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géologique et de sa protection

Chapitre 5 : Du tourisme au géotourisme

5.3 Naissance du géotourisme dans les Alpes

Parallèlement au développement général du tourisme dans les Alpes, évoqué précédemment, les premières réalisations géotouristiques voient le jour, en Europe. L’Angleterre se montre pionnière en ce domaine : le premier géotrail urbain, déjà évoqué page 20, y est créé en 1881 à Rochdale (Lancashire) et en 1887, le site de Fossil Grove à Glasgow, où l’on a découvert une forêt pétrifiée est rapidement protégé et mis en valeur pour la visite, qui perdure encore aujourd’hui (Hose, 2006). Dans les Alpes les premières réalisations datent de la même période. Au XIXe siècle, les muséums d’histoire naturelle ouvrent leur porte dans la plupart des métropoles alpines. Pour certains, ils marquent la transformation d’un cabinet de curiosités préexistant, pour d’autres ils révèlent l’importance de l’activité des sociétés savantes locales. Si leur rôle est avant tout la conservation des collections qui constituent leur fond, ils se voient investis progressivement d’une mission d’animation tout aussi importante. Les scientifiques désormais attachés à ces institutions vont prospecter les Alpes à la recherche de spécimens pour leur collection, des échanges vont avoir lieu avec des collègues étrangers, et progressivement va être confortée la mission d’accueil et d’éducation du public en visite dans ces muséums. Ainsi, le muséum d’Histoire naturelle de Grenoble voit le jour en 1848, principalement sous l’impulsion du legs par Emile Gueymard (1788-1869) de son importante collection

Le patrimoine géologique de l’arc alpin : de la médiation scientifique à la valorisation touristique N. Cayla, 2009. Thèse de l’Université de Savoie, Laboratoire EDYTEM

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d’échantillons alpins.4 737 roches, minerais et cristaux issus de la collection Shreiber (1746- 1827) qui parcourut les départements du Simplon et du Léman et de la collection personnelle de Gueymard, qui exprime alors ce vœu : Je serai heureux, si le dépôt que j’offre à mon pays, présente quelque intérêt à notre jeunesse si laborieuse et aux savants qui viennent saluer tous les ans la plus belle chaîne de France. (Lettre d’Emile Gueymard au maire de Grenoble, 7 janvier 1849) Cette naissance n’est en fait que le prolongement des nombreux échanges que vit le cabinet de curiosités préexistant sous la direction du botaniste Villars (1745-1814) qui accueillit, outre d’autres botanistes, des minéralogistes étrangers principalement germanophones (Rochas, 2006). Ces premiers muséums vont mailler le territoire alpin et donner lieu à de nombreux voyages géologiques qui, s’ils ne sont pas du tourisme, vont révéler certaines destinations qui deviendront des sites clés du géotourisme actuel. Ainsi, les paléontologues du muséum d’histoire naturelle de Milan découvrent le site de Besano, au Monte San Giorgio qui est devenu depuis patrimoine mondial de l’UNESCO pour la richesse de sa faune marine du Trias moyen.

Dans le même temps, avec le développement du tourisme dans les Alpes des curiosités géologiques sont aménagées pour la visite. Ainsi, la première grotte accueille le public dès 1832. La grotte d’Oliero, située en Vénétie a été découverte quelques années auparavant par Alberto Parolini (1788-1867), qui le premier en traversa le lac souterrain. Issu d’une riche famille vénitienne, ce naturaliste, qui avait étudié à Padoue puis parcouru l’Europe à la rencontre d’autres savants rapporta de l’une de ses expéditions à la grotte de Postojna des protées qu’il relâcha dans celle d’Oliero, multipliant ainsi les sources d’intérêt à la visite de la cavité. La renommée est rapide et au printemps 1834, Gorge Sand visite le site. Elle décrit ainsi son expérience dans ses « lettres d’un voyageur »: Trois grottes d’une merveilleuse beauté pour la forme et les couleurs du roc occupent les enfoncements de la gorge. L’une a servi longtemps de caverne à une bande d’assassins ; l’autre recèle un petit lac ténébreux que l’on peut parcourir en bateau et sur lequel pendent de très belles stalactites. Mais c’est une des curiosités qui ont le tort d’entretenir l’inutile et insupportable profession de touriste. Il me semble déjà voir arriver, malgré la neige qui couvre les Alpes, ces insipides monotones figures que chaque été ramène (…) véritable plaie de notre génération qui a juré de dénaturer par sa présence la physionomie de toutes les contrées du globe, et d’empoisonner toutes les jouissances des promeneurs contemplatifs, par leur oisive inquiétude et leurs sottes questions. Comme elle le raconte ici, il semble qu’à l’époque ce soit davantage l’expérimentation du monde des ténèbres qui attire les visiteurs, que la recherche d’une quelconque compréhension de celui-ci mais il faut dire que la karstologie n’en est alors elle-même qu’à ses balbutiements. Depuis, les choses ont changé puisque la commune, en partenariat avec le groupe spéléologique local a ouvert en plus de la visite des grottes, en 1994, un musée du karst qui propose de mieux faire comprendre la circulation des eaux souterraines, la nécessité de leur protection et les contraintes d’aménagement que cela suppose.

D’autres lieux géotouristiques vont progressivement voir le jour :

Le jardin des glaciers, à Lucerne, est un site géotouristique intra urbain qui donne à découvrir l’extension passée des glaciers. Découvert en 1873 lors de travaux de terrassement, l’intérêt scientifique du lieu fut immédiatement reconnu par le géologue lucernois Franz Joseph Kaufmann, qui, soutenu par Albert Heim, célèbre géologue Suisse, décida de poursuivre la mise à jour de ces vestiges glaciaires et d’en faire une attraction touristique.

Principalement composé d’impressionnantes marmites glaciaires, le jardin propose depuis plus d’un siècle un produit qui n’a cessé d’évoluer (Figure 2.13).

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(aujourd’hui conservée comme illustration de l’histoire des sciences car l’assimilation à la formation des marmites de géant était erronée), reconstitution scientifico-artistique des paysages suisses avant et pendant la glaciation et enfin depuis quelques années, nouveau centre d’interprétation sur les glaciers. Il accueille chaque année plus de 120 000 visiteurs. Dès l’origine, ce géosite a été mis en valeur dans un but éducatif. Alors que la théorie des glaciations étaient une nouveauté scientifique, ce site a été

voulu comme une parfaite illustration de celle-ci.. Figure 2.13 : Jardin des glaciers (Lucerne) Cette orientation ne s’est d’ailleurs pas démentie puisque récemment le pavillon d’exposition a été repensé pour abriter une exposition concernant le réchauffement climatique et son impact sur les glaciers suisses.

C’est à cette époque aussi que de nombreuses gorges ont été aménagées afin de faire découvrir aux visiteurs l’impressionnant travail de l’érosion. Ainsi, au sud du land de Bavière, dans la commune d’Oberstdorf, le révérend Johanes Schiebel, de Tienfenbach, entreprit de rendre accessible le site afin de développer le tourisme dans la vallée. Les premiers dynamitages eurent lieu en 1904 et l'inauguration le 04 juillet 1905. Creusées à la faveur de failles nord-sud affectant la formation du Schrattenkalk, séquence marno-calcaire de la fin du crétacé inférieur appartenant aux nappes bavaroises, les gorges entaillent les nappes helvétiques. L’érosion est particulièrement due au travail des eaux de fonte des glaciers qui occupaient le haut de la vallée durant les glaciations würmiennes. Le site est ouvert toute l’année, la fréquentation hivernale permettant d’y découvrir un paysage glacé des plus étonnant. La fréquentation des gorges de Breitachklamm est particulièrement importante puisque celles-ci accueillent chaque année près de 300 000 touristes. Devenu le 31 ème plus beau géotope de Bavière (cf première partie), un centre d’interprétation y a été aménagé en 2005, dans le cadre d’un programme Interreg IIIA permettant de mieux y mettre en valeur l’environnement des gorges.

Quant aux premières visites touristiques dans les mines ou carrières des Alpes, il faudra attendre bien plus tard puisque cette offre ne s’est développée que depuis une trentaine d’années, accompagnant la fermeture des sites d’extraction avec la création de nouvelles ressources économiques.

5.4 Conclusion

Bien avant que n’apparaisse le terme de géotourisme, de nombreux voyageurs parcouraient déjà les Alpes à la recherche pour certains des éléments susceptibles d’en décrypter l’histoire géologique et pour d’autres de paysages pittoresques. Peut-on pour autant dans ces deux cas parler déjà de formes ancestrales de géotourisme ?

Dès le début du XIXe siècle, les premiers guides de préparation des excursions géologiques de terrain sont édités montrant ainsi qu’il existe déjà un public de voyageurs dont les excursions ont un but géologique. A l’époque, la distinction entre géologue professionnel et amateur est difficile à définir, riches aristocrastes ou écclésiastes érudits font partie des premiers explorateurs alpins. On peut donc estimer que parmi les premiers grands noms de la géologie alpine, certains pratiquaient déjà ce qui peut être considéré comme les prémisses d’un tourisme géologique. Ainsi, lorsque De Saussure parcourt les montagnes, c’est parfois accompagné de sa

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famille et ses observations scientifiques n’exluent pas la visite de sites permettant la découverte de panoramas remarquables…

D’ailleurs, de nombreux voyageurs parcourent les Alpes à la découverte de ces paysages spectaculaires et comment exclure que l émotion causée par la contemplation de ces derniers, qui en montagne sont en grande partie marqués par l’univers minéral ne soit pas déjà le premier degré d’une certaine forme de géotourisme. D’autant que si les guides de voyages actuels regorgent d’information commerciales, ceux de l’époque étaient enclin avec plus ou moins de rigueur sans doute à la description précise des sites à visiter, descriptions qui incluaient la pluaprat du temps de longues explications scientifiques Ainsi, les guides d’Adolphe Joanne décrivent toujours avec beaucoup de détails les sites que le voyageur peut découvrir le long de son trajet.

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Chapitre 6 : Inventaire de l’offre géotouristique dans les Alpes

Dans la perspective de sélectionner les géosites alpins qui permettront de raconter l’histoire géologique de cette chaîne de montagne, un inventaire exhaustif de l’offre géotouristique à l’échelle des six pays étudiés a été réalisé . Les sites retenus proposent tous la mise en valeur d’un ou d’un ensemble de géotopes. Ils peuvent participer directement à l’activité économique des territoires par le droit d’entrée, le personnel qui y travaille ou les produits dérivés qu’il génère : fascicule d’interprétation voire sorties assurées par des professionnels (accompagnateurs moyenne montagne formés). D’autres sites y participent de façon indirecte en s’inscrivant dans l’offre touristique globale des territoires qui les concernent : sentiers d’interprétation équipés de panneaux, expositions libre d’accès…

Les cinq catégories de géosites exposées précédemment ont donc été retenus : les gorges, grottes, mines et carrières, sentiers d’interprétation, muséum ou musées de site dont le sujet principal est la géologie. Aucune restriction n’a été posée et la diversité des sites inventoriés est bien sûr importante, tant dans leur fréquentation : de quelques centaines à 340 000 visiteurs par an, leur ancienneté : de plusieurs siècles à moins d’un an ou leur mode de gestion : public, privée…

Le territoire retenu est celui des Alpes tel que défini par la Convention Alpine. La ville de Nice situé à la limite du territoire de cette Convention a été retenue malgré tout en raison des géosites touristiques quelle possède et qui ont un lien direct avec les Alpes proches.

L’élaboration de cet inventaire a nécessité la compilation d’informations provenant de quatre sources principales :

Des questionnaires envoyés de façon systématique : à des collègues géologues impliqués dans la valorisation du patrimoine géologique de chacun des six pays, aux organismes géologiques officiels (services géologiques nationaux, syndicats de carriers…) ainsi qu’aux ONG liées à la géologie (associations de professionnels ou d’amateurs en paléontologie, minéralogie, mines et carrières, aux différents échelons territoriaux : nationaux, régionaux ou locaux suivant les circonstances…) mais aussi aux différents acteurs du tourisme de l’échelon régional à l’échelon local. Près de deux cents acteurs institutionnels ou privés ont ainsi été contactés.

Des questionnaires envoyés à l’ensemble des zones protégées de l’arc alpin : parcs nationaux, parcs naturels régionaux, réserves naturelles ayant un patrimoine géologique important, mais aussi géoparcs, le cas échéant.

La recherche sur internet des sites géotouristiques commerciaux (musées, grottes…), des sites institutionnels du tourisme ou bien de la gestion territoriale…

La visite d’une centaine des sites retenus afin d’y conduire des enquêtes, de connaître le produit géotouristique, d’y récolter des informations complémentaires.

Les résultats sont présentés pays par pays, depuis l’extrémité sud-ouest de la chaîne à son extrémité nord-est. 388 géosites touristiques ont été recensés, un numéro a été attribué à chacun et correspond aux listes données en annexe.

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6.1 Dans les Alpes françaises, une répartition hétérogène, principalement centrée sur les

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