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Une réponse à Maulana Salahuddin Ahmad

Chapitre V Le mouvement conservateur (1950-60)

5.1. Activités, programmes et idéologie des conservateurs entre 1950 et 1960. 1 Le début des activités et la réunion de 1950

5.1.5 Un discours nouveau et un programme (1951-1953)

5.1.5.2 Une réponse à Maulana Salahuddin Ahmad

652Faqir 1951a : 3. Faqir Mohammad Faqir fait ici sans doute référence à une résolution adoptée pendant la deuxième conférence ourdou de Karachi qui s’était tenue les 14 et 15 avril 1951, selon laquelle le progrès de l’ourdou ne nuirait pas aux langues régionales. (Salik 1964 : 39-40). Cette position conciliatrice tranchait avec celle de la conférence qui s’était tenue à Lahore en mars 1948, pendant laquelle Maulvi Abdul Haque avait appelé au sacrifice des langues régionales au profit de l’ourdou.

653 Salik 1951b : 9.

654 Faqir 1951a : 2.

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Le discours développé dans les premiers numéros de Panjābī apparaît à bien des égards comme une réponse aux positions de maulana Salahuddin Ahmad (dont nous avons examiné les positions dans notre deuxième chapitre). Sans citer néanmoins le nom de ce dernier (mais ses positions sont bien connues) Abdul Majid Salik et Hamid Nizami dans leurs essais prennent le contre-pied de ses positions : Maulana Salahuddin souhaitait que l’ourdou vienne remplacer le panjabi, et Abdul Majid Salik lui répond :

Sāḍḍe ṣūbe dī bolī, sāḍḍī mādrī zubān jide vic asīṃ rāt din apṇe gharāṃ vic te apṇe dostāṃ yārāṃ nāl gallāṃ karṇe āṃ panjābī ai. Te qayāmat tak panjābī ī rahegī. Ais dī jaga urdu na’īṃ le sakdī. Lokāṃ dī mādrī zubān badal deṇ dī košiš fiṯrat de xilāf ai.

« La langue de notre province, notre langue maternelle que nous parlons nuits et jours dans nos maisons et avec nos amis est le panjabi. Et restera le panjabi jusqu’à la fin du monde. L’ourdou ne peut pas la remplacer. Tenter de remplacer la langue maternelle des gens c’est aller contre la nature »656

Hamid Nizami lui fait écho :

Urdu te panjābī ais ṣūbe vic kyoṃ nāl nāl na’īṃ cal sakdyān ? Urdu dī apṇī thāṃ ai, o sāḍḍī qaumī te mulkī zubān ai te koī šak na’īṃ ki odā rutba ais liḥāẕ nāl panjābī toṃ ūṃcā ai. Par panjābī dī vī apṇī thāṃ ai te o thāṃ ode koloṃ khohṇī na’īṃ cāhīdī.

« Pourquoi l’ourdou et le panjabi ne pourraient pas être utilisés côte à côte ? L’ourdou a sa propre place. C’est notre langue nationale et officielle, et il n’y a donc pas l’ombre d’un doute que son rang est supérieur à celui du panjabi. Mais le panjabi a aussi sa place et on ne peut pas la lui enlever »657.

Maulana Salahuddin mettait également l’accent sur la nécessité de parler ourdou aux enfants, pour leur permettre de mieux s’adapter à l’école. Et cette nécessité est remise en question par Hamid Nizami dans un essai de novembre 1951 intitulé Panjābī dī ibtidā’ī t‘alīm « L’instruction primaire en panjabi ». Il raconte l’expérience qu’il a faite auprès de ses enfants en leur parlant en panjabi et non en ourdou:

Asīṃ ghar vic urdu ī bolṇe āṃ. Te mere dost ‘azīz vī baccyāṃ nāl urdu ī bolde ne. Bacce vī urdu ī bolde ne par jadoṃ toṃ maiṃ tajurba kītā te ai ‘ajīb gall note kītī pa’ī baccā baṛī ravānī nāl gall kardā kardā kadī kadī aṭak jāndā ai. Vaja ai ki koī xāṣ lafẕ hondā ai odī urdu onūṃ na’īṃ āndī te o gall kardā kardā socīṃ pai jāndā ai. Par jadoṃ vī ode nāl panjābī vic gall bāt kītī te o kade na’īṃ aṭakdā te faṛfaṛ boldā jāndā ai.

« Nous parlons seulement ourdou à la maison. Mes amis et proches parlent seulement ourdou avec mes enfants. Mes enfants parlent seulement l’ourdou mais depuis que j’ai fait cette expérience j’ai observé ce fait étrange qu’un de mes enfants parle ourdou avec un grand débit mais s’arrête soudain. Parce qu’il pense soudain à un mot dont il ne connaît pas l’équivalent en ourdou. Et lorsque j’ai parlé avec lui en panjabi il ne s’arrêtait pas et son débit était rapide »658.

Et il en tire la conclusion suivante :

Baccyāṃ dī ibtidā’ī t‘alīm te ẓarūr mādrī zubān vic hoṇī cāhīdī ai. Ais vāsṯe ki dūjī zubān bacce de żehn te baṛā bojh pāndī ai te jai t‘alīm dā żarī‘a koī dūjī zubān hove te bacce dā żehn ikk thāṃ te āke ruk jāndā ai.

656 Salik 1951b : 10.

657Nizami, Hamid 1951 : 11.

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« L’instruction des enfants doit se faire dans la langue maternelle. Car une deuxième langue place un poids sur son esprit. Et si l’instruction est donnée dans une deuxième langue à un certain moment l’esprit de l’enfant cesse de progresser »659.

La position de Hamid Nizami est aux antipodes de celle de Maulana Salahuddin Ahmad : il n’est plus question d’adapter les enfants à l’école en leur parlant en ourdou, mais à l’école de s’adapter aux enfants, en utilisant le panjabi comme moyen d’instruction.

5.1.5.3 Un programme

Les membres du groupe conservateur présentent peu à peu un programme, au fil des essais qu’ils font paraître dans Panjābī. La reconnaissance du panjabi comme langue officielle en est bien entendu absente. Les objectifs de ce programme sont répartis en trois domaines : le domaine littéraire, le domaine éducatif, et l’aménagement du corpus.

5.1.5.3.1 Le domaine littéraire

Un renouvellement de la littérature panjabie et le développement de sa prose sont les deux objectifs à atteindre.

Faqir Mohammad Faqir appelle à un renouvellement de la littérature panjabie, de ses formes et de ses thèmes, et prône une littérature dénuée de sentimentalisme et de pathos, véhiculant un message dynamique et positif qui servira la nation660 Son essai Panjābī vic inqilāb dī lor « La littérature panjabie a besoin d’une révolution » paru en Septembre 1951 est un manifeste en faveur de cette nouvelle littérature. Faqir Mohammad Faqir y interpelle les écrivains panjabis, fustige la littérature ‘pleurnicharde’ qu’ils ont produite jusqu’à maintenant et fait l’apologie d’une littérature inspirée qui motivera la nation :

Meryāṃ akhāṃ vic akhāṃ pāke javāb deo ki ais samai asīṃ ais ranḍyāṃ vāṃgar vaiṇ kardī sogvār ranāṃ vāṃgoṃ rondī paṭdī te jhūṭhe athrūāṃ vic tardī šā‘irī nāl samundarāṃ de mace ho’e xūnī ṯūfānāṃ de sīnyān te jahāz calā sakṇe āṃ ? (…) Koī āzād qaum eho jihī dilāṃ de lak taroṛaṇ vālī šā‘irī dā kiṇṇāṃ ko cir sāth de sakdī ai ? Asīṃ apṇe āle duwāle de adab vall naẕar mārde ho’e khule dil kyoṃ na ākh diye ki sāḍḍā adab māṛā te rogī ai, besurt suttā pyā behrūpyā ai, banāvaṭī te bejān ai ? (…) Apṇe adab te šā‘irī de juṡṡe vic zindagī dī ratt paidā karaṇ dā jatan karo ! Apṇe pyāre vaṯan la’ī āzād dilāṃ vāṃgoṃ dhaṛakde ho’e lafẕ joṛke zindagī de ajehe sabaq likho jinānūṃ qaum kadī na bhull sake !

« Regardez moi dans les yeux et répondez moi : pouvons nous faire voguer notre barque sur la poitrine des tempêtes meurtrières de la mer à l’aide d’une poésie qui gémit comme une veuve, pleurniche comme une femme triste et nage dans les fausses larmes ? (…) Jusqu’à quand une nation libre peut-elle accompagner une poésie qui brise les cœurs comme la notre ? Après avoir examiné la littérature produite autour de nous pourquoi ne pas reconnaître qu’elle est faible et malade, artificielle et sans énergie, comme un saltimbanque qui a perdu conscience et dort ? (…) Essayez de faire couler dans les veines de votre poésie le sang de la vie. Agencez ensemble pour votre patrie aimée des mots qui palpitent comme des cœurs libres, donnez une leçon de vie que votre nation sera incapable d’oublier ! » 661.

659 Nizami, Hamid 1951 : 12.

660Ce n’est sans doute pas une coïncidence si cette description s’adapte parfaitement à la poèsie de Faqir lui-même, poésie nationaliste et poésie de l’action.

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Dans Bolī dī taraqqī « Le progrès de la langue », un essai paru dans le numéro de septembre-octobre 1955 de Panjābī Maulana Ghulam Rasul Mehr propose un programme qui permettrait au panjabi de devenir une langue savante (‘ilmī zubān), et met l’accent sur le rôle que peut jouer la prose dans le développement et la diffusion du panjabi:

Jitthoṃ tīkar sāḍḍī mādrī bolī panjābī dā t‘alluq ai ode māẓī vic odī naẕm dā ḥiṣṣa jinnāṃ raušan ai naṡr dā pehlū onāṃ ī kamzor te holā ai (…) Ajj asīṃ vī apṇī bolī dī naṡr vall tavajju diye te aide vic mażhab tārīx cange cange novel te ḍrāme likhiye te dūjyāṃ zubānāṃ dyāṃ cangyāṃ cangyāṃ kitābāṃ de vī tarjume kariye, te maiṃnūṃ yaqīn ai pa’ī asīṃ aide la’ī sattāṃ aṭhāṃ varhyāṃ vic baṛā kamm kar lāṃge, te jad sāḍḍī imī loṛ gharoṃ pūrī ho jā’egī asīṃ apṇī ai pyās bujhāṇ la’ī bāhar kyoṃ jāṃge ?

« En ce qui concerne notre langue maternelle, le panjabi, on peut dire que dans le passé sa poèsie était « riche » mais sa prose faible et limitée (…) maintenant si nous nous concentrons sur la prose de notre langue et écrivons en panjabi à propos de la religion et de l’histoire, produisons de bons romans et de bonnes pièces de théâtre et traduisons des livres écrits dans des langues étrangères alors je suis certain qu' en l’espace de sept ou huit ans nous pourrons faire de gros progrès et lorsque nos besoins intellectuels seront satisfaits par notre propre langue nous n’aurons pas à aller voir ailleurs pour épancher notre soif662 ».

5.1.5.3.2 Le domaine éducatif

Dans ce domaine, Panjābī veut atteindre deux objectifs : l’emploi du panjabi comme medium d’instruction à l’école primaire et la réouverture du département de panjabi de l'Oriental College fermé depuis la partition.

La position des conservateurs concernant l’emploi du panjabi à l’école est précisée dès septembre 1951 par Mohammad Baqir dans son essai Panjāb te panjābī « Le Panjab et le panjabi » :

Ai maṇī ho’ī gall ai ki ajjkal kaī panjābī bacce hazārāṃ te lakhāṃ dī t‘adād vic primary schoolāṃ vicoṃ paṛhke nikalde ne par jiṛe bacce school chaḍ dende ne o sāre de sāre kujh sālāṃ b‘ad fīr anpaṛh ban jānde ne. Kyoṃki schooloṃ bāhar nikalke zindagī de kārobār vāsṯe onāṃ dā urdu nāl koī vāh na’īṃ paindā. Oṛhak o holī holī likhṇā paṛhṇā bhull jānde ne. Jai primary takk onānūṃ panjābī paṛhā’ī jāve te o school chaḍke vī kadī na zubān nūṃ bhullaṇ, sagoṃ jai onāṃ vāsṯe mulk vic axbār risāle te kitābāṃ panjābī vic chapde rehṇ te o āp ī hor zyāda paṛhaṇ lag paiṇ. Bhāveṃ o school na ī jāṇ sagoṃ ai vī ho sakdā ai ki o hoš sambhālke fīr urdu paṛhṇī vī āp ī sikh laiṇ. Merā apṇā xiyāl ai ki primary tak Pākistān de panjābī bolaṇ samjhaṇ vālyāṃ ‘ilāqyāṃ vic panjābī ẓarūr paṛhā’ī jāṇī cāhīdī ai. Jai ai ho jā’e te lok baṛī jaldī paṛhaṇ likhaṇ sikh jāṇge te paṛhaṇ likhaṇ ais ṯaraḥ sikh jāṇge ki fīr kadī bhullaṇ na’īṃ lage.

« C’est une réalité que de nos jours des milliers et centaines de milliers d’enfants panjabis passent par l’école, mais ceux qui la quittent deviennent illettrés après quelques années. Car après avoir quitté l’école ils n’ont plus jamais affaire à l’ourdou. Et à la fin ils ne savent plus lire ni écrire. Si le panjabi leur était enseigné à l’école primaire ils n’oublieraient pas la langue une fois qu’ils auraient quitté l’école, et si des journaux, revues et livres étaient publiés pour eux en panjabi alors ils liraient encore plus. Même si ils ne vont pas à l’école il est possible qu’une fois adultes ils apprennent également à lire l’ourdou. Je pense que dans les régions panjabiphones l’instruction à l’école primaire devrait être en panjabi. Si cette mesure est adoptée les individus apprendront vite à lire et écrire et l’apprendront de telle façon qu’ils ne l’oublieront jamais »663.

662 Mehr 1955 : 10.

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Faqir Mohammad Faqir poursuit parallèlement un combat pour que le panjabi soit réintroduit à l’université, et cette cause lui tient tant à cœur que pour faire entendre sa voix il utilise les colonnes d’un des journaux les plus populaire de cette époque (mais dont il ne partage pas la ligne idéologique) : Imroz. La large diffusion de ce journal garantit que sa voix sera entendue par le plus grand nombre. Le 1er février 1953 il lance dans Imroz un appel à réintroduire les cours de panjabi :

Des dī vanḍ vele jinne panjābī nāl hor kaī apṇe te opre ghāṭe ho’e othe sab toṃ vaḍḍā ikk ẕulm Punjab University ai kītā ki cup capetyāṃ ī ose vele Oriental College dyāṃ panjābī jamā‘atāṃ Honors in Punjabi, High proficiency te Proficiency in Punjabi trīve band kar dittyāṃ. University de ais ẕulm nūṃ sab toṃ vaḍḍā ẕulm maiṃ ais karke akhyā ai ki ikk ‘ilmī idāre valloṃ ‘ilm dā sangh ghuṭyā gayā ai. Ai o ṭikāne ne jināṃ nūṃ asāṃ ‘ilm ‘ām karaṇ la’ī qā’im kītā sī. Na ṣirf apṇe ṣūbe dī zubān nūṃ aināṃ band karaṇ dī košiš kīti sagoṃ ode ‘ilmī vaqar nūṃ ikk ajehā dhakkā lāyā ai jide nāl o ajj panj varhyāṃ toṃ ṭhiṭhaṃboṛnā ho’ī beh rahī ai. Punjab university dā panjābī nāl ajehā sulūk matra’ī māṃ vālā sulūk ai, jinūṃ ġairatmand panjābī xabre bahutā cir na sahār sakaṇ (…) Aidoṃ vadh šarm dī gall sāḍḍe la’ī hor kī ho sakdī ai ki sāḍḍī university vic spanish te german zubān vargyāṃ opryāṃ zubānāṃ de paṛhaṇ paṛhāṇ dā inteẕām te hove par apṇe ṣūbe dī zubān de honde inteẕām nūṃ vī band kar dittā jā’e. Pata na’īṃ ġulāmī de ai purāne chāle hor kadoṃ tīkar aise ṯarāṃ calaṇge ?

« Au moment de la partition, alors que panjabis et non-panjabis ont porté préjudice à cette langue , la plus grande injustice a été causée par l’université du Panjab, qui sans avertir personne a arrêté les cours de panjabi qui se tenaient à l' Oriental College, soit les cours de Honors (BA), High proficiency (‘Ālim) et Proficiency (Fāẓil). C'est la plus grande injustice de toutes parce qu’un établissement d’enseignement a tordu le cou au savoir. Et ce même établissement avait été fondé pour propager l’éducation ! On n’a pas seulement arrêté les cours mais porté un tel coup au statut du panjabi que cette langue n’a pas pu s’en remettre pendant ces 5 dernières années. Ce comportement est discriminatoire et nos fiers panjabis ne pourront pas le supporter plus longtemps (…) Le plus honteux c’est que des langues étrangères comme l’espagnol et l’allemand sont enseignées alors que l’enseignement de la langue de notre province a été arrêté. Dieu sait jusqu’à quand les stigmates de notre esclavage subsisteront ? ».

5.1.5.3.3 L’aménagement du corpus

Deux objectifs sont fixés en matière d’aménagement du corpus : la sélection d’un parler sur lequel se fondera la norme écrite du panjabi et la rédaction d’un dictionnaire

Faqir Mohammad Faqir souligne dès décembre 1951 dans un éditorial de Panjābī la nécessité d’identifier un parler qui deviendra le fondement de la norme écrite panjabie, et propose de choisir le parler du district de Gujranwala, pour des raisons de prestige et de centralité :

Ajj sāḍḍī pun cāṃ dā ṭorā irāde nāl ai ī ai pa’ī asīṃ panjābī dī nīṃh ais bolī te rakhye. Gujrānvāle nāl Vāriṡ Šāh te Ḥāfiẕ Barxurdār horāṃ dā qudratī te purānā t‘alluq jitthe sāḍḍe ais irāde dā imdādī ai ai othe sāḍḍe Panjāb dī markazī ḥaiṡyat vī aise ẓil‘e nūṃ ḥāṣil ai. Te Lahore, Sialkoṭ, Gujrāt, Sargodhā, Lyallpur, Šaixupurā sāre aidā ālā duwālā ne.

« Nous nous sommes livrés à une recherche au terme de laquelle nous avons décidé de fonder notre norme sur ce parler. La relation naturelle ancienne que Gujranwala entretient avec Varis Shah et Hafiz Barkhordar, ainsi que la place centrale de ce district au sein du Panjab nous ont fait prendre cette décision. Car il est entouré par les districts de Lahore, Sialkot, Gujrat, Sargodha, Lyallpur et Sheikhupura »664.

664 Faqir 1951f : 5.

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La nécessité de rédiger un dictionnaire panjabi est indiquée par Sardar Khan dans un essai intitulé Panjābī luġat « Le dictionnaire panjabi » publié dans le numéro de Janvier février 1953 de Panjābī665.

Première raison indiquée : un dictionnaire contribuera à la normativisation de la langue, et à l’intercompréhension entre locuteurs de différents parlers :

Panjābī luġat dī tāṃ ais la’ī vī zyāda ẓarūrat meḥsūs hondī ai ki aināṃ panjābī dyāṃ van savanyāṃ bolyāṃ nūṃ mel jūl karke ik saj dhaj dī utalle darje dī bolī ban jāve jiṛī tamām panjābī bolaṇ vālyāṃ dī sāṃjhī likhat dī bolī kahāve, na’īṃ tāṃ ḥāl ais velāṃ ai ai pa’ī ikk ‘ilāqe dā ādmī dūje ‘ilāqe di bolī nūṃ pūrī ṯarāṃ na’īṃ samajhdā ai.

« La nécessité d’un dictionnaire panjabi se fait ressentir. Grâce à lui on créera une langue de prestige qui intégrera les différents parlers et deviendra la norme écrite commune aux locuteurs de panjabi ; car à l’heure actuelle un individu d’une région ne comprend pas complètement le parler d’une autre région »666.

Deuxième raison : un dictionnaire proposera des alternatives lexicales aux mots ourdou couramment employés en panjabi. Il permettra donc au panjabi de garder une identité distincte, et le protégera contre l'assimilation à l’ourdou :

Jis ṯarāṃ urdu vic ‘arabī te fārsī dā bharmār karke ‘afardū ban ga’ī ai ais ṯarāṃ kite huṇ panjābī dā xalṯ malṯ hoke pardū na baṇ jāve. Merā maṯlab ai ve pa’ī panjābī dā vujūd xāliṣ rave te kite o na hove ki panjābī nūṃ urdu dī gāṃvārī te hazārī yā anpaṛhyāṃ dī bolī samajh littā jāve.

« En surchargeant l’ourdou de mots arabes et persans une langue a été créée qui répond au nom de afardou667, et il ne faudrait pas qu’en mélangeant le vocabulaire ourdou au panjabi on obtienne une langue que l’on nommera pourdou. Ce que je veux dire c’est que le panjabi devrait demeurer une langue distincte et ne devrait pas finir par être vu comme une version paysanne et vulgaire de l’ourdou,comme le parler des illettrés »668.

L’importance symbolique du dictionnaire ne peut pas non plus être niée : à cette époque, alors que les mouvements linguistiques prennent de l’ampleur au Pakistan, rédiger un dictionnaire aide à affirmer l’existence séparée et la richesse d’une langue. Voilà sans doute la raison pour laquelle la rédaction d’un dictionnaire était aussi une des priorités du Sindhī Adabī Board nouvellement fondé (et allait être une des priorités de l’académie bengalie).

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