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Le bassin houiller de La Mure et la Mine Image (n°41)

des Alpes

8.3 Le domaine externe

8.3.3 Le bassin houiller de La Mure et la Mine Image (n°41)

Les gisements de charbon des Alpes sont marginaux comparés à ceux qui ont été exploités dans le reste de l’Europe. En effet, l’orogenèse alpine les a fortement tectonisés d’où l’irrégularité des filons et l’extension limitée des bassins. Celui de La Mure, sur le plateau Matheysin a malgré cela connu une importante activité dont témoigne l’aménagement du plateau.

Origine du gisement

L’anthracite exploitée dans le bassin de La Mure est d’âge Stéphanien inférieur (correspondant à la limite Pennsylvanien moyen à supérieur de la nomenclature internationale). La puissance de la série atteint 800 mètres d’épaisseur et forme la couverture d’un petit massif cristallin. On y trouve de bas en haut :

- l’assise de La Faurie discordante sur le socle et attribuée au sommet du Westphalien D (Moscovien) ou à la base du Stéphanien A (Kasimovien),

- des conglomérats qui atteignent plus de 200 mètres d’épaisseur,

- des grès et schistes abritant les six couches de charbon dont la Grande Couche, d’une épaisseur de 10 à 12 mètres est la seule exploitable. Elle abrite une flore à Pecopteris lamurensis et une faune à Esteria cebennensis caractéristiques du Stéphanien inférieur (Kasimovien). Une formation stérile achève la série (Barféty et al., 1989).

Histoire de l’exploitation

Les premières traces écrites faisant mention de mines sur le plateau Matheysin datent du XIIIe siècle. A cette époque, et jusqu’au XIXe siècle, l’exploitation est paysanne et assure

Le patrimoine géologique de l’arc alpin : de la médiation scientifique à la valorisation touristique N.Cayla, 2009. Thèse de l’Université de Savoie, Laboratoire EDYTEM

183 principalement les besoins domestiques. Toutefois, certains font métier de cette extraction du charbon de pierre pour les besoins du Comte de Lesdiguières qui les rémunère 3 sols le quintal. Mais l’extraction est anarchique et la plupart des gisements abandonnés sans avoir été épuisés. Une grande partie de cette production sert à alimenter les forges des cloutiers situés à La Mure et jusqu’à Mens mais aussi à la fabrication de la chaux nécessaire à la construction des remparts de Grenoble. Napoléon nationalise les concessions minières et par la loi du 21 avril 1810 définit les modalités de concession et établit les redevances à verser à l’Etat ainsi qu’au propriétaire terrien. Le sieur Jules Giroud obtient en 1806 la concession de la Grande Draye, berceau de la prospérité future du bassin. Entre 1833 et 1853, 800 000 tonnes d’anthracite ont été extraites du plateau. Puis, on observe, comme dans les autres bassins miniers français, un regroupement, qui permet de concentrer les droits et les capitaux et de faire entrer l’exploitation minière dans une ère industrielle, que vient couronner la construction de la ligne de chemin de fer, La Mure-St-Georges résolvant les problèmes de transport. La Compagnie des mines d’anthracite de la Mure est alors créée. La production atteint rapidement 350 000 tonnes par an soit près de 80% de la

Figure 3.6 : Chevalement de la Motte d’Aveillans

production alpine, l’extraction se faisant aussi dans l’Oisans et le Briançonnais, mais seulement 7 % de l’ensemble de la production française. Le bassin emploie, en 1940, 2500 mineurs (Angelier, 1940). En 1946 a lieu la nationalisation des Mines de La Mure qui deviennent "Les Houillères du bassin du Dauphiné". Au plus fort de la production, dans les années soixante, 800 000 tonnes étaient extraites par plus de 3500 mineurs, ce qui ne représentait plus toutefois que moins de 1 % de la production française. La production s’arrêta en 1997 et les Houillères fermèrent définitivement en 2000. 40 Mt d’anthracite de bonne qualité ont été extrait de ce gisement au cours de son exploitation (Bornuat, 2009).

La mine image

D’anciens mineurs soucieux de ne pas voir disparaître le passé minier du plateau Matheysin sont à l’origine de ce projet. En 1986, l'association pour la sauvegarde et la mise en valeur du patrimoine mottois voit le jour. Elle a pour projet la création d’un musée au lieu-dit des « 4 cheminées », à La Motte-d’Aveillans (Figure 3.6). Un bâtiment est rénové pour présenter différents aspects de la vie des mineurs. 250 mètres de galeries sont dégagés, consolidés et aménagés pour la visite. Le musée ouvre ses portes en 1995 et attire depuis environ 17 000 visiteurs par an. Un projet d’extension est en cours, d’un coût de 1,3 million d’euros. Il devrait être en partie financé par le Pôle d’Excellence Rurale, Tourisme et Patrimoine en Beaumont et Matheysine.

8.3.4 Les fours à quartz, richesse minérale des massifs cristallins (n° 50, 73, 79, 178, 196, 197 )

Il existe de nombreux sites cristallographiques au cœur des Alpes. La plupart sont situés dans des massifs cristallins dont la mise en place est liée à l’orogène varisque. Christoph Bernouilli (1782-1863) naturaliste bernois avait déjà associé ces cristallisations exceptionnelles aux « terrains primitifs » dans son ouvrage de 1811 : « Geognostiche Uebersicht der Schweiz » (Description géognosique de la Suisse) (Auf der Maur, 1987).

Origine géologique

Les fentes à cristaux se rencontrent aussi bien dans le granite que dans les roches métamorphiques qui l’accompagnent. Les plutons varisques ont subi lors de l’orogenèse alpine, un métamorphisme associé à une hydratation responsable de la rétromorphose d’un certain

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nombre des minéralisations paléozoïques (Poty, 1999). Le faible métamorphisme qui caractérise les massifs cristallins externe n’a pas dépassé 350°C et 3,5 kb (Rossi, 2005). Des mesures radiométriques ont permis d’établir différents âge d’apparition des fentes alpines et de croissance des minéraux qui y sont associés, la fourchette se situant entre 22 et 10 Ma (Potty, 2009). Des datations U-Pb, Th-Pb de monazite hydrothermale dans des veines de quartz du massif de la Lauzière, au nord de Belledonne et Ar/Ar sur des adulaires des mêmes veines ont permis de préciser l’âge des derniers évènements tectono-métamorphiques alpins dans les massifs cristallins externes (MCE) des Alpes (Gasquet et al, 2009). Deux âges ont pu être déterminés : autour de 15-12 Ma correspondant à une phase tectonique en compression et 11-5 Ma correspondant à une décrochement dextre contemporain de la crise messinienne.

Le quartz est bien sûr le cristal emblématique de ces fours, il en existe de nombreuses variétés dont certaines sont propres au massif où on les découvre. Ainsi le quartz de la Gardette qui provient des mines d’or éponymes situées sur la commune de Villard Notre Dame, à 5 km de Bourg d’Oisans, à 1290 m d’altitude. Il présente une macle particulière, l’association orientée de deux ou plusieurs cristaux identiques, dits individus, reliés par un angle de 84°33’. Les quartz non maclés de la Gardette ont été utilisés pour la confection des lustres du château de Versailles (Périgois, 2006). Les quartz en peigne ou quartz Gwindel des cristalliers suisses, présentent la particularité d’avoir subi des torsions successives lors de leur croissance. Ils sont particulièrement abondant dans le massif de l’Aar ou du Gothard.

Parfois c’est la présence d’impuretés ou d’un apport d’énergie qui confère aux cristaux de quartz une coloration particulière recherchée par les collectionneurs. La présence de fer donne sa couleur violette aux améthystes, quelques atomes d’aluminium en substitution à la silice donnent après irradiation par des rayons gamma, la couleur fumée de certains quartz très recherchés du massif, qui peuvent atteindre la couleur noire si l’énergie reçue a été importante. Toutefois cette coloration n’est stable qu’au-dessous de 200°C ce qui implique que la plupart de ces couleurs ont été acquises il y a moins de 10 millions d’années (Poty, 2007).

Histoire des cristalliers

Présents dans tous les pays alpins, les cristalliers ont tout d’abord été des paysans chasseurs qui parcouraient les montagnes comme Jacques Balmat (1762-1834). En 1786, dans son ouvrage « Voyage dans les Alpes », Horace Benedict de Saussure décrit minutieusement le travail de ces chercheurs de cristaux. De l’autre côté des Alpes, en Suisse, les cristalliers s’organisent en sociétés comme celle de Zinggen qui regroupe les chercheurs de cristaux de la petite commune de Guttanen. Il faut dire que parfois les découvertes sont de très grande ampleur nécessitant le travail de communautés d’hommes afin de dégager, et surtout transporter les cristaux. Ainsi, au début du XVIIIe siècle dans la vallée de Göschener, au cœur du canton d’Uri, un four particulièrement important est découvert. Son exploitation nécessite le creusement d’une cavité de presque 100 m de profondeur appelée désormais la grotte de Sandbalm. La production de ce four a été estimée à plus de 100 tonnes. En 1733, les cristalliers reconnaissant édifiaient la petite chapelle de Göscheneralp. A l’origine, les cristaux étaient ensuite taillés et transformés en divers objets prestigieux. Les premiers à avoir été conservés en tant qu’échantillons de sciences naturelles sont les quartz morions, de couleur noire, trouvés autour du glacier de Tiefen. Ce sont ensuite les guides qui ont pris la relève avant que, aujourd’hui, cette occupation ne devienne parfois l’activité principale, et rémunératrice, de quelques uns (cf affaire des cristalliers dans la première partie).

La mise en tourisme des collections et des fours à cristaux.

Différentes offres touristiques permettent de découvrir ce monde du cristal. Des collections privées d’« amateurs » avertis comme celle du cristallier Ersnt Ruffibach exposée dans son musée de Guttanen dans le canton de Berne et qui présente de nombreuses pièces du massif de l’Aar. Des musées de site permettant d’admirer des fours in situ comme dans la galerie de la centrale hydroélectrique de Grimsel Oberaar sur la route du col de Grimsel qui présente à travers trois ouvertures vitrées, une fissure découverte le 4 octobre 1974, longue de 11 mètres entièrement tapissée de cristaux de quartz. La grotte de Sandbalm, déjà citée plus haut, car

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185 visitée en 1796 par De Saussure, est toujours une destination d’excursion, même s’il ne reste plus aucune trace des cristaux qu’elle a pu renfermer. Le sentier d’interprétation « Grims – Kristall – Schatzweg » qui part du col de Grimsel en direction de Handegg, le long de la vallée du Hasli, destiné aux plus jeunes, qui décrit les principaux cristaux de la région. Enfin, des collections de dimensions plus importantes appartenant à des musées publics comme la collection d’Emile Gueymard (1788-1869) que l’on peut observer au Muséum d’Histoire naturelle de Grenoble et qui intègre certaines des plus belles pièces issues des mines de La Gardette, ou celles du musée cantonal d’histoire naturelle de Sion qui abrite les collections de Bernhard Studer (1794-1887), premier professeur de minéralogie de l’Université de Berne ou bien celle de Heinrich Gerlach (1822-1871) qui renferme des minéraux trouvés dans les mines du Valais, dont celles du Mont Chemin. La fondation Tissières à Martigny expose une importante collection privée dans le cadre d’une structure qui tente de développer des partenariats publics/privés afin de contribuer au développement de la recherche autour du patrimoine géologique.

Le musée des cristaux de Chamonix présente un partenariat original puisque le Club de minéralogie de Chamonix s’est associé à la municipalité afin que la collection du club constituée grâce aux achats réalisés avec les bénéfices de la bourse aux minéraux annuelle soit

Figure 3.7 : Musée des cristaux de Chamonix

conservée et mise en valeur dans la vallée. Les pourparlers entamés avec les autorités locales en 1980, ont abouti en 2004 à une convention de partenariat qui stipule que la municipalité prend en charge l’aménagement et la gestion du site dans l’espace Pierre Tairraz au cœur de la ville alors que le Club aidé par un comité scientifique élabore la muséographie et le parcours au sein du musée (Figure 3.7). Les pièces appartenant à la mairie sont inscrites à l’inventaire du Musée alpin classé « Musée de France » ce qui en garantit la pérennité. Le projet a été élaboré dans le cadre du programme Réseaux d’Itinéraires Touristiques Transfrontalier (RITT), un programme Interreg IIIA Alcotra dont le montant total s’élevait à 3 millions d’euros.

La minéralogie, une fois dépassé le plaisir esthétique déclenché par ces cristaux dont la perfection suscite l’admiration, reste une discipline difficile à médiatiser. Le parti pris de présenter les objets par famille minéralogique ou cristallographique satisfait le respect d’une classification établie depuis longtemps. Ce type d’exposition ressemble à celles qui autrefois présentaient les êtres vivants naturalisés en suivant l’ordre des taxons Aujourd’hui de nouvelles logiques sont apparues pour ces mêmes collections : présentation par écosystème, par continent, voire dans une démarche évolutive permettant ainsi de mettre l’accent davantage sur la fonction occupée par ces êtres vivants. Appliquées aux cristaux, ces nouvelles tendances expliquent que le musée de Chamonix, outre une présentation qui joue sur l’esthétique des objets, ait tenté de replacer chacun des cristaux ou des familles auxquelles ils appartiennent en respectant leur répartition dans les Alpes, qui est contrôlée par l’environnement physico-chimique qui a prévalu au moment de leur création. Ces conditions environnementales correspondent à quatre grandes zones de fluides : la zone à hydrocarbures, les zones à eau et la zone à dioxyde de carbone. Ce parti pris, s’il respecte davantage l’objet en tant que révélateur de milieu, est cependant difficilement accessible au plus grand public.

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8.3.5 Récapitulation

Les sites géologiques d’âge paléozoïque, valorisés à des fins touristiques dans des Alpes externes, illustrent principalement l’usage que l’homme a pu faire des gisements miniers, minéralogiques ou énergétiques abondant dans ces terrains. Ainsi, le sentier des graniteurs, sur la commune de Combloux, donne à parcourir les anciennes carrières qui au XIXe siècle exploitaient les plus importants blocs erratiques de granite du Mont-Blanc. Il n’est cependant que très peu fait référence à l’origine antéalpine de ces granites, l’histoire liée à leur exploitation étant le thème principal du parcours (Burnier, 2008). Il est regrettable que parfois le parti pris historique occulte les aspects géologiques qui sous-tendent l’exploitation passée d’une ressource naturelle. Cela tient bien sûr aux champs de compétences des personnes à l’initiative du projet et illustre l’importance que donnent les historiens aux patrimoines, leur souci de ne pas le voir perdre mais souligne aussi le manque d’approches transdisciplinaires. Celles-ci sont pourtant sources d’un enrichissement mutuel et de nombreuses recherches menées au sein d’équipes où géologues et archéologues travaillent ensemble ont déjà dévoilé d’intéressants résultats. Par exemple, le pic Romain du plomb enregistré dans les sédiments du lac d’Anterne montre une anomalie bien supérieure à celle constatée dans d’autres sites européens et attribuée classiquement à la seule exploitation de la mine de Rio Tinto en Espagne. Dans le cas de la vallée de l’Arve, les découvertes archéologiques, soulignent l’importance de la cité antique de Passy. Le développement de cette cité pourrait être expliquée par l’existence d’un site d’extraction minière qui expliquerait aussi, du même coup, l’important pic de plomb observé (Arnaud, 2006).

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