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La révolution de la méthodologie de jurisprudence qui s’impose

Section IV. Le piège de l’ingénierie financière islamique : La dérive42

Parag 2. Les dérives de la gestion des actifs financiers islamiques I. Exigences spécifiques du choix d’actifs en finance islamique

D. La révolution de la méthodologie de jurisprudence qui s’impose

Pour lever ces défis, de nombreuses réformes au niveau du conseil d'administration de la charia devraient être entreprises. Selon Wail AAMINOU, huit recommandations sur le Shari’a Board et les niveaux institutionnels sont nécessaires pour soutenir l’atteinte des objectifs de la finance islamique66 :

1. Qualification des Shari’a Scholars

Les produits des marchés financiers deviennent de plus en plus innovants et sophistiqués. Aujourd’hui, le Branchless banking, le peer to peer financier, le crowdfunding, et les devises numériques obtiennent l’attention des marchés financiers et figurent parmi les perspectives des institutions financières dans le futur proche. Ces tendances attirant tant le système islamique que celui conventionnel auront des contraintes liées aux avis des jurisconsultes. Ces derniers devraient nécessairement être prêts face à la nouvelle tendance ainsi qu’à la complexité et l'interdépendance des marchés financiers.

En plus de la langue Arabe, les jurisconsultes devraient maîtriser au moins une langue étrangère. En outre, ils devraient avoir une bonne connaissance des techniques d'ingénierie financière, de l'économie nationale et internationale, et des fondements des affaires administratives qui sont utilisées par les institutions financières (par exemple la budgétisation, la comptabilité, l’analyse des états financiers, le marketing,….).

2. Qualification des employés et du top management des institutions financières islamiques

En plus du rôle du Shari’a Scholar, le succès dépend également des compétences des employés. Habituellement, les lacunes de qualification pour cette catégorie sont liées à la Sharia et à la connaissance des spécificités de la finance islamique. Pour remédier à ça, les grandes institutions financières islamiques devraient concevoir des programmes de formations plus spécialisés sur des sujets spécifiques (l’éthique, l’audit Shari’a, la gestion des risques, le développement des produits ...) viendront compléter les programmes de base. Les Shari’a Scholars peuvent également participer dans l’accompagnement pédagogique et formation des employés en matière de droit musulman des transactions. La qualification des employés, facilitera, in fine, la communication avec les Shari’a Scholars.

3. Accroître la synergie entre les Scholars et le personnel

L’indépendance du Shari’a Board n’est pas contradictoire avec sa synergie avec le personnel. En effet, les deux parties ont le même objectif qui est la conduite des transactions financières selon les principes de la Shari’a. Par conséquent, accroître cette synergie est essentiel dans le développement de produits ; la formation et la conformité des opérations effectuées. Il existe de nombreuses façons d’implémenter la synergie. Tout d'abord, la planification des réunions ad hoc, et des formations pour faciliter les canaux de communication entre les deux parties. Ensuite, l’implication des Scholars, en tant que conseillers, dans les projets critiques tels que la recherche et le développement. Enfin, l’augmentation des interactions entre l'équipe d’audit Shari’a et les Scholars externes.

4. Consolidation des fatwas et uniformité des normes

La création d'institutions de normalisation tels que l'AAOIFI et l'IFSB est l'une des réalisations de l'industrie de la finance islamique. Cependant, l'industrie n'a toujours pas l'uniformité attendue des pratiques entre les différents acteurs parfois même au sein du même pays, de même que certaines normes ne sont pas obligatoires dans de nombreux pays. Le manque d'uniformité est certainement une menace pour la finance islamique car il confond le client et entrave le développement de l'industrie. Le rôle des régulateurs est primordial dans l’implémentation de l'uniformité aux normes internationales, tout en accordant aux institutions financières une certaine souplesse et autonomie. Les Scholars sont également appelées à s’intégrer dans le processus de normalisation, ce qui rend les normes complètes et adaptées aux différents contextes.

Certes, jusqu’à présents beaucoup d'efforts ont été entrepris pour documenter et consolider Fatwas. Cependant, la plupart du temps, ces efforts sont orientés vers les résultats finaux plutôt que le processus pour obtenir les résultats. A cet effet, les Scholars devraient travailler sur les études qui ramèneront d’une manière structurée l'expertise de la Shari’a (contexte, exigence, contraintes, processus et résultats).

5. Institutionnaliser le Shari’a Board

Les meilleures pratiques internationales de gouvernance imposent des règles au conseil d'administration. Les meilleures pratiques, par exemple, incluent la limitation du nombre de mandats et le d’interventions des membres du conseil. Les Scandales tels que «Enron», «WorldCom » et "Parmalat" illustrent clairement comment la mauvaise gouvernance peut conduire à des risques énormes non seulement pour les institutions financières, mais aussi pour le marché financier et l'économie dans son ensemble. Malheureusement, les Shari’a Boards respectent rarement ces pratiques. Cette situation due à la jeunesse de l’industrie islamique peut entraver son développement par la suite.

Historiquement, l’industrie s’est focalisée sur des personnes comme étant des "étoiles" plutôt que des institutions. Cette réalité ramène l'industrie à de nombreuses critiques. Comme la finance islamique se développe, il faut privilégier les approches institutionnalisées de manière à assurer la durabilité et réduire les risques.

6. Profils et positionnement des Shari’a Scholars

L’approche de « one Scholar fits all » n’est pas pertinente à long terme, raison due à la croissance mariée à la complexité de l'industrie. En outre, les meilleures pratiques de gouvernance, n’encourage pas l’implication d’un seul Scholar dans les diverses institutions financières islamique. Il serait judicieux, au contraire, de pousser vers la spécialisation des Scholars par secteur financier (banque de détail, Takaful, banque d'investissement ...) ou par région (Moyen-Orient, Asie du Sud, Afrique du Nord ...).

Les bénéfiques de cette transformation résident premièrement, dans le renforcement du staff des Scholars, et deuxièmement, dans l’amélioration de l’efficacité des prestations des Shari’a Scholars.

7. Recherche et développement (R&D)

L’innovation des produits répondant aux besoins des clients dans un environnement complexe, tout en respectant les principes de la Shari’a est certainement un défi qui exige des investissements constants dans les produits (R&D) sur lesquels, tout le succès de l'industrie repose.

La (R & D) nécessite de gros investissements en temps et en ressources financières. En raison de la pression de performance à court terme, la gestion des institutions financières peut ne pas être désireuse d'investir dans une telle activité à long terme. Il est du devoir Shari’a Scholars de pousser et d’encourager à la (R & D), étant bénéfique pour l'institution financière et l'industrie de la finance islamique.

8. L'autonomisation par des facteurs externes

Dans toutes les recommandations antérieures, le sujet a été abordé du point de vue de Sharia Scholars. Cette recommandation, explique la façon dont les facteurs externes peuvent entraver le travail du Shari’a Scholar et l'impacter.

Tout d'abord, une fatwa, peut être-t-elle appliquée ? Dans de nombreux cas particulièrement non soumis aux règles de la Shari’a, le système juridique peut contredire une fatwa émise par un Shari’a Scholar. Ce qui implique la faiblesse du pouvoir d’une Fatwa et par conséquent le travail du Shari’a Scholar. Eviter une telle situation revient à entreprendre une harmonie entre les principes d'affaires et la Shari’a.

Deuxièmement, une surveillance accrue de l’application de la Shari’a par les banques centrales peut soutenir la mission du Shari’a Scholars. En effet, cette surveillance instaure plus de crédibilité à l'égard des clients. En outre, la supervision des organismes de réglementation conduit à une plus grande uniformité et standardisation en matière de la Shari’a.

Troisièmement, la conception d’un programme académique dédiée pour préparer les futurs spécialistes de la Shari’a. Les programmes universitaires existants soit dans les études ou l'économie islamique ne convient pas avec la nécessité d’un profil unique de Shari’a Scholar et par les besoins du marché.

Enfin, la pensé économique islamique a créé la finance islamique comme alternative à la finance conventionnelle jugée illicite de par ses activité basées sur le Riba et Gharar et d’autres aspects interdits par la Shari’a. La finance islamique dépasse le rôle d’une simple intermédiation financière à une finance purement participative basée sur les valeurs islamiques.

La finance islamique est orientée par un ensemble de règles fondamentales issues des différentes sources du droit des affaires islamiques (Coran, Sunna, Ijtihad). De plus, l’application de ses principes se base sur la mise en place d’institutions à caractère économique s’occupant chacune d’une mission bien définie et contribuant ensemble à la standardisation des normes islamiques et à la réalisation des objectifs économiques de l’Islam.

Par ailleurs, la banque islamique doit se conformer à ses objectifs et aux règles qui les régissent. Elle doit aussi veiller par la mise en place d’un mécanisme de contrôle de la correspondance

des résultats finaux avec les objectifs initiaux et bénéficier in fine de la valeur ajoutée politique, économique et sociale de la finance islamique

Cette valeur ajoutée se résume dans le profit de l’ensemble des couches sociales des bénéfices macro et micro économique de ce système, faisant de l’éthique, de l’équité et de l’équilibre dans la création et la répartition de richesse, les fondamentaux d’une rotation économique et donc d’une croissance stable, durable et surtout profitable à tous.

En somme, tous ces aspects sont d’ordre théorique sur le concept de la finance islamique. Le chapitre suivant abordera d’une manière pratique le business model actuel des banques islamique.