• Aucun résultat trouvé

L’intégration de l’éducation à la paix dans quelques programmes d’études au

1. LES ORIENTATIONS DE L’ÉDUCATION À LA PAIX

1.1 L’intégration de l’éducation à la paix dans quelques programmes d’études au

Après avoir parcouru la documentation sur les programmes d’études, nous constatons d’une part que peu de programmes d’éducation à la paix sont mis en place par les ministères de l’Éducation et d’autre part que l’éducation à la paix est souvent assimilée à l’éducation citoyenne, à l’éducation civique ou à l’éducation morale. Pour illustrer ces propos, nous présentons la situation au Québec et en Europe, puis plus particulièrement en France.

Dans son rapport annuel sur l’état et les besoins de l’éducation pour l’année 1997-1998, le Conseil supérieur de l’éducation du Québec évoque une « nouvelle citoyenneté » non seulement comme « la capacité de “vivre-ensemble” dans une société démocratique, pluraliste, ouverte sur le monde, mais aussi la capacité de “construire ensemble” une société juste et équitable. » (1998, p. 93) Cela se manifeste dans les programmes à partir de 2000, d’une part, par l’enseignement moral dont les objectifs sont l’étude des relations humaines et des différentes valeurs culturelles, l’apprentissage du dialogue moral et le développement des valeurs humanistes et démocratiques à travers la réalisation de projets par les élèves. D’autre part, l’éducation à la citoyenneté est aussi associée à la géographie et à l’histoire à partir de 2000 poursuivant la finalité d’ouverture aux autres cultures par l’apprentissage de la différence et la nécessité d’une éducation au respect et à la tolérance. Ces objectifs

sont similaires avec ceux de l’éducation à la paix. En 2008, le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport abolit l’enseignement confessionnel et moral et met en place un programme unique d’éthique et de culture religieuse. Ce programme vise l’acquisition d’apprentissages essentiels à la paix sociale comme « l’appréciation de la culture et des origines du Québec, l’ouverture aux autres, la tolérance et le sens de la coopération. » (Gouvernement du Québec, 2005, p. 9) Ces apprentissages respectent « la liberté de conscience et de religion et favorisent le vivre-ensemble. » (Ibid., p. 5) Enfin, pour lutter contre l’intimidation et la violence à l’école1, le

ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport a mis en place le « Plan d’action pour prévenir et traiter la violence à l’école 2008-2011 » accompagné du « Plan d’intervention québécois sur les gangs de rue 2007-2010 » et du « Plan d’action gouvernemental de lutte contre l’homophobie 2011-2016. » Ces Plans d’action ont pour but de créer un milieu scolaire sain et sécuritaire où les valeurs de respect, de partage et d’ouverture à l’autre sont appliquées au quotidien. Ils s’adressent à la fois aux commissions scolaires, aux écoles, aux parents et aux différents partenaires du réseau afin de sensibiliser l’ensemble de la communauté à une démarche globale vers la paix. Le Ministère souhaite non seulement que le milieu scolaire puisse anticiper ou comprendre les différentes formes de violence, mais aussi intervenir d’une manière efficace.

De plus, en 2012, l’Assemblée nationale du Québec a adopté la loi 56 visant à prévenir et à combattre l’intimidation et la violence scolaire. Cette loi fait partie de la stratégie gouvernementale de mobilisation de la société québécoise dans la lutte contre l’intimidation et la violence à l’école. Cette stratégie a un slogan: « L’intimidation, c’est fini. Moi, j’agis » et elle s’articule en quatre actions: mobiliser, communiquer, légiférer et agir. La mobilisation est rappelée spécialement le 2 octobre de chaque année, avec la « Journée internationale de la non-violence. » (ONU, 2007,

1 Plans d’actions pour prévenir et traiter la violence. Documents téléaccessibles à l’adresse

<http://www.mels.gouv.qc.ca/dossiers-thematiques/intimidation-et-violence-a-lecole/plan- daction/>. Consulté le 30 novembre 2013.

A/RES/61/271) La communication, menée essentiellement par un microsite Web, encourage les jeunes à ne pas rester muets face à la violence et à devenir des héros ordinaires. La loi met l’emphase sur les devoirs et la responsabilité de tous les acteurs scolaires ainsi que de ses partenaires. Quant à l’action, elle est associée aux activités de civisme, aux notions de cybercitoyenneté pour une meilleure utilisation des nouvelles technologies, en ciblant un public large tout comme des organismes de la santé ou de la police.

De son côté, le Conseil de l’Europe considère que l’éducation à la paix s’inscrit dans la logique de l’éducation à la citoyenneté démocratique et de l’éducation aux droits de l’homme. C’est pourquoi la Charte du Conseil de l’Europe sur l’éducation (2010) ne traite pas explicitement de l’éducation à la paix. Par contre, elle définit clairement l’éducation à la citoyenneté démocratique et l’éducation aux droits de l’homme. Les objectifs essentiels de cette Charte sont la promotion de la cohésion sociale et du dialogue interculturel par l’acquisition de connaissances, d’aptitudes personnelles et sociales permettant de réduire les conflits et ainsi « d’encourager le dialogue et de promouvoir la non-violence pour la résolution des problèmes et des conflits. » (p. 10) La Charte spécifie également que tous les États membres devraient promouvoir des stratégies éducatives visant à régler les désaccords de manière non violente et à combattre toutes les formes de violence comme l’intimidation et le harcèlement.

En France, une campagne nationale visant l’introduction officielle de l’éducation à la paix à tous les niveaux du système éducatif a commencé en 2002. Dans Le socle commun de connaissances, de compétences et de culture2 des écoles et

des collèges mis en place en 2006 et révisé en 2010, deux domaines font référence à des notions d’éducation à la paix. D’une part, le domaine des compétences sociales et

2 Ministère de l’Éducation nationale. Décret n° 2006-830 du 11 juillet 2006 relatif au socle

commun de connaissances et de compétences. Document téléaccessible à l’adresse

<https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000000818367>. Consulté le 20 février 2014.

civiques et notamment l’item « avoir un comportement responsable » vise la maitrise des comportements nécessaires à la vie en société, comme savoir communiquer et travailler en équipe ou avoir la volonté de résoudre pacifiquement les conflits. D’autre part, le domaine de l’autonomie et de l’initiative propose que l’élève devienne un acteur pacifique de son parcours et qu’il s’intègre dans un réseau relationnel en toute responsabilité. Dans le même temps, un programme d’éducation à la non-violence et à la paix a été élaboré et présenté au gouvernement par la Coordination française pour la Décennie (2006) regroupant des chercheurs en sciences de l’éducation et des formateurs à la médiation scolaire et à la gestion des conflits. L’objectif de ce programme est de développer cinq compétences spécifiques, à savoir: les compétences centrées sur soi, les compétences centrées sur l’autre, les compétences centrées sur le groupe, les compétences centrées sur l’organisation sociale et les compétences centrées sur le monde.

Après plusieurs années de négociations entre les partenaires de l’éducation et le ministère de l’Éducation nationale, la réforme de 20083 aboutit à la mise en place

de l’instruction civique et morale à l’école primaire et de l’éducation civique associée à l’enseignement de l’histoire-géographie au collège. Dans ces disciplines, les attitudes de respect de soi et des autres, de responsabilité et de solidarité sont mises en évidence. Puis, en 2013, des formations à la prévention et à la résolution non violente de conflits sont inscrites dans les programmes des Écoles supérieures du professorat et de l’éducation4. En 2014, en référence au programme d’éducation à la

non-violence et à la paix de la Coordination française pour la Décennie (2006), le Conseil supérieur des programmes (CSP) projette d’intégrer la formation de la

3 Ministère de l’Éducation nationale. Arrêté du 15 juillet 2008 fixant le programme

d’enseignement d’histoire-géographie-éducation civique. Document téléaccessible à l’adresse

<https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000019284555>. Consulté le 26 février 2014.

4 Ministère de l’Éducation nationale. Arrêté du 1er juillet 2013 relatif au référentiel des

compétences professionnelles des métiers du professorat et de l’éducation. Document

téléaccessible à l’adresse

<https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000027721614>. Consulté le 24 février 2014.

personne dans les programmes des écoles et des collèges. Dans cette même orientation, le CSP a présenté un projet d’Enseignement moral et civique pour les écoles et les collèges au début de 2015. De plus, la mission ministérielle de prévention et de lutte contre les violences en milieu scolaire a lancé une campagne nommée Agir contre le harcèlement à l’école5 auprès des élèves, des parents et des

professionnels de l’éducation. Ce projet met à disposition un centre de ressources avec des outils pédagogiques pour mener des séances de prévention.

Il est intéressant de relever que ces programmes d’étude ont été mis en place pendant la décennie 2001-2010 proclamée « Décennie internationale de la promotion d’une culture de la Non-violence et de la Paix au profit des enfants du monde. » (ONU, 1998, A/RES/53/25) Dans cette rétrospective succincte, nous constatons que ces programmes d’études en rapport avec l’éducation à la paix mettent l’accent sur la prévention et la lutte contre la violence, particulièrement le harcèlement et l’intimidation. Dans leur article sur le sujet, Harris et Morrison (2013) confirment que cette orientation de l’éducation à la paix poursuit l’objectif principal d’éradiquer la violence dans le milieu scolaire. Bowen et Desbiens (2004) rapportent également que la lutte contre la violence est devenue prioritaire. En ce sens, l’éducation à la paix tend surtout à amener les jeunes à comprendre et à gérer les conflits. Ainsi, nos recherches nous ont menée à étudier les programmes de prévention et de lutte contre la violence, en milieu scolaire.