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Le rôle fondamental de l’Académie Suisse des Sciences Naturelles

Critère X (anciennement IV) contenir les habitats naturels les plus représentatifs et les

OFFICE FEDERAL DE L’ENVIRONNEMENT (OFEN)

3.6.2 Le rôle fondamental de l’Académie Suisse des Sciences Naturelles

Très tôt, des inventaires officiels ont été menés dans certains cantons : en 1983 dans le canton d’Argovie, en 1987 dans celui de Saint-Gall, en 1990 dans le canton de Lucerne, en 1994 dans celui des Grisons et enfin en 1995 à Fribourg. (Grandgirard, 1996).

La dimension fédérale est atteinte en 1993 par la création d’un groupe de travail sur les géotopes au sein de l’Académie Suisse des Sciences Naturelles (ASSN). Il fait paraître en 1995

Commission fédérale pour la protection de la nature et des paysages

Le patrimoine géologique de l’arc alpin : de la médiation scientifique à la valorisation touristique N. Cayla, 2009. Thèse de l’Université de Savoie, Laboratoire EDYTEM 83 un rapport stratégique montrant les mesures à prendre afin de protéger les géotopes (Strasser et al., 1995).

Parallèlement, il réalise un inventaire informel des géotopes suisses. Les fiches d’inventaire retenant 4 critères de sélection :

L’intégrité : degré de préservation des caractères originels.

La rareté : rareté en fonction d’un espace de référence ( la Suisse, une région naturelle de la Suisse ou un espace naturel supra-national), rareté d’un type de géotope ou rareté en fonction de caractéristiques particulières.

La valeur scientifique : témoin de l’histoire de la Terre, représentativité-exemplarité, localité-type, valeur didactique, site d’étude particulier.

L’intérêt particulier : valeur écologique, visibilité, qualités esthétiques et paysagères, importance historique, valeur culturelle, dimension symbolique, valeur touristique et de loisir, accessibilité, intérêt économique etc.

L’inventaire qui recense 401 sites est présenté lors du symposium « géotopes » organisé à Airolo dans le cadre de l’Assemblée annuelle de l’ASSN (Grandgirard, 1999). La réalisation de l’inventaire national a stimulé la prise de conscience par certains cantons de l’intérêt à mieux connaître leur patrimoine géologique. Ainsi, le canton de Thurgovie a élaboré un inventaire en 2000 (Naef, 2000) qui recense 158 objets, celui de Schwyz en 2003 en recense 177 (Lienert et al, 2003), le canton de St-Gallen en recense 437 en 2003 (Stürm, 2003) ; le service des forêts et du paysage du canton du Valais a lancé un mandat en 2002 afin de faire le point sur la protection des géotopes du canton et de proposer une marche à suivre pour l’élaboration d’un inventaire (Lugon et al., 2003).

Parallèlement à ce travail mené par l’Académie suisse des sciences naturelles, l’OFEFP avait inscrit ces préoccupations dans ses projets d’actions.

En 1997, le Conseil fédéral approuva une stratégie contraignante de protection de la nature et de valorisation de la diversité biologique et paysagère. La Conception Paysage Suisse est un instrument de planification et de coordination de la politique fédérale qui s’appuie sur la législation existante. Deux mesures concrètes y sont présentes concernant la protection des géotopes :

Mesure CPS 7-09 : Protection des Géotopes : créer les bases

Elaborer les principes de base pour la protection des géotopes. Comparer le cadre légal existant à celui en vigueur pour la protection des biotopes et, le cas échéant, proposer de nouvelles dispositions. Accorder une attention soutenue à l’importance scientifique et pédagogique des géotopes, et prendre en considération l’aspect géologique apparaissant lors de la construction d’infrastructures de transports. Sensibiliser au thème des géotopes les offices fédéraux ayant des activités à incidences spatiales.

Mesure CPS 7-12 : Examen des stratégies et des objectifs de protection dans les objets IFP. Mieux formuler les objectifs de protection. Elaborer des stratégies de protection pour les différents objets en vue d’atteindre les objectifs fixés.

La mise en œuvre de la CPS est réalisée par le programme d’action Paysage 2020.

En écho à ces différentes démarches, l’ Office Fédéral de l’ Environnement, de la Forêt et des Paysages (OFEFP) a créé en 1999 un groupe de travail « géotopes » au sein de l’administration fédérale.

En 2006, un mandat a été confié au nouveau groupe de travail « Géotopes d’importance nationale » dirigé par Jean-Pierre Berger et qui comprenait quatre sous-groupes en charge des géotopes géologiques, géomorphologiques, spéléologiques et ceux des cantons du Grisons et du Tessin. La révision du précédent inventaire a permis de faire évoluer la base de données précédente (401 géotopes) pour aboutir à une liste représentative de 250 géotopes d’importance nationale présentés dans la carte suivante (Berger et al, 2008).

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Carte 1.2 : Carte provisoire des géotopes d’importance nationale.

L’ensemble de ces initiatives a permis de mobiliser différents acteurs locaux : communauté géologiques et autorités politiques. Deux géoparcs suisses ont été créés : le géopark Gole della Breggia inauguré en 2001 dans le Tessin, et le Geopark Sarganserland-Walensee-Glarnerland qui a vu le jour en 2003 et qui abrite depuis 2008 le site UNESCO « Haut-lieu tectonique suisse, Sardona ». Cinq autres projets sont en cours de réalisation au sein de la confédération :

le Géoparc Jura Suisse, un géoparc transfrontalier dont l’attrait central est constitué par les découvertes paléontologiques de valeur internationale des traces de dinosaures de Courtedoux

le Geoparco dell’Insubria autour du Monte San Giorgio classé au patrimoine mondial principalement pour ses gisements fossilifères du Jurassique

en Engadine, un projet intitulé Alpen-Akademie Geoparc basé sur un riche patrimoine géologique et géomorphologique de montagne

dans la région du Beatenberg-Hohgant, un projet de géoparc autour du patrimoine kars-tique et spéléologique de la région

dans le val de Bagnes, un géoparc autour du patrimoine géologique, minier et glaciologique (berceau de la théorie glaciaire) de la vallée (Reynard et al, 2007).

3.6.3 Bilan

La Suisse ne s’est mobilisée que récemment pour la reconnaissance et la protection de son patrimoine géologique. L’inventaire fédéral des paysages a constitué une étape importante en 1977, relayé ensuite par le groupe de travail pour la protection des géotopes suisses. On peut expliquer cette mobilisation tardive en invoquant des menaces limitées sur le patrimoine naturel. Bien que tardifs, ces efforts ont été récompensés puisque la confédération helvétique est le seul pays alpin à posséder des sites naturels inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO pour le critère viii relatif à leurs caractéristiques géologiques… et elle en possède trois : le Jungfrau-Aletsch-Bietschorn, le Monte San Giorgio ainsi que le Haut lieu tectonique Suisse, Sardona.

Le patrimoine géologique de l’arc alpin : de la médiation scientifique à la valorisation touristique N. Cayla, 2009. Thèse de l’Université de Savoie, Laboratoire EDYTEM 85 Les élus ont été efficacement sensibilisés et sont désormais attentifs à ce type de patrimoine. Ainsi, lors de la découverte en 2000 des traces de dinosaures sur le chantier de l’autoroute A16 autour de Courtedoux dans le Jura, les autorités cantonales ont rapidement réagi. Un projet pilote la Paléontologie A16 (PAL A16) a vu le jour à Porrentruy. C’est la première fois qu'un canton suisse soutient de façon officielle un travail de paléontologie sur le tracé d'une route nationale. Le projet a été lancé en février 2000 dans le but de démontrer l'importance du patrimoine jurassien. Le travail de la PAL A16 est financé par l'Office fédéral des routes (OFROU) et par la République et Canton du Jura. Intégrée à l'Office de la culture, la section étant en partie administrée par la section d'archéologie du même office. Depuis huit ans, plusieurs milliers d’empreintes de dinosaures, principalement du Kimméridgien supérieur, faisant de ce site le troisième au monde en importance ont été découvertes dans une quinzaine de sites de fouilles répartis sur un tronçon de 24 km de la future autoroute. En septembre 2008, les autorités cantonales ont décidé d’investir 3,5 millions de francs à la mise en valeur touristique des principaux sites de découvertes.

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3.7 Conclusion

La montée en puissance rapide à partir des années 1970 de la prise en compte du patrimoine naturel a progressivement mis en évidence la lacune de prise en charge des objets géologiques dans ce patrimoine. La mobilisation de la communauté géologique représentée par les professionnels mais aussi et même surtout, dans certains pays, les amateurs, a permis progressivement de rattraper ce retard.

Des réseaux de parties prenantes se sont alors constitués, dans chacun des pays, soutenus plus ou moins par les autorités politiques, afin que le patrimoine géologique puisse être connu, reconnu, évalué et surtout, bien sûr, protégé des nombreuses menaces que l’aménagement du territoire, en particulier, font peser sur lui.

L’analyse comparée effectuée dans cette première partie montre bien des écarts entre les différents pays de l’arc alpin. Ainsi, la comparaison des inventaires réalisés ou en cours résume assez bien ces disparités, liées non seulement à la réelle mobilisation des acteurs de terrain mais aussi à la situation politique, les états fortement décentralisés ayant parfois plus de difficultés à faire intervenir les cantons, régions ou Länder avec la même implication.

PAYS ALLEMAGNE

Land de Bavière

AUTRICHE FRANCE ITALIE SLOVENIE SUISSE

Prescripteur de l’inventaire Ministère de l’Environne- ment Service géologique autrichien Ministère de l’Environne- ment + Muséum National d’Histoire Naturelle Agence pour la protection de l’environne- ment et des services techniques Agence de l’environne- ment de la République Slovène OFEFP + Académie suisse de Sciences Naturelles Etat de l’inventaire

Achevé Achevé Lancé en 2007

Achevé Lancé Achevé mais en phase de réactualisa- tion Nbre d’objets inventoriés 3400 549 _ 3171 _ 250

Tableau 1.8 : Tableau comparatif de l’état des inventaires géologiques dans les différents pays de l’arc alpin. La réalisation de ces différents inventaires nationaux a mobilisé chercheurs et institutions (administrations de l’environnement ou services géologiques) aux différentes échelles territoriales. Peux t-on dire pour autant que ces inventaires ont fait progresser la reconnaissance du patrimoine géologique ? Tout dépend de la démarche qui a accompagné leur réalisation. En Allemagne, l’initiative prise par le Land de Bavière d’attribuer un label aux cent plus beaux géotopes bavarois a certainement contribué à populariser la démarche, par ailleurs très administrative, de l’inventaire. En France les commissions régionales qui ont validé les inventaires réalisés par les DRAE ont permis de constituer des réseaux d’acteurs locaux de diverses origines qui seront autant de relais ensuite pour contribuer à valoriser les sites retenus. Ainsi, la démarche d’inventaire, par la dynamique impulsée a certainement fait progresser la cause du patrimoine géologique. Toutefois, la rigueur administrative de ce procédé ne tient pas compte des dynamiques locales qui soutiennent des projets de mise en valeur de site parfois même non retenus dans les inventaires mais qui trouvent localement le contexte favorable à leur mise en tourisme. Le classement d’un site dans un inventaire n’est donc pas une condition suffisante pour voir sa valorisation touristique assurée. L’appropriation de l’objet géologique par un groupe d’acteurs est par contre une nécessité, et si l’inventaire peut y contribuer, c’est

Le patrimoine géologique de l’arc alpin : de la médiation scientifique à la valorisation touristique N. Cayla, 2009. Thèse de l’Université de Savoie, Laboratoire EDYTEM 87 surtout le maintien d’une culture naturaliste minimale qui permettra de diffuser auprès de tous l’intérêt de ces listes de géotopes.

Ces démarches d’inventaires ont donc été davantage productives pour mobiliser les échelons supérieurs et faire reconnaître le patrimoine géologique auprès des différentes autorités administratives contribuant ainsi à sa reconnaissance et sa protection. Elles n’ont que très partiellement servi à promouvoir ce même patrimoine auprès du grand public ou des échelons de gouvernance territoriale locales. La mobilisation qui a accompagné la réalisation des premières listes de sites pose la question du devenir de ces listes. En effet, les inventaires devront être régulièrement, mais avec quelle fréquence, mis à jour. Des objets géologiques pouvant disparaître malgré leur protection théorique comme l’illustre parfaitement le destin en péril des glaciers alpin du fait du réchauffement climatique que celui-ci soit dû aux activités humaines ou bien à des phénomènes naturels. Ces glaciers étant pour nombre d’entre eux inscrits dans différentes listes officielles de géotopes.

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Conclusion

Cette première partie avait pour objectif de réaliser un bilan de la prise en compte du patrimoine géologique aux différentes échelles territoriales.

Au niveau global, l’UNESCO a efficacement promu la reconnaissance de celui-ci tant au travers de la liste du patrimoine mondial qu’en participant au réseau Global Geopark qui désormais est bien implanté en Asie, en Australie, en Amérique du Sud et bien sûr en Europe où le concept de géoparc a été créé en 2000. On peut regretter toutefois que ces formes de labellisation ne soient pas représentatives de l’ensemble des éléments constitutifs de la géodiversité mais davantage des logiques d’acteurs locaux mobilisés pour la protection et la mise en valeur de certains objets ou sites géologiques. Dans cette même Europe, soutenues par des programmes LEADER ou INTERREG, de nombreuses initiatives ont vu le jour et permis la création de réseaux d’acteurs capables de diffuser l’importance et l’intérêt d’une reconnaissance spécifique du patrimoine géologique. Là encore, les logiques qui s’expriment sont avant tout des logiques territoriales ou sectorielles qui ne sont pas toujours représentatives des logiques scientifiques.

Une étude comparative a ensuite été menée. Chacun des six pays de l’arc alpin a fait l’objet d’investigations complémentaires afin de mieux comprendre comment chacun d’eux avait investi ce nouveau champ patrimonial. L’approche historique a permis de reconstituer l’évolution des politiques environnementales et de l’arsenal législatif garantissant la protection des patrimoines naturels ainsi que la place occupée par le patrimoine géologique parmi ces derniers. Les réseaux d’acteurs institutionnels (Association de professionnels des géosciences mais aussi d’amateurs) ainsi que les groupes plus informels souvent émergeant des parties prenantes liées à des projets territoriaux ont été identifiés afin de mieux comprendre leur rôle dans la concrétisation opérationnelle.

Chaque pays a développé des stratégies d’actions fortement influencées par sa culture, son organisation politique et son histoire. Les résultats obtenus pour la reconnaissance du patrimoine géologique sont souvent à l’image de ce qui s’était passé, quelques années plus tôt pour le patrimoine naturel plus généralement.

L’Allemagne a rapidement investi ce nouveau champ d’action, un réseau fédéral de géoparcs a vu le jour, une année de la Terre a été proclamée en 2002 et depuis, le troisième dimanche de septembre est consacré à la mise en valeur du patrimoine géologique. Toutefois, sur le terrain des différences persistent suivant les Länder, celui de Bavière étant particulièrement actif avec un inventaire déjà réalisé et les 100 plus beaux géotopes de celui-ci mis en valeur. L’Autriche a bénéficié du soutien direct influent du Service Géologique National qui, avec l’aide de l’Etat, a financé la création d’un inventaire des géotopes auquel chaque région a participé. Le Club Alpin Autrichien, souvent en partenariat avec des espaces naturels protégés a contribué au développement d’un réseau de sentier d’interprétation qui fait une large place au patrimoine géologique favorisant ainsi la sensibilisation du grand public. La France a impulsé une démarche centralisée d’inventaire patrimonial dont la concrétisation voit le jour très lentement. Malgré une place importante de la géologie dans les programmes scolaires, la population en général, semble considérer ce champ des géosciences comme difficile à aborder d’où une réelle méconnaissance des acteurs locaux. Ce qui peut s’expliquer par un milieu associatif qui, bien que mobilisé, n’a jusqu’à présent été que peu soutenu par les acteurs des géosciences. Cette situation semble évoluer et un faisceau d’initiatives à différents échelons du territoire montre que tout comme pour l’environnement une prise de conscience est en train de croître. L’Italie a été très active dans l’investissement de ce champ patrimonial avec la particularité de le considérer de façon systémique. De nombreux acteurs institutionnels sont impliqués en provenance des domaines de l’environnement mais aussi du tourisme et de la culture plus largement. Les initiatives locales sont soutenues par des têtes de réseaux relevant des administrations régionales et de nombreux projets financés par la Commission Européenne

Le patrimoine géologique de l’arc alpin : de la médiation scientifique à la valorisation touristique N. Cayla, 2009. Thèse de l’Université de Savoie, Laboratoire EDYTEM 89 voient le jour, sur ce thème du patrimoine géologique, comme sur d’autres thèmes. La Slovénie, a connu une histoire complexe au cours du XXe siècle et reste marquée par des influences diverses. Le patrimoine géologique a été investi par le karst qui tient une place particulièrement importante avec plus de 8000 cavités pour un pays qui représente moins de 1/7 de la superficie de la France.

La Suisse vient d’achever un inventaire de 250 géotopes d’importance nationale dont la réalisation avait été confiée au groupe de travail Géotope de l’Académie Suisse des Sciences Naturelles. Parmi les cantons certains sont particulièrement actif, comme ceux du Valais ou du Jura Dans le cas du Valais, on peut observer un décalage entre le retard pris dans les mesures de conservation puisque l’inventaire cantonal n’est toujours pas réalisé et le dynamisme des pratiques de géotourisme puisque près d’une trentaine de sites sont valorisés.

En ce début de XXIe siècle, des faisceaux d’initiatives convergent vers une reconnaissance effective du patrimoine géologique aux différentes échelles territoriales. Ce patrimoine est-il pour autant reconnu comme une ressource territoriale capable de soutenir des actions de développement ? C’est sur cette question que va maintenant se concentrer la seconde partie de ce travail.

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