pourcentage du capital détenu par les dirigeants est négativement relié au taux de distribution de dividende.

Dans le même cadre, Poulain-Rehm (2005) trouve que la nature patrimoniale et familiale des entreprises exerce sur le réinvestissement du free cash flow sous forme de dividendes une influence négative et statistiquement significative. Ces résultats confirment les propos de la théorie de free cash flow, qui soulignent que le contrôle des coûts d’agence des fonds discrétionnaires est moindre dans les entreprises qui, par nature, à l’instar des entreprises patrimoniales et familiales, ont des coûts d’agence plus faibles que les autres. A Contrario, Schooley et Barneay (1994) proposent une relation non linéaire entre le niveau de distribution de dividende et la part du capital détenue par les dirigeants. Spécifiquement, au dessous du niveau d’enracinement (pourcentage du capital à partir duquel les dirigeants s’enracinent), la structure de propriété des dirigeants et la politique de dividendes sont considérées comme des mécanismes de gouvernance substituables pour réduire les conflits d’agence. Au dessus du niveau d’enracinement, la politique de dividende devient un mécanisme de contrôle qui compense l’effet disciplinaire exercé par la structure de propriété des dirigeants.

40 Une firme managériale présente un actionnariat atomisé dans lequel aucun propriétaire ne détient une part significative du capital.

Ainsi, la distribution de dividendes est considérée comme étant un mécanisme de réduction du risque de free cash flow, et réduit, ipso facto, le recours des dirigeants à la gestion des résultats. D’où l’hypothèse suivante :

H 9 : La distribution des dividendes modère la relation entre le free cash flow et la gestion des résultats.

Section 3 : Impact du système juridique du pays sur la relation entre le

Outline

Documents relatifs