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Impact du système juridique du pays sur la relation entre le free cash flow et la gestion des résultats

RELATION ENTRE LE FREE CASH FLOW ET LA GESTION DES RESULTATS

Section 3 Impact du système juridique du pays sur la relation entre le free cash flow et la gestion des résultats

La distinction entre les pays de droit coutumier « Common law » et les pays de droit civil « Civil law » a fait l’objet d’un vaste débat (La Porta et al., 1998, 1999, 2000a ; Deffains et Guigou, 2002 ; Ergungor, 2004). Les chercheurs soutiennent que les pays de droit coutumier (les pays anglo-américains) offrent une meilleure qualité de protection juridique aux investisseurs que les pays de droit civil (les pays romano-germaniques).

Le droit civil est désigné par le « droit des codes » alors que le droit coutumier apparaît comme un droit dont le mode d’élaboration est essentiellement jurisprudentiel. En raison d’un système juridique décentralisé et favorable à l’initiative privée, le mode de fonctionnement du « Common law » rendrait possible la production privée de règles et la croissance des institutions autorégulées, et ce développement permet aux institutions basées sur le marché, comme les bourses, de s’adapter à leur environnement et de gagner la confiance du public. Ce système protége les actionnaires externes contre tout abus ou détournement de la part des insiders. En revanche, le code civil impose un formalisme plus lourd que les principes de « Common law » et réduit fortement le pouvoir d’interprétation des juges. Les systèmes de droit civil codifié fourniraient en effet une protection inadaptée aux actionnaires minoritaires.

Plusieurs études antérieures montrent que la protection des investisseurs est un facteur important qui détermine les choix des entreprises tel que la politique de financement et la politique de dividendes. Dans ce cadre, plusieurs chercheurs se sont intéressés, à travers des études supranationales, à l’analyse de la politique de dividende dans des contextes institutionnels différents. Dans ce cadre, La Porta et al. (2000) soulignent que la distribution

des dividendes est la résultante de l’existence d’un système effectif de protection légale des investisseurs. En effet, les actionnaires minoritaires utilisent leurs pouvoirs légaux pour forcer les entreprises de rendre du cash, empêchant ainsi les insiders d’utiliser les profits de l’entreprise pour leurs propres intérêts. Les actionnaires peuvent faire ainsi en votant pour les dirigeants qui offrent les meilleures politiques de dividendes, ou en vendant leurs actions à des chasseurs de fonds potentiels qui leurs permettent de contrôler les entreprises n’ayant pas distribué des dividendes, ou encore en poursuivant en justice les entreprises qui n’ont pas distribué des dividendes. Les résultats de leur étude soulignent l’importance de la protection légale des actionnaires minoritaires menacés par les risques d’expropriation de leur richesse par les parties prenantes internes à l’entreprise. La Porta et al. trouvent plus précisément que les entreprises opérant dans les pays du droit commun, où la protection des investisseurs est typiquement meilleure, présentent des paiements élevés de dividendes que les entreprises dans les pays du droit civil. En outre, ils trouvent qu’une meilleure protection légale des investisseurs contre l’expropriation par les dirigeants permet aux actionnaires d’accepter une diminution de leurs parts de dividendes au profit d’opportunités d’investissement rentables.

Plus clairement, lorsque les actionnaires minoritaires sont bien protégés, ils sont plus patients et sont prêts à accepter des parts de dividende faibles au profit d’opportunités d’investissement rentables sur le long terme. Cette relation est moins confirmée lorsque le pays d’origine de l’entreprise est un pays de droit civil.

Par ailleurs, le rôle des systèmes externes de gouvernement d’entreprise dans la détermination de l’attitude des dirigeants vis-à-vis de la gestion des résultats a reçu une faible attention jusqu’à récemment. Dans ce sens, Leuz et al. (2003) examinent l’influence de la protection des investisseurs sur les différences internationales en matière de gestion des résultats. Les auteurs soulignent qu’un environnement légal qui se caractérise par une forte protection des droits des externes, servira à limiter la capacité des insiders de tirer des bénéfices privés de contrôle. Vu que la gestion des résultats est généralement considérée à bénéficier les insiders de l’entreprise, Leuz et al. stipulent qu’un environnement légal qui protége les droits des investisseurs agira comme une contrainte à la gestion des résultats. Ils prévoient alors que, dans les pays où l’environnement légal garantit une protection des investisseurs, la gestion de résultats est relativement faible, et dans les pays où l’environnement légal fournit plus de bénéfices aux insiders, la gestion de résultats est plus répandue. A travers une analyse de classification, Leuz et al. (2003) examinent les différences

en matière de gestion des résultats dans 31 pays. Ils identifient trois groupes de pays avec des caractéristiques institutionnelles différentes et trouvent que la gestion des résultats varie systématiquement autour de ces trois groupes institutionnels. Le premier groupe regroupe les

« économies outsiders » avec des marchés de capitaux larges, une propriété dispersée, une forte protection des investisseurs, et une forte application légale. Les États-Unis et la Grande Bretagne sont inclus dans ce groupe. Le deuxième groupe regroupe les « économies insiders » avec des marchés de capitaux moins développés, une propriété concentrée, une faible protection des investisseurs, mais une forte application légale. Les pays tel que l’Allemagne, Finlande et Suède sont inclus dans ce groupe. Le troisième groupe est défini comme des

« économies insiders » avec une faible application légale et inclut l’Italie et l’Inde. Les résultats indiquent une relation négative significative entre la gestion des résultats et les droits des outsiders/ application légale. Les pays du premier groupe (avec des droits forts des investisseurs et une forte application légale) présentent des niveaux relativement faibles de gestion des résultats. Alors que les pays des autres groupes (avec des droits faibles des investisseurs et une faible application légale) présentent des niveaux élevés de gestion des résultats. Ces résultats soulignent que le niveau de protection des investisseurs détermine la qualité de l’information financière divulguée aux investisseurs.

Contrairement à Leuz et al. (2003), Wright et al. (2006) trouvent qu’un environnement légal qui offre une protection extensive aux actionnaires n’empêche pas les dirigeants de recourir à une gestion des résultats dans le cas d’un « Management Buyout » (MBO)41. Malgré que les États-Unis et la Grande Bretagne se caractérisent d’un environnement légal qui fournit une meilleure protection des externes, les résultats indiquent que les dirigeants des entreprises américaines et britanniques impliquées dans un MBO manipulent les résultats pour les détourner en leur faveur.

En Australie, pays de droit commun, Jones et Sharma (2001) étudient la question de la gestion des résultats dans les nouveaux et les anciens secteurs d’économie. L’objectif de leur étude est double. Premièrement, les auteurs cherchent à voir si les différences de certaines caractéristiques financières (dette, free cash flow) entre les deux secteurs peuvent entraîner une forte (faible) propension à la gestion des résultats. Les entreprises de la nouvelle

41 Management Buyout (MBO) est la reprise du capital- actions ou le rachat d’un paquet important d’actions par les cadres d’une entreprise.

économie sont typiquement de forte croissance et se caractérisent par un niveau faible de free cash flow. Par conséquent, le phénomène de « cash flow limité » dans le nouveau secteur d’économie, indiquant généralement une performance pauvre, peut entraîner une grande disposition à la gestion des résultats. Deuxièmement, la propension des entreprises de la nouvelle économie à manipuler les chiffres comptables n’a pas échappé à la vive attention des régulateurs australiens42.

Pour ce faire, Jones et Sharma (2001) développent un modèle de régression, en prenant comme variables indépendantes le free cash flow, la dette et l’interaction entre le free cash flow et la dette. La gestion des résultats, variable dépendante de l’étude, est mesurée par trois modèles d’estimation des accruals43. Les résultats indiquent que les accruals des entreprises de la nouvelle économie sont plus faibles que ceux des entreprises de l’ancienne économie. Des différences significatives sont aussi trouvées avec respect de l’impact de la dette et du free cash flow sur la gestion des résultats. Ces résultats peuvent potentiellement s’expliquer par le régime rigoureux de divulgation imposé par le marché boursier australien, qui exige un reporting détaillé trimestriel du cash flow sous la méthode directe par les entreprises de la nouvelle économie. En effet, de telles exigences contraignent la portée et la volonté des entreprises de la nouvelle économie à gérer les résultats pour masquer la mauvaise performance.

Ainsi, dans un contexte international, nous supposons que la relation entre la gestion des résultats et le free cash flow en premier lieu, et l’impact des mécanismes de gouvernance sur cette relation, en deuxième lieu, varie en fonction du cadre juridique du pays.

42Depuis la moitié des années 90, l’ASX (Australian Stock Exchange) a développé une loi 4.7 B « Quarterly Reporting for Entities Admitted on the Basis of Commitments », qui a été désignée spécifiquement pour les entreprises de la nouvelle économie. Cette loi exige une divulgation détaillée des cashs flow d’exploitation sous la méthode directe, avec une divulgation séparée de toutes les catégories de paiements aux fournisseurs et de tous les encaissements des clients.

43 La gestion des résultats est mesuré par trois modèles d’estimation des accruals : (1) le modèle « raw total accrual », (2) le modèle des accruals ajustés (changement dans le total des accruals), et (3) le modèle des accruals discrétionnaires calculé selon la version de Jones (1991).

CONCLUSION

Dans ce chapitre, nous avons présenté les principaux mécanismes de contrôle des dirigeants, susceptibles de modérer la relation entre le free cash flow et la gestion des résultats.

En premier lieu, nous avons mis en évidence les mécanismes internes de gouvernement des entreprises à savoir la structure de propriété et les caractéristiques principales du conseil d’administration qui sont susceptibles de freiner la gestion des résultats.

Les caractéristiques retenues sont : la taille du conseil, la séparation entre la fonction du directeur général et du président du conseil d’administration et la présence d’administrateurs externes indépendants. Nous nous sommes intéressés aussi aux aspects de l’actionnariat susceptibles de modérer la relation entre le free cash flow et la gestion des résultats. Ces aspects portent sur la concentration du capital et sur la nature des actionnaires (actionnaires dirigeants).

En deuxième lieu, nous avons examiné les mécanismes externes de gouvernement des entreprises à savoir, la qualité de l’audit externe, le niveau d’endettement et la distribution des dividendes. Dans un contexte international, nous nous attendons à ce que la nature du système juridique d’un pays soit susceptible d’empêcher les dirigeants de recourir aux manipulations comptables dans une situation de free cash flow.

Le prochain chapitre est consacré à présenter notre modèle qui résume les hypothèses de recherche. Nous exposons aussi les variables dépendantes et indépendantes et les mesures utilisées pour les appréhender. Par la suite, nous procédons à la vérification de nos hypothèses de recherche à partir d’un échantillon de 93 entreprises françaises et de 87 entreprises américaines.

CHAPITRE 4 :

METHODOLOGIE : ECHANTILLON, ANALYSE ET

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