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Chapitre 1 : S’intéresser aux réseaux sociaux et à l’intégration des immigrants au Québec : problématique et

1.4 Orientations méthodologiques de la recherche

1.4.5 Collecte de données

Mon terrain de mémoire s’est échelonné sur une période allant de la mi-mai 2010 à la fin mai 2011. Le processus de la collecte de données a grandement été influencé par le développement d’un lien particulier avec un interlocuteur privilégié, un organisme-contact. Pour mieux démontrer comment j’ai développé le contenu empirique de cette recherche, je vais expliquer concrètement les techniques que j’ai utilisées (observation participante, entretiens semi-dirigés et informels), mon mode d’échantillonnage ainsi que le déroulement des entrevues et les principaux outils mobilisés. Finalement, j’aborderai les méthodes d’analyse que j’ai employées.

1.4.5.1 Interlocuteur privilégié : un organisme-contact

Dès le début de mon projet de mémoire, je jugeais essentiel d’être connectée directement à la réalité des gens, d’où toute l’importance même du concept de « terrain », même si j’allais mener ma recherche dans la ville où je résidais. Il me semblait approprié d’aborder les gens par le biais d’un organisme communautaire œuvrant dans le milieu, de me trouver une porte d’entrée vers l’inconnu. Le concept de la confiance est très important pour arriver à développer des liens avec les gens et obtenir de l’information privilégiée. J’ai donc décidé d’aborder différents organismes communautaires ayant une vocation liée de près ou de loin aux immigrants inscrits dans le répertoire de la Ville. J’ai aussi consulté le site internet du 211 (le service

d’information et de référence de la Capitale-Nationale et de la Chaudière-Appalaches) pour trouver de façon plus exhaustive les ressources en question.

Je souhaitais inclure des personnes de différentes origines dans mon échantillon, pour les raisons exposées précédemment. Après quelques contacts infructueux, j’ai finalement trouvé un organisme qui a accepté de collaborer à la recherche. À la suite d’une première rencontre avec une agente de milieu, l’un des trois employés de l’organisme, et un représentant du Centre de santé et de services sociaux (CSSS) de la Vieille- Capitale, il a été convenu que je pourrais m’intégrer aux activités d’un nouveau programme qui débutait justement peu de temps après cette rencontre.

1.4.5.2 Techniques d’enquête utilisées

Différentes techniques d’enquête ont été utilisées afin d’obtenir mes données. L’observation participante ainsi que les entrevues semi-dirigées sont à l’origine de la majorité du contenu recueilli et constituent le cœur de mon travail. Ces données ont été enrichies par l’apport d’entretiens informels et de recherche documentaire afin d’étayer les perspectives des organismes, structures et institutions par rapport à l’intégration des immigrants.

Pour rencontrer des gens, dans un premier temps, j’ai misé sur des activités auxquelles participait ma première informatrice-clé, une agente de milieu de mon organisme-contact. Les bureaux de l’organisme étaient ouverts aux gens du quartier, mais ils étaient peu nombreux à y passer de façon non annoncée ou improvisée, donc les contacts se faisaient davantage à l’extérieur.

Au début de mon terrain, je souhaitais que les gens s’habituent à ma présence, étant donnée ma participation aux mêmes activités qu’eux. J’étais toujours claire sur mes intérêts de recherche, mais je souhaitais, évidemment, faire de l’observation participante lors des activités et que les gens ne se sentent pas « forcés » de participer à ma recherche. J’ai donc réalisé mon entrée dans la paroisse en étant présente à certains moments importants, sur une base hebdomadaire, et en m’impliquant dans les différentes activités de la communauté. Selon Schensul et ses collaborateurs, « l’observation participante est un moyen de collecte de données qui nécessite que le chercheur soit présent, s’implique et note ses observations de la routine des activités quotidiennes avec les gens qu’il observe dans le contexte du terrain » (Schensul et al. 1999 : 91, ma traduction). Ainsi, l’observation participante correspond à une approche du terrain intéressante puisqu’elle permet d’être présent, de développer des liens avec les différents acteurs et d'amorcer une réflexion sur les dynamiques observées. Chaque semaine, je souhaitais être présente à la distribution alimentaire de la paroisse, chapeautée par la Saint-Vincent de Paul, ainsi qu’au café-rencontre qui la précédait. Aussi, l’organisme-contact avait son propre café-rencontre, un moment réservé dans ses locaux où les intervenants

étaient présents et disponibles pour accueillir les gens du quartier. Évidemment, il y avait les activités mensuelles du nouveau programme de l’organisme-contact. J’ai aussi participé et collaboré à la réalisation (notamment en animant un kiosque et en prenant part à la fabrication des décorations) de certaines activités ponctuelles comme la fête annuelle du quartier et la fête de Noël. Lors de la période estivale, alors que la Saint-Vincent de Paul faisait relâche et que la distribution alimentaire était alors sous la responsabilité de bénévoles temporaires, j’allais participer au tri, à la préparation et au partage des denrées.

J’ai aussi eu l’occasion de réaliser des entretiens informels lors de l’observation participante, me permettant de prendre davantage contact avec les personnes immigrantes afin de mieux saisir leurs réalités d’une façon préliminaire et possiblement d’infirmer ou de confirmer des constatations initiales. Ces entretiens informels m’ont aussi permis de soulever des thèmes qui n’ont pas encore jusqu’à présent été abordés par cette recherche, mais se trouvent au cœur des préoccupations des immigrantes. J’ai réalisé quelques entretiens informels avec des responsables de services au niveau communautaire (Saint-Vincent-de-Paul, Café- Rencontre, école primaire). Afin de mieux structurer mes efforts de recension, j’ai fait appel à une grille d’observation (annexe 1) où j’ai noté à la fois des observations générales et spécifiques (comme les interactions et le développement ou l’existence de réseaux sociaux), en plus d’y noter des interprétations personnelles et préliminaires. Évidemment, à un niveau plus formel, un journal de bord a été complété au rythme de mes présences dans le quartier, ce qui, en plus de notes de terrain, m’a permis de noter l’ensemble des réflexions liées à la réalisation du terrain.

La recherche documentaire a été utile à titre de complément aux données amassées grâce aux entrevues (informelles ou semi-dirigées) et à l’observation participante. Ainsi, l’analyse des documents produits par la Ville de Québec au niveau de l’immigration (comme la valorisation et les incitatifs à l’immigration ou encore les programmes d’insertion proposés) est pertinente afin de mieux comprendre les objectifs de Québec, et donc de l’arrondissement, dans l’accueil de migrants. Il a aussi été nécessaire de se pencher sur les éléments normatifs et législatifs relevant des gouvernements québécois et canadien puisqu’ils ont joué un rôle dans le processus migratoire des participantes. Les résultats de la recherche documentaire seront présentés dans le chapitre 2.

En plus des entretiens informels et de la recherche documentaire, un aspect significatif de ma collecte de donnée a été la réalisation d’entrevues semi-dirigées. Comme le soulignent Schensul et ses collaborateurs,

les entrevues semi-dirigées combinent la flexibilité d’entrevues ouvertes et non structurées avec la directionnalité et les objectifs d’un instrument de sondage afin de produire des données qualitatives et textuelles centrées à un niveau factuel. Les questions dans un guide d’entrevue semi-dirigée sont déjà formulées, mais les réponses à ces mêmes questions sont ouvertes; elles peuvent prendre de l’ampleur selon la volonté du chercheur et de la personne interviewée et peuvent être davantage explorées. (Schensul et al. 1999 : 149, ma traduction)

Voilà donc tout l’intérêt d’opter pour des entrevues semi-dirigées, c'est-à-dire d’avoir un plan d’entrevue ainsi que des questions préparées pour être certaine de traiter de l’ensemble des points souhaités, tout en laissant une grande liberté aux participants dans leurs réponses. L’avantage de l’entrevue semi-dirigée se situe également dans la possibilité de suivre le même plan pour plusieurs entretiens. Les annexes 2 et 3 contiennent le schéma d’entrevue ainsi que les outils de collecte qui ont été développés à cette fin. Toutefois, dans la perspective d’une recherche itérative, les questions ont été légèrement modifiées en cours de réalisation du terrain pour mieux coller au vocabulaire des personnes rencontrées.

Les entrevues se sont déroulées en laissant le choix aux femmes du moment et du lieu, en fonction de leurs horaires puisque la grande majorité des femmes avait des enfants d’âge préscolaire. La plus grande partie des entrevues ont eu lieu au domicile des femmes; ce choix, bien pratique pour elles, car elles n’avaient pas besoin de se déplacer, me permettait aussi de voir leur réalité quotidienne. Un seul entretien s’est déroulé dans un lieu public, un café du quartier, et deux autres ont été organisés dans un lieu neutre, à savoir un local de réunion à l’Université Laval. Les entrevues formelles ont duré entre 45 et 120 minutes, la durée moyenne se situant autour de 90 minutes. Un seul entretien s’est déroulé en deux séances, par manque de temps de la participante.

Lors de mes entrevues, j’avais planifié à l’origine l’utilisation d’un tableau (voir annexe 3) pour structurer nos discussions sur les réseaux sociaux de mes interlocutrices. Au départ, j’espérais arriver à le remplir en discutant avec les femmes sur ce thème, mais cela semblait difficile. Ainsi, sans le remplir formellement (en écrivant dans les cases), j’ai ensuite tenté de le faire verbalement, en me servant du tableau comme d’un guide. Néanmoins, l’approche semblait difficile; j’ai senti que cela ajoutait de la formalité à notre discussion (enregistrée). Je crois que, en partie du moins, la quantité limitée de liens sociaux qui avaient été développés par les femmes immigrantes au moment des entrevues peut en avoir gêné quelques-unes dans cette tâche. Certaines n’étaient pas à l’aise ou embarrassées de verbaliser les contacts limités qu’elles avaient développés au Québec.

Ainsi, les techniques d’enquêtes utilisées dans cette recherche ont été relativement diversifiées (observation participante, entretiens informels et semi-dirigés et recherche documentaire), tout en étant cohérentes avec

celles habituellement employées dans une collecte de données réalisée sur un terrain de recherche tel qu’effectué en anthropologie.

1.4.5.3 Échantillonnage et recrutement

Au départ, je souhaitais me référer à une procédure d’échantillonnage par contraste. Comme le présente Pires, « le but de l’échantillon par contraste avec entrevues est d’ouvrir les voies à la comparaison (externe) ou à une sorte de " totalité hétérogène ". On entreprend ici la construction d’une mosaïque ou d’une maquette par l’entremise d’un nombre diversifié de cas » (Pires 1997 : 157). L’objectif avec ce type d’échantillonnage, n’était « donc pas de viser une représentativité numérique dans l’échantillon […], mais tout simplement d’avoir un ou deux exemples par groupe » (Pires 1997 : 158). À titre de dénominateurs communs, car il faut aussi des ancrages, j’avais ciblé le genre des répondantes (l’entrevue semi-dirigée exploratoire réalisée avec un homme n’a pas été retenue) et évidemment leur quartier de résidence. Le hasard a fait que les premières femmes rencontrées étaient du même statut d’immigration (économique, elles étaient des travailleuses qualifiées) pour la plupart, j’ai donc décidé d’aller de l’avant dans cette même veine. Aussi, coïncidence peut-être, la majorité d’entre elles vivaient au Québec depuis environ deux ans. Les éléments différenciés se situaient au niveau du pays d’origine, de la maîtrise du français et de leurs occupations (en francisation, aux études, emploi de subsistance, à la maison). Ainsi, en tout, j’ai retenu et analysé les douze entrevues semi-dirigées que j’ai réalisées avec des femmes immigrantes résidant dans un quartier spécifique de la Ville de Québec.

Le principe de saturation fait habituellement référence à une trentaine d’entrevues. Cependant, à la fin de mes douze entrevues, j’ai constaté que les réponses des femmes interrogées se rejoignaient.

La saturation est moins un critère de constitution de l’échantillon qu’un critère d’évaluation méthodologique de celui-ci. Elle remplit deux fonctions capitales : d’un point de vue

opérationnel, elle indique à quel moment le chercheur doit arrêter la collecte des données, lui

évitant ainsi un gaspillage inutile de preuves, de temps et d’argent; d’un point de vue méthodologique, elle permet de généraliser à l’ensemble de l’univers de travail (population) auquel le groupe analysé appartient (généralisation empirico-analytique). (Pires 1997 : 157, emphases originales)

Je crois que dans le contexte particulier du quartier, les données amassées sont représentatives de l’ensemble des propos du groupe ciblé. La paroisse et ses alentours représentaient un petit milieu. Cette spécificité dans l’espace et dans le temps, puisque la réalisation des entrevues s’est échelonnée entre l’été 2010 et le printemps 2011, apporte donc une qualité distinctive de cette recherche : elle permet de comprendre et d’analyser un instantané, une photo de la réalité de ces femmes à une période précise. Bien que mon analyse se soit efforcée de bâtir des ponts entre leurs réalités et les recherches antérieures d’autres chercheurs, il est convenu que mes résultats seront spécifiques à ces paramètres.

Le recrutement a été ardu, car les femmes rencontrées lors des activités étaient souvent les mêmes. Au hasard des rencontres lors d’activités de l’organisme-contact ou d’autres activités communautaires, j’ai approché directement des femmes que je sentais réceptives dans un premier temps. Les entrevues qui ont été menées auprès des femmes que je connaissais étaient un peu plus faciles puisque j’étais déjà au fait de leur contexte général de vie et pouvais plus rapidement faire des liens entre mes questions et leurs réalités.

Ensuite, après quelques entrevues réalisées, il devenait plus difficile de rencontrer de nouvelles personnes. Un message général a été envoyé aux contacts de l’organisme qui était mon interlocuteur privilégié afin de faciliter mon recrutement de nouvelles informatrices. C’est grâce à ce moyen que j’ai obtenu un contact dans le « réseau » brésilien, ce qui m’a permis de réaliser des entretiens avec des femmes de cette origine. J’ai donc eu recours à la méthode boule de neige pour le recrutement d’autres participantes, en complément de la rencontre préliminaire d’immigrants par le biais de l’organisme.