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LE PROBLÈME SPÉCIFIQUE ET LA QUESTION GÉNÉRALE DE

programme de jardinage multiculturel, dans une école en Australie, a permis des échanges interculturels et l’établissement d’un dialogue intercommunautaire.

Dans cette deuxième section de la recension des écrits, nous avons présenté des études évaluatives sur l’éducation à la paix. De cette manière, nous avons répondons au deuxième questionnement du problème de recherche à savoir: À partir de cet inventaire des stratégies d’éducation à la paix, quelles sont celles qui participent le plus à l’objectif de construire un artisan de paix en chaque individu, peu importe son âge, sa classe sociale, sa culture et sa société? En effet, au regard de ces résultats empiriques, nous constatons que les programmes d’éducation à la paix ont pour objectifs principaux de combattre la violence essentiellement par des programmes de résolution de conflits et de médiation. Ces programmes ne proposent pas véritablement d’outils pour permettre à l’individu de se développer en tant qu’artisan de paix.

3. LE PROBLÈME SPÉCIFIQUE ET LA QUESTION GÉNÉRALE DE RECHERCHE

À ce stade de notre étude, nous posons maintenant le problème spécifique et la question générale de notre recherche. Dans le premier chapitre, nous avons montré qu’au début du XXe siècle, la responsabilité de la paix incombait aux États, entrainant

en effet des rapports de forces et des guerres pour en arriver à la paix alors qu’au milieu du XXe siècle, la paix est envisagée par l’éducation, renforcée d’ailleurs au

moyen de l’orientation de la culture de paix promue par l’UNESCO dans les années 2000. Pour faire prévaloir la paix et la non-violence, cette notion de culture de la paix renvoie en priorité à des modes de vie qui rejettent la violence entre les individus et soutient que l’éducation à la paix devrait permettre à l’individu de se construire en tant qu’artisan de paix pour devenir responsable et porteur de la paix. Toutefois, au

regard des événements dont nous sommes témoins au quotidien, la violence reste, aujourd’hui, un problème pour le monde entier et la paix demeure une visée très difficile à actualiser pour chaque être humain, comme l’écrivent Salomon et Nevo (2002).

Dans ce deuxième chapitre, la recension des écrits montre que l’éducation à la paix prend différentes orientations de par le monde, telles que la promotion du dialogue pour la réconciliation, la compréhension interculturelle, la gestion des conflits et le vivre-ensemble, l’éducation aux droits de l’Homme et à la citoyenneté, ainsi que des actions de médiation. Cependant, l’analyse des programmes, des projets et des orientations d’éducation à la paix montre qu’ils ne répondent pas à l’aspiration que, « les guerres prenant naissance dans l’esprit des hommes, c’est dans l’esprit des hommes que doivent être élevées les défenses de la paix » (UNESCO, 1945, 2014, p. 5) tiré du préambule de l’Acte constitutif de l’UNESCO. Selon cette aspiration, on aurait dû trouver des formes plus holistiques d’éducation à la paix. Mais, cela s’avère tellement ambitieux que les ministères de l’Éducation, les associations et les ONG ne semblent pas s’attaquer à la racine du problème. Boutin et Forget (2010) le confirment d’ailleurs dans la dernière phrase de leur article sur les limites des programmes québécois de lutte contre la violence scolaire, par: « Le défi est de taille! Il dépasse largement le simple changement de méthodes pédagogiques, la formation des enseignants à la gestion des comportements aversifs et le simple conditionnement aux bonnes conduites. » (p. 15)

De plus, lorsqu’on examine les études évaluatives sur l’éducation à la paix, on constate que la volonté de contrer la violence est l’élément déclencheur pour instaurer des programmes d’éducation à la paix et que parmi les stratégies proposées, les plus répandues sont la résolution de conflits et la médiation. Ces pratiques font généralement appel à des intervenants extérieurs, engendrant des coûts financiers importants si bien que l’action est éphémère. Néanmoins les évaluations de ces programmes ponctuels montrent des résultats positifs et semblables, aussi bien en

Amérique du Nord, en Bosnie-Herzégovine, au Moyen Orient et en Australie. Cependant, il pourrait être intéressant de trouver d’autres pratiques, notamment en minimisant le nombre d’intervenants extérieurs et en élargissant l’accès pour que tous en profitent.

Par ailleurs, Jing (2007) souligne que l’éducation n’a pas réussi son objectif social de formation à la paix. Pour ce faire, Haavelsrud (1996) considère qu’il faut s’y prendre autrement: l’individu devrait s’engager en tant que citoyen dans une nouvelle culture qui va à l’encontre de la culture de guerre et de sa reproduction. Ayant ainsi intégré les valeurs morales et citoyennes majeures, il les appliquerait au quotidien dans ses paroles et ses actes. En ce sens, les auteurs du livre Promouvoir la paix de l’Université de Paix (2004) de Namur soutiennent que l’organisation d’une société fondée sur la paix et la non-violence devrait être jalonnée de mots et d’images référant à la paix, ainsi que de modèles de personnes incarnant la paix. C’est pourquoi, selon Jing (2007), l’éducation à la paix peut passer par l’exemplarité, c’est- à-dire des exemples vécus par des personnes qui deviennent alors des figures inspirantes par leurs comportements non violents pour construire le vivre-ensemble dans tous les aspects de la vie, en respectant l’individu avec ses différences, ses droits et sa dignité.

L’éducation à la paix par l’exemplarité nous a orientée vers l’étude des vies des figures de paix qui ont contribué à la construction d’un monde pacifique. Burns (2003) ainsi que Morselli et Passini (2010) relèvent d’ailleurs que des figures de paix de diverses régions du monde ont été des modèles et des leaders dans la promotion de la paix à travers les décennies. Weil (1990) remarque qu’il existe « des grandes personnalités, des grands maîtres, dont toutes les cultures nous offrent des exemples » (p. 25). Il trouve que les exemples de Gandhi ou de Mère Teresa de Calcutta pourraient servir de modèles pour illustrer les qualités nécessaires à un monde de paix. Dans notre recension sur les stratégies d’éducation à la paix, nous avons trouvé

plutôt des programmes que des références à des figures de paix qui, pourtant, ont marqué l’humanité à travers les siècles et les continents, par leur non-violence.

Nous constatons alors que des liens sont possibles entre les vies des figures de paix prises comme exemples et l’éducation à la paix. Dans leur analyse des stratégies d’éducation à la paix, Bayada et Boubault (2004) et Paquereau (2006) ne relèvent cependant aucune stratégie d’éducation à la paix basée sur les vies des figures de paix en tant que modèles de paix. Nous nous proposons ainsi d’examiner une nouvelle stratégie d’éducation à la paix: l’étude des vies des figures de paix en tant que modèles. Demers (2008) va aussi dans ce sens quand il écrit qu’« il serait utile d’aborder des personnes qui ont fait une différence par leur engagement. Les exemples ne manquent pas comme le Mahatma Gandhi et Martin Luther King. » (p. 61). Les figures de paix sont des personnes qui ont su se mettre à l’écoute du monde et qui sont devenues des artisans de la paix. Elles sont des personnalités qui incarnent ce qu’elles disent et leurs vies, reflets de leurs discours (Aspeslagh, 1986), sont riches d’expériences qui méritent d’être connues et transmises. De ce fait, il importe de comprendre, à travers leur vie, comment, jour après jour, « de l’humain est ajouté à l’humain » pour reprendre l’expression du couple Neumayer (2010, p. 28).

On peut penser que les figures de paix auxquelles nous avons fait allusion jusqu’à maintenant (Gandhi, Mère Teresa et Martin Luther King) ont dû faire de l’introspection et que, par-delà leurs problèmes personnels, elles ont surtout pris en compte leur société dans sa globalité et chaque individu dans sa singularité. Bruner (2010) considère que l’histoire de la vie de telles personnes peut permettre à d’autres de se reconnaitre en elles, constituant ainsi la preuve qu’il appartient à chacun de devenir responsable et garant de la paix dans le monde. Selon Demers (2008), comprendre le cheminement de la vie de ces figures de paix constituerait un des moyens de parvenir à développer en chaque personne les qualités essentielles en faveur de la paix. L’éducation à la paix par le modèle pourrait donner la possibilité

d’aider chaque individu à prendre conscience des faits de sa vie, à changer le regard qu’il a de lui-même et à se transformer (Burns, 2003). L’étude des vies des figures de paix peut révéler à chacun qu’il porte en lui-même le potentiel d’agir pour la paix non seulement à l’échelle individuelle, mais aussi à l’échelle sociétale, quelle que soit son origine. Il se dégage ainsi que les vies des figures de paix peuvent interpeller chacun. C’est en ce sens que nous posons la question générale de recherche en ces termes: En quoi les vies des figures de paix en tant que modèles de paix peuvent-elles contribuer à l’éducation à la paix?

LE CADRE DE RÉFÉRENCE

Le cadre de référence, troisième chapitre de notre thèse, permet de répondre à la question générale de recherche, à savoir: En quoi les vies des figures de paix en tant que modèles de paix peuvent-elles contribuer à l’éducation à la paix? Pour cela, dans la première section, nous rapportons la définition de la notion de modèle de paix et, dans la deuxième, nous examinons la pédagogie basée sur les modèles. À la lumière de ces deux sections et dans le but de réaliser un matériel d’éducation à la paix, une relation est possible entre le modèle de paix et l’élaboration de scénarios pédagogiques basés sur le modèle. C’est ce qui a amené à poser les objectifs de recherche dans la troisième section.