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Là-bas : le recrutement à l’étranger, promesses et attentes

Chapitre 2 : L’immigration au Québec : politiques, structures et informations

2.2 Perceptions et incompréhensions : les filtres de l’information « là-bas » et « ici »

2.2.1 Là-bas : le recrutement à l’étranger, promesses et attentes

Sur quelles informations les futurs immigrants basent-ils leurs décisions? Quelles sont les sources d’information utilisées? Sont-elles « exactes »? Le gouvernement du Québec (MICC) dispose de bureaux de recrutement afin d’augmenter son attrait et sa visibilité auprès d’immigrants potentiels, principalement de la catégorie dite économique (travailleurs qualifiés ou autonomes, entrepreneurs et investisseurs). Cependant,

de l’avis de mes informatrices et de d’autres commentaires de personnes immigrantes publiés dans des blogs ou des articles de journaux, il semble que le portrait de la migration y est parfois un peu embelli.

2.2.1.1 Les bureaux de recrutement

Puisque le Québec effectue sa propre sélection d’immigrants de la catégorie économique, il doit être présent « sur le terrain » pour rencontrer les candidats, se faire connaître, etc. Le Québec (MICC) dispose de points de service dans ses principaux sièges à l’étranger.

Figure 1 – Répartition des bureaux de recrutement du MICC hors-Québec

(MICC 2011f)

Les points de service desservent des zones géographiques établies. À titre d’exemple, le bureau du Maghreb doit couvrir toute l’Afrique et celui de Sao Paulo, l’Amérique du Sud. Des séances d’information sont organisées de façon périodique dans les différents pays couverts par les bureaux « locaux » d’immigration du Québec. Néanmoins, je me questionne sur la facilité pour un individu en provenance d’un pays d’Afrique subsaharienne de se rendre au bureau du Maghreb afin de régler une formalité administrative.

Plusieurs des femmes rencontrées ont mentionné, de façon marquée, que la présence des bureaux d’immigration et leurs séances d’information ont constitué la source de leur motivation de migration. Ce fut le cas de Magda, Lanna et Clara, toutes trois Brésiliennes d’origine, et de Teresa de la Colombie.

2.2.1.2 Publicité et «propagande»

Dans les faits saillant d’un rapport annuel (2010-2011) du MICC, on constate la mention de la

[c]ampagne de promotion Internet de grande envergure en France, au Mexique et au Brésil destinée aux jeunes adultes, aux femmes et aux hommes de 18 à 35 ans qualifiés et diplômés ayant des compétences qui répondent aux besoins du marché du travail du Québec. On a pu observer, subséquemment, une augmentation de 310 % du taux de fréquentation du site comparativement à la même période en 2009 (Direction de la planification 2011 :11).

Pour le rapport 2011-2012, ce type de campagne constitue le troisième élément mentionné dans cette section (il se situait en quatrième place dans le rapport précédent) : le Ministère a mené une « [c]ampagne de promotion Internet de grande envergure en France et au Brésil avec une approche ciblée auprès des candidates et candidats ayant un diplôme de formation privilégié par le Québec. La campagne a attiré dans Internet au total près de 210 000 visiteurs uniques en six semaines » (Direction de la planification 2012 :11). Compte tenu de leur mise en évidence dans les faits saillants de ces deux rapports annuels et de l’augmentation de la fréquentation du site Internet du Ministère en retour, on peut supposer qu’il s’agit d’une des méthodes privilégiées dans le recrutement des travailleurs qualifiés.

À Paris, il semble qu’on puisse trouver des cartes-postales gratuites, disposées dans les bars des arrondissements, qui font la promotion de « vivre au Québec ». C’est ce qu’on découvre facilement en naviguant sur les blogues destinés aux migrants. Sur l’un d’entre eux, Mimil faisait le bilan de son histoire d’amour-haine avec le Québec. « Je bave devant les cartes postales gratos de VIVRE AU QUEBEC que je trouve dans les bars de Paris… Je les accroche partout… puis je commence à aimer le paysage… » (Mimil 2007) Elle était partie au Québec la tête pleine d’espoir et de rêves : « Je raconte à tout le monde comment elle va être belle ma vie là-bas […] Que oui madame y a du boulot à la pelle sinon ils m’auraient pas sélectionné le Québec… que of course je vais avoir un méga appart […] et avec le super salaire que je vais gagner […] je vais faire des petits voyages en France régulièrement » (Mimil 2007, graphie originale). En s’installant en Estrie et en ayant de la difficulté à décrocher un emploi pour finalement obtenir un poste à temps partiel dans une bibliothèque, elle déchante : elle se rend compte qu’elle a peu (ou pas) d’argent, que le prix de l’essence devient une obsession et que les pâtes sont quotidiennement à son menu. Elle est finalement retournée en France après onze mois en terre québécoise.

De l’aveu d’une des participantes, la publicité ainsi que les campagnes de recrutement faisant la promotion du Québec, notamment dans le Nord-Est du Brésil où elle résidait avant d’immigrer, relevaient de la propagande.

[Ici], [l]es gens ne savent pas qu’il y a un bureau du Québec à Sao Paulo. Ils ne savent pas que ça va dans les nouvelles, dans les journaux, les nouvelles les plus populaires au Brésil : « Venez au Canada, Venez à Québec, on a besoin de vous! » Je ne sais pas si vous avez déjà vu la propagande? […] Quand tu regardes ça c’est fantastique, c’est une opportunité incroyable! Je m’en vais tout de suite! Mais ils ne te disent pas toute la transition, toute l’immigration, tout le cheminement à faire. Donc, des fois, il y a plein de gens qui arrivent ici et puis, quand ils voient la réalité, ils se disent « Oh! Oh... » (Clara)

Le Québec a aussi mené une campagne de recrutement auprès d’expatriés français à New York « La publicité en question est un encart bleu frappé du lys du Québec et de la phrase : " Vous avez une place au Québec " » (Buisson 2011).

La province recherche de la visibilité par différents moyens auprès des immigrants de la catégorie immigration économique. Mais à quel prix? De nombreuses participantes ont soulevé l’embellissement de l’image du Québec, de l’accueil qui leur serait fourni, de l’installation et du temps d’adaptation qui leur avaient été suggérées avant leur migration. Idéalement, un immigrant se doit d’être conscient des coûts inhérents à la migration, à la fois monétaires mais aussi non monétaires. Sjaastad (1962) « considère la migration comme un " investissement qui augmente la productivité des ressources humaines ", investissement qui comporte des coûts, mais rapporte également des bénéfices » (Piché 2013 : 154). Cette perspective présente donc la migration basée sur une décision individuelle dans laquelle l’individu a fait une analyse préalable du rapport coûts-bénéfices. Néanmoins, cette évaluation doit se baser sur différents éléments, dont la qualité de l’information véhiculée. Tel que relevé par Pellerin (2013), cette information provient de différentes sources, principalement les séances d’information menées par les délégations de recrutement à l’étranger et le site internet du MICC ainsi que les réseaux ethnoculturels. Toutefois, lorsque ces informations sont biaisées, incomplètes ou partielles, cela peut entraîner des déceptions, des problèmes d’intégration et potentiellement un constat d’échec et un retour au pays. Si on questionne la qualité de l’information donnée à l’étranger concernant l’immigration, qu’en est-il de la manière dont sont perçus les immigrants, au Québec et à Québec?