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Parcours et voix de femmes : intégration et réseaux sociaux chez des immigrantes à Québec

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Academic year: 2021

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Parcours et voix de femmes : Intégration et réseaux

sociaux chez des immigrantes récentes à Québec

Mémoire

Catherine Côté-Giguère

Maîtrise en anthropologie

Maître ès arts (M.A.)

Québec, Canada

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Résumé

Ce mémoire porte sur le processus d’intégration vécu par des immigrantes récentes résidant à Québec. Il leur donne la parole afin qu’elles définissent, à partir de leur expérience personnelle, ce qu'est, pour elles, l'intégration. Le mémoire examine également la place qu'occupent les réseaux sociaux dans le quotidien de ces femmes, ainsi que l'importance qu'elles leur accordent. Il ressort que le développement de réseaux sociaux constitue, pour elles, une stratégie d’intégration. Paradoxalement, leurs réseaux familiaux, s'ils constituent une source importante de soutien, sont aussi une source de contraintes qui les ralentissent parfois dans l'atteinte de leurs objectifs.

Le mémoire montre que même si les femmes rencontrées ont une situation en apparence avantageuse (immigration économique, scolarisation élevée, famille sur place), deux ans après leur installation à Québec, il leur reste encore beaucoup à faire pour atteindre leurs objectifs d'intégration, et l'isolement représente une menace encore bien présente pour plusieurs d'entre elles.

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Abstract

This thesis analyzes the integration process of recent immigrant women living in Quebec City. It allows these women to define integration in their own terms, based on their personal perspectives. Furthermore, this research emphasizes the importance of social networks for these women in everyday life. For them, it appears that building social network constitutes a strategy towards integration. Paradoxically, even if they constitute a great source of support, their family networks sometimes restrain them in the achievement of their goals. In spite of having what seemed to be an advantageous situation upon their arrival in Quebec (family, economic category, highly educated), many of these women after two years in Quebec were still having a lot to go through to reach their own integration goals. Several of them were still facing the menace of isolation.

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Table des matières

Résumé ... iii

Abstract ... v

Table des matières ... vii

Liste des tableaux ... xi

Liste des figures ... xiii

Remerciements ... xvii

Introduction ... 1

Chapitre 1 : S’intéresser aux réseaux sociaux et à l’intégration des immigrants au Québec : problématique et méthodologie de recherche ... 5

Introduction ... 5

1.1 Les réseaux sociaux et l’intégration des immigrants : recension des écrits ... 6

1.1.1 Pionniers et contemporains, les différentes perspectives des sciences sociales sur les réseaux sociaux et leur rôle dans l’intégration des immigrants ... 7

1.1.2 Réseaux sociaux et immigration au Québec (anthropologie et autres sciences sociales) ... 12

1.1.3 Zones grises et question de recherche préliminaire ... 15

1.2 Principaux concepts ... 15 1.2.1 Immigrants ... 16 1.2.2 Intégration ... 17 1.2.3 Stratégies d’intégration ... 21 1.2.4 Réseaux sociaux ... 24 1.3 Question de recherche ... 28

1.4 Orientations méthodologiques de la recherche ... 29

1.4.1 Axes méthodologiques ... 29

1.4.2 Stratégies de recherche ... 32

1.4.3 La Ville de Québec comme lieu de l’étude ... 34

1.4.4 Considérations éthiques ... 34

1.4.5 Collecte de données ... 35

1.4.6 Méthodes d’analyse de données ... 40

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Chapitre 2 : L’immigration au Québec : politiques, structures et informations ... 43

Introduction ... 43

2.1 Le contexte du Québec par rapport à l’immigration ... 44

2.1.1 Les procédures d’immigration au Québec ... 44

2.1.2 Statistiques de l’immigration ... 50

2.1.3 Les structures d’accueil ... 52

2.2 Perceptions et incompréhensions : les filtres de l’information « là-bas » et « ici » ... 61

2.2.1 Là-bas : le recrutement à l’étranger, promesses et attentes ... 61

2.2.2 Ici : une méconnaissance des immigrants ... 64

2.3 Les initiatives de la Ville de Québec en matière d’intégration des immigrants ... 67

2.3.1 Politique municipale ... 67

2.3.2 Initiatives liées à la Ville de Québec ... 68

Conclusion ... 70

Chapitre 3 : Conceptions empiriques de l’intégration : au cœur du vécu des femmes immigrantes ... 73

Introduction ... 73

3.1 Pour mieux comprendre le processus d’intégration : regards sur la réalité quotidienne des nouvelles arrivantes ... 74

3.1.1 Ces femmes qui ont décidé de migrer et de s’installer dans la ville de Québec ... 74

3.1.2 Portraits fictifs ... 75

3.1.3 Les difficultés des ménages nouvellement installés ... 78

3.2 Douze femmes, douze conceptions empiriques de l’intégration, une multiplicité d’éléments constitutifs84 3.2.1 Les sphères d’intégration ... 84

3.2.2 Sphère culturelle ... 90 3.2.3 Sphère économique ... 98 3.2.4 Sphère sociale ... 101 3.2.5 Sphère politique ... 106 3.2.6 Sphère synergique ... 108 3.2.7 Sphère socio-culturelle ... 111 Conclusion ... 113

Chapitre 4 : Les stratégies d’intégration : réseaux sociaux et autres avenues, les femmes immigrantes en tant qu’agentes de leur intégration ... 115

Introduction ... 115

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4.1.1 L’importance du conjoint et de la famille (nucléaire et élargie) ... 118

4.1.2 Développer de nouveaux liens d’amitié dans la société d’accueil, plus facile à dire qu’à faire ... 120

4.1.3 Le maintien des liens transnationaux ... 124

4.2 Les réseaux sociaux comme appui informatif : chercher, apprendre et rendre ... 127

4.2.1 Découvrir une personne-ressource dans son nouveau milieu, une aide précieuse ... 127

4.2.2 Le retour du balancier : les femmes immigrantes comme source d’information ... 129

4.3 Les stratégies d’intégration : y a-t-il d’autres possibilités que les réseaux sociaux? ... 130

4.3.1 Développer un sentiment d’appartenance par l’implication sociale ... 131

4.3.2 Les études comme mode d’intégration sociale ... 134

4.3.3 La mobilité secondaire : changer (à nouveau) de milieu de vie ... 135

4.4 Les réseaux sociaux : moyens ou fins de l’intégration? ... 138

Propositions d’autres auteurs ... 139

Positionnement des femmes de cette recherche ... 141

Conclusion ... 142

Conclusion générale ... 145

Bibliographie ... 151

Annexes ... 161

Annexe 1 – Grille d’observation ... 161

Annexe 2 – Schéma d’entrevue ... 162

Annexe 3 – Tableaux des réseaux utilisés en entrevues ... 166

Annexe 4 – Capture d’écran de l’article de Fournier (2011) ... 167

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Liste des tableaux

Tableau 1 – La catégorie d’immigration économique ... 46

Tableau 2 – La catégorie des réfugiés ... 47

Tableau 3 – Exemple des items liés à l’immigration d’un travailleur qualifié et de sa famille ... 49

Tableau 4 – Les organismes reconnus par le MICC dans la région de la Capitale Nationale (2011) ... 54

Tableau 5 – Synthèse des éléments constitutifs de l’intégration, en fonction des sphères ... 88

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Liste des figures

Figure 1 – Répartition des bureaux de recrutement du MICC hors-Québec ... 62 Figure 2 – Le processus d’intégration des femmes de mon échantillon à travers les différentes sphères ... 86 Figure 3 – Les sphères de l’intégration, selon les éléments constitutifs mentionnés par les femmes ... 87

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À mes familles

et pour toutes les autres

qui surmontent les épreuves. Ensemble.

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Remerciements

La réalisation de ce projet a été possible grâce à l’appui de nombreuses personnes.

Je souhaite tout d’abord à remercier Manon Boulianne, ma directrice de maîtrise, qui a avancé dans cette longue aventure avec moi. Merci Manon pour ton support constant, ta disponibilité et tes conseils.

Je tiens ensuite à remercier mes parents et ma famille qui m’ont soutenue tout au long de mon projet d’étude. Merci aussi de m’avoir transmis des valeurs d’ouverture, d’écoute et de respect.

Au fil des années, différents milieux m’ont accompagnée à travers la préparation de ma recherche, la réalisation de mon terrain ainsi que la rédaction de mon mémoire. Je pense tout particulièrement au bureau avec les CatherineS, Andréanne, Vincent, Maude et Philippe qui m’ont motivée, à mon « organisme-contact » et Claudie qui m’ont ouvert les portes du quartier, ainsi qu’au Centre d’action bénévole de Québec (CABQ) et à Caroline qui m’ont fait confiance. Merci.

C’est grâce aux femmes qui ont accepté de participer à ma recherche que j’ai pu réaliser ce mémoire. Je tiens à remercier toutes les personnes immigrantes que j’ai rencontrées dans le quartier où j’ai mené ma recherche, nos discussions m’ont ouvert une fenêtre sur vos réalités quotidiennes. J’ai un immense respect pour la force et le courage que vous démontrez, jour après jour, pour assurer le bien-être de votre famille et pour atteindre vos aspirations.

Finalement, un merci très spécial à Ian, qui fût une source d’appui et de motivation constante pour mener à bien ce projet. Ta patience et ton calme m’ont aidée à être plus sereine, et ta confiance m’est précieuse.

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Introduction

Quelques années avant d’entamer ce mémoire, j’ai eu la chance de croiser sur ma route différentes personnes ayant des histoires de vie sommes toutes variées, mais toutes liées à un parcours migratoire. Les chauffeurs de taxi que je servais lorsque je travaillais dans un café et qui me racontaient parfois, quelques bribes à la fois, leur quotidien, mais aussi leur passé, me laissaient pensive. Puis, il y eut ces déplacements occasionnels en voiture partagée, entre Montréal et Québec, pendant lesquels j’avais l’occasion de discuter pendant quelques heures avec chauffeurs et passagers, au gré des rencontres.

Plusieurs des personnes immigrantes que j’ai ainsi côtoyées partageaient une certaine désillusion par rapport à leur accès au marché du travail québécois. Nombreux sont les cas de médecins, d’ingénieurs, d’avocats qui souhaitaient immigrer pour des raisons de sécurité, ou pour offrir un avenir différent à leurs enfants, et qui se retrouvaient à cumuler les petits boulots. Il y avait aussi des hommes et des femmes qui avaient dû rapidement quitter leur pays et qui se retrouvaient, quelque peu par hasard, parachutés à Québec. Tous semblaient travailler tellement fort pour s’approprier le français. Derrière l’amertume face aux obstacles se trouvait presque toujours l’envie de continuer, d’avancer parce qu’on souhaite croire que ça ira mieux plus tard. Il y avait aussi, parfois, chez les non-immigrants, des exclamations, des expressions qui me faisaient réfléchir. « Ils ont juste à s’intégrer! Pis s’ils ne sont pas contents, ils ont juste à retourner chez eux! »

J’étais consciente des difficultés, de la lourdeur des procédures que les personnes immigrantes pouvaient rencontrer lorsqu’elles souhaitaient faire reconnaître leurs diplômes, leurs expériences antérieures de travail, leurs compétences, mais je ne croyais pas arriver à faire bouger cette bureaucratie du jour au lendemain. Lors de lectures exploratoires, j’ai commencé à me questionner sur l’intégration : Qu’est-ce que c’est? Comment les auteurs définissent-ils ce terme? Comment les gens la vivent-elle? S’agit-il d’une de leurs préoccupations ou simplement une perspective imposée par un regard extérieur? Comment fait-on pour s’intégrer?

En fait, je trouvais irritant que certains auteurs semblaient éluder la question : ils traitaient d’intégration sans jamais véritablement définir le concept, ou encore, ils parlaient de personnes intégrées vs non intégrées ou intégrables vs non intégrables. Est-ce vraiment tout blanc ou tout noir? Qui détermine le moment ou le point à partir duquel quelqu’un est intégré? S’agit-il seulement de cocher les cases des éléments obtenus (logement, français, amis, emploi ou citoyenneté) sur une ligne du temps? Ces questionnements m’ont donc poussée à en savoir plus sur l’intégration des immigrants : comment, eux-mêmes, vivent-ils cette « fameuse » intégration?

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À travers mon mémoire, je souhaitais trouver réponse à cette grande interrogation. J’ai décidé de donner la parole à des personnes immigrantes pour mieux comprendre leur quotidien, pour cerner davantage comment l’intégration se retrouve dans leurs réalités. J’ai véritablement voulu faire sortir leurs voix de l’ombre, en recherchant les éléments qui, pour eux (ou plutôt pour elles, en l’occurrence), sont primordiaux dans leurs perspectives d’intégration à la société québécoise. J’ai donc procédé à une analyse approfondie, systématique et exhaustive des propos amassés auprès de douze femmes.1

J’ai aussi cherché à savoir quels étaient les impacts et l’influence de la famille, des amis et des connaissances dans ce processus d’intégration. À différents niveaux, de façon quotidienne, nous faisons tous appel à nos réseaux, que ce soit pour du réconfort, de l’information sur les évènements à venir, de l’aide à la recherche d’un nouvel appartement ou d’un travail. Mais qu’en est-il des personnes immigrantes? Dans ma propre perspective, plus on vieillit ou lorsqu’on change de milieu, plus il est difficile de (re)créer de nouveaux liens. Comment les nouveaux arrivants composent-ils avec cette réalité? Sont-ils en mesure de créer des liens? Avec qui?

En fait, en effleurant le concept d’intégration, je concevais qu’il était possible que chaque personne mette de l’avant une priorité différente, l’emploi ou les amis par exemple. Ainsi, je me suis demandé comment s’opérationnalisaient ces priorités et quel était le rôle réservé aux réseaux sociaux dans le processus d’intégration : étaient-ils une fin (l’objectif ultime d’une intégration réussie serait d’arriver à développer de nouveaux réseaux sociaux dans la société d’accueil) ou un moyen de l’intégration (une façon, un outil, un tremplin pour atteindre les objectifs d’intégration qui ont été fixés), ou quelque chose entre les deux?

Conséquemment, j’ai choisi de me pencher sur les conceptions de l’intégration se révélant dans les propos des personnes immigrantes interrogées dans le cadre de ma recherche, ainsi que les caractéristiques et la place consciemment accordée aux réseaux sociaux dans leurs projets de vie, afin d’examiner, sur une base empirique, les relations liant réseaux sociaux et processus d’intégration.

Mon mémoire est structuré en quatre chapitres. Le premier chapitre, contenant le cadre théorique et la méthodologie de la recherche, permet de situer la problématique abordée par rapport aux travaux déjà réalisés sur les mêmes thématiques des réseaux sociaux et de l’intégration des immigrants. Il permet aussi de présenter le vocabulaire qui a été choisi à travers quatre concepts principaux : immigrants, intégration,

1 Malgré le choix terminologique posé dans le titre de ce mémoire (« immigrantes récentes »), l’une des douze

participantes est installée au Québec depuis plus de 10 ans. Cette informatrice a été conservée dans mon échantillon car le recrutement s’avérait difficile et qu’il était intéressant d’avoir un cas qui contraste avec les autres au niveau de l’analyse.

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stratégies et réseaux sociaux. Ce premier chapitre explicite la question de recherche qui a été retenue, ainsi que l’ensemble des approches méthodologiques appliquées lors de la collecte et de l’analyse des données. Le deuxième chapitre permet de situer la grande thématique de l’immigration dans le contexte québécois. Celui-ci aborde le volet technique, voire théorique, de la migration et de l’intégration, par les structures, les politiques et les procédures. Il contient aussi un volet plus empirique, par rapport aux perceptions des immigrants (promesses, embûches, limites) face à l’information qu’ils reçoivent dans ce processus d’immigration, de même sur l’apparence d’une certaine méconnaissance des membres de la société d’accueil envers ces nouveaux arrivants. Le troisième chapitre permet d’accéder à la réalité des personnes immigrantes rencontrées lors de cette recherche, à savoir douze femmes résidant dans un quartier spécifique de la Ville de Québec2. Son point central est évidemment les définitions de l’intégration fournies par les participantes, mais il fait aussi une incursion dans le quotidien des informatrices et les difficultés qu’elles y rencontrent. Le quatrième chapitre couvre la thématique des réseaux sociaux, toujours dans la perspective de ces douze participantes. Il permet d’explorer, malgré leur étendue limitée, comment les réseaux familiaux, aussi bien locaux que transnationaux, de même que les contacts-clés des immigrantes récentes que j’ai rencontrées, leur apportent généralement d’importants supports émotionnel et informatif. À l’occasion, cependant, ils contribuent aussi, indirectement, à les maintenir dans un isolement relatif par rapport à la société d’accueil. La conclusion du quatrième chapitre permet de réunir les deux aspects traités dans ce mémoire, à savoir les définitions de l’intégration et l’importance des réseaux sociaux pour les femmes interrogées afin de démontrer que les réseaux sociaux sont davantage considérés comme un moyen d’atteindre l’immigration, qu’une fin en eux-mêmes. Finalement, la conclusion du mémoire rappelle les éléments importants qui ont émergé des propos des immigrantes rencontrées, pour ensuite terminer avec différentes propositions, se basant sur mes constats, pour alimenter les réflexions dans les études ultérieures sur l’intégration des immigrants.

2 Ayant le souci d’assurer au mieux l’anonymat des femmes ayant participé à cette recherche, le nom du quartier observé

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Chapitre 1 :

S’intéresser aux réseaux sociaux et à l’intégration

des immigrants au Québec : problématique et

méthodologie de recherche

Introduction

Ce premier chapitre a comme objectif de poser les bases théoriques et méthodologiques de cette recherche qui s’intéresse au processus d’intégration des personnes immigrantes au Québec. Afin de se positionner sur ce sujet, il est important de faire, dans un premier temps, un tour d’horizon des auteurs qui se sont penchés sur le rôle des réseaux sociaux dans la réinstallation des personnes et des familles, à la suite d’une migration, ainsi que sur ce même processus d’intégration. Cette démarche est nécessaire pour mieux comprendre où se situent les connaissances actuelles sur ce thème en anthropologie sociale et culturelle, de même que dans les sciences sociales en général. Ce faisant, cela permettra d’éclaircir davantage les perspectives de cette recherche ainsi que les raisons qui ont motivé cet intérêt de se tourner vers l’empirie pour comprendre comment le processus d’intégration était vécu au quotidien par les immigrants.

Tout au cours de ce chapitre, j’exposerai l’évolution de la question centrale qui sous-tend ce mémoire; elle s’enrichira et se précisera au fur et à mesure, tout comme ce fut le cas lors de son développement initial. Ainsi, dans un deuxième temps, je me pencherai davantage sur les concepts qui ont guidé l’élaboration de ce projet, afin d’expliciter davantage son positionnement par rapport à l’intégration. Dans un troisième temps, faisant suite à l’enrichissement du lexique et à une formulation finale de la question de recherche, les orientations méthodologiques ainsi que le processus de la recherche-terrain seront exposés.

À travers ces propos théoriques et méthodologiques se dessinera la perspective qui a guidé l’entièreté de cette recherche. Cette première étape permettra d’établir les fondations pour l’exploration des thématiques d’immigration et d’intégration à travers les politiques et les structures en place, dans le contexte de la province de Québec, et puis à l’échelle de la Ville de Québec elle-même, qui seront abordées dans le chapitre 2.

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1.1 Les réseaux sociaux et l’intégration des immigrants :

recension des écrits

La question de l’intégration des personnes immigrantes semble prendre de l’importance, principalement à la lumière des différents évènements médiatisés dans l’actualité des dernières années (notamment les « accommodements raisonnables » au Québec ainsi que les problèmes de reconnaissance des diplômes et qualifications). Certaines structures, qui incluent, notamment, des organismes communautaires, sont mises en place pour faciliter le processus d’installation des nouveaux arrivants. Malgré tout, le processus d’intégration n’est pas simple, facile et linéaire; il y a de nombreuses difficultés à surmonter sur le chemin de l’intégration. Mais qu’attend-on des immigrants? Comment cette intégration est-elle vécue? Et d’abord, qu’est-ce que l’intégration, et peut-on la mesurer objectivement? Quelles sont les dimensions à considérer?

Certains auteurs soulignent l’intérêt de l’approche par les réseaux sociaux pour aborder l’intégration, en soutenant que

[i]l est maintenant possible d’analyser les réseaux sociaux des répondants et la mobilisation de certains types de ressources personnelles (informations, savoir-faire, soutien, etc.). Ces ressources fonctionnent comme des outils de facilitation de l’intégration des immigrants sur le plan de l’emploi ou de la vie civique. Les réseaux sociaux affectent l’intégration des immigrants de différentes façons. […] L’étude du réseau social permet d’explorer d’autres aspects du processus d’intégration des immigrants. En fait, ce processus est habituellement examiné sur la base d’indicateurs économiques et de capital humain plutôt que sur celle du réseau social. (Renaud et al. 2001a : 151)

Ainsi, selon Renaud et ses collaborateurs, les réseaux sociaux sembleraient permettre un angle différent pour aborder l’intégration des immigrants, une alternative à une approche axée exclusivement sur ses dimensions économiques.

S’inspirant directement de cette suggestion, l’originalité de la démarche de recherche qui se dessine ici est d’aborder l’intégration des immigrants par l’entremise des réseaux sociaux plutôt que par l’emploi, thématique plus fréquente compte tenu de l’importance économique qui est accordée à l’immigration au Québec.3 Mais jusqu’à quel point les réseaux sociaux sont-ils significatifs dans l’intégration des immigrants? Évidemment, différents auteurs abordent la présence des réseaux sociaux dans l’intégration, la plupart du temps comme un aspect parmi tant d’autres, sans leur accorder une attention particulière. Même dans l’ouvrage d’où provient la citation de départ, les auteurs ont davantage consacré d’espace à l’emploi (les 35 pages du chapitre 5)

3 À ce sujet, il est possible de relever par exemple les nombreux rapports produits par Statistiques Canada sur le statut

économique des immigrants. En effet, comme il en sera question plus loin, l’une des motivations gouvernementales à accueillir des immigrants est que ceux-ci pourront pourvoir des postes vacants (spécialisés ou non) et donc contribuer à la santé économique de la province.

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comparativement à 8 pages (chapitre 13) pour les réseaux sociaux au Québec; l’importance relative accordée à ce thème semble donc avoir été moindre (Renaud et al. 2001a).

1.1.1 Pionniers et contemporains, les différentes perspectives des sciences

sociales sur les réseaux sociaux et leur rôle dans l’intégration des immigrants

Tel que suggéré dans les propos de Renaud (et al.), la perspective des réseaux sociaux représente une avenue intéressante pour aborder l’intégration des immigrants en anthropologie, parce qu’elle permet de s’arrêter davantage aux dynamiques, aux processus et aux relations sociales qu’aux seules caractéristiques sociodémographiques des individus, pris isolément. Il ne s’agit pas d’un chemin totalement inexploré. Bien que mon intérêt se situe davantage au niveau des études québécoises qui ont pu porter un regard sur ces thématiques, je ferai aussi un bref tour d’horizon sur les auteurs marquants qui ont utilisé ce concept dans leurs écrits. Enfin, j’aborderai succinctement l’approche féministe par rapport à la migration et à l’intégration des femmes, qui, sans être au cœur de la proposition de départ de cette recherche, présente un certain intérêt par son emphase sur les rapports sociaux de sexes.

1.1.1.1 Pionniers des réseaux sociaux en anthropologie

Dans la discipline anthropologique, le concept des réseaux sociaux n’est pas récent : il a déjà été utilisé notamment par Mitchell (1969), Bott (1971) et Lomnitz (1977). Historiquement, l’étude des réseaux sociaux s’est présentée comme une alternative à l’approche structuro-fonctionnaliste, qui ne répondait pas à la réalité observée par les anthropologues qui commençaient à étudier des groupes en dehors des petites sociétés tribales isolées (Mitchell 1969 et 1974). Selon Mitchell, la mise en forme de ce concept revient à Barnes (1954), avec qui « the notion of the social network was raised from a metaphorical to a conceptual statement about social relationships in social situations. The metaphorical use of the idea of the social network emphasizes that the social links of individuals in any given society ramify through that society » (Mitchell 1974 : 280).

Dans le recueil « Social networks in urban situations » dirigé par Mitchell en 1969, différents auteurs étaient réunis pour y présenter des analyses des relations personnelles dans les villes d’Afrique Centrale (il s’agit en fait du sous-titre de l’ouvrage). Le premier chapitre, signé par Mitchell lui-même, avait comme objectif d’explorer le concept et l’utilité des réseaux sociaux. Dans ce tour d’horizon, l’auteur soulève que :

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Philip Mayer (1961, 1962, 1964) and his colleague Pauw (1963), for example, specifically used the idea of social network to elucidate the behaviour of different types of migrants and of settled townsmen in the South African town of East London. They have concentrated on the important point made by Bott, that the behaviour of people who are members of a "close knit" group of friends is likely to be considerably influenced by the wishes and expectations of these friends a whole, while those whose acquaintances do not know one another may behave inconsistently for time to time without involving themselves in embarrassment. (Mitchell 1969 : 6)

Ainsi, il s’agit d’une application différente du concept que ne l’avaient fait Barnes (1954) et Bott (1971) dans leurs études portant sur la vie urbaine. Barnes (1954) avait utilisé le concept de réseau social afin d’expliquer le comportement social des paroissiens à Bremnes, ville située sur une île norvégienne. De son côté, Bott (1971, originalement 1957) s’était penchée sur les rôles conjugaux dans les familles londoniennes, comparant les caractéristiques morphologiques des réseaux des familles étudiées avec la répartition des rôles conjugaux dans ces mêmes familles (Mitchell 1969 : 5-6). L’application faite par Mayer et Pauw, bien que toujours dans un contexte urbain, s’intéressait à des mouvements migratoires internes (entre les villes et le milieu rural) influencés par la disponibilité du travail (Mayer 1962 : 576). Lomnitz (1977) s’est elle aussi penchée sur un contexte similaire à Mayer, ayant travaillé sur les quartiers populaires de Mexico, où une partie importante de la population était en fait des migrants venus du milieu rural. Les anthropologues comme Mayer (1962) et Lomnitz (1977) ont posé les jalons pour l’utilisation du concept des réseaux sociaux afin de le faire passer aux études sur la migration interne à la migration internationale.

1.1.1.2 Contemporains, réseaux sociaux et migration internationale

Brettell (2002) explique l’évolution de la discipline anthropologique à travers le changement de ses terrains de recherche, donnant naissance à l’anthropologie urbaine et à l’intérêt envers les migrations internationales.

The earliest anthropological research on migration was carried out in Latin America, Africa, and Southeast Asia, sites of traditional ethnographic research. In these locales anthropologists found that people were beginning to leave their villages and move to growing urban centers. As anthropologists followed these migrants into the city they were forced to develop new methods of research, resulting in the birth of “urban anthropology.” Eventually they turned their attention to international migration patterns, conducting field research among immigrant populations in Europe, the United States, and Australia. (Brettell 2002 : 278)

Par l’élargissement des thématiques de recherche, les anthropologues ont aussi modifié l’angle de leur regard sur les acteurs de ces phénomènes. « Both transnationalism and the study of social networks have shifted the unit of analysis from the individual migrant to the migrant household (Briody 1987). Households and social networks mediate the relationship between the individual and the world system and provide a more proactive understanding of the migrant » (Brettell 2008 :125). Brettell indique donc clairement l’importance des réseaux

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sociaux dans la migration et apporte aussi un accent sur le rôle de la maisonnée dans le rapport au monde de l’individu.

L’articulation de la migration et des réseaux sociaux a aussi été relevée par Alan Simmons (1987) qui, dans sa définition même de la migration, amène une suggestion novatrice selon Piché (2013), en y reconnaissant trois paramètres fondamentaux : le changement de résidence, le changement d’emploi et le changement de relations sociales (Piché 2013 : 154). Dans cette perspective, la construction et la mise en place de nouveaux réseaux sociaux dans la société d’accueil revêt une certaine importance dans « l’après » migration.

Relevant davantage d’un travail effectué dans une perspective démographique, Piché (2013) a entrepris de faire un tour d’horizon exhaustif des textes fondateurs des théories migratoires contemporaines, portant son regard sur la période de 1960 à 2000 et retenant vingt ouvrages incontournables. Dans ce même article, Piché (2013) expose l’importance des travaux de Stark et Bloom (1985), Boyd (1989) et de l’anthropologue Massey (1990) dans l’élaboration des théories marquantes des réseaux migratoires, c’est-à-dire des réseaux qui sont mobilisés dans le processus migratoire lui-même. Ainsi, parmi ces éléments, ce qui me semble très pertinent de mentionner est l’aspect des stratégies familiales, amené au départ par Stark et Bloom (1985),

qui souligne l’interdépendance mutuelle entre le migrant et sa famille et insiste sur la gestion et le partage des risques. La migration est alors analysée au niveau du ménage et revêt un caractère de sécurité sociale. Au-delà du capital humain si cher à la théorie néoclassique, il existe aussi le capital des réseaux et de la parenté (capital social). (Piché 2013 :160)

Boyd (1989) souligne aussi l’apport central de la famille en indiquant que « [l]es réseaux constituent ainsi des facteurs médiateurs entre les facteurs structurels (macro) et les acteurs (micro) » (Piché 2013 : 160-161). Il sera intéressant de voir de quelles façons la famille ainsi que les réseaux et stratégies qui s’y lient peuvent avoir une influence dans le processus d’intégration des personnes immigrantes interrogées dans le cadre de cette recherche.

1.1.1.3 L’approche féministe de la migration

Même s’il ne s’agissait pas de la perspective de départ de cette recherche, il s’est avéré, avec les réalités du terrain et du recrutement, que les personnes interrogées sont des femmes. Bien que cette maîtrise ne se situe pas dans la lignée des études féministes, les réseaux sociaux et les défis d’intégration liés à la migration constituent des sujets qui ont été abordés par ce champ d’études; c'est pourquoi je souhaite l'aborder brièvement ici.

Les études féministes s’intéressent notamment aux rapports sociaux de sexe, donc aux relations entre les hommes et les femmes. La migration est un moment de transitions pour les ménages, et cela peut

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évidemment moduler les rapports homme-femme à l’intérieur d’une famille, d’autant plus que les dynamiques familiales dites « de référence » peuvent varier d’une société à l’autre, entre le pays d’origine et la société d’accueil. En effet, certaines frictions à l’intérieur des couples et des familles, telles qu’abordées notamment dans le chapitre 3, témoignent de ces réajustements qui ne sont pas toujours faciles, et dans lesquels les rôles de la femme sont modulés.

Pour les femmes, l'immigration entraîne une coupure parfois radicale par rapport au monde des références habituelles qui peuvent être profondément modifiées et influer sur leur insertion sociale et professionnelle : les relations à autrui se transforment (redéfinition des rôles de chaque membre de la famille (Bertot et Jacob 1991), elles peuvent vivre des phases d'isolement, elles intègrent des statuts nouveaux et font face à la dévalorisation de statuts anciens (par exemple, le rôle de mère à la maison), elles subissent souvent une perte criante de capital social lorsqu’elles sont issues de sociétés plus traditionalistes (dont les sociétés africaines et plus précisément, musulmanes) tout en étant placées, lors de leur processus d'insertion sur le marché du travail et dans les lieux de recherche d’un emploi, devant un contact interculturel nouveau. (Cardu et Sanschagrin 2002 : 88)

Moujoud (2008) dénonce toutefois la vision binaire de certaines études entre la société d’origine et celle d’accueil :

La question des effets de la migration sur les femmes se présente fréquemment sous l’angle des changements que connaissent les migrantes (et non pas toutes les femmes) ou de leurs acquis dans la société d’immigration, par rapport à leur société d’origine. Souvent fondée sur la distinction entre deux types de sociétés, cette vision domine dans les travaux sur les migrantes. Elle est binaire et se caractérise parfois par un paradigme évolutionniste — qui en constitue la manifestation la plus criante. (Moujoud 2008 :7)

La question des modèles familiaux doit donc être abordée avec prudence, et par le biais de l'ethnographie. Par ailleurs, le regard des études sur les migrations ne s’est porté que tardivement sur les femmes. Morokvasic (2008) témoigne de l’invisibilité ou de l’absence des femmes dans l’étude des migrations, avant les travaux pionniers des féministes dans les années 1970 et 1980. « C’est pourtant le questionnement féministe qui sera progressivement le principal moteur de la visibilisation des femmes immigrées dans la recherche et les débats politiques » (Morokvasic 2008 : 15).

Il semble également que les recherches féministes au Québec aient été lentes à s’intéresser à l’intégration des femmes immigrantes, plus de vingt ans après avoir attiré l’attention ailleurs sur le continent, selon Maillé (2002). En fait, pour expliquer ce particularisme, il semble que « [d]eux éléments [soient] à considérer : la position du Québec comme société à la marge des autres sociétés capitalistes et coloniales ainsi que l’influence du féminisme français, relativement fermé aux débats qui ont émergé dans d’autres milieux féministes » (Maillé 2002 : 3). En fait, certaines auteures féministes insistent sur l’importance de la prise « en considération des expériences des femmes » (Maillé 2002 : 1) d’une part, et d’autre part de chercher à aller

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« [à] l’encontre du stéréotype de la femme recluse, isolée, qui se dégage de certains travaux sociologiques[…], la vie au quotidien des femmes immigrées, leur expérience migratoire, apparaît sous un autre jour lorsqu’elles prennent la parole elles-mêmes » (Morokvasic 2008 : 31).

Dans un article paru dans le périodique québécois Recherches féministes, « Les femmes et la migration : les représentations identitaires et les stratégies devant les obstacles à l’insertion socioprofessionnelle à Québec », Cardu et Sanschagrin (2002) entendent justement donner la parole à des femmes. Les principales limitations relevées dans les entrevues menées par les auteures par rapport à l’insertion socioprofessionnelle sont la perte de soutien, l’insertion sur le marché du travail qui vient après celles du mari et des enfants, la (maîtrise insuffisante de la) langue et la visibilité religieuse (Cardu et Sanschagrin 2002 : 106-109). Des obstacles comme la reconnaissance des acquis, le genre et la maternité sont aussi mentionnés, bien que les deux derniers éléments ne soient pas propres aux immigrantes (Cardu et Sanschagrin 2002 : 106).

Étant donné que dans ce mémoire je m’intéresse à l’aspect des réseaux sociaux, l’obstacle de la perte de soutien m’interpelle plus particulièrement.

[…] la perte de soutien de la famille dans la possibilité d’exercer une activité professionnelle se fait sentir de façon criante, en particulier parce que ce type de soutien assuré par la famille élargie et les réseaux d’entraide informel (les amis et amies, et la communauté) a été perdu lors de la migration. Les femmes arrivent donc en terre d’accueil dépouillées de cette forme d’entraide. Celle-ci existe à Québec par l’entremise des services de garde ou d’aide domestique, pour lesquels il y a des listes d’attente et des frais. Ainsi, la façon de pouvoir s’insérer sur le plan professionnel implique, pour ces femmes, d’établir des demandes auprès d’organismes institutionnels (garderie, service de garde des écoles) pour la prise en charge des enfants et, ce faisant, une redéfinition de son rôle comme éducatrice dans la famille : cette capacité à bénéficier des services aura un impact sur l’insertion professionnelle et donc économique des immigrantes. (Cardu et Sanschagrin 2002 : 106)

Les stratégies qui sont mises de l’avant relèvent alors de la recherche de soutien auprès des proches ou de « réseaux officieux de familles organisées en noyaux d’entraide », mais pour l’aspect professionnel, l’appui ne se situe qu’au niveau de « réseaux officiels d’aide » (Cardu et Sanschagrin 2002 : 111). Les auteures soulignent également le paradoxe de la famille dans le processus d’intégration :

Nous pouvons constater que la famille constitue un refuge pour ces femmes, un refuge qui pourtant se révèle parfois un piège étant donné que la famille entraîne souvent un retard dans l’insertion à la fois sociale (elles apprennent la langue de la société d’accueil plus tardivement) et professionnelle (elles cherchent un emploi plus tardivement et la progression de leur carrière en est d’autant ralentie, bien que cet élément ne soit pas propre à l’immigration). (Cardu et Sanschagrin 2002 116)

Ainsi, compte tenu de l’accent mis sur la famille, il se peut que l’intégration de certaines femmes immigrantes passe au second plan, après celle du mari et des enfants.

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1.1.2 Réseaux sociaux et immigration au Québec (anthropologie et autres

sciences sociales)

Il est maintenant évident que l’étude des réseaux sociaux n’est pas une nouveauté en anthropologie ni dans les autres sciences sociales. Au niveau du Québec, différents chercheurs dans ces champs d’études se sont penchés sur la question des réseaux sociaux chez les immigrants.

Présentant une revue de littérature qui examine la production d’études empiriques entre 1976 et 1994, en excluant cependant mémoires et thèses, Une revue des études québécoises sur les facteurs d’intégration des

immigrants de Piché et Bélanger (1995) veut poser un regard exhaustif sur travaux réalisés sur ces thèmes.

Au niveau des réseaux sociaux, seulement deux études sont relevées par Piché et Bélanger pour la période antérieure à 1995, tout en spécifiant que « bien que les variables de réseaux soient centrales dans les nouvelles approches migratoires, très peu d’études y font référence » (Piché et Bélanger 1995 : 40).4

Depuis les années 2000 par contre, quelques recherches québécoises liant les thématiques d’intégration des immigrants et des réseaux sociaux, ou autres allusions contigües, me semblent pertinentes à relever ici. Évidemment, toutes les études qui seront mentionnées s’intéressent aux personnes immigrantes, mais les réseaux sociaux revêtent différentes dimensions : ils peuvent être un appui à l’intégration professionnelle lors de la recherche d’emploi et par un support informationnel, considérés à travers l’importance de la famille comme réseau initial, un appui émotionnel et aussi une stratégie identitaire.

Les réseaux comme appui à l’intégration professionnelle

Certaines recherches menées auprès des immigrants au Québec dans les dernières années ont souligné, à travers leurs résultats, l’utilisation des réseaux sociaux comme un moyen permettant l’intégration, qu’elle soit sociale, économique ou autre. Ainsi, Lenoir-Achdjian et les nombreux collaborateurs de l’ouvrage Les

diversités d’insertion en emploi des immigrants du Maghreb au Québec5, issu d’une recherche chapeautée par l’Institut de recherche en politiques publiques, ont relevé que les Maghrébins s’attendaient, en se référant à des organismes d’aide à l’emploi, à obtenir un réseautage immédiat. « Or, déplorent-ils, ce n’est pas le cas […] Plusieurs Maghrébins regrettent ainsi qu’une approche très utilisée, l’intervention de groupe, ne contribue

4 Les deux études répertoriées sont celles de Larose (1994) ayant comme titre Transnationalité et réseaux migratoires : entre le Québec, les États-Unis et Haïti et celle de Ramirez (1984) portant sur Les premiers Italiens à Montréal : l’origine de la petite Italie au Québec. (Piché et Bélanger 1995)

5 Les immigrantes sélectionnées pour cette recherche ont été majoritairement admises au Québec selon les critères de la

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pas à la construction d’un réseau professionnel6 utile… » (Lenoir-Achdjian et al. 2009 : 11-12). Cependant, cette recherche n’a fait que relever la déception des Maghrébins de ne pouvoir développer des réseaux professionnels. Il en ressort pourtant une volonté des immigrants de s’inscrire dans ce type de réseau afin de faciliter l’accession à l’emploi qui, de façon éventuelle, leur permettra d’atteindre une certaine intégration au niveau économique7. De plus, en 2000, Brigitte Chavez a rédigé un mémoire de maîtrise en démographie titré

Le rôle des réseaux dans l’insertion économique d’une cohorte d’immigrants à Montréal. De cette recherche

basée sur les données de l’enquête longitudinale sur l’Établissement des nouveaux immigrants (1990-1992) découle un constat de « différences, selon l’origine nationale, quant aux sources d’information et d’aide que les immigrants utilisent pour s’informer sur les possibilités d’emploi et quant au secteur linguistique de l’emploi dans lesquels ils s’insèrent » (Chavez 2000 : IV).

Dans une autre perspective, Pellerin (2013), dans son mémoire de maîtrise en relations industrielles, a mené des entretiens auprès d’immigrants économiques de la région de Montréal. Ce mémoire s’inscrit dans un projet de recherche plus large titré Intégration sociale et professionnelle des immigrants récents au Québec :

obstacles, enjeux et rôles de réseaux sociaux et institutionnels. Pellerin avait comme « objectif principal de

montrer dans quelles mesures les informations reçues et perçues par les immigrants qualifiés influencent leur projet migratoire au Québec et orientent le processus d’établissement, par là même l’intégration » (Pellerin 2013 : ii). Les réseaux ethnoculturels ont été répertoriés par les participants à la recherche comme une source d’information, au côté des sources plus formelles comme les séances d’information menées par les délégations de recrutement à l’étranger ainsi que le site internet du Ministère de l’Immigration et des Communautés Culturelles (MICC) (Pellerin 2013 : 134). Cette recherche était donc davantage située sur l’intégration socioprofessionnelle influencée par l’information reçue; les réseaux sociaux étant ainsi abordés principalement de façon informationnelle et dans la perspective de l’insertion dans le marché de l’emploi québécois.

La famille comme premier réseau social en contexte de migration

Michèle Vatz Laaroussi (2001, 2008, 2009) souligne, quant à elle, l’importance de la famille dans les stratégies d’intégration, la famille étant l’une des formes possibles (et initiales) de réseau social. « Cette famille […] [était] comme le « bateau-repère » dans lequel elles naviguaient tout au cours de la trajectoire d’immigration » et aussi, ensuite, dans le processus d’intégration (Vatz Laaroussi et al. 1999 : 15). De plus, chacun de ses

6 Les auteurs font ici référence à un réseautage dans lequel s’insèrent différents professionnels qualifiés pouvant se

soutenir dans un cheminement commun de recherche d’emploi.

7 Le cas des Maghrébins peut cependant être distinct d’autres immigrants provenant d’autres régions du monde, puisque

ceux-ci proviennent de pays où les réseaux ont une importance accrue dans la recherche d’emploi, davantage par exemple que les diplômes. Cette nuance est donc à considérer au niveau de cet exemple, mais cela n’en invalide pas non plus les propos.

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membres est aussi contributif au développement des réseaux de sa famille, même les enfants par qui « vont s’instaurer les réseaux relationnels qui s’ancrent dans le local (le quartier, la ville, le système scolaire) et qui vont s’ajouter et se croiser avec ceux du pays d’origine8 et de la famille élargie » (Vatz Laaroussi 2001 : 7).

Les réseaux (locaux et transnationaux) comme support émotionnel

Les réseaux à titre d’appui émotionnel peuvent être interpellés peu importe la distance, car les réseaux sociaux peuvent être locaux ou encore transnationaux. Dans le cadre de sa maîtrise en anthropologie, Maude Garant a exploré les pratiques transnationales entretenues par des immigrants dans la région de Thetford Mines. « Ce type de pratiques, qui évoluent principalement dans la sphère privée, met en évidence l’importance du transnationalisme sur le plan affectif. Il a été constaté que les liens transnationaux maintenus par les participants à cette recherche sont majoritairement tournés vers la famille » (Garant 2010 : 100). Ce mémoire relève l’importance de l’apport affectif des réseaux sociaux transnationaux pour les immigrants. En outre, une enquête longitudinale, publiée sous l’égide du Ministère des Relations avec les citoyens et de l’Immigration, fut menée par un groupe de chercheurs auprès de 1000 immigrants arrivés en 1989, et ce pendant près de 10 ans. Cette étude relève, pour les immigrants, l’importance accordée au voisinage « comme source de soutien et le caractère multiculturel des réseaux […] sur qui ils peuvent compter pour obtenir de l’aide ou pour se confier » (Renaud et al. 2001a : XXXV). Cependant, dans cette impressionnante étude, les réseaux sociaux n’ont pas été davantage dans la mire des chercheurs que l’emploi ou que le logement, tel que souligné précédemment.

Les réseaux comme stratégie identitaire

Lors de sa thèse en anthropologie à l’Université de Montréal, Sylvie Fortin (2002) a fait référence notamment aux notions de réseaux et d’intégration; sa recherche est intitulée Trajectoires migratoires et espaces de

sociabilité: Stratégies de migrants de France à Montréal. « Dans cette étude, nous nous sommes inspirée de

l’approche réseaux pour saisir l’organisation sociale de migrants en contexte d’établissement. Nous traitons plus spécifiquement des liens de sociabilité inscrits dans les espaces privés, semi-privés et publics de migrants » (Fortin 2002 : 42-43). Cherchant en quelque sorte à déconstruire, elle aussi, la notion théorique de l’intégration qui ne sied pas au terrain, Fortin découvre à la fois des espaces de sociabilité qui se présentent comme des « différents modes d’ancrage social » et aussi que « une participation active à la fois sociale, économique et symbolique n’enraye pas le besoin, pour certains, de maintenir une spécificité identitaire (autre

8 La conservation de réseaux sociaux avec le pays d’origine se nomme transnationalisme. Bien que cet aspect ne se

situe pas au cœur de ce projet de recherche, il est impensable de totalement l’exclure des types de réseaux sociaux qui sont examinés.

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que celle du groupe majoritaire du lieu hôte) ni, pour l’ensemble, de concevoir des attaches en plusieurs lieux » (Fortin 2002 : IV).

1.1.3 Zones grises et question de recherche préliminaire

Ainsi, malgré la présence des réseaux sociaux dans divers ouvrages récents qui traitent de l’intégration des immigrants au Québec, le concept se confond toujours à travers les autres « marqueurs » d’intégration (comme emploi, logement et langue) ou encore ouvre la porte à une démarche plus en profondeur sur la création des liens, sans que celle-ci ne soit développée. Également, l’intégration est généralement définie dans la littérature de façon hermétique. L’intérêt de cette recherche consistait justement à se pencher sur la manière de définir l’intégration. Dans cette perspective, il semble important de démontrer la volonté de la recherche de cibler des critères subjectifs de l’intégration, c’est-à-dire qui proviennent directement des points de vue des immigrants, afin de se différencier des critères objectifs de l’intégration (comme l’obtention de la citoyenneté ou d’un emploi). L’utilisation de critères objectifs d’intégration ne permet pas une construction inductive de sa définition, dans la mesure où il s’agit de cases bien définies, d’éléments obtenus ou non. Les critères subjectifs qui ont été soulevés par les immigrantes elles-mêmes comme des constituants de leur intégration dans la société d’accueil ont davantage ouvert la recherche et ont offert une flexibilité se voulant représentative du vécu immigrant et non pas dépendant d’une vision strictement académique de l’intégration.

Cette recherche a donc été basée, dans un premier temps, sur la définition accordée par les immigrants à l’intégration ainsi que les différents critères subjectifs qui découlent de leur propre vision du processus. Il a par la suite été possible de cerner plus clairement la part occupée par les réseaux sociaux dans leur intégration et les rôles qu’ils leur ont accordés. Afin de rendre compte de l’angle d’approche initialement utilisé pour ce sujet, il semble nécessaire de présenter le questionnement à la base de ce travail qui, par ailleurs, a évolué au gré de mes réflexions : Quels sont les rôles accordés aux réseaux sociaux comme stratégie de l’intégration, notamment pour surmonter les différentes difficultés rencontrées lors de ce processus, tel que vécu par les immigrants au Québec en 2010-2011?

1.2 Principaux concepts

Revenons quelque peu en arrière et effectuons un retour sur la citation de Renaud et al., compte tenu de son caractère primordial pour ce projet de recherche, afin d’indiquer les outils qui ont servi à le conceptualiser.

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Il est maintenant possible d’analyser les réseaux sociaux des répondants et la mobilisation de certains types de ressources personnelles (informations, savoir-faire, soutien, etc.). Ces ressources fonctionnent comme des outils de facilitation de l’intégration des immigrants sur le plan de l’emploi ou de la vie civique.9 Les réseaux sociaux affectent l’intégration des immigrants de différentes façons. […] L’étude du réseau social permet d’explorer d’autres aspects du processus d’intégration des immigrants. En fait, ce processus est habituellement examiné sur la base d’indicateurs économiques et de capital humain plutôt que sur celle du réseau social. (Renaud et al. 2001a : 151)

Ainsi, il paraît important de rappeler que les sujets de cette recherche sont des individus immigrants et que ceux-ci expérimentent leur processus d’intégration dès leur arrivée dans leur société d’accueil, Québec. Lors de ce même processus d’intégration, en calquant les propos de la citation, les réseaux sociaux sont considérés comme des « outils de facilitation d’intégration »; dans le cadre de cette recherche, ces outils sont regroupés sous l’appellation de stratégies d’intégration. Puisque certains liens de base sont maintenant explicités entre les différents concepts proposés à travers la question générale de recherche, il s’avère nécessaire d’approfondir la compréhension de chacun des concepts, de les lier dans une littérature scientifique actuelle ainsi que de les définir.

1.2.1 Immigrants

Dans le cadre de cette recherche, le vocabulaire « immigrant » a été utilisé puisqu’il permettait d’expliciter que les individus ainsi présentés ont expérimenté un processus migratoire, ce qui sous-entend un déplacement entre deux endroits distincts. Si on souhaite se référer à une définition formelle, un immigrant est une « [p]ersonne qui immigre dans un pays ou qui y a immigré récemment » où le verbe immigrer indique « [e]ntrer dans un pays étranger pour s'y établir » (Le Nouveau Petit Robert de la langue française 2009). Dans le terme « immigrant », les notions d’établissement, de permanence et d’amélioration des conditions de vie sont aussi à prendre en considération. Comme le souligne Fenton « in many instances, with the very clear exception of political refugees, the underlying motive for migration is personal and family betterment » (Fenton 2003 : 127). De plus, le choix du nouvel endroit de résidence peut être influencé par l’existence de liens entre le pays d’origine et le pays d’accueil, notamment par la conservation de réseaux sociaux transnationaux (Brettell 2008 ; Hily et al. 2004).

En outre, l’identification comme « immigrant » reste cependant une étiquette, une identité qui est donnée par la société à ceux qu’elle accueille. Ainsi, personne n’arrive au pays en se définissant comme tel. Il est aussi

9 Selon mon interprétation, l’emploi et la vie civique sont indiqués ici comme des exemples, parmi d’autres de facettes de

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important de souligner que même si le mot « immigrant » est occasionnellement employé au singulier, il n’en reste pas moins qu’il indique un ensemble d’individus qui ont à traverser le même type d’épreuves associées au processus migratoire et au processus d’intégration. Une question semble être intimement liée au concept d’immigrant : à quel moment cesse-t-on d’être immigrant? En effet, puisque cela dépend en partie d’une étiquette et en partie de la réalisation du processus d’intégration, est-ce que le statut d’immigrant est temporaire ou permanent? Clairement, l’aspect de la temporalité y joue un rôle. Cette question a été partiellement résolue grâce aux propos des personnes immigrantes qui ont participé à cette recherche, mais il s’agit d’un questionnement sous-jacent à la grande thématique de l’intégration. J’y reviendrai à quelques reprises au fil des chapitres 3 et 4.

1.2.2 Intégration

Même si je souhaite fortement laisser aux femmes immigrantes interrogées le pouvoir de définir le concept d’intégration, il est difficile de faire fi des discussions théoriques qui traitent de ce champ conceptuel. Parler d’intégration, c’est un peu comme tenter d’aborder un terrain miné dans lequel les notions d’intégration, d’insertion et d’assimilation se côtoient et s’affrontent à travers les discussions qui font rage en sciences sociales. Pour l’instant, il ne ressort, de ce débat, aucun consensus. En tant qu’anthropologue, j’ai décidé d’aborder le terrain dans une perspective interprétative.

1.2.2.1 Sélection du vocabulaire : positionnements théorique et politique

L’intégration est une approche fort importante afin de comprendre et d’illustrer le processus vécu par les immigrants lors de leur arrivée et de leur installation dans une société d’accueil. L’intégration peut être en quelque sorte mise en confrontation avec l’idée d’assimilation qui vise une fusion complète dans la société d’accueil et une disparition des particularités, à savoir : « le processus par lequel un ensemble d'individus, habituellement une «minorité», et/ou un groupe d'immigrants se fond dans un nouveau cadre social, plus large, qu'il s'agisse d'un groupe plus important, d'une région ou de l'ensemble d'une société » (Eisenstadt 2009, emphase ajoutée). Ainsi définie, l’assimilation des immigrants proposerait que ceux-ci soient en mesure de se confondre parfaitement à leur nouvel entourage. Au-delà des caractéristiques physiques difficilement modifiables, les immigrants sembleraient contraints, dans cette idéologie d’assimilation, de laisser leur passé de côté puisqu’il est considéré comme étant fait d’habitudes vétustes et non acceptables dans un nouveau cadre (notamment la langue par exemple). Cependant, la politique promue par le Canada est de type « multiculturaliste » c’est donc dire que les spécificités de chacun sont acceptées et même mises de l’avant.

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On peut la schématiser sous la forme d’une mosaïque où tous se retrouvent sur un pied d’égalité dans une nation constituée d’un ensemble d’individus et de groupes ethnoculturels (Bouchard 2012 :30).

Le Québec prend davantage une position « interculturaliste » dans laquelle « la diversité est pensée et générée sur la base d’un rapport entre les minorités issues de l’immigration récente ou ancienne et une majorité culturelle » dite fondatrice (Bouchard 2012 : 32). C’est donc un modèle qui est « axé sur la recherche d’équilibres […] [et qui] met l’accent sur l’intégration, les interactions et la promotion d’une culture commune, dans le respect des droits et de la diversité » (Bouchard 2012 :51). Dans cette perspective, l’utilisation de la notion d’intégration a été jugée davantage adéquate que celle d’assimilation pour tenter de comprendre comment se déroule l’installation des immigrants au Québec.

L’intégration renvoie à la fois « à la nature du lien social dans les sociétés individualistes… [et à] la participation des populations migrantes et de leurs descendants à la société dans laquelle ils sont installés » (Schnapper 2007 : 25). En fait, cette « adaptation fonctionnelle » à une nouvelle société peut être envisagée selon différentes dimensions : sociale, culturelle, économique et politique. Tout d’abord, l’intégration sociale peut être abordée comme une participation notamment dans des structures communautaires ou regroupements informels, qui permettent une implication au niveau social et le développement de réseaux sociaux. L’intégration culturelle fait appel à une connaissance, donc un décodage et voir une appropriation, des traits et des codes culturels en vigueur dans la société d’accueil (Schnapper 2007 : 13). Ensuite, l’intégration économique renvoie davantage au fait d’occuper un emploi rémunéré. Pourtant, le simple exercice d’une activité rémunératrice ne suppose pas une accessibilité égale à cette intégration; il s’agit potentiellement davantage d’un premier pas dans le marché du travail. L’intégration économique semblerait pouvoir varier en fonction du « statut » de l’emploi occupé : officiel ou officieux, sa désirabilité, en lien avec les expériences antérieures ou les diplômes. À cet égard, je me suis référée à la définition de l’intégration socioprofessionnelle proposée par Béji et Pellerin qui avancent que « [c]e concept renvoie à une intégration de l’individu sur le marché du travail correspondant à ses attentes, notamment en matière d’adéquation entre emploi et qualifications » (Béji et Pellerin 2010 : 563). Finalement, l’intégration politique fait écho à une participation relative par l’exercice des droits et devoirs spécifiques à la communauté d’accueil. Cette notion a été perçue dans cette recherche comme recoupant le volet juridique, puisqu’il s’agit de l’exercice des droits et devoirs, par exemple le droit de vote qui sera acquis éventuellement par l’obtention de la citoyenneté légale. Elle peut donc aussi se référer à la notion de vie civique présente dans la citation de Renaud et al. (2001a).

Chercher à quantifier l’intégration me semblait être futile, surtout compte tenu des dimensions qui la composent, mais aussi de l’aspect éminemment personnel qui s’en dégage. L’intégration ne s’obtient pas seulement en claquant des doigts. C’est un processus qui se compose de différents éléments, en fonction des

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priorités de chacun, et qui se façonne au fil du parcours de vie dans une nouvelle société. En fait, l’intégration pourrait être redéfinie d’autant de façons qu’il y a d’immigrants, ou plus précisément en groupes ou catégories d’immigrants, puisque ceux-ci partagent des caractéristiques communes (origine culturelle, sexe, catégorie de sélection…). Puisqu’il était essentiel pour les objectifs de ce projet de comprendre ce qu’« intégration » signifie pour les personnes immigrantes, la sélection des participants a été réalisée dans l’optique de la diversité par l’exploration d’un éventail de points de vue, tout en conservant certains points communs. Ainsi, l’un des buts de cette recherche était d’aborder l’intégration dans les termes des personnes concernées : tout cela justifie d’autant plus de ne pas chercher à proposer, a priori, une définition plus étoffée de ce concept, puisque ce dernier a réellement pris forme en fonction des personnes rencontrées.

1.2.2.2 L’intégration mutuelle : un apprivoisement réciproque

Certains auteurs proposent que l’intégration est une tâche qui incombe à la fois à l’individu10 et à la société; il s’agit d’un processus mutuel et réciproque. C’est en effet dans ces mêmes termes que Pellerin (2013) l’aborde. « L’intégration est donc un processus issu d’une dynamique mutuelle, ne dépendant ni totalement de l’immigré, ni entièrement de la société d’accueil. Elle est bidirectionnelle et collective » (Pelletin 2013 : 40). Spencer souligne aussi que « [i]ntegration is not simply about access to the labour market and services, or about changing attitudes or civic engagement; it is a two way process of adaptation by migrant and host society at all of those levels » (Spencer 2003 : 6). La vision de l’intégration mise de l’avant par Manço est aussi très intéressante puisqu’elle souligne un processus commun d’ajustement à l’autre : « [d]ans tous les cas, l’élément intégré n’est pas perçu comme devant être neutralisé, comme devant perdre ses caractéristiques initiales, même si des transformations sont supposées, dans le système intégratif comme dans l’élément à intégrer » (Tap 1999 : 16). Cette vision d’une intégration mutuelle était assez intangible avant la réalisation de mon terrain de recherche. À travers les témoignages des immigrants, notamment dans leurs positions et perceptions en regard des structures et services d’accueil mis en place ainsi que sur les attitudes des membres de la société d’accueil à leur égard, j’ai pu constater que cette proposition trouvait concrètement de nombreux échos.

Dans le cadre de cette recherche, je suis partie d’un postulat de base : j’ai choisi de considérer les immigrants comme des sujets actifs. L’immigrant peut donc être perçu à titre d’agent; il est un sujet actif qui s’inscrit dans la structure des rapports sociaux (Ortner 2006 : 130). Ainsi, l’intégration d’un individu peut être vue à travers la lunette de l’agency; en d’autres termes, l’immigrant est perçu comme étant dépositaire d’une capacité d’agir.

10 Cet individu s’insère de prime abord dans des catégories sociales, qu’il soit homme, femme, Africain, Latino-Américain,

etc. qui sont prédéfinies. Cette appartenance à des catégories sociales médiatise l’intégration. Aussi, « l’individu » n’est pas seul dans son intégration dans la société, c’est aussi sa catégorie qui est visée et donc d’autres que lui vivent cette même situation.

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L’agency peut être définie comme étant à la fois l’intentionnalité de l’atteinte de projets culturellement définis et comme un pouvoir d’agir à l’intérieur de relations sociales inégales, asymétriques ou de force (Ortner 2006 : 143). Dans ces perspectives, l’immigrant est en mesure de se fixer des buts intimement liés à son intégration (maîtrise de la langue, développement de réseaux sociaux, obtention d’un emploi, par exemple) malgré la position quelque peu précaire dans laquelle il peut se trouver, notamment en manque de ressources, avec peu de connaissances sur la société d’accueil ou dans des situations ou face à des dispositifs de discrimination.

Au niveau de la société, l’intégration se fait, non pas par les structures sociétales elles-mêmes, mais davantage par les personnes qui se retrouvent dans ces mêmes structures. Ainsi, il me semblait possible de supposer que l’intégration se faisait à travers des relations entre des groupes variés (notamment la famille, le voisinage, les collègues de travail ou encore les intervenants en emploi ou communautaires qui sont consultés par l’immigrant) et les individus à intégrer. Cette intégration peut aussi être faite par les institutions : à ce moment, on peut parler du gouvernement, par la reconnaissance des diplômes ou même encore à travers les règles d’immigration, ou sinon d’entreprises qui font l’embauche d’immigrants. L’intégration faite par la société peut être effective à partir du moment où l’on reconnaît la pertinence de la contribution ou encore l’apport (variété des points de vues et expériences antérieures, diversité culturelle, …) des personnes immigrantes dans le milieu dans lequel elles évoluent. Évidemment, il ne s’agissait là que d’hypothèses de travail, qui ont orienté néanmoins le choix des thématiques à aborder lors des entrevues réalisées avec les participantes.

1.2.2.3 Précisions sur le concept d’intégration et mise en garde

À la lumière des éléments amenés dans cette section, il semble important d’apporter une nouvelle précision concernant le concept d’intégration. D’autres auteurs (comme Deville-Stoetzel et al. 2012, Guilbert 2010 et Vatz Laaroussi 2001 et 2008, notamment) préfèrent utiliser le terme « insertion » pour aborder le processus d’installation des personnes immigrantes dans une nouvelle société. Évidemment, chaque auteur définit un lexique qui lui est propre. À ce propos, dans la perspective de cette recherche, il semblait essentiel de nuancer les notions d’intégration et d’insertion l’une par rapport à l’autre, car elles ne sont pas nécessairement contradictoires idéologiquement, comme l’assimilation. De plus, cette nouvelle distinction s’appuie sur les notions déjà abordées de l’intégration comme étant un processus et de l’importance de l’action à la fois de l’individu immigrant et de la société d’accueil dans celui-ci.

[L]’intégration implique fondamentalement l’insertion. On doit donc se demander ce qui fait la différence entre intégration et insertion. À titre provisoire, on peut dire que l’insertion implique d’être dans le système, d’y avoir une place (travail, logement, etc.). Pourtant, il ne suffit pas

d’être inséré pour être intégré. Être intégré suppose de faire partie du tissu social, des réseaux

Figure

Tableau 1 – La catégorie d’immigration économique
Tableau 2 – La catégorie des réfugiés
Tableau 4 – Les organismes reconnus par le MICC dans la région de la Capitale Nationale (2011)  Programmes du
Figure 1 – Répartition des bureaux de recrutement du MICC hors-Québec
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