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Section III. Les filiales financières spécialisées : Le puzzle

Parag 1. Compagnies Takaful 113

Le Takaful est un concept islamique d’assurance qui remonte au 7ème siècle basé sur les normes et règles de la Sharia. Il est ancré dans les enseignements de l’Islam (fraternité des croyants, égalité, responsabilité entre-eux et envers l’humanité de façon générale). Il est aussi à la base de différentes formes d’assistance mutuelle : concept de « Ta’awun » dont la signification est la réunion des ressources pour s’entraider (entre familles, voisins, tribus).

Au premier temps de l’islam on retrouve un ensemble de pratiques tendant à compenser ou indemniser les pertes à leur survenance en les répartissant ausein du groupe par exemple :

- Marchands de La Mecque : fonds d’assistance aux victimes de désastres naturels ou mésaventures des caravanes ;

- « Daman Khatar al Tariq » : garantie / caution pour couvrir les pertes durant les voyages des caravanes de commerçants ;

- « Aqila » : pratique d’indemnisation à la famille de la victime d’un meurtre.

En outre, dans les Hadiths, le Prophète recommande l’entraide mutuelle entre les gens, Pait et Salut sur Lui a dit : « Quiconque allège l'affliction d'un croyant et son chagrin ici-bas, Allah le soulagera d’une des peines du Jour de la Résurrection. Quiconque secourt un homme dans l’embarras, Allah le secourra dans ce bas monde ainsi que dans l’Au-delà … »114.

Dans la littérature, le terme Takaful dérive de « Kafala », qui signifie « se garantir l’un l’autre » ou « garantie mutuelle ». En principe, le système de Takaful est basé sur la coopération mutuelle, la responsabilité, l’assurance, la protection et l’assistance entre des groupes ou des participants.

Selon l’AAOIFI (norme 26), « L’assurance islamique est un accord entre un groupe de personnes contre des risques spécifiques imprévisibles qu’ils peuvent confronter. Cet accord, ainsi introduit, porte sur le versement des contributions à titre de donations, et conduit à la création d'un fonds d'assurance qui jouit du statut d’une entité juridique et a la responsabilité financière indépendante. Les ressources de ce fonds sont utilisées pour indemniser tout souscripteur contre un risque prescrit dans le contrat, conformément aux règles et procédures de la police d’assurance ».

Tout comme une mutuelle d'assurance, une compagnie Takaful permet de mutualiser les risques et de repartir les pertes éventuelles entre l'ensemble des assurés. Ainsi, les membres d'une compagnie d'assurance Takaful sont à la fois assureurs (propriétaires des fonds gérés par la compagnie) et assurés (bénéficiaires en cas de sinistre).

Les souscripteurs des contrats Takaful apportent les fonds nécessaires (donations) pour s’indemniser mutuellement en cas d’une perte ou dommage définis pour un montant convenu

113 Mohamed Boulif (2015), Takaful

dans le plan de Takaful. Par ailleurs, l’opérateur agit pour compte des assurés pour gérer le schéma de Takaful. Ainsi, il gère les souscriptions (contributions Takaful), paie les sinistres et gère le portefeuille d’Investissements du Fonds. Selon le type de contrat l’opérateur reçoit soit une commission ou une part du profit des investissements. Ces investissements doivent être conforme à la Shari’a (mécanisme de filtrage).

A la fin de l’exercice, la compagnie calcul l’excédent de la souscription qui est surplus des contributions totales payées par les assurés durant la période financière sur le total des indemnités pour les sinistres survenus durant la période, net de réassurance et après déductions des dépenses et changement dans les provisions techniques. Cet excédent est traité selon trois manières :

1- Les Actionnaires investissent l’Excédent avec un accord précis sur la contrepartie (une ration de partage du profit ou une commission),

2- Les actionnaires ont un droit exclusif pour investir et partager le revenu des investissements (Symposium Al Baraka),

3- Les Actionnaires partagent l’excédent avec les preneurs d’assurance.

Le déficit, quant à lui, est couvert soit par la constitution des réserves des assurés soit par son partage au prorata sur de ceux-ci ou bien par l’augmentation des contributions futures des assurés au prorata comme il peut constituer en un emprunt auprès des actionnaires. Afin d'éliminer le caractère incertain (Gharar) associé aux contrats d'assurance conventionnelle, les contrats Takaful ne spécifient pas un bénéfice monétaire prédéterminé.

Il existe trois modèles et plusieurs variations de la mise en pratique du Takaful, la principale différence entre les différents modèles étant le mode de détermination de la rémunération de l'opérateur Takaful :

- Modèle de Mudaraba : pourcentage dans les profits repartis entre l’opérateur et le fonds des sociétaires, après déduction de toutes les charges techniques, frais de gestion et autres frais généraux. Utilisé plus en Malaisie

- Modèle de Wakala : exprimée en pourcentage des primes, décidée annuellement et d’avance et rémunérant directement les frais de gestion de l’opérateur.

- Combinaison des deux Modèle mixte. Il s’agit de la plus courante au Moyen orient.

- Modèle Waqf : participants font un don au fonds géré par l’opérateur contre commission. Couramment adopté en Pakistan.

Figure 82 : Types des contrats Takaful

Le Re-Takaful est une protection de la Société de Takaful contre les pertes imprévues ou

extraordinaires. L’AAOIFI a défini le Re-Takaful comme « Un arrangement contractuel par

lequel le réassureur sera responsable pour partie ou entièreté des risques que l’assureur a assuré. Les droits légaux assurés ne seront pas affectés par l’accord de réassurance et l’assureur est tenu de payer à l’assuré les sinistres selon les termes et conditions de la police d’assurance». Il y a en général deux types de Re-Takaful :

- par traités : Le réassureur s’engage à couvrir tous les risques qu’inclut le contrat global de réassurance,

- facultatives : typiquement un contrat est négocié pour chaque risque assuré. L’option de réassurance est au cas par cas avec un terme annuel, renouvelable avec une réévaluation au cas par cas (en général les risques atypiques).

De même il existe différentes formes de Re-Takaful :

- proportionnelle (quote-part ou quota Share):Un contrat de réassurance qui se fait uniquement sur une quote-part bien défini (la moitié ou le quart par exemple) qu’elle soit dans le cadre de la capacité de souscription de la compagnie d’assurances cédante ou en dehors de sa capacité.

- non-proportionnelle (en excédent de sinistres) : Un contrat de réassurance souscrit en vue de protéger la cédante contre tout ou une partie des sinistres au-delà d’une certaine somme conservée par l’assureur (priorité). Cela prend généralement la forme d’un excédent de sinistres ou d’une réassurance en excédent de sinistres annuels.

- non-traditionnelle : Un contrat de réassurance se référant à un engagement ou à un taux de sinistralité maximale. Cette forme est souvent utilisée dans les contrats de gros volume dans lesquels la compagnie cédante conserve une tranche des sinistres et souscrit une réassurance au-delà.

S’agissant de services, les compagnies Takaful offrent deux types produits, en alternative de ceux conventionnels, en l’occurrence, les produits d’assurance des biens ou (General Takaful),

alternative à l’assurance de dommages ou IARD et les produits d’assurance de personnes (Family Takaful), alternative à l’assurance vie.

Dans le Family Takaful, le participant à une double motivation, d’une part la donation au fonds de Takaful pour une indemnisation mutuelle des participants et d’autre part épargner ou investir pour lui-même ou des ayants droits. Pour ces raisons, la contribution des participants est versée à un fonds de Takaful divisé en deux parties :

- Compte Spécial du Participant (CSP) – avec la donation (couverture) ;

- Compte du Participant (CP) avec son épargne et investissement.

A l’échéance le Participant reçoit le montant accumulé sur le CP (Épargne et investissement) avec les surplus proportionnels provenant du résultat technique (du compte CSP – Tabarru’

donation). Si le Participant décède avant l’échéance, l’Opérateur versera aux ayants-droits :

- Le solde dû au Participant décédé du CP avant la date de son décès ;

- Les montants non-versés au fonds de Takaful de la période de décès à la date d’échéance de sa police, payée du CSP.

La première compagnie Takaful a été installée en Soudan en 1979. Actuellement, le marché du

Takaful a connu une réelle expansion. Au titre de l’année 2012, le nombre des compagnies

Takaful a atteint environ 200 compagnies réparti en 158 compagnies dites « full-fledge », 30 Windows de Takaful et 12 compagnies de Re-takaful.

Figure 83 : Nombre des compagnies Takaful

Figure 84 : Top 10 des compagnies Takaful115

115The Banker 2008

Les objectifs généraux des compagnies Takaful sont aussi nombreux que nobles, dont notamment :

- Offrir une alternative à l’assurance conventionnelle, pour répondre à l’attente et aux besoins de ceux qui sont à la recherche de produits d’assurance conformes aux préceptes de l’Islam ;

- Contribuer au financement de l’économie nationale avec le reste des institutions financières conventionnelles et islamiques ;

- Participer au développement économique du pays et particulièrement à la croissance du marché de l’assurance en offrant aux particuliers et aux divers investisseurs les couvertures assurantielles adéquates ;

- Concourir au développement de l’assurance islamique et renforcer l’esprit d’entraide et de solidarité non seulement entre les assurés mais également entre tous les citoyens.

Aujourd’hui le Takaful est un secteur en pleine expansion (à 2 chiffres) et en pratique dans plus de 33 pays. La contribution brute mondiale du Takaful est estimé à atteindre 14 milliards de dollars en 2014 contre une valeur affichée en 2013 de 12,3 milliards de dollars (figure 54). La croissance en glissement annuel a ralenti d’un TCAM de 22% (2007-11) à un taux de croissance de 14% entre 2012 et 2014. Les pays de l'ASEAN (Malaisie, Indonésie, Brunei, Singapour et Thaïlande), tirés par une forte dynamique économique forte et une démographie jeune, continuent de parvenir à une croissance soutenue à 22%. Les pays du CCG (hors Arabie Saoudite) ont enregistré une croissance d'environ 12%.

116

Figure 85 : Contribution global du Takaful par région (2009-2014)

Exprimé en part de marché par région, la contribution de l’Arabie Saoudite, en 2014, accapare

48% du total des contributions brutes mondiales du Takaful. Les pays de l'ASEAN, occupent

le tiers (30%) du montant total des contributions du Takaful, suivie par d'autres pays du CCG avec 15%. L’Afrique, l’Asie du Sud et le Levant totalisent 7% des contributions globales.

116 E&Y, Global Takaful Insights 2014

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Figure 86 : Part de marché du Takaful par région (2014)

En matière de réglementation, l’AAOIFI (normes 26, 41, FAS 12, FAS 13, FAS 15) et l’IFSB (IFSB-8, IFSB-11) ont tracé le cadre réglementaire et référentiel standard des compagnies

Takaful et Re-Takaful. Par ailleurs, chaque pays rééquilibre sa réglementation interne en fonction des moyens de bord dont il dispose.