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Placements et financements participatifs à base de PPP

Section I. Les banques commerciales islamiques : Le conventionnel islamisé

Parag 1. Placements et financements participatifs à base de PPP

Les placements et financements participatifs sont des contrats consistant en la mise en place de partenariats entre la banque et des détendeurs de comptes d’investissement. Ces derniers sont assimilés à des actionnaires de la banque islamique dans la réalisation des investissements. Le principe de partage des profits et des pertes se concrétise essentiellement via deux types de contrats qui répondent pleinement aux exigences de la Shari’a et qui sont les contrats de

Mudaraba et Musharaka. Il s’agit de transactions où les parties impliquées partagent les pertes et les profits des activités dans lesquelles elles s’engagent.

I. Comptes d’investissement Mudaraba

Selon l’AAOIFI, La Mudaraba ou Al-KIRAD (ضارقلا) est un partenariat dans le profit entre le capital et le travail (entreprenariat) sous une forme proche de la société en commandite simple. Il est conclu entre les détenteurs de comptes d’investissement, en tant que financiers (Rab Al Mal), et la Banque Islamique en tant qu’entrepreneur (Mudarib). Le partage du profit se réalise selon l’accord préalable entre les parties, les pertes étant supportées par le financier, sauf faute, négligence ou violation avérée aux conditions convenues. Ce contrat peut également être réalisé comme opération de financement, entre la banque Islamique, en tant que Rab Al Mal et le client entant qu’entrepreneur.

Le contrat de Mudaraba se présente, dans la pratique, sous deux formes67 :

-Le contrat de Mudaraba limitée (Mudaraba Muqayada) appelé également Dépôt

Participatif Affecté (DPA) c’est un contrat qui porte sur une opération de financement précise (projet bien déterminé). Dans ce type de contrat les fonds utilisés ne peuvent pas être mixés avec les fonds propres de la banque et ils sont souvent mis en hors-bilan (AAOIFI) ; -Le contrat de Mudaraba illimitée (Mudaraba Mutlaqa), appelé également Dépôt Participatif

non Affecté (DPNA) dans ce cas le Mudarib est libre dans le choix des investissements qu’il entreprend et qu’il juge rentables et il n’est pas tenu d’informer les investisseurs de ses choix d’investissements.

Les bénéfices résultant du projet sont répartis suivant des proportions convenues à l’avance après que l’investisseur récupère son capital et que les frais de gestion de l’entrepreneur ont été acquittés. En cas de perte, qui ne sera pas due à une faute ou à une mauvaise gestion, c’est la banque qui assumera le préjudice et plus précisément le client (déposant) à travers les comptes d’investissement. Dans ce cas l’entrepreneur (financé par la banque islamique) ne perdra que sa rémunération éventuelle concrétisée par le temps et l’effort investis dans l’entreprise. En collectant les fonds à travers les comptes d’investissement la banque constitue des pools d’investissement qu’elle a le devoir de fructifier en bon père de famille entant que Mudarib. Or la banque a la possibilité de rentrer dans ce pool d’investissement entant que mousharik (actionnaire) : Cela s’appelle le shadow Mousharaka (لاوملاا طلخ) où le Mudarib entrepreneur

67Elmelki Anas (2011), Le Principe De Partage Des Profits Ou Des Pertes Dans Le Cadre Des Banques Islamiques : Illustration Modélisée Des Contrats De Financement Participatifs Moudaraba Et Moucharaka, Global Journal of Management and Business Research.

(qui est la banque dans ce cas) ramène non seulement son travail mais également une partie du capital. Dans ce cas, la clé de répartition du capital Moudaraba est définie préalablement entre le Mudarib et rab almal, alors que la clé de répartition du capital Mousharaka se fait au prorata des apports en capitaux.

Figure 49 : Schématisation du financement Mudaraba

Dans la pratique, la Mudaraba est utilisée dans deux sens « Two Tier Mudaraba », ce qui permet d’assurer une intermédiation proche de celle des banques conventionnelles. Selon cette approche, la banque joue à la fois le rôle d’investisseur et d’entrepreneur. Du côté du passif, en tant que Mudarib, elle gère des dépôts qui lui sont confiés par ses clients qui participent aux résultats de la banque. Du côté de l’actif, elle assure une meilleure allocation des fonds ainsi collectés en les mettant à la disposition d’autres investisseurs ayant le savoir-faire et dépourvus de capitaux sous l’option de partage des profits générés.

La détermination du taux de partage est un élément crucial dans la gestion du contrat Mudaraba. Généralement, les banques islamiques, partagent à tire d’information des taux de rendements historiques. Certaines banques utilisent par exemple le revenu des contrats Murabaha pour produire une estimation fiable de la distribution des bénéfices aux comptes des déposants. L’expérience a monté la difficulté de déterminer un taux de profit arrangeant la banque et son client.

Ainsi, les négociations entre la banque islamique et l’entrepreneur se focaliseront sur la détermination de la clé de partage des profits. Par conséquent la banque islamique ne sera pas libre à fixer un niveau de profit qui ne prendra pas en considération les intérêts de l’entrepreneur qui risque de préférer le financement conventionnel. Du côté de l’entrepreneur, celui-ci ne choisira pas la modalité de financement participatif que si le profit dégagé, après déduction de la part de la banque islamique, sera supérieur ou égal au profit généré s’il aura à traiter avec

une banque conventionnelle. Par conséquent, ceci révèle la corrélation significative entre la fluctuation de la valeur des taux d’intérêt et la variabilité des taux de partage des profits et des pertes des banques islamiques.68.

Sur le plan pratique, le financement par contrat Mudaraba représente une part très minime dans l’ensemble des activités des banques islamiques. A l’exception de l’Arabie Saoudite où ce contrat représente 24% des actifs bancaires, la part de marché du contrat Mudaraba ne dépasse pas 1% en Malaisie, en Pakistan et en Jordanie. Dans les autres pays comme le Bahreïn et le

Soudan la part de marché de la Mudaraha est respectivement de 7% et 5%.

Pour remédier à des situations fluctuantes du taux de partage, et par ailleurs un retrait massif des dépôts (risques commercial déplacé (RCD)), les Scholars de la Shari’a ont approuvé la mise en place des mécanismes de réserves PER et IRR. L’objectif de ces réserves est de lisser les revenus à répartir pour les IAH et pour faire face aux éventuelles pertes futures.

A. L’amalgame du lissage du rendement (PER) et de la protection du capital (IRR) La PER, Réserve d’Egalisation du Profit, est le montant constitué par la banque islamique à partir des revenus de Mudaraba, avant d’allouer la part du Mudarib afin de maintenir un certain niveau de rendement pour les IAH (Investment Account Holders) et accroître les fonds propres. Elle est mesurée comme étant le montant considéré comme prudent par le management de la BI. En Fin de période, une dotation de la réserve au niveau requis se fait avant répartition de la part du Mudarib. Si le seuil de prudence est atteint (prudent), l’excédent est ex tourné et crédité au IAH et aux fonds propres avant allocation de la part du Mudarib.

L’IRR, Réserve pour Risque d’Investissement est un montant constitué par la banque islamique à partir des revenus disponibles pour les IAH, après allocation de part du Mudarib afin de faire face aux pertes futures des IAH. Cette réserve est mesurée avec prudence par la direction de la banque. En fin de période, il est constitué d’une dotation jusqu’au seuil considéré comme prudent, et s’il y a un excès du seuil, l’extourne de la réserve est mise au profit des UIAH de la période concernée après allocation de la part du Mudarib.

68Elmelki Anas (2011), Le Principe De Partage Des Profits Ou Des Pertes Dans Le Cadre Des Banques Islamiques : Illustration Modélisée des Contrats De Financement Participatifs Moudaraba Et Moucharaka, Global Journal of Management and Business Research.

Figure 50 : Processus de constitution des réserves PER et IRR

Afin d’être compétitif sur le marché et d'éviter les risques de retrait des déposants en fournissant des rendements sur les comptes PSIA comparables au marché, les IFI emploient une variété de méthodes d’activités de lissage des rendements. Par ailleurs, en Jordanie, Malaisie et Qatar, la banque centrale exige aux IFI de gérer les comptes PSIA par un moyen de ne pas refléter les pertes aux investisseurs et de procéder au lissage des rendements. Par conséquent en raison de ces exigences réglementaires ou des pressions du marché, les IFI sont entraînés à utiliser une combinaison de méthodes comme stratégies d'investissement conservatrice : les réserves de péréquation des rendements (PER), les réserves de risque d'investissement (IRR), ou un don à détenteurs PSIA de la part des propriétaires69.

Selon une enquête menée par l’IFSB70, plusieurs IFI maintiennent les réserves PER et IRR, dans le lissage des rendements pour rivaliser les DAT sur le marché conventionnel. D’autres IFI ne les utilisent pas et d’autres maintiennent une seule réserve soit le PER ou l’IRR (généralement entre 5% et 10%).Ceci revient soit à des exigences réglementaires ou à une décision propre de l’IFI en fonction des circonstances. En revanche, certaines banques du GCC utilisent les provisions pour pertes sur prêts (Loan Loss Provisions LLP) au lieu des réserves PER et IRR pour lisser leurs rendements.

En outre, la méthode la plus courante de lissage des rendements consiste en la renonciation, de toute ou d’une partie de la part du Mudarib (la banque) dans les bénéfices afin d'offrir aux IAH un taux plus compétitif. Elle se fait par un transfert sous la forme de Hiba. La deuxième méthode de lissage le plus couramment utilisé est le maintien d'un PER comme un coussin pour le lissage du rendement et un facteur d'atténuation du RCD, notamment dans les pays où l'autorité de surveillance oblige les IFI à maintenir une telle réserve. Certains IFI utilisent également l’IRR au lieu du PER, comme méthode de lissage du rendement, mais cela est généralement limité à des juridictions où les IFI ne sont pas autorisés à établir une réserve autre qu'une l’IRR. En

69Zeynep Topaloglu Calkan (2015), paper « Estimating expected returns on Mudaraba time deposits of Islamic banks ». Islamic banking and finance – Essays on corporate finance, efficiency and product development.

conclusion, les méthodes pour couvrir les pertes sur les actifs financés par des fonds des IAH (IRR) étaient les mêmes que celles utilisées pour le lissage des bénéfices (PER).

Sur le plan réglementaire, des autorités de contrôle ont prescrit certaines exigences pour le maintien de réserves de lissage du rendement. Certaines autorités ont indiqué une limite supérieure pour le solde de ces comptes, généralement exprimée en pourcentage du capital. D’autres ont fixé un montant maximum de la dotation mensuelle à porter au PER, bien que les autres ont précisé un montant minimum en pourcentage des revenus de placement nets qui doit être portée au «compte de réserve des risques » jusqu'à ce que la limite maximale est atteinte. Il est noté également que l’évidence de la gestion efficace de la distribution des bénéfices s’impose. Une étude de Farook et al. (2012) a montré que la plupart des IFI parviennent à la distribution des bénéfices. Les IFI en Malaisie et EAU octroient de faible distribution du rendement moyen, tandis que dans le Bahreïn, l'Indonésie, le Pakistan et l'Arabie Saoudite, les IFI présentent une distribution de profit moyen nettement supérieure.

B. L’amalgame du rachat avant terme (Tandid al-houkmi)

Un autre aspect de l’amalgame entre le DAT conventionnel et le compte d’investissement islamique réside dans la souplesse juridique du DAT de le racheter partiellement ou totalement avant terme. Cette même souplesse on la retrouve naturellement dans le compte d’investissement islamique, toujours dans l’esprit de copier-coller des caractéristiques, soit disant pour s’adapter aux besoins des clients trop habitués à l’offre conventionnelle.

En effet le compte d’investissement permet cette souplesse de rachat avant terme à travers une technique de Tandid al-houkmi (avance avant échéance). A travers cette clause la banque s’oblige à demande du client de lui verser une partie du montant du placement ou de son rendement espéré. Le client par contre reste en principe redevable de ce montant à la banque au cas théorique ou le capital du placement a été perdu ou le bénéfice non réalisé.

II. Financement Musharaka

Selon la définition de l’AAOIFI, la Musharaka est une forme de partenariat entre une Banque Islamique et ses clients, par lequel chaque partie contribue au capital, égal ou différent, pour monter un nouveau projet ou partager un projet existant, chaque partie devenant propriétaire sur une base permanente ou dégressive et ayant droit à sa part de profits.

La clé de partage des profits ou des pertes est déterminée au moment de la signature du contrat. Ainsi le taux de partage du profit peut être fixé soit sur la base de négociation et de consentement mutuel (l’école Hanbalite et Hanafite), soit sur la base de la mise de chacune des parties contractantes (thèse de l’école Malikite et Chaféite). Les pertes sont cependant réparties au prorata du capital apporté. Il ne peut être stipulé autrement.

La banque islamique et l’entrepreneur contribuent tous deux, à différents degrés au capital nécessaire au démarrage d'une activité. La contribution au capital peut se faire soit par apport en numéraire ou/et en nature. Ce contrat confère à chacun des associés le droit d'administrer les affaires jugées rentables et compatibles aux principes de la finance islamique. Toutefois, l’un des partenaires pouvant choisir de rester « passif », par conséquent son ratio de profit ne peut excéder le pourcentage de part qu’il détient dans l’investissement.

Le terme du contrat Musharaka se fait lorsque :

-L’objet pour lequel la Musharaka a été constituée est atteint, il peut être mis fin au partenariat. Les profits et pertes seront respectivement répartis entre les partenaires selon les ratios convenus et le capital de chacun.

-Sauf stipulation contraire, chaque partenaire peut mettre fin au partenariat en donnant un préavis aux autres partenaires, les actifs étant alors liquidés et répartis selon le capital de chacun ;

-Si un partenaire décide se retirer, le partenariat entre les autres peut se poursuivre. Les parts du sortant étant évaluées à leur valeur marché pour leur rachat afin que le projet puisse se poursuivre.

-En cas de décès d’un partenaire les héritiers ont le choix soit de se retirer et récupérer leur part soit poursuivre dans le projet.

l

Figure 51 : Le financement par Musharaka

Il n’y a pas une forme unique de Musharaka mais plutôt plusieurs variantes et de nouvelles modalités pourraient être imaginées :

A. Musharaka Tabitha

Il s’agit de la Musharaka dans laquelle les parts de capital des partenaires restent constants durant toute la période, tel que spécifié dans le contrat. Partage des profits selon une proportion convenue d’avance dans une participation active à travers la gestion de l’affaire ou bien au prorata de la part dans le capital si la participation est passive. Toutefois, le partage des pertes se fait au prorata de la part dans le capital. La liquidation des parts est réalisée aux prix du marché avec transfert des dettes à leur valeur nominale ou l’attente de leurs extinctions. La participation de la banque au financement du projet de façon durable lui permet de recevoir régulièrement une part des bénéfices en sa qualité d’associé copropriétaire. Il s’agit en l’occurrence pour la banque d’un emploi à moyen ou long terme de ses ressources stables (fonds propres, dépôts participatifs affectés et non affectés...).L’apport de la banque peut revêtir la forme d’une prise de participation dans des sociétés déjà existantes, d’un concours à l’augmentation de leur capital social ou la contribution dans la formation du capital de sociétés nouvelles (achat ou souscription d’actions ou de parts sociales)71.

71Elmelki Anas (2011), Le Principe De Partage Des Profits Ou Des Pertes Dans Le Cadre Des Banques Islamiques : Illustration Modélisée Des Contrats De Financement Participatifs Moudaraba Et Moucharaka, Global Journal of Management and Business Research.

Ce type de Musharaka correspond dans les pratiques bancaires classiques aux placements stables que les banques effectuent pour aider à la constitution d’entreprises ou tout simplement pour la prise de participation dans des entreprises existantes.

Ce mode de financement reste extrêmement rare. Sa part de marché reste faible comparativement aux autres contrats, variant entre 1% à 19% du total des actifs bancaires. Cependant même ces chiffres faibles il faut les atténuer davantage car certains contrats appelés Musharaka dans certaines banques n’ont absolument rien avoir avec la vraie structure du produit Musharaka et ressemble plutôt à des produits de dettes avec en plus un taux variable. Tel est le cas dans certaines banques du Pakistan à titre d’exemple.

Figure 52 : Parts de marché du contrat Musharaka

B. Musharaka Mutanakissa (degressive)

C’est la Musharaka dans laquelle la banque islamique accepte de transférer graduellement ses parts à l’autre partenaire, avec pour effet que les parts de l’IFI diminuent alors que celles du partenaire s’accroissent jusqu’à ce que ce dernier devient l’unique propriétaire du projet.

Figure 53 : Financement par Musharaka dégressive

A terme, la banque vendra ses parts dans le capital à l’entrepreneur (partenaire) et se retirera définitivement du projet. Ce type de contrat de financement avec association par participation dégressive, stipule une vente graduelle de la part de la banque à l’entrepreneur. Ce dernier peut 5% 6% 19% 7% 11% 9% 1% Malaysia Saudi Arabia

régler le prix de ces parts, en cédant soit une partie de son bénéfice, soit la totalité de celui-ci. Dans la pratique, lorsque le profit augmente le temps nécessaire pour que le projet appartienne en totalité à l’entrepreneur diminue. Ce niveau du profit généré par le projet d’investissement conditionne également la contribution de l’entrepreneur dans le capital.

La Musharaka Mutanaquissa est un mode de financement largement utilisé en Pakistan et en Malaisie. La part de marché de la Musharaka Mutanakissa en Pakistan représente 33% des financements, en Malaisie elle est arrêtée à 21,75% du total des financements Musharaka.

C. Musharaka Mutahawila (provisoire pour le BFR)

La Musharaka Mutahawila est une mise à disposition par la banque d’une ligne de financement précise à la disposition de l’entreprise. Le tirage de fonds (mobilisation) par l’entreprise à partir de cette ligne de financement se fait au fur et à mesure des besoins ponctuels de trésorerie. De plus, l’entreprise ne procède à aucun remboursement jusqu’à la fin de l’année où le total des montants utilisés par l’entreprise constituera la part de la banque dans le capital de celle-ci. Le partage des pertes et profits de l’année est au prorata du capital levé et la banque met fin au contrat par le remboursement du nominal du capital par l’entreprise.

La Musharaka Mutahawila peut être utilisée de par sa nature provisoire pour le besoin de fond de roulement (BFR) qu'une entreprise peut mettre en œuvre pour couvrir le besoin financier résultant des décalages des flux de trésorerie correspondant aux décaissements (dépenses et recettes d'exploitation nécessaires à la production) et aux encaissements (commercialisation des biens et services) liés à son activité