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Section I. Les banques commerciales islamiques : Le conventionnel islamisé

Parag 2. Financements par la dette

IV. Ijara et Ijara Muntahiya bi Tamlik 79

En droit musulman l’Ijara signifie « donner quelque chose en location » et peut prendre deux formes : La première fait référence à « L’utilisation de services d’une personne contre rémunération pour ceux-ci ». La seconde concerne l’usufruit d’actifs et de propriétés. Dans ce cas il s’agit « d’un transfert de l’usufruit d’un actif à une autre personne en échange d’un loyer ». Cette deuxième définition est à la base de l’Ijara comme mode de financement dans le système bancaire islamique.

Pour l’usage de l’usufruit des actifs, on distingue deux types de contrats d’Ijara : une Ijara opérationnelle et Ijara avec possibilité de transfert de propriété infiné :

Le contrat d’Ijara opérationnelle : est équivaut à une LLD (Location Longue Durée)

Shari’a compatible. Il ne contient aucune promesse de transfert du bien loué au preneur au terme de la location. Il s’agit d’une location simple dont les loyers sont portés comme revenus pour la BI, l’actif restant au bilan de la banque loueur, il n’affecte pas le bilan du client locataire.

L’Ijara Muntahia bi Tamlik (ou wa Iqtinaa) : il s’agit d’une location se terminant avec le transfert de la propriété légale au preneur. Pour être valide sur un plan charaique, il faut que le contrat de location soit séparé de celui du transfert de propriété. Séparation qui doit être réelle et effective aussi bien dans le temps qu’en matière de volonté des contractants. Il peut cependant être spécifié dans le contrat de location un engagement unilatéral que l’actif sera vendu acheté par le client à la valeur résiduelle actualisée au prix du marché au moment de la vente réelle. Ce qui est plus fréquent c’est plutôt la formule de transfert sous forme de don tributaire du remboursement de la totalité des loyers, sous condition de ne pas soumettre l’accord de location à la signature de la promesse d’achat ou de vente ou de don et que la promesse doit être unilatérale et n’engageant que le bailleur (banque). Selon la résolution n°110(4/12) de l’académie du Fiqh en septembre 2000, la validité charaique du Contrat Ijara et Ijara Muntahiya bi Tamlik dépend du respect des conditions suivantes :

79Mohamed Bachir Ould Sass (2015), Ontologie du droit musulman des transactions : ses approches distinctives et ses logiques contractuelles.

-L’élaboration de deux contrats séparés et indépendants l’un de l’autre dans le temps de façon à ce que le second contrat n’est signée qu’après l’extinction du premier contrat ; -Les règles relatives au régime juridique d’Ijara doivent être appliquées tout au long de la

période de location (le bien mis en location reste la propriété du bailleur, seul l’usufruit est transféré au preneur pour une période et un prix convenus), et que les règles relatives au contrat qui prévoit le transfert de propriété n’interviennent qu’après l’extinction du contrat

Ijara ;

-La location doit être effective et non pas une simple simulation de vente. (le bien doit rester sous la propriété du loueur jusqu’à la levée effective de l’option relative au transfert de propriété) ;

-L'objet de la location doit être garanti par le propriétaire. Celui-ci demeure donc responsable de tout ce qui peut advenir à l'objet en question ne résultant pas d'un abus ou d'une négligence de la part du locataire ;

-L’assurance, les taxes et la grande maintenance qui couvrent le bien loué doivent être assumées par le propriétaire ;

-Les coûts relatifs à la maintenance et entretiens majeurs, autres que les coûts habituels du fonctionnement, incombent au propriétaire tout au long de la période de location.

Le bien objet de l’opération Ijara est régi par quelques règles, en l’occurrence :

-Tout bien ne pouvant être utilisé sans se consommer ne peut faire l’objet d’une location (argent, fuel, etc…) ;

-Toute dépréciation et dégradation normale durant la vie du bien n’affectent pas son éligibilité à la location ;

-L’actif devant être donné en location doit être licite selon la Shari’a ;

-Toute sous-location de l’actif en location requière une autorisation préalable du bailleur ; -Le bien ne peut être utilisé que pour l’objet spécifié dans le contrat.

S’agissant du revenu de la transaction Ijara on retient les conditions suivantes :

-Les loyers peuvent être fixes ou variables périodiquement incluant le coût global de l’actif et des frais de mise en service du bien. Toute référence à un taux (exemple le LIBOR), date de référence, ajustement ou formule de calcul doit spécifiquement être indiquée dans le contrat. De même, le taux d'inflation, un indice de prix, le taux de croissance ou tout taux de rendement bien définis dans les secteurs réels de l'économie peut être utilisé comme référence dans la détermination du revenu d’Ijara à condition que le montant de la location de la première période du contrat Ijara soit bien spécifié. En outre, toute augmentation de la taxe foncière ou d'autres taxes gouvernementales, peut se répercuter sur le prix de la location, dans la mesure du montant de la taxe. Afin d'éviter tout Gharar et ou Jahala pour les deux parties, les Scholars suggèrent que le rapport entre le loyer et le taux de référence doit être soumis à un plafond ou une limite ;

-Les loyers ne peuvent commencer à être perçus qu’au moment où le bien a été livré ou mis à la disposition du preneur. Toute avance avant livraison doit être ajustée avec les loyers futurs dès que le bien est mis à disposition du client locataire, sinon l’avance doit être restituée ;

-Il est mis fin au contrat de location de manière tacite si le bien cesse de rendre les services pour lesquelles il a été loué ;

-Si le bien est endommagé durant la période de location mais qu’il peut être réparé, le contrat reste valide.

-Le contrat ne peut être rompu de manière unilatérale si chacune des parties continuent à remplir leurs obligations contractuelles. Toutefois, si le preneur contrevient à une des clauses du contrat, le bailleur peut unilatéralement mettre fin à celui-ci ;

-Durant la période de réparation, les loyers sont suspendus et ne peuvent être réclamés au preneur tant que le bien n’est pas à nouveau disponible.

A terme, l’opération (Ijara wa Iqtinaa) peut être structurée sous forme de contrat de location associé à :

-Un contrat de donation du bien au locataire, conditionné au paiement total des loyers, et ceci par un acte indépendant ou une promesse de don après le solde de tous les loyers ; -Un droit d’achat au prix du marché, accordé au locateur à la fin de la période de location

et après paiement de tous les loyers dus ;

-Une promesse de vente à un prix convenu entre les contractants sachant qu’une telle promesse unilatérale revêt un caractère exécutoire après le paiement de tous les loyers ; -Une option où le locataire profite d’un bien en contrepartie d’un loyer donné sur une durée

déterminée associé à un droit d’option d’achat engageant le bailleur à donner au locataire le droit d'acquérir l'objet loué à tout moment, à condition que la vente se produise à ce moment-là dans le cadre d'un nouveau contrat au prix du marché (ou selon l'accord convenu au moment de ce nouveau contrat).

Contrairement au leasing conventionnel, le contrat Ijara Tachghiliya et Ijara Mountahiya bi Tamlik est soumis à des contre-indications. Par ce fait, il n’est permis de :

-Stipuler des clauses suspensives et/ou des clauses aléatoires ou de structurer l’opération sous forme d’un contrat d’Ijara, avec un contrat de vente conditionné au paiement de tous les loyers convenus pendant une durée fixée (clause suspensive) ou contrat de vente lié à une date future (clause aléatoire);

-Stipuler que le transfert de propriété intervient automatiquement après les paiements de tous les loyers sans besoin de passer par la conclusion d’un nouveau contrat ;

-D’associer le contrat de location à un contrat de vente avec droit de rétractation en faveur du bailleur correspondant à la période de location ;

-Prévoir des pénalités financières ou des intérêts de retard au sens classique du terme. En effet, toute pénalité financière établie en contrepartie de l'ajournement et/ou le rééchelonnement du paiement sera assimilé au Riba et donc illicite. Cependant, il est possible de stipuler dans le contrat qu’en cas de retard non justifié, le locataire/preneur devra effectuer un don à une œuvre socialement utile, sous le contrôle du Shari’a Board de la banque.

En matière de sécurité, le bailleur peut exiger une garantie du locataire. Par ailleurs, en cas de perte ou défaut de paiement par le locataire, le bailleur peut récupérer la perte réelle, à l'exclusion du coût d'opportunité (non reconnu par la sharia), à partir de la sécurité donnée. Toute somme prélevée à titre de revenu au-delà du loyer dû serait du Riba.

Cela sous-entend, implicitement que l’ensemble des mensualités constituent une dette définitive dès la signature du contrat. Sachant que la périodicité du contrat n’est pas annuelle avec tacite reconduction avec possibilité d’annulation par l’un des 2 contractants. Bien au contraire la périodicité du contrat n’existe pas en fait car elle est exactement égale à l’échéance du contrat. Ainsi si un client contracte une IMB (Ijara Mountahiya Bitamlik) d’un bien immobilier sur une

durée de 15 ans, la totalité des 180 mensualités sont dues d’une manière ferme et irrévocable dès la signature du contrat. Ce détail pourtant fait l’objet de beaucoup de controverse entre les Scholars ayant compris cette nuance. Car cela rend le contrat déséquilibré et plus contraignant que la mourabaha par exemple. A noter également un autre point de déséquilibre de ce contrat IMB est que si le client fait défaut de paiement que ce soit au début, au milieu ou à quelques mensualités avant la fin du contrat, tous les précédents loyers sont perdus pour le client sans plus aucun droit de transfert même pas partiel du bien loué pendant toute cette période à un montant de loyer supérieur pourtant au prix du marché car intégrant l’amortissement du capital.

Figure 56 : Schéma Ijara Muntahiya bi Tamlik

Selon Malaysia Islamic finance Report 2015, la part de marché du contrat Ijara Muntahiya bi Tamlik se situe en deuxième place avec 22% après le BBA. Toutefois, le contrat Ijara ne constitue que 3% du global des financements. Au Bahreïn et en Jordanie, l’Ijara Muntahiya Bi Tamlik constitue également le contrat le plus utilisé après la Murabaha avec des portions respectives de 28% et 13%. Au Pakistan ce contrat représente 7% des financements alors qu’en Arabie Saoudite il n’est utilisé qu’avec 1% de part.