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Chapitre 1 : S’intéresser aux réseaux sociaux et à l’intégration des immigrants au Québec : problématique et

1.2 Principaux concepts

Revenons quelque peu en arrière et effectuons un retour sur la citation de Renaud et al., compte tenu de son caractère primordial pour ce projet de recherche, afin d’indiquer les outils qui ont servi à le conceptualiser.

Il est maintenant possible d’analyser les réseaux sociaux des répondants et la mobilisation de certains types de ressources personnelles (informations, savoir-faire, soutien, etc.). Ces ressources fonctionnent comme des outils de facilitation de l’intégration des immigrants sur le plan de l’emploi ou de la vie civique.9 Les réseaux sociaux affectent l’intégration des immigrants de différentes façons. […] L’étude du réseau social permet d’explorer d’autres aspects du processus d’intégration des immigrants. En fait, ce processus est habituellement examiné sur la base d’indicateurs économiques et de capital humain plutôt que sur celle du réseau social. (Renaud et al. 2001a : 151)

Ainsi, il paraît important de rappeler que les sujets de cette recherche sont des individus immigrants et que ceux-ci expérimentent leur processus d’intégration dès leur arrivée dans leur société d’accueil, Québec. Lors de ce même processus d’intégration, en calquant les propos de la citation, les réseaux sociaux sont considérés comme des « outils de facilitation d’intégration »; dans le cadre de cette recherche, ces outils sont regroupés sous l’appellation de stratégies d’intégration. Puisque certains liens de base sont maintenant explicités entre les différents concepts proposés à travers la question générale de recherche, il s’avère nécessaire d’approfondir la compréhension de chacun des concepts, de les lier dans une littérature scientifique actuelle ainsi que de les définir.

1.2.1 Immigrants

Dans le cadre de cette recherche, le vocabulaire « immigrant » a été utilisé puisqu’il permettait d’expliciter que les individus ainsi présentés ont expérimenté un processus migratoire, ce qui sous-entend un déplacement entre deux endroits distincts. Si on souhaite se référer à une définition formelle, un immigrant est une « [p]ersonne qui immigre dans un pays ou qui y a immigré récemment » où le verbe immigrer indique « [e]ntrer dans un pays étranger pour s'y établir » (Le Nouveau Petit Robert de la langue française 2009). Dans le terme « immigrant », les notions d’établissement, de permanence et d’amélioration des conditions de vie sont aussi à prendre en considération. Comme le souligne Fenton « in many instances, with the very clear exception of political refugees, the underlying motive for migration is personal and family betterment » (Fenton 2003 : 127). De plus, le choix du nouvel endroit de résidence peut être influencé par l’existence de liens entre le pays d’origine et le pays d’accueil, notamment par la conservation de réseaux sociaux transnationaux (Brettell 2008 ; Hily et al. 2004).

En outre, l’identification comme « immigrant » reste cependant une étiquette, une identité qui est donnée par la société à ceux qu’elle accueille. Ainsi, personne n’arrive au pays en se définissant comme tel. Il est aussi

9 Selon mon interprétation, l’emploi et la vie civique sont indiqués ici comme des exemples, parmi d’autres de facettes de

important de souligner que même si le mot « immigrant » est occasionnellement employé au singulier, il n’en reste pas moins qu’il indique un ensemble d’individus qui ont à traverser le même type d’épreuves associées au processus migratoire et au processus d’intégration. Une question semble être intimement liée au concept d’immigrant : à quel moment cesse-t-on d’être immigrant? En effet, puisque cela dépend en partie d’une étiquette et en partie de la réalisation du processus d’intégration, est-ce que le statut d’immigrant est temporaire ou permanent? Clairement, l’aspect de la temporalité y joue un rôle. Cette question a été partiellement résolue grâce aux propos des personnes immigrantes qui ont participé à cette recherche, mais il s’agit d’un questionnement sous-jacent à la grande thématique de l’intégration. J’y reviendrai à quelques reprises au fil des chapitres 3 et 4.

1.2.2 Intégration

Même si je souhaite fortement laisser aux femmes immigrantes interrogées le pouvoir de définir le concept d’intégration, il est difficile de faire fi des discussions théoriques qui traitent de ce champ conceptuel. Parler d’intégration, c’est un peu comme tenter d’aborder un terrain miné dans lequel les notions d’intégration, d’insertion et d’assimilation se côtoient et s’affrontent à travers les discussions qui font rage en sciences sociales. Pour l’instant, il ne ressort, de ce débat, aucun consensus. En tant qu’anthropologue, j’ai décidé d’aborder le terrain dans une perspective interprétative.

1.2.2.1 Sélection du vocabulaire : positionnements théorique et politique

L’intégration est une approche fort importante afin de comprendre et d’illustrer le processus vécu par les immigrants lors de leur arrivée et de leur installation dans une société d’accueil. L’intégration peut être en quelque sorte mise en confrontation avec l’idée d’assimilation qui vise une fusion complète dans la société d’accueil et une disparition des particularités, à savoir : « le processus par lequel un ensemble d'individus, habituellement une «minorité», et/ou un groupe d'immigrants se fond dans un nouveau cadre social, plus large, qu'il s'agisse d'un groupe plus important, d'une région ou de l'ensemble d'une société » (Eisenstadt 2009, emphase ajoutée). Ainsi définie, l’assimilation des immigrants proposerait que ceux-ci soient en mesure de se confondre parfaitement à leur nouvel entourage. Au-delà des caractéristiques physiques difficilement modifiables, les immigrants sembleraient contraints, dans cette idéologie d’assimilation, de laisser leur passé de côté puisqu’il est considéré comme étant fait d’habitudes vétustes et non acceptables dans un nouveau cadre (notamment la langue par exemple). Cependant, la politique promue par le Canada est de type « multiculturaliste » c’est donc dire que les spécificités de chacun sont acceptées et même mises de l’avant.

On peut la schématiser sous la forme d’une mosaïque où tous se retrouvent sur un pied d’égalité dans une nation constituée d’un ensemble d’individus et de groupes ethnoculturels (Bouchard 2012 :30).

Le Québec prend davantage une position « interculturaliste » dans laquelle « la diversité est pensée et générée sur la base d’un rapport entre les minorités issues de l’immigration récente ou ancienne et une majorité culturelle » dite fondatrice (Bouchard 2012 : 32). C’est donc un modèle qui est « axé sur la recherche d’équilibres […] [et qui] met l’accent sur l’intégration, les interactions et la promotion d’une culture commune, dans le respect des droits et de la diversité » (Bouchard 2012 :51). Dans cette perspective, l’utilisation de la notion d’intégration a été jugée davantage adéquate que celle d’assimilation pour tenter de comprendre comment se déroule l’installation des immigrants au Québec.

L’intégration renvoie à la fois « à la nature du lien social dans les sociétés individualistes… [et à] la participation des populations migrantes et de leurs descendants à la société dans laquelle ils sont installés » (Schnapper 2007 : 25). En fait, cette « adaptation fonctionnelle » à une nouvelle société peut être envisagée selon différentes dimensions : sociale, culturelle, économique et politique. Tout d’abord, l’intégration sociale peut être abordée comme une participation notamment dans des structures communautaires ou regroupements informels, qui permettent une implication au niveau social et le développement de réseaux sociaux. L’intégration culturelle fait appel à une connaissance, donc un décodage et voir une appropriation, des traits et des codes culturels en vigueur dans la société d’accueil (Schnapper 2007 : 13). Ensuite, l’intégration économique renvoie davantage au fait d’occuper un emploi rémunéré. Pourtant, le simple exercice d’une activité rémunératrice ne suppose pas une accessibilité égale à cette intégration; il s’agit potentiellement davantage d’un premier pas dans le marché du travail. L’intégration économique semblerait pouvoir varier en fonction du « statut » de l’emploi occupé : officiel ou officieux, sa désirabilité, en lien avec les expériences antérieures ou les diplômes. À cet égard, je me suis référée à la définition de l’intégration socioprofessionnelle proposée par Béji et Pellerin qui avancent que « [c]e concept renvoie à une intégration de l’individu sur le marché du travail correspondant à ses attentes, notamment en matière d’adéquation entre emploi et qualifications » (Béji et Pellerin 2010 : 563). Finalement, l’intégration politique fait écho à une participation relative par l’exercice des droits et devoirs spécifiques à la communauté d’accueil. Cette notion a été perçue dans cette recherche comme recoupant le volet juridique, puisqu’il s’agit de l’exercice des droits et devoirs, par exemple le droit de vote qui sera acquis éventuellement par l’obtention de la citoyenneté légale. Elle peut donc aussi se référer à la notion de vie civique présente dans la citation de Renaud et al. (2001a).

Chercher à quantifier l’intégration me semblait être futile, surtout compte tenu des dimensions qui la composent, mais aussi de l’aspect éminemment personnel qui s’en dégage. L’intégration ne s’obtient pas seulement en claquant des doigts. C’est un processus qui se compose de différents éléments, en fonction des

priorités de chacun, et qui se façonne au fil du parcours de vie dans une nouvelle société. En fait, l’intégration pourrait être redéfinie d’autant de façons qu’il y a d’immigrants, ou plus précisément en groupes ou catégories d’immigrants, puisque ceux-ci partagent des caractéristiques communes (origine culturelle, sexe, catégorie de sélection…). Puisqu’il était essentiel pour les objectifs de ce projet de comprendre ce qu’« intégration » signifie pour les personnes immigrantes, la sélection des participants a été réalisée dans l’optique de la diversité par l’exploration d’un éventail de points de vue, tout en conservant certains points communs. Ainsi, l’un des buts de cette recherche était d’aborder l’intégration dans les termes des personnes concernées : tout cela justifie d’autant plus de ne pas chercher à proposer, a priori, une définition plus étoffée de ce concept, puisque ce dernier a réellement pris forme en fonction des personnes rencontrées.

1.2.2.2 L’intégration mutuelle : un apprivoisement réciproque

Certains auteurs proposent que l’intégration est une tâche qui incombe à la fois à l’individu10 et à la société; il s’agit d’un processus mutuel et réciproque. C’est en effet dans ces mêmes termes que Pellerin (2013) l’aborde. « L’intégration est donc un processus issu d’une dynamique mutuelle, ne dépendant ni totalement de l’immigré, ni entièrement de la société d’accueil. Elle est bidirectionnelle et collective » (Pelletin 2013 : 40). Spencer souligne aussi que « [i]ntegration is not simply about access to the labour market and services, or about changing attitudes or civic engagement; it is a two way process of adaptation by migrant and host society at all of those levels » (Spencer 2003 : 6). La vision de l’intégration mise de l’avant par Manço est aussi très intéressante puisqu’elle souligne un processus commun d’ajustement à l’autre : « [d]ans tous les cas, l’élément intégré n’est pas perçu comme devant être neutralisé, comme devant perdre ses caractéristiques initiales, même si des transformations sont supposées, dans le système intégratif comme dans l’élément à intégrer » (Tap 1999 : 16). Cette vision d’une intégration mutuelle était assez intangible avant la réalisation de mon terrain de recherche. À travers les témoignages des immigrants, notamment dans leurs positions et perceptions en regard des structures et services d’accueil mis en place ainsi que sur les attitudes des membres de la société d’accueil à leur égard, j’ai pu constater que cette proposition trouvait concrètement de nombreux échos.

Dans le cadre de cette recherche, je suis partie d’un postulat de base : j’ai choisi de considérer les immigrants comme des sujets actifs. L’immigrant peut donc être perçu à titre d’agent; il est un sujet actif qui s’inscrit dans la structure des rapports sociaux (Ortner 2006 : 130). Ainsi, l’intégration d’un individu peut être vue à travers la lunette de l’agency; en d’autres termes, l’immigrant est perçu comme étant dépositaire d’une capacité d’agir.

10 Cet individu s’insère de prime abord dans des catégories sociales, qu’il soit homme, femme, Africain, Latino-Américain,

etc. qui sont prédéfinies. Cette appartenance à des catégories sociales médiatise l’intégration. Aussi, « l’individu » n’est pas seul dans son intégration dans la société, c’est aussi sa catégorie qui est visée et donc d’autres que lui vivent cette même situation.

L’agency peut être définie comme étant à la fois l’intentionnalité de l’atteinte de projets culturellement définis et comme un pouvoir d’agir à l’intérieur de relations sociales inégales, asymétriques ou de force (Ortner 2006 : 143). Dans ces perspectives, l’immigrant est en mesure de se fixer des buts intimement liés à son intégration (maîtrise de la langue, développement de réseaux sociaux, obtention d’un emploi, par exemple) malgré la position quelque peu précaire dans laquelle il peut se trouver, notamment en manque de ressources, avec peu de connaissances sur la société d’accueil ou dans des situations ou face à des dispositifs de discrimination.

Au niveau de la société, l’intégration se fait, non pas par les structures sociétales elles-mêmes, mais davantage par les personnes qui se retrouvent dans ces mêmes structures. Ainsi, il me semblait possible de supposer que l’intégration se faisait à travers des relations entre des groupes variés (notamment la famille, le voisinage, les collègues de travail ou encore les intervenants en emploi ou communautaires qui sont consultés par l’immigrant) et les individus à intégrer. Cette intégration peut aussi être faite par les institutions : à ce moment, on peut parler du gouvernement, par la reconnaissance des diplômes ou même encore à travers les règles d’immigration, ou sinon d’entreprises qui font l’embauche d’immigrants. L’intégration faite par la société peut être effective à partir du moment où l’on reconnaît la pertinence de la contribution ou encore l’apport (variété des points de vues et expériences antérieures, diversité culturelle, …) des personnes immigrantes dans le milieu dans lequel elles évoluent. Évidemment, il ne s’agissait là que d’hypothèses de travail, qui ont orienté néanmoins le choix des thématiques à aborder lors des entrevues réalisées avec les participantes.

1.2.2.3 Précisions sur le concept d’intégration et mise en garde

À la lumière des éléments amenés dans cette section, il semble important d’apporter une nouvelle précision concernant le concept d’intégration. D’autres auteurs (comme Deville-Stoetzel et al. 2012, Guilbert 2010 et Vatz Laaroussi 2001 et 2008, notamment) préfèrent utiliser le terme « insertion » pour aborder le processus d’installation des personnes immigrantes dans une nouvelle société. Évidemment, chaque auteur définit un lexique qui lui est propre. À ce propos, dans la perspective de cette recherche, il semblait essentiel de nuancer les notions d’intégration et d’insertion l’une par rapport à l’autre, car elles ne sont pas nécessairement contradictoires idéologiquement, comme l’assimilation. De plus, cette nouvelle distinction s’appuie sur les notions déjà abordées de l’intégration comme étant un processus et de l’importance de l’action à la fois de l’individu immigrant et de la société d’accueil dans celui-ci.

[L]’intégration implique fondamentalement l’insertion. On doit donc se demander ce qui fait la différence entre intégration et insertion. À titre provisoire, on peut dire que l’insertion implique d’être dans le système, d’y avoir une place (travail, logement, etc.). Pourtant, il ne suffit pas

d’être inséré pour être intégré. Être intégré suppose de faire partie du tissu social, des réseaux

L’insertion peut être perçue davantage comme une première étape, soit « d’entrer » dans le système qu’est la société. Manço (dans Tap 1999) laisse penser qu’il y a une implication supplémentaire nécessaire pour être un membre social de ce système; il semblerait crucial de faire certains efforts afin de s’inclure dans des réseaux sociaux constitutifs de cette société.

Une proposition de Dorais (2010)11 permet de circonscrire la notion de la volonté d’agir de l’individu, concept avancé précédemment, afin de mettre en perspective les notions d’insertion et d’intégration. Ainsi, d’une part, l’insertion pourrait correspondre à une incorporation passive ou non dans les structures économiques et administratives, telle qu’orchestrée par exemple par les gouvernements lors de l’arrivée et de la prise en charge, le cas échéant, des personnes immigrantes en terre d’accueil. D’autre part, l’intégration serait une participation active, pouvant être réussie ou non, à l’organisation sociale du milieu d’accueil. Les sphères proposées précédemment sont bien articulées avec cette vision. Cette approche permet aussi de mettre l’emphase sur l’importance de l’intégration mutuelle. Finalement, selon Dorais, il y aurait une autre étape dite d’adaptation correspondant à un ajustement culturel, mais ne sous-entendant pas nécessairement une vision d’assimilation, à la société d’accueil.

Néanmoins, il semble risqué, en utilisant le concept d’intégration, de tomber dans l’illusion qu’une fois que celle-ci sera « atteinte », tout ira bien, qu’aucun problème ne subsistera. Ainsi, il ne faut pas perdre de vue qu’il s’agit d’une bulle théorique « de référence » puisque, tel que déjà mentionné, les définitions et ce qui est englobé par le terme peuvent largement varier selon les individus. L’intégration n’est pas non plus un processus facile et linéaire. Il est fort probable que les immigrants soient confrontés à différentes difficultés, qu’elles soient de l’ordre de la langue, des codes culturels, de la reconnaissance des diplômes ou encore d’une incompréhension face aux « différences » inhérentes à leur statut de nouveaux venus. Afin de considérer comment ils arrivent à surmonter ces multiples difficultés, il semble tout à fait approprié de se référer au concept de stratégie.

1.2.3 Stratégies d’intégration

Dans l’optique de cette recherche, j’avais décidé d’appréhender les immigrants comme des sujets actifs de leur intégration, comme par exemple lorsque je proposais la notion d’intégration mutuelle. Ainsi, selon la perspective qui avait été amorcée précédemment, je souhaitais aborder les nouveaux arrivants comme

11 Les propos recensés de L.J. Dorais proviennent de conseils qu’il m’a prodigués en vue de la réalisation de ce mémoire.

Dans ce contexte, une référence bibliographique n’est pas possible. En guise de précision, je souhaite indiquer que M. Dorais a, notamment, travaillé sur le thème des immigrants vietnamiens au Québec (voir particulièrement Dorais et Richard 2007).

acteurs de leur intégration et donc leur attribuer un pouvoir d’agir (agency) afin notamment d’atteindre, en fonction de leur intentionnalité et de l’usage de stratégies, des projets culturellement définis (Ortner 2006 : 143). Ces mêmes projets, puisque culturellement définis, pourraient être différents de ceux prônés par la société d’accueil. Cet élément trouvera réponse notamment à travers l’aspect des attentes de personnes immigrantes par rapport à leur intégration, tel que développé dans le chapitre 3.

Afin de tenter de définir plus clairement ce concept, il est possible de référer aux propos de Crow qui rapporte que la notion de stratégie « has connotations of comprehensiveness, coherence, long-term perspective and consciousness » (Crow 1989 : 2). La stratégie consiste donc en une action mise en place sciemment, avec un objectif à la clé. Morgan (1989) met en perspective les notions de stratégies, de pouvoir et de ressources, ce qui permet d’apporter une nuance à la notion d’agency des immigrants : « Resources are bound up with issues of power and structural constraints. Power limits the range and usage of resources just as resources and their deployment become the basis of power. Without resources there can be no strategies » (Morgan 1989 : 27). Autrement dit, même si on postule que les personnes immigrantes ont un pouvoir d’agir et mettent de l’avant des stratégies visant à favoriser leur intégration à la société d’accueil, ces stratégies sont contraintes par les ressources à leur disposition, lesquelles peuvent varier d’une personne à l’autre, d’une famille à l’autre ou d’un quartier à l’autre dépendamment, dans ce dernier cas, des services d’aide qui y sont offerts. Aussi, il faut le garder en tête, toute action n’est pas nécessairement inscrite dans une stratégie. Néanmoins, j’ai retenu cette approche pour bien signaler la position choisie, qui consiste à attribuer une

agency aux personnes concernées par ce mémoire.

Les stratégies peuvent relever de différents niveaux, ou échelles du social, le micro, le méso ou le macro, sans être exclusives de l’un ou de l’autre. Même plus, les actions mises de l’avant concernent souvent plus d’une échelle du social, comme nous le verrons maintenant.

Au niveau micro correspondent les stratégies d’ordre d’individuel; il peut s’agir, entre autres, de réseautage, de la consultation d’organismes communautaires et de l’envoi de curriculum vitae. Cependant, les stratégies utilisées en recherche d’emploi, par exemple, ne touchent pas simplement l’individu qui souhaite obtenir un travail; leurs dynamiques s’élargissent à la famille de cette personne (Normand et Tremblay 2005). En effet, à