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Réseaux sociaux et immigration au Québec (anthropologie et autres sciences sociales)

Chapitre 1 : S’intéresser aux réseaux sociaux et à l’intégration des immigrants au Québec : problématique et

1.1 Les réseaux sociaux et l’intégration des immigrants : recension des écrits

1.1.2 Réseaux sociaux et immigration au Québec (anthropologie et autres sciences sociales)

Il est maintenant évident que l’étude des réseaux sociaux n’est pas une nouveauté en anthropologie ni dans les autres sciences sociales. Au niveau du Québec, différents chercheurs dans ces champs d’études se sont penchés sur la question des réseaux sociaux chez les immigrants.

Présentant une revue de littérature qui examine la production d’études empiriques entre 1976 et 1994, en excluant cependant mémoires et thèses, Une revue des études québécoises sur les facteurs d’intégration des

immigrants de Piché et Bélanger (1995) veut poser un regard exhaustif sur travaux réalisés sur ces thèmes.

Au niveau des réseaux sociaux, seulement deux études sont relevées par Piché et Bélanger pour la période antérieure à 1995, tout en spécifiant que « bien que les variables de réseaux soient centrales dans les nouvelles approches migratoires, très peu d’études y font référence » (Piché et Bélanger 1995 : 40).4

Depuis les années 2000 par contre, quelques recherches québécoises liant les thématiques d’intégration des immigrants et des réseaux sociaux, ou autres allusions contigües, me semblent pertinentes à relever ici. Évidemment, toutes les études qui seront mentionnées s’intéressent aux personnes immigrantes, mais les réseaux sociaux revêtent différentes dimensions : ils peuvent être un appui à l’intégration professionnelle lors de la recherche d’emploi et par un support informationnel, considérés à travers l’importance de la famille comme réseau initial, un appui émotionnel et aussi une stratégie identitaire.

Les réseaux comme appui à l’intégration professionnelle

Certaines recherches menées auprès des immigrants au Québec dans les dernières années ont souligné, à travers leurs résultats, l’utilisation des réseaux sociaux comme un moyen permettant l’intégration, qu’elle soit sociale, économique ou autre. Ainsi, Lenoir-Achdjian et les nombreux collaborateurs de l’ouvrage Les

diversités d’insertion en emploi des immigrants du Maghreb au Québec5, issu d’une recherche chapeautée par l’Institut de recherche en politiques publiques, ont relevé que les Maghrébins s’attendaient, en se référant à des organismes d’aide à l’emploi, à obtenir un réseautage immédiat. « Or, déplorent-ils, ce n’est pas le cas […] Plusieurs Maghrébins regrettent ainsi qu’une approche très utilisée, l’intervention de groupe, ne contribue

4 Les deux études répertoriées sont celles de Larose (1994) ayant comme titre Transnationalité et réseaux migratoires : entre le Québec, les États-Unis et Haïti et celle de Ramirez (1984) portant sur Les premiers Italiens à Montréal : l’origine de la petite Italie au Québec. (Piché et Bélanger 1995)

5 Les immigrantes sélectionnées pour cette recherche ont été majoritairement admises au Québec selon les critères de la

pas à la construction d’un réseau professionnel6 utile… » (Lenoir-Achdjian et al. 2009 : 11-12). Cependant, cette recherche n’a fait que relever la déception des Maghrébins de ne pouvoir développer des réseaux professionnels. Il en ressort pourtant une volonté des immigrants de s’inscrire dans ce type de réseau afin de faciliter l’accession à l’emploi qui, de façon éventuelle, leur permettra d’atteindre une certaine intégration au niveau économique7. De plus, en 2000, Brigitte Chavez a rédigé un mémoire de maîtrise en démographie titré

Le rôle des réseaux dans l’insertion économique d’une cohorte d’immigrants à Montréal. De cette recherche

basée sur les données de l’enquête longitudinale sur l’Établissement des nouveaux immigrants (1990-1992) découle un constat de « différences, selon l’origine nationale, quant aux sources d’information et d’aide que les immigrants utilisent pour s’informer sur les possibilités d’emploi et quant au secteur linguistique de l’emploi dans lesquels ils s’insèrent » (Chavez 2000 : IV).

Dans une autre perspective, Pellerin (2013), dans son mémoire de maîtrise en relations industrielles, a mené des entretiens auprès d’immigrants économiques de la région de Montréal. Ce mémoire s’inscrit dans un projet de recherche plus large titré Intégration sociale et professionnelle des immigrants récents au Québec :

obstacles, enjeux et rôles de réseaux sociaux et institutionnels. Pellerin avait comme « objectif principal de

montrer dans quelles mesures les informations reçues et perçues par les immigrants qualifiés influencent leur projet migratoire au Québec et orientent le processus d’établissement, par là même l’intégration » (Pellerin 2013 : ii). Les réseaux ethnoculturels ont été répertoriés par les participants à la recherche comme une source d’information, au côté des sources plus formelles comme les séances d’information menées par les délégations de recrutement à l’étranger ainsi que le site internet du Ministère de l’Immigration et des Communautés Culturelles (MICC) (Pellerin 2013 : 134). Cette recherche était donc davantage située sur l’intégration socioprofessionnelle influencée par l’information reçue; les réseaux sociaux étant ainsi abordés principalement de façon informationnelle et dans la perspective de l’insertion dans le marché de l’emploi québécois.

La famille comme premier réseau social en contexte de migration

Michèle Vatz Laaroussi (2001, 2008, 2009) souligne, quant à elle, l’importance de la famille dans les stratégies d’intégration, la famille étant l’une des formes possibles (et initiales) de réseau social. « Cette famille […] [était] comme le « bateau-repère » dans lequel elles naviguaient tout au cours de la trajectoire d’immigration » et aussi, ensuite, dans le processus d’intégration (Vatz Laaroussi et al. 1999 : 15). De plus, chacun de ses

6 Les auteurs font ici référence à un réseautage dans lequel s’insèrent différents professionnels qualifiés pouvant se

soutenir dans un cheminement commun de recherche d’emploi.

7 Le cas des Maghrébins peut cependant être distinct d’autres immigrants provenant d’autres régions du monde, puisque

ceux-ci proviennent de pays où les réseaux ont une importance accrue dans la recherche d’emploi, davantage par exemple que les diplômes. Cette nuance est donc à considérer au niveau de cet exemple, mais cela n’en invalide pas non plus les propos.

membres est aussi contributif au développement des réseaux de sa famille, même les enfants par qui « vont s’instaurer les réseaux relationnels qui s’ancrent dans le local (le quartier, la ville, le système scolaire) et qui vont s’ajouter et se croiser avec ceux du pays d’origine8 et de la famille élargie » (Vatz Laaroussi 2001 : 7).

Les réseaux (locaux et transnationaux) comme support émotionnel

Les réseaux à titre d’appui émotionnel peuvent être interpellés peu importe la distance, car les réseaux sociaux peuvent être locaux ou encore transnationaux. Dans le cadre de sa maîtrise en anthropologie, Maude Garant a exploré les pratiques transnationales entretenues par des immigrants dans la région de Thetford Mines. « Ce type de pratiques, qui évoluent principalement dans la sphère privée, met en évidence l’importance du transnationalisme sur le plan affectif. Il a été constaté que les liens transnationaux maintenus par les participants à cette recherche sont majoritairement tournés vers la famille » (Garant 2010 : 100). Ce mémoire relève l’importance de l’apport affectif des réseaux sociaux transnationaux pour les immigrants. En outre, une enquête longitudinale, publiée sous l’égide du Ministère des Relations avec les citoyens et de l’Immigration, fut menée par un groupe de chercheurs auprès de 1000 immigrants arrivés en 1989, et ce pendant près de 10 ans. Cette étude relève, pour les immigrants, l’importance accordée au voisinage « comme source de soutien et le caractère multiculturel des réseaux […] sur qui ils peuvent compter pour obtenir de l’aide ou pour se confier » (Renaud et al. 2001a : XXXV). Cependant, dans cette impressionnante étude, les réseaux sociaux n’ont pas été davantage dans la mire des chercheurs que l’emploi ou que le logement, tel que souligné précédemment.

Les réseaux comme stratégie identitaire

Lors de sa thèse en anthropologie à l’Université de Montréal, Sylvie Fortin (2002) a fait référence notamment aux notions de réseaux et d’intégration; sa recherche est intitulée Trajectoires migratoires et espaces de

sociabilité: Stratégies de migrants de France à Montréal. « Dans cette étude, nous nous sommes inspirée de

l’approche réseaux pour saisir l’organisation sociale de migrants en contexte d’établissement. Nous traitons plus spécifiquement des liens de sociabilité inscrits dans les espaces privés, semi-privés et publics de migrants » (Fortin 2002 : 42-43). Cherchant en quelque sorte à déconstruire, elle aussi, la notion théorique de l’intégration qui ne sied pas au terrain, Fortin découvre à la fois des espaces de sociabilité qui se présentent comme des « différents modes d’ancrage social » et aussi que « une participation active à la fois sociale, économique et symbolique n’enraye pas le besoin, pour certains, de maintenir une spécificité identitaire (autre

8 La conservation de réseaux sociaux avec le pays d’origine se nomme transnationalisme. Bien que cet aspect ne se

situe pas au cœur de ce projet de recherche, il est impensable de totalement l’exclure des types de réseaux sociaux qui sont examinés.

que celle du groupe majoritaire du lieu hôte) ni, pour l’ensemble, de concevoir des attaches en plusieurs lieux » (Fortin 2002 : IV).