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Développer un sentiment d’appartenance par l’implication sociale

Chapitre 4 : Les stratégies d’intégration : réseaux sociaux et autres avenues, les femmes immigrantes en tant

4.3 Les stratégies d’intégration : y a-t-il d’autres possibilités que les réseaux sociaux?

4.3.1 Développer un sentiment d’appartenance par l’implication sociale

L’implication sociale est un moyen de sortir de chez soi et d’entrer en contact avec de nouvelles personnes. L’organisme communautaire où l’on s’implique peut aussi être « en quelque sorte un espace intermédiaire de réalisation et d’apprentissage », comme le souligne Cloutier (propos recensés dans Garnier 2011 : 140). Toutes les femmes interrogées ont souligné un lien entre leur participation sociale et leur intégration. Chacune est impliquée à sa manière, selon un niveau d’assiduité variable, dans des activités sociales et communautaires dans le quartier. Cette constatation trouve écho dans la littérature déjà existante qui expose que « [o]n remarque également que les plus scolarisés s’impliquent davantage dans des associations regroupant surtout des Québécois et des Canadiens d’origine » comme c’est le cas pour les activités de l’organisme ou celles organisées au sous-sol de l’église de la paroisse (Renaud et al. 2001b : 36). Cependant, certains regroupements sont aussi développés sur une base d’origine commune, telle qu’une association

25Certainement, cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas eu de sacrifices ou de concessions de la part des pères, mais les

conjoints étaient soit le pourvoyeur principal de la famille (Salma, Flavie, Khaira), soit dans le même parcours scolaire que leur épouse (Elina, Reanna, Teresa, Lanna, Clara, Magda, Izza). Dans le cas de Pauline, son conjoint venait tout juste d’arriver au Québec lors de notre entretien. Finalement, le conjoint d’Olivia travaillait tout en complétant un niveau universitaire.

brésilienne où certaines femmes se retrouvent pour des activités sociales, comme des soirées ou des barbecues (Lanna, Olivia, Clara et Magda). Il est intéressant de souligner que chez certaines femmes, l’implication sociale n’est pas un fait nouveau, elles étaient déjà impliquées dans différentes causes avant leur migration.

Plusieurs des femmes rencontrées qui bénéficiaient de la distribution alimentaire se sont aussi impliquées comme bénévoles de ce même service, de façon ponctuelle pendant l’été, au moment où les bénévoles habituels de la Saint-Vincent-de-Paul prenaient une pause estivale. L’endroit de la distribution se déplaçait aussi de l’autre côté de la rue, et passait donc, le temps de quelques semaines, du sous-sol de l’église à l’école primaire (gymnase ou grande salle). Afin d’assurer la distribution alimentaire, certaines personnes devaient en prendre la responsabilité bénévolement, le comité réunissant majoritairement des bénéficiaires du service.

Elina était impliquée dans le conseil d’administration d’un organisme du quartier afin de mieux comprendre le fonctionnement des institutions; cela rejoignait aussi les thématiques qu’elle souhaitait développer dans sa maîtrise. De son côté, Flavie était bien impliquée et au courant des activités sociales lorsqu’elle était en France. Même chose lors de son passage dans la région montréalaise, alors que son fils était à l’école et que ses deux filles se faisaient garder. Maintenant installée à Québec, elle souhaite retrouver des activités dans lesquelles s’impliquer, même si sa plus jeune est à la maison avec elle, compte tenu de la difficulté de trouver une garderie subventionnée.

Je n’ai pas été dans cette, dans ces associations ou organismes parce que je connaissais des gens, parce que je ne les connaissais pas. Mais c’est parce que par hasard j’ai vu l’affiche. Donc j’y suis allée parce que ça m’intéresse de participer à ce genre d’activités et parce que l’ouverture aux autres m’intéresse. C’est parce que j’ai besoin de me sentir active. Donc, c’est, c’est vraiment pour cet objectif-là. Je ne vais pas dans une association parce que je connais des personnes; j’y vais parce qu’elle m’intéresse en tant que telle. [Mais c’est aussi une opportunité de rencontre des gens] Oui, ça en est une. (Flavie)

Salma était active dans des activités à vocation politique lorsqu’elle était en Tunisie. Maintenant, à Québec,

« c’est plus un aspect social, ça prend plus un aspect social. Mais probablement que ça va prendre un aspect politique, on ne sait jamais » (Salma). Elle est impliquée dans des OBNL du quartier et dans l’organisation de

différentes activités pour faire participer les gens : fête de quartier, activités, sorties.

Pour Reanna, sa participation sociale se fait plutôt de façon non officielle (dans ses mots, elle fait du bénévolat, mais n’est pas inscrite), à l’école de sa fille ou à l’église (comme lors de la distribution alimentaire d’été). Elle souhaite que sa fille s’inspire de son exemple. Elle veut aider les autres : rendre et donner un peu d’elle, non pas seulement recevoir. C’est aussi une action qu’elle voit en lien avec son intégration; lorsque je

lui avais demandé ce qu’elle prévoyait faire afin d’atteindre son objectif d’intégration qui est de développer un sentiment d’appartenance, elle avait répondu : « Bien... avec la langue, je pense, qu’on peut s’intégrer plus

facilement. Et, c’est pour ça que je regarde la télé en français, j’écoute la radio pour pouvoir parler mieux. Et… Mais je pense continuer, je pense suivre le…bénévolat » (Reanna).

Auparavant, en Colombie, Teresa était impliquée politiquement; maintenant, elle est « plus tranquille » à ce propos, car son mari n’aime pas beaucoup les choses comme ça. Elle participait aussi à des activités de type distribution alimentaire, mais au Québec, c’est elle qui en a bénéficié. Elle a fait du bénévolat lors de la distribution alimentaire d’été. Débutant sa retraite, Izza a pour sa part décidé qu’elle voulait aider la communauté dans laquelle elle était installée, elle a donc décidé d’offrir son aide à qui voudrait bien l’accepter.

Ainsi, chacune à leur façon, ces femmes développent un sentiment d’appartenance à leur milieu d’accueil à travers leur implication. Même si elle ne faisait que débuter comme bénévole dans les activités de l’organisme- contact, Khaira était inspirée par une connaissance qui servait à la soupe populaire :

Ça rend service à quelqu’un. Je sens que leur vie n’est pas comme [vide]… tu participes à quelque chose. Tu ne fais pas que manger et dormir. La vie a un sens. Tu aides les gens. Il y a un sens. C’est plus rempli que de rester comme ça [à la maison]. Parce que ça te fais plaisir lorsque tu donnes service à quelqu’un. Moi, je me sens vraiment très heureuse lorsque je rends service à quelqu’un. (Khaira, emphase originale)

Dans ses recherches portant sur des femmes immigrantes qui sont devenues intervenantes communautaires après avoir été bénéficiaires des services de divers organismes, Cloutier a fait un constat semblable. Elle a découvert que les femmes identifiaient que la fréquentation d’organismes du milieu communautaire avait contribué à différents apports, notamment qu’ « ils constituent pour les femmes un lieu d’accueil et un point d’attache; [qu’] ils permettent aux femmes immigrantes de créer de nouveaux liens sociaux et de briser l’isolement; [et qu’] ils favorisent les apprentissages sur la société d’accueil et soutiennent le tissage des premiers liens avec elle » (Cloutier résumée dans Garnier 2011 : 140). Du côté de Deville-Stoetzel, Montgomery et Rachédi, les familles maghrébines rencontrées ont témoigné qu’« en travaillant comme bénévoles dans des organismes, la plupart des répondants ont pu acquérir leur première expérience québécoise et obtenir un emploi par la suite » (Deville-Stoetzel et al. 2012 :85). Ainsi, autant les femmes de mon échantillon que les résultats d’autres recherches attestent de l’importance des organismes communautaires dans le processus d’intégration; mais surtout des apports de l’implication sociale, du développement d’un engagement bénévole dont découle des avantages collatéraux.