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Chapitre 2 : L’immigration au Québec : politiques, structures et informations

2.2 Perceptions et incompréhensions : les filtres de l’information « là-bas » et « ici »

2.2.2 Ici : une méconnaissance des immigrants

Des commentaires désobligeants envers les immigrants s’avèrent malheureusement monnaie courante dans de nombreux milieux; il suffit d’écouter un vox-pop sur un évènement qui fait mention « d’accommodements raisonnables » ou de lire les commentaires des lecteurs sur les sites de journaux en ligne pour relever des commentaires comme « Juste des voleurs de job », « Des étrangers », ou encore « T’es tellement chanceux

d’avoir été accueilli ici! Si t’es pas content, t’as juste à retourner dans ton pays ». Souvent, l’incompréhension,

par la lunette des médias, donc de façon indirecte, cela peut amener certains biais. À travers le propos des gens rencontrés lors de cette recherche, j’ai constaté que certains des contacts que ceux-ci ont eus avec des Québécois s’avéraient parfois teintés d’une certaine incompréhension des raisons qui avaient mené ces personnes à la migration. Aussi, de mon propre côté, j’ai constaté que les médias peuvent parfois faire des erreurs grossières, comme confondre la catégorie « réfugiés » avec l’ensemble des immigrants qui s’installent dans la Ville de Québec. Ces exemples sont peut-être des cas de figures, mais lorsqu’ils s’additionnent, ils dénotent un manque d’accès (ou d’intérêt) envers de l’information de qualité en ce qui concerne les personnes immigrantes.

2.2.2.1 Des perceptions biaisées par les images véhiculées par les médias

Qui n’a pas vu à la télé, un dimanche matin, une info-publicité de Vision Mondiale qui présente de jeunes enfants africains dont les parents biologiques sont décédés, qui vivent dans des maisons aux murs construits en boue en compagnie de leur grand-mère presque aveugle, qui doivent marcher dix kilomètres par jour pour aller chercher de l’eau et qui ramassent des miettes pour survivre? Bien sûr, l’objectif ici n’est pas de minimiser les difficultés de la réalité quotidienne de milliers (voir de millions) de personnes qui vivent dans des conditions extrêmes sur le globe. Plutôt, c’est que cette image, quelque peu misérabiliste pour attirer les dons des familles, est très présente dans l’imaginaire collectif et que, pour certaines personnes, il s’agit de la réalité de tous les immigrants qui se retrouvent au Québec ou au Canada.

Une interlocutrice qui provient d’une très grosse ville d’Amérique du Sud m’a indiqué qu’on lui avait déjà demandé s’il existait des feux de circulations d’où elle venait, et si elle bénéficiait de l’eau courante à la maison. Des jeunes femmes africaines m’ont aussi indiqué que des gens rencontrés ici faisaient souvent allusion à leur passé, imaginé via les représentations offertes, notamment, par Vision Mondiale. Cette manière d’aborder l’immigrant laisse supposer que plusieurs membres de la société d’accueil ignorent que le Québec sélectionne majoritairement des individus possédant des formations universitaires.

À la suite des événements du 11 septembre 2001, des images de femmes musulmanes portant le voile ont envahi les écrans de télévision, sans parler des associations généralistes qui liait le fait d’être musulman au terrorisme. Les images véhiculées dans les médias laissent transparaître une uniformité (ex : les femmes musulmanes portent toutes le hijab) qui n’existe pas dans la réalité.

La médiatisation des manifestations populaires, voire des révolutions, qui se sont produites notamment en Tunisie et en Égypte, surnommées « Printemps arabe » auront possiblement influencé les perceptions générales de la société québécoise envers les personnes « identifiées » comme musulmanes. Les effets

s’avèrent cependant difficiles à cerner, d’autant plus que les entrevues menées auprès des femmes de confession musulmane ont été réalisées avant cette période.

2.2.2.2 Erreurs dans journaux

Alors qu’on pourrait croire que les journalistes disposent de meilleures sources d’information que la population en général, certaines erreurs peuvent se glisser dans les quotidiens. Ce fût le cas dans un dossier présenté dans Le Soleil en octobre 2011 (Fournier 2011, la capture d’écran est disponible en annexe 4). Dans le cadre de cet article, le journaliste a présenté de manière erronée les différences entre réfugiés et immigrants. Ainsi, si on en croit l’auteur de l’article, la Ville de Québec aurait accueilli en 2010 près de 500 immigrants, tous réfugiés, et principalement en provenance du Bhoutan. Voici d’autres statistiques permettant de démontrer la bévue de l’auteur :

- Pour l’année 2010, la province de Québec a accueilli plus de 53 000 nouveaux arrivants et plus de 2 500 d’entre eux prévoyaient s’installer dans la région de la Capitale Nationale (dont la principale ville d’attraction et d’installation est Québec) (Direction de la recherche et de l’analyse prospective 2011a :7 et 2012b : 9).

- De plus, si on regarde les chiffres concernant les « immigrants admis au Québec de 2001 à 2010 et résidant dans la région administrative de la Capitale-Nationale en janvier 2012 », on constate que près de 14 500 d’entres eux étaient installés à Québec (unité de référence : municipalité régionale de comté de résidence). Sur la même période, la région de la Capitale Nationale comptait 8 890 immigrants de la catégorie économique et 3 422 réfugiés installés (Direction de la recherche et de l’analyse prospective 2013 :16-17). Si on divise ces nombres en tenant compte des différentes vagues d’immigrations annuelles, car il s’agit des nouveaux arrivants entre les années 2001 et 2010, donc sur une plage de 10 ans, cela veut dire qu’en moyenne 1450 personnes (dont environ 890 immigrants économiques et 340 réfugiés) se sont installées à Québec et y sont restées (ce nombre exclus les gens qui, en 2012 ou avant, auraient quitté la région pour s’établir ailleurs).

- Ainsi, en comparant les 2 500 nouveaux arrivants de l’année 2010 qui voulaient s’installer dans la région et les quelques 1450 personnes (approximativement) qui s’y sont installés, il est facile d’avancer que Fournier (2011) était loin du compte. De plus, où se trouvent les Français, les Colombiens et les Marocains, notamment, qui étaient les plus nombreux dans les arrivées entre 2001 et 2010 dans la région de la Capitale Nationale (Direction de la recherche et de l’analyse prospective 2013 :17)?

Évidemment, compte tenu des différentes approximations dont je dois user pour démontrer le caractère inexact de la proposition du journaliste, cela démontre la difficulté d’obtenir des chiffres très précis lorsqu’il est

question de l’installation des personnes immigrantes. Cependant, ce type de bévue démontre que l’auteur avait rapidement assimilé la catégorie « réfugié » à l’ensemble des personnes qui immigrent au Québec. Bien qu’il puisse s’agir d’une erreur d’inattention, ce type de maladresse contribue à fausser les perceptions des Québécois en général. Les généralisations à outrance (immigrants = les images qu’on voit à la télévision de femmes portant le voile intégral ou de Vision Mondiale) augmentent le fossé d’incompréhension entre les membres de la société d’accueil et les nouveaux arrivants et ne facilite probablement pas le processus d’intégration dont il est question dans ce mémoire.

2.3 Les initiatives de la Ville de Québec en matière d’intégration