• Aucun résultat trouvé

des Alpes

8.4 Le domaine interne

Le Paléozoïque qui affleure actuellement au cœur des zones internes est constitué d’éléments qu’il est difficile de replacer dans un contexte paléogéographique clairement identifié. La plupart des unités qui constituent cette zone : domaine valaisan ou sub-briançonnais, sub-briançonnais, piémontais et liguro-piémontais ne prennent, en effet, leur réelle existence qu’au cours du Mésozoïque. Le socle de ce domaine pennique appartenait à la marge du continent européen principalement représentée par des massifs cristallins qui ont été bien plus affectés que leurs homologues des zones externes par le métamorphisme alpin. On distingue les massifs de Dora-Maira, du Grand-Paradis, du Mont-Rose, de la Suretta et de Margna qui correspondent au socle de la zone piémontaise, les massifs d’Ambin, du Grand-St-Bernard et de Tambo pour la zone briançonnaise, enfin, les massifs simplo-tessinois et l’Adula pour la zone valaisanne. Seule la zone briançonnaise possède une couverture sédimentaire correspondant à la zone houillère que l’on peut suivre de Briançon au Val d’Aoste.

L’histoire géologique de ce domaine interne peut être découverte à travers plusieurs géosites touristiques qui là encore s’appuient sur l’exploitation de ressources minérales, minières et énergétiques qui ont façonné l’histoire de plusieurs hautes vallées alpine.

8.4.1 Le houiller briançonnais (n° 29, 30)

Limitées à la vallée de la Guisane ainsi qu’à quelques kilomètres en aval de la ville de Briançon, dans la vallée de la Durance, de nombreuses mines paysannes ont alimenté en un combustible de piètre qualité les foyers de la région durant plusieurs siècles.

Origine du gisement

La zone briançonnaise présente une importante série de terrains silicoclastiques d’âge namurien-westphalien A à werfénien (Mississipien supérieur à Pennsylvanien de la nomenclature internationale). Le houiller est inclus dans des terrains détritiques plus ou moins grossiers que l’on peut séparer en trois formations : la formation de Cristol, la formation du Chardonnet qui abrite la totalité des terrains productifs de la région et la formation du Rocher du Loup. La Formation du Chardonnet a livré une flore importante et l’étude sédimentologique des gisements a permis de reconstituer la paléogéographie de la région : en particulier

Le patrimoine géologique de l’arc alpin : de la médiation scientifique à la valorisation touristique N.Cayla, 2009. Thèse de l’Université de Savoie, Laboratoire EDYTEM

187 l’évolution au Westphalien (Pennsylvanien) depuis une sédimentation franchement fluviatile à des dépôts plus lacustres trahissant la présence d’une plaine alluviale subsidente (Barféty et al, 1995).

Des troncs, en position de vie (Figure 3.8), d’autres, interstratifiés, peuvent être observés dans les terrains détritiques qui encadrent le houiller (Lestournelle, 2007). L’analyse de la répartition de leur orientation montre qu’à l’époque, les rivières se dirigeaient vers le nord actuel.

Histoire de l’exploitation

L’activité minière dans la région de Briançon prend ses racines au début du XVIIIe siècle, favorisée par la transformation de la ville en place forte frontalière à la suite du traité d’Utrecht. Le charbon de terre est alors exploité dans le but de produire la chaux nécessaire à la construction des forts puis au chauffage de ces derniers. L’exploitation se développe ensuite en raison de l’importante disparition des forêts et des interdictions d’exploitation qui en ont découlé au cours du XIXe siècle. Dans un premier temps, l’activité minière est le

fait principalement de paysans-mineurs. Figure 3.8 : Tronc en «position de vie» Les méthodes d’exploitation sont rudimentaires, les galeries étant creusées à partir d’indices de surface. L’extraction est essentiellement une activité hivernale qui correspond à la période où les besoins énergétiques sont les plus importants et où les paysans sont libérés des travaux des champs. L’anthracite extraite ici est de piètre qualité et le plus souvent à l’état de poussière qui doit être modelée en boulet ce qui était fait à l’usine de la Tour près de Briançon. L’exploitation restera donc longtemps au stade artisanal. Une activité industrielle a cependant existé, exploitant les gisements proches des voies de communication. Ainsi, la société des Charbonnages et Electricité du Sud-Est (CH.ELE.S.E.) a ouvert sa première concession en 1824 et les derniers travaux ont eu lieu en 1963. Les mines de la Benoîte, de Pierre-Grosse, du Freyssinet ainsi que celle de la Combarine ont alors connu des périodes florissantes lors des temps de crise. En 1917, la production du bassin atteignait 507 000 tonnes par an. Au total 48 concessions d'anthracite ont été accordées par l'Etat sur les communes de Briançon, Serre Chevalier, Névache, Saint Martin de Queyrières, Champcella, Pierre, Puy-Saint-André, Saint-Crépin (Tornatore, 2000).

La société géologique et minière du briançonnais

C’est dans le cadre d’un projet scolaire sur « la pierre et l’homme » qu’un enseignant de Sciences de la Vie et de la Terre, monsieur Lestournelle découvre l’intérêt du patrimoine minier de Briançon et de sa région. En 1989, l’Association Géologique et Minière du Briançonnais est créée et entreprend, avec l’aide du groupement spéléologique de Briançon, la recherche sur le terrain des traces visibles du patrimoine minier mais aussi la collecte des témoignages des derniers mineurs et mineur- paysans.

La même année, un musée est ouvert, à Briançon, au cœur de l’ancienne poudrière de la citadelle Vauban. L’année suivante, un Syndicat Intercommunal à Vocation Unique sur le thème du patrimoine minier est constitué. Il réunit les communes de Puy André, Puy St-Pierre et Villard St-Pancrace. Mais parallèlement à cet engagement local, le BRGM et la DRIRE s’inquiètent des risques inhérents à l’existence de toutes ces galeries accessibles à tous. La concertation engagée alors ne permettra de conserver que la mine des Eduits, sur la commune de St-Chaffrey, ainsi qu’une galerie à Villard St-Pancrace et deux galeries à la Roche Pesa. Les travaux de mise en sécurité effectués entre 1996 et 2000 vont concerner une vingtaine des 48 concessions historiques. Au cours de la saison estivale, il est possible de visiter les mines paysannes de Villard St-Pancrace.

Le patrimoine géologique de l’arc alpin : de la médiation scientifique à la valorisation touristique N.Cayla, 2009. Thèse de l’Université de Savoie, Laboratoire EDYTEM

188

8.4.2 Les ressources minières et minérales du massif de Dora Maira

Les roches étudiées ici proviennent de formations paléozoïques, dolomies carbonifères pour le talc et sédiments volcano-détritiques permiens pour la pierre de Luserne. Les circulations hydrothermales et le métamorphisme liés aux orogenèses varisque et alpine ont permis leur transformation en ressources exploitables.

La mine de talc de Scopriminiera (n° 94)

Origine du gisement

Le gisement de talc exploité dans le Val Germanasca ainsi que le Val Chisone se présente sous la forme d’un dépôt stratiforme d’environ 2 km2 sur 1 à 3 mètres d’épaisseur. Il est inclus dans les micaschistes du complexe supérieur de Dora-Maira (Ferrini, 1991). Des apports hydrothermaux ont permis la formation de ce phyllosilicate au cours de l’orogenèse varisque, il y a environ 345 millions d'années suivant la réaction:

Dolomie (3 Ca Mg (CO3)2 + Quartz (4 SiO2) + H2O =) Talc (Mg3Si4O10(OH)2 + Calcite (3 Ca CO3) + 3 CO2. Cette réaction s’effectue vers 500°C sous une pression de 1 à 3 kb.

Histoire de l’exploitation

La production de talc dans le Val Germanasque est citée pour la première fois au 17e siècle. L'exploitation resta longtemps artisanale mais avec la loi sarde de 1859, le talc devint un minéral de classe II, la classe I étant celle des minerais métallifères et les mines désormais propriétés de l'Etat furent soumises à concession. Ce minéral, inerte, non abrasif et qui supporte parfaitement de grandes variations de températures est utilisé principalement dans l’industrie chimique, pharmaceutique et cosmétique.

En 1907, la société des talcs et graphites du Val Chisone est créée. De nouvelles galeries sont ouvertes, ainsi, sur le site de Fontane il en existe 4 niveaux. Les mines ont employé plusieurs milliers de personnes dans la vallée puis, avec la mécanisation il ne resta qu’environ 600 employés pour une production annuelle toujours maintenue à environ 42 000 t. La société est rachetée par les talcs de Luzenac en 1990. C’est désormais le groupe Rio Tinto Minerals, troisième groupe minier au monde qui détient l’exploitation. Les galeries actuellement en exploitation de plus grandes dimensions, permettent une exploitation mécanisée (Rostagno, 2006).

Scopriminiera, un complexe touristique minier

Le projet est né en 1993, à l’initiative de la Communauté de montagne du Val Chisone et Germanasque, en partenariat avec la communauté de communes du Briançonnais français frontalier dans le cadre d’un programme Interreg ayant permis la création de l’écomusée et l’aménagement touristique de la mine Paola côté italien ainsi que le développement du site de l’Argentière côté français. Une société privée, La Tuno a été créée afin de gérer le complexe touristique. Son capital est détenu à 52 % par la Communauté de montagne. Le site appartient au réseau du patrimoine minier européen (MINET).

Figure 3.9 : Visite de la mine Giana

Un second projet Interreg a permis l’extension de la visite des galeries à la mine Gianna. Cette galerie nécessitait d’importants travaux de confortation ainsi que la création du sentier des mineurs qui propose lorsque l’on sort de la galerie Gianna, de regagner le site de départ par un sentier dans la montagne. Enfin, un projet est en cours afin de développer l’aspect géologique dans l’offre touristique principalement axée actuellement sur l’exploitation minière et la vie des ouvriers (Figure 3.9).

Le patrimoine géologique de l’arc alpin : de la médiation scientifique à la valorisation touristique N.Cayla, 2009. Thèse de l’Université de Savoie, Laboratoire EDYTEM

189

La pierre de Luserne (n° 95)

Ce gneiss est l’une des principales roches d’ornements exploitée dans le Piémont. Origine du gisement

La pierre de Luserne est un gneiss micro-oeillé qui provient du métamorphisme d’âge alpin du massif cristallin interne de Dora-Maira, tardi-hercynien, comme les massifs cristallins externes. Ces gneiss appartiennent à la formation de Dronero, ensemble attribué au Permien, constitué de volcanites acides et de sédiments volcano-détritiques. Les plans de foliation est-ouest de ces roches, qui facilitent leur taille en grande dalles recoupent l’ancienne stratification.

Histoire de l’exploitation

La pierre de Luserne représente une des ressources économiques majeure du Val Pellice avec près de 300 000 tonnes extraites chaque année dans plus de 115 carrières distribuées entre les communes de Bagnolo Piemonte, Rorà et Luserna San Giovanni.

Les plus anciennes traces de l’activité extractive datent de la seconde moitié du XIVe siècle mais l’usage de la pierre était alors très local. C’est en 1882, avec l’arrivée du chemin de fer à Luserna San Giovanni que la production prit véritablement son essor. Après une phase de repli en relation avec les deux conflits mondiaux, celle-ci a progressivement regagné de l’importance depuis les années 1950 (Alciati, 2007).

Figure 3.10 : Dôme du Môle Antonionelliana à Turin, en pierre de Luserne.

C'est la pierre emblématique de la construction à Turin. L'un des monuments qui la met le plus en valeur est certainement le Môle Antonelliana (Figure 3.10) réalisé par Allessandro Antonelli entre 1862 et 1889 et qui abrite désormais le musée du cinéma. Elle a aussi été largement employée par l'architecte Gabetti particulièrement aux alentours de la zone d'extraction.

L’écomusée de Rorà et la carrière de Tupinet

L’écomusée de la pierre de Rorà comprend un espace muséographique situé dans une ancienne maison Walser au cœur du village ainsi qu’un sentier d’interprétation dans la carrière de Tupinet, proche de celui-ci et typique des modes d’exploitation du XIXe siècle. La Communauté de montagne du Val Pellice, dans le cadre d’un programme Interreg II a mis en place cette nouvelle offre géotouristique qui est aussi à l’origine de la création de l’Institut Européen dédié à la pierre, à son passé et à son futur.

Parallèlement, un programme de recherche PRIN sur les techniques de construction historiques, financé par le Ministère de l’Instruction, de l’Université et de la Recherche a permis à l’équipe de Liliana Bazzanella du politechnico de Turin d’étudier l’histoire des techniques d’exploitation et de développer le parcours de visite de l’ancienne carrière de Tupinet. Celui-ci propose de découvrir les différents postes de travail des carriers pour finir par un belvédère qui donne une vision générale du site. Un « itinéraire du paysage » conduit à la carrière de Mugniva à 5 kilomètres et fait le lien entre l’exploitation passée et actuelle de la pierre de Luserne (Bazzanella, 2004).

8.4.3 Les épidotes de l’Untersulzbachtal dans le massif des Hohe Tauern (n° 297, 308, 309)

La fenêtre des Hohe Tauern laisse entrevoir le socle paléozoïque du continent européen fortement métamorphisé, et dans lequel plus de 200 minéraux différents ont été identifiés. Au cœur de ce socle s’ouvre la vallée de l’Untersulzbachtal particulièrement renommée pour ses différentes ressources minières dont plusieurs gisements de pierre semi-précieuse.

Le patrimoine géologique de l’arc alpin : de la médiation scientifique à la valorisation touristique N.Cayla, 2009. Thèse de l’Université de Savoie, Laboratoire EDYTEM

190

Origine géologique

Le gisement d'épidote du Knappenwand, tout comme la mine de cuivre de Hochfeld toute proche appartiennent à la formation de Habach, qui occupe l'extrémité nord-ouest de la fenêtre des Hohe Tauern. C'est une série d'une épaisseur de 500 à 700 m composée d'une succession de roches métamorphiques issues de roches volcaniques acides à basiques entrecoupées de sédiments datant du paléozoïque inférieur. Deux phases métamorphiques se sont succédées, une première attribuée à l'orogenèse varisque et la seconde à l'orogenèse alpine qui a atteint les faciès schistes verts à épidote-amphibolites et donne ici des gneiss riches en albite (Seeman, 1989).

Histoire de l’exploitation

Le gisement se trouve à 1200 m. Il a été découvert en 1865 par Alois Wurmitsch, guide et collectionneur de minéraux. Une exploitation pour la recherche et la vente des plus belles pièces débute en 1869 et fournit les plus beaux exemplaires du Muséum d'histoire naturelle de Vienne. Entre 1948 et 1956, l'exploitation reprend avec des techniques nouvelles mais l'administration fédérale autrichienne des forêts suspend celle-ci en 1957. Il faut attendre les années 70 pour que le Muséum d'histoire naturelle et l'administration forestière entament des négociations afin que soient délivrés des permis d'exploitation. Les recherches se poursuivent alors et la galerie est élargie et aménagée. Au début des années 2000, la responsabilité du Knappenwand revient à la municipalité de Neukirchen sous mandat de l'Etat. Un partenariat est établi entre le propriétaire du site : l'Etat, le responsable : la municipalité ainsi que des scientifiques (prof. Friedrich Koller du Muséum de Vienne et Robert Seeman). La mine est désormais ouverte quelques mois dans l'année afin d'en extraire de nouvelles géodes. Les plus belles sont toujours réservées pour le Muséum, les autres partent à la vente et ainsi financent le chantier chaque année.

Le géotourisme de la vallée de l’Untersulzbach

Le sentier d’interprétation « Knappenweg Untersulzbachtal », permet de découvrir plusieurs sites présentant un intérêt géologique. La mine de cuivre de Hochfeld qui a fermé ses portes en 1954, exploitait un gisement de chalcopyrite. Près de 25 tonnes de cuivre étaient extraites chaque année, à partir d'un minerai à 5 %. Au cours du temps, plus de 4000 m de galeries ont été creusées sur 5 niveaux dont une galerie d'exhaure de 400 m de long par laquelle commence la visite de la mine. Le sentier, se poursuivant, atteint ensuite le lieu d’extraction des Epidotes, qui n’est cependant pas lui, ouvert au public. Enfin, beaucoup plus haut dans la montagne il est possible d’accéder à des sites ou des émeraudes ont été découvertes. Mais il est plus raisonnable d’aller les observer dans l’écomusée situé dans la vallée, à Bramberg.

8.4.4 Récapitulation (n°191)

Là encore, ce sont principalement des sites liés à l’exploitation de ressources minérales qui ont été mis en valeur. Dans la vallée de Binn, l’offre géotouristique s’appuie sur une forme d’exploitation particulière du patrimoine géologique. La mine de Lengenbach, qui s’ouvre dans les dolomies triasiques présente des minéralisations exceptionnelles, qui sont étudiées par des scientifiques de l’Université de Berne et de Bâle mais aussi exploitées par des amateurs qui

peuvent extraire, moyennant un « droit Figure 3.11 Une station du Géorama de Binntal

d’entrée », les pièces qu’ils y découvrent. A partir du village Binn, où le commerce des cristaux est florissant, un sentier a été aménagé jusqu’à la mine. Le géorama de Binntal est un jardin

Le patrimoine géologique de l’arc alpin : de la médiation scientifique à la valorisation touristique N.Cayla, 2009. Thèse de l’Université de Savoie, Laboratoire EDYTEM

191 de pierre composé de 9 stations dont plusieurs présentent des roches du socle (Figure 3.11).

Documents relatifs