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La résolution de conflits et la médiation par les pairs dans des écoles

2. LES ÉTUDES ÉVALUATIVES SUR L’ÉDUCATION À LA PAIX

2.1 L’évaluation de programmes axés sur la promotion des conduites pacifiques

2.1.2 La résolution de conflits et la médiation par les pairs dans des écoles

Barnett, Adler, Easton et Howard (2001) rapportent qu’aux États-Unis, de 1986 à 1991, les arrestations pour des crimes violents commis par des jeunes âgés de 10 à 17 ans ont augmenté de 48 % et la délinquance juvénile s’est amplifiée dans 44 États. En 1990, environ 1,5 million d’adolescents âgés de plus de 12 ans ont souffert de séquelles dues à la violence. En 1991, 130 000 jeunes ont été arrêtés pour des viols, des vols, des homicides ou des faits graves. En 1992, ils ont constaté que 12 % des crimes violents se sont produits en classe et dans l’enceinte des écoles. D’ailleurs, ils relèvent qu’un élève sur quatre a déclaré avoir porté une arme ou bien avoir utilisé un pistolet ou un couteau.

Après avoir brossé le portrait du contexte de violence chez les jeunes aux États-Unis, Barnett et al. (2001) présentent l’évaluation des programmes de résolution de conflits et de médiation par les pairs proposés par la fondation Peace Education Foundation. Mis en place dans plus de 20 000 écoles, ces programmes s’adressent aux enseignants, aux élèves, aux parents et au personnel scolaire dans le but de résoudre les conflits ensemble de manière constructive et pacifique et de faire de l’approche de la résolution de conflits, un choix de vie. L’objectif général de ces programmes est de créer un climat scolaire positif fondé sur la confiance, la compassion et le respect de chacun pour installer la sécurité à l’école. Basés sur la coopération et la bonne volonté des élèves, ces programmes mettent l’accent sur la médiation par les pairs. Les élèves apprennent à résoudre les problèmes d’une manière non violente. La capacité à surmonter l’adversité améliore l’estime de soi et favorise la résilience. De plus, les stratégies proposées offrent une alternative au système de punition-récompense. Pour ce faire, un processus nommé « Arriver à gagnant-gagnant » est utilisé aussi bien pour apprendre la résolution de conflits que la médiation par les pairs. Pour soutenir le développement d’habiletés de médiation, les formateurs abordent les questions qui portent sur l’adolescence, le harcèlement

sexuel, la violence, la colère et les différences culturelles au moyen de vidéos comme supports pédagogiques. Ils font faire des travaux de groupe, ils utilisent des techniques interactives et des jeux de rôle pour permettre aux élèves de comprendre les conflits et d’acquérir les compétences sociales pour résoudre les conflits pacifiquement. L’emphase est mise sur le développement de l’empathie et de la tolérance, la gestion de la colère et la pratique de la communication non violente.

En Floride, dans le comté de Palm Beach, l’implantation massive des programmes de résolution de conflits et de médiation par les pairs a permis de sensibiliser environ 129 000 élèves, 6500 enseignants et des milliers de parents au cours des années 1995-1998. Cette collaboration a permis de créer un modèle qui a été reproduit dans d’autres districts scolaires aux États-Unis.

Barnett et al. (2001) ont analysé plus spécifiquement l’impact des programmes mis en place de 1996 et 1999 à Olympic Heights High School, auprès des enfants de 8 à 12 ans. Les résultats montrent une diminution des comportements perturbateurs, une baisse de l’utilisation d’un langage irrespectueux et une baisse de désobéissance chez les élèves. Le programme de résolution de conflits semble avoir influencé le comportement des élèves et engendré une diminution de l’agressivité. L’apprentissage de la résolution de conflits a amélioré les compétences de résolution de problèmes interpersonnels. L’enseignement de la médiation par les pairs a entraîné une augmentation de l’estime de soi, une volonté de parler plutôt que de se battre et une acceptation accrue des différences. Une meilleure gestion de la colère et la pratique d’une communication diplomatique ont entraîné une réduction des conflits et, par conséquent, un environnement plus paisible pour l’apprentissage. Les chercheurs ont relevé que 93 % incidents se terminaient par un accord. De plus, les renvois d’élèves des cours ou de l’école, pour des raisons disciplinaires, ont diminué. Les auteurs soulignent un changement positif général ainsi que des effets directs ou indirects de ces programmes. Par contre, dès 1999-2000, ces programmes ont été

abandonnés et l’étude a relevé une augmentation du nombre d’incidents pendant cette période.

Les différentes retombées des programmes de résolution de conflits et de médiation par les pairs montrent bien des résultats positifs, mais seulement et uniquement durant leur implantation dans l’école. C’est pourquoi les auteurs proposent que ces programmes commencent à un âge précoce et continuent tout au long de la scolarisation avec la participation des parents, des enseignants et du personnel scolaire. Ils recommandent que l’évaluation des programmes de résolution de conflits et de médiation par les pairs se poursuive afin non seulement de mesurer leur influence sur les résultats scolaires des élèves, mais aussi pour étudier d’une manière plus profonde les attitudes des élèves.

2.1.3 La résolution de conflits et la médiation par les pairs dans des écoles turques L’article de Turnuklu, Kacmaz, Gurler, Sevkin, Turk, Kalender et Zengin, (2010) porte sur l’analyse des effets des programmes de résolution de conflits et de médiation par les pairs sur les niveaux d’agressivité des élèves de 10 et 11 ans dans trois écoles primaires turques. Cette étude a été réalisée pendant le semestre d’automne de l’année scolaire 2006-2007. Les auteurs rappellent que les écoles sont des lieux sociaux où les élèves ont souvent recours à des comportements agressifs pour résoudre leurs conflits ou leurs désaccords. Les batailles, la confrontation verbale, les injures, les commérages, le harcèlement, l’intimidation ou la propagation de rumeurs sont les types de comportement agressif les plus courants au niveau primaire dans les écoles turques. La recherche présentée poursuit deux objectifs. Le premier a été de développer des programmes de résolution de conflits et de médiation par les pairs adaptés à l’environnement culturel et éducatif turc pour une gestion plus pacifique des conflits. Le second a été d’étudier l’efficacité des programmes de résolution de conflits et de médiation par les pairs, sur le niveau d’agressivité

manifesté par les élèves des écoles primaires turques, en majorité de religion musulmane. L’échantillon de l’étude est composé de 675 élèves issus de familles pauvres et migrantes de diverses régions de la Turquie. Dans ces familles, 83,6 % des mères et 6,5 % des pères sont au chômage.

Les programmes de résolution de conflits et de médiation par les pairs ont été présentés aux élèves dans leurs classes par les chercheurs eux-mêmes et réalisés sous forme de scénarios et, entre autres, d’activités de jeux de rôle. Deux variables ont été prises en compte. D’une part, la variable indépendante représente les 31 heures de formation à la résolution de conflits et à la médiation. La formation a été répartie en quatre temps: neuf heures pour comprendre la nature des conflits; quatre heures pour acquérir des aptitudes à la communication comme l’écoute active, le message-je, l’empathie, l’expression de soi et le respect des différences; six heures pour l’apprentissage à la gestion de la colère de soi-même et d’autrui; et 12 heures pour s’approprier les compétences interpersonnelles de résolutions de conflits et de médiation afin de mettre fin à l’agression, développer la non-violence chez les élèves et ainsi, contracter un accord « gagnant-gagnant ». D’autre part, la variable dépendante est le taux des comportements d’agression des élèves. Les données ont été recueillies à l’aide d’un instrument nommé Aggression Scale, un questionnaire à répondre en fonction d’une échelle de type Likert. Par exemple, les participants devaient répondre aux questions en cochant l’une des réponses comme « Toujours faire » (3) et « Ne jamais faire » (1). Plus le score est élevé, plus le nombre des comportements d’agression est important. Les données recueillies ont été analysées en utilisant des techniques d’analyse statistique. Pour cette étude, deux hypothèses ont été posées. La première est: « Le taux des comportements d’agression des élèves formés à la résolution de conflits et à la médiation par les pairs est inférieur à celui des autres élèves »; et la deuxième est: « Le taux des comportements d’agression des élèves ayant reçu la formation à la résolution de conflits et à la médiation par les pairs dépend du genre et du niveau des élèves. »

Les résultats confirment la première hypothèse, à savoir que la formation à la résolution de conflits en milieu scolaire et à la médiation par les pairs diminue les comportements d’agression de la part des élèves et leur comportement violent. Le taux moyen des comportements d’agression des filles est inférieur à celui des garçons et répond à la deuxième hypothèse. Pourtant les chercheurs notent que les garçons semblent avoir davantage profité de la formation que les filles. C’est pourquoi ils recommandent une étude plus approfondie sur l’efficacité des programmes de résolution de conflits et de médiation par les pairs selon le genre. Par ailleurs, les résultats montrent que ces programmes peuvent amener les élèves à considérer les conflits interpersonnels comme des opportunités pour la socialisation. De plus, lorsque moins d’énergie et de temps sont consacrés à résoudre les problèmes de comportement, la réussite scolaire des élèves augmente. L’étude relève aussi une diminution des burn-out chez les enseignants. Ainsi, une atmosphère plus sereine se dégage au sein de l’école. Les chercheurs rapportent finalement que les résultats dans le contexte turc sont similaires à ceux qu’on retrouve dans des contextes culturels différents.

2.1.4 L’amélioration des relations par la résolution coopérative de conflits dans les