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Les conceptions de l’éducation à la paix promues par l’UNESCO

3. L’ÉDUCATION À LA PAIX

3.3 Les conceptions de l’éducation à la paix promues par l’UNESCO

La création de l’UNESCO repose sur l’idée de promouvoir la paix au moyen de l’éducation. Selon le Norvégien Haavelsrud (1996), la conception idéaliste, promue dans la Charte de l’UNESCO, suggère que si la paix est inscrite dans l’esprit de l’être humain, seule l’éducation a cette capacité d’apporter un changement à l’humanité, par le refus de la violence et la construction d’une société de paix. De plus, Sémelin (2004) considère que le préambule de l’UNESCO « donne une forte légitimité au projet d’une éducation à la paix. Celle-ci partage certains traits communs avec l’éducation à la citoyenneté, par exemple, pour favoriser le développement de l’esprit de responsabilité et de solidarité. » (p. 85)

Même si nous avons rapporté la définition de la culture de la paix à la section 2.3.3, nous abordons ici la déclaration et le programme d’action pour une culture de la paix d’après les résolutions de 1998 adoptées par l’Assemblée générale de l’ONU

en 1999. Nous relevons tout d’abord les deux premiers articles qui définissent la culture de la paix en ces termes:

Article premier

La culture de la paix peut être définie comme l’ensemble des valeurs, des attitudes, des traditions, des comportements et des modes de vie fondés sur:

a) Le respect de la vie, le rejet de la violence et la promotion et la pratique de la non-violence par l’éducation, le dialogue et la coopération; b) Le respect des principes de la souveraineté, de l’intégrité territoriale et de l’indépendance politique des États et de la non-intervention dans les questions qui relèvent essentiellement de la juridiction nationale de tout État, quel qu’il soit, conformément à la Charte des Nations Unies et au droit international;

c) Le respect de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales et leur promotion;

d) L’engagement de régler pacifiquement les conflits;

e) Les efforts déployés pour répondre aux besoins des générations actuelles et futures en matière de développement et d’environnement; f) Le respect et la promotion du droit au développement;

g) Le respect et la promotion de l’égalité des droits et des chances pour les femmes et les hommes;

h) Le respect et la promotion du droit de chacun à la liberté d’expression, d’opinion et d’information;

i) L’adhésion aux principes de liberté, de justice, de démocratie, de tolérance, de solidarité, de coopération, du pluralisme, de la diversité culturelle, du dialogue et de la compréhension à tous les niveaux de la société et entre les nations; et encouragés par un environnement national et international favorisant la paix.

Article 2

L’épanouissement d’une culture de la paix repose sur la transformation des valeurs, des attitudes, des comportements et des modes de vie de nature à favoriser la paix entre les individus, les groupes et les nations. (ONU, 1999, A/RES/53/243)

Ces deux premiers articles proposent des orientations novatrices pour l’avènement d’un monde de paix. Nous remarquons l’accent mis sur la diversité culturelle et les droits de l’homme dans le but d’assurer le vivre-ensemble de l’humanité. C’est la première fois que le développement durable, les droits de l’homme, l’égalité entre les sexes, le processus démocratique, la citoyenneté, la

tolérance, la solidarité, la libre circulation de l’information et des connaissances, et la sécurité humaine sont pris en compte dans une seule et unique résolution (Durand, 2008). Comme depuis les années 1990, la nature des guerres, des conflits et des violences s’est métamorphosée (David, 2006), on assiste à un changement épistémologique dans la recherche de l’éducation à la paix. De ce fait, de nouvelles expressions comme « culture de la paix » (2000), « dialogue entre les civilisations » (2001), « dialogue interculturel et interreligieux » (2007) et, tout dernièrement, « rapprochement des cultures » (2010), sont employées. De plus, du fait que le souci de la sécurité collective évolue vers la sécurité individuelle, la notion de culture de la paix tend maintenant vers une culture de prévention des conflits pour instaurer une paix juste et durable.

Puis, toujours dans le programme d’action pour une culture de la paix approuvé en 1999, nous rapportons les huit domaines d’actions principaux:

1. Renforcer une culture de la paix par l’éducation à la paix; 2. Promouvoir le développement économique et social durable; 3. Promouvoir le respect de tous les droits de l’homme;

4. Assurer l’égalité entre les femmes et les hommes; 5. Favoriser la participation démocratique;

6. Faire progresser la compréhension, la tolérance et la solidarité;

7. Soutenir la communication participative et la libre circulation de l’information et des connaissances;

8. Promouvoir la paix et la sécurité internationales (ONU, 1999, A/RES/53/243).

Ces domaines d’action s’adressent à un large public, et ce, aussi bien pour des systèmes d’éducation formels, non formels que pour des institutions ou des individus, dans le but de sensibiliser le maximum de personnes. D’ailleurs, pour Kofi Annan, secrétaire général de l’ONU de 1997 à 2006 et prix Nobel de la paix en 2001, la culture de la paix vise à implanter une communauté mondiale juste et pacifique en ce début du XXIe siècle (Sciora et Stevenson, 2009). Cependant, malgré la décennie 2001 à 2010, instituée comme « Décennie internationale de la promotion d’une culture de la Non-violence et de la Paix au profit des enfants du monde » (ONU,

1998, A/RES/53/25), la violence continue à se produire et à se reproduire matériellement et symboliquement dans de nombreux endroits à travers le monde.

De nous jours, l’UNESCO (2013) exerce un leadership « intellectuel » auprès de l’ONU. Son rôle est d’identifier des outils et d’élaborer des innovations afin de construire une paix durable pour l’humanité, tout en tenant compte des particularités et des diversités des différents peuples. Ainsi, pour « faire de la paix au quotidien une réalité concrète pour tous » l’UNESCO (2013) énonce ses objectifs principaux en ces termes:

- Repenser les bénéfices de la diversité culturelle du point de vue de l’échange constant entre les cultures;

- Promouvoir l’idée d’apprendre à vivre ensemble et le difficile art de l’unité dans la diversité dans la perspective d’une convivialité durable; - Améliorer la compréhension au niveau mondial et défaire les idées toutes faites en mettant l’accent sur l’avenir en tant qu’aspiration humaniste et en établissant, par exemple, des lignes directrices en vue d’un programme mondial d’enseignement portant sur des valeurs communes. (p. 12)

L’UNESCO œuvre à l’élaboration d’une approche intégrale pour une culture de la paix fondée sur des méthodes éducatives participatives. La prévention, la médiation, la réconciliation, le dialogue, l’échange interculturel, la tolérance, le respect et la compréhension mutuelle en sont les thèmes essentiels.

Par ailleurs, en 2007, avec le soutien de l’UNESCO, le sociologue Edgar Morin (2000) propose un socle commun obligatoire de connaissances, inspiré par des valeurs communes à toute l’humanité, au début de tout cycle universitaire. Ce tronc commun de savoirs, destiné dans un premier temps aux étudiants, pourrait s’élargir à l’ensemble de tous les hommes afin d’accroitre le développement de la paix dans le monde. C’est pourquoi Morin (2000) remet à nouveau l’éducation à la paix sur le métier, pour tenter de répondre aux problèmes de violence et d’intolérance. Il suggère une éducation à la paix dont l’objectif principal est l’examen et l’étude de la

complexité humaine. Il faut que chacun, où qu’il soit, prenne connaissance et conscience à la fois, de son identité personnelle complexe et de son identité commune avec tous les autres humains. Ainsi, Morin conçoit une éducation sans frontières, ni entre les disciplines, ni entre les cultures. Elle ouvre sur la connaissance de la condition commune à tous les humains, sur la prise de conscience de la riche et nécessaire diversité des individus, des peuples, des cultures et sur notre enracinement comme citoyens de la terre. Serres (2012) l’identifie à un humanisme universel pour contribuer à créer une mondialisation pacifique.

La présentation de ces différentes conceptions de l’éducation à la paix promues par l’UNESCO permet d’identifier un changement de paradigme. En effet, les événements guerriers du XXe siècle et du début du XXIe siècle ont engendré une

transformation dans la conception de l’éducation à la paix. Si à l’époque de la SDN, les solutions pour le maintien de la paix reposaient essentiellement sur les États, dorénavant, l’UNESCO met l’individu au centre des préoccupations de la paix. C’est pourquoi l’UNESCO suggère la promotion d’une culture de paix pour établir la paix tant localement que globalement. De ce fait, nous assistons à une rupture avec le passé, dans le sens où l’État n’est plus sur le devant de la scène. De plus, les conceptions actuelles de l’éducation à la paix proposées par l’UNESCO rejoignent les points de vue des grands pédagogues, des philosophes humanistes. Avec l’idée de la culture de la paix, l’UNESCO met l’emphase sur le développement de la personne en tant qu’artisan de paix.