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Un essai sur la langue : Le programme de Shaukat Ali

Chapitre IV : Les activités des marxistes (1947-1959)

4.1 Les activités du pôle marxiste en faveur du panjabi entre 1947 et 1955 .1 Activités du groupe progressiste

4.2.1 La page panjabie

4.2.1.1 Un essai sur la langue : Le programme de Shaukat Ali

A notre avis l’essai sur la langue qui mérite le plus d’attention est Sāḍḍī panjābī zubān « Notre langue panjabie », essai de Shaukat Ali paru dans la page panjabie le 29 mai 1955, essai important car il est l’aboutissement d’une série de programmes et manifestes marxistes qui avait débutée en 1949 avec la présentation de l’essai Ūṃt te baddū de Sharif Kunjahi à la conférence des progressistes. Shaukat Ali, membre éminent du parti communiste, analyse ici la perception générale du panjabi, résume les efforts faits depuis la partition pour le développer et propose un programme de promotion en 7 points. Nous présenterons ici de larges extraits de cet essai :

Sāḍḍī panjābī zubān

Panj daryāvāṃ dī dhartī dī zubān panjābī ai. Par kujh ais qism dā propaganda kītā gayā, kujh ajehī havā calā’ī ga’ī ki panjābī zubān tāṃ sikhāṃ dī zubān ai, te musulmānāṃ nāl odā koī sambandh na’īṃ, te sikhāṃ de jāṇ toṃ b‘ad huṇ Panjāb vic aid ī koī loṛ na’īṃ. Balki

Vāriṡ Šāh dī ikk talmīḥ « Une allusion mythologique de Varis Shah » (Imroz, 8 juin 1957), Rafiq Chaudhry Vāriṡ Šāh de miṣr‘e dī tašrīḥ « Analyse d’un vers de Varis Shah » (Imroz, 3 aout 1957), Faqir Mohammad Faqir Rāṃjhā te Mirzā « Ranjha et Mirza » (Imroz, 14 juillet 1956).

436Sharif Kunjahi Ṣūfyāṃ dī šā‘irī « La poésie des soufis » (Imroz, 1er mai 1955), Afzal Parvez Myāṃ Moḥammad ṣāḥab dī Mirzā Ṣāḥibāṃ « Le poème Mirza Sāhibān de Miān Mohammad Bakhsh » (Imroz, 12 juin 1955), Afzal Parvez Panjābī beḥrāṃ « Les mètres utilisés en poésie panjabie » (Imroz, 22, 29 janvier 5 février 1956), Rafiq Chaudhry Panjābī qiṣṣyāṃ dā sabb toṃ vaḍḍā kirdār Mirzā « Mirza, le plus grand personnage des épopées panjabies » (Imroz, 26 Mai, 2 juin, 7-14 juillet 1956), Faqir Mohammad Faqir Panjābī qiṣṣyāṃ dā sabb toṃ vaḍḍā kirdār Mirzā ai ki na’īṃ ? « Le plus grand personnage des épopées panjabies serait-t-il Mirza ? » (Imroz, 16-23 juin 1956). Sādiq Ali Ājiz Sayed Faẓal Šāh Navāṃkotī (Imroz, 18 avril 1959).

437Ahmad Rahi Ustad Fīroz Dīn Šarf Marḥūm « Le poète décédé Firoz Din Sharf » (Imroz, 27 mars 1955), Arshi Fīroz Sa’īṃ (Imroz, 2-22 octobre 1955), Arshi Fīroz Sa’īṃ dī āšiqāna šā‘irī « Les poèmes d’amour de Firoz Sain » (Imroz, 20 novembre 1955), Majid Siddiqi Šāh Šarf Marḥūm « Le souverain décédé Sharf » (Imroz, 20 décembre 1958), Myāṃ Maula Baxš Kuštā Amritsarī (Imroz, 4 juin 1959), Raja Risalu Maulā Baxš Kuštā Amritsarī (Imroz, 7 juillet 1959).

438Nasim Akhtar Panjāb de lok gīt « Les chansons folkloriques du Panjab » (Imroz, 24 avril 1955), Saif Anjum Dar Lok gīt te sāḍḍā m‘oāšra « les chansons folkloriques et notre société » (Imroz, 24 aout 1957).

439Afzal Parvez Šāhlā musāfir koī na thīve « Que Dieu ne laisse personne devenir voyageur » (Imroz, 21 juillet 1957), Zya Rizvi Chabbe lok gītān dī ikk šāx « Chabbe, un type de chants folkloriques » (Imroz, 21 février 1959), Majid Siddiqui Lok gītāṃ vic muzāḥ « L’humour dans les les chants folkloriques » (Imroz, 2 mai 1959), Zya Rizvi Challe, lok gītāṃ dī ikk šāx « Challe, un type de chants folkloriques » (Imroz, 16 Mai 1959) Zya Rizvi Ilāqā Dhanī de lok gīt « Les chants folkloriques de la région de Dhani » (Imroz, 29 aout 1959), Zya Rizvi Māhyā lok gītān dī šāx « Māhyā, un type de chants folkloriques» (Imroz, 24 décembre 1959).

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itthoṃ takk akhyā gayā ki panjābī zubān koī zubān ī na’īṃ. Panjābī zubān nāl agar kise ne dušmanī kamā’ī ai tāṃ o Panjāb dī dharti de paṛhe likhe ṯabqe ne kamā’ī ai. Hairānī dī gall ai ki onāṃnūṃ apṇī mādrī zubān nāl khijj ai, nafrat ai. Jad kadī zubānāṃ dī gall hove te onāṃ de sāmne koī mancalā panjābī panjābī nūṃ vī zubān ākhaṇ dī ġalṯī kar bahe tāṃ onāṃ de mathyāṃ te teoryāṃ pai jāndyāṃ ne te maxolāṃ bharyā hāsā phail jāndā ai, te gall karaṇ vāle nūṃ inj jāpdā ai jaikar os toṃ koī gunāh ho gayā hove (…) Pakistan vic muxtalif ‘ilāqyāṃ dī vakhryāṃ vakhryāṃ zubānāṃ ne te sab ‘ilāqyāṃ vic ibtidā’ī t‘alīm onāṃ dī apṇī zubān vic ī dittī jāndī ai – ṣirf Panjāb ī ajehā ‘ilāqā ve jithe panjābī nūṃ t‘alīm dā żarī‘a na’īṃ banāyā gayā. Sab toṃ dukh vālī gall ai ve ki Pākistān banaṇ de āṭh sāl b‘ad vī sāḍḍe t‘alīm de māhir te lokāṃ de numā’inde panjābī zubān nūṃ koī vaq‘at na’īṃ de rahe te na ī ajjai tak panjābī vic t‘alīm deṇ la’ī koī scheme banā’ī ga’ī ai. Sagoṃ inj jāpdā ai jaikar panjābī zubān nūṃ desnikālā dittā jā rihā hove.

Par ḥākimāṃ dyāṃ ai košišāṃ kāmyāb na’īṃ hoṇ lagyāṃ…Panjābī zubān nūṃ gītāṃ dī ais dhartī toṃ miṭāyā na’īṃ jā sakdā (…) Panjābī zubān kujh dair okhe sāh lendī rahī ai te šehrāṃ vic faqīrāṃ vāṃg phirdī rahī ai, te onūṃ anpaṛh pinḍuāṃ ne panāh dittī ai. Par axīr aine phir apṇe Rāṃjhe nūṃ rijhā lyā ai. Te maġrībī Panjāb de paṛhe likhe ṯabqe de kujh lokāṃ vic phīr odyāṃ gallāṃ hoṇ lag pāyāṃ ne.

Panjābī dī taraqqī la’ī ‘Panjābī’ nāṃ dā ikk risāla kaḍhyā gayā. ‘Imroz’ axbār te kujh cir hafte vic ikk din kujh column vī panjābī la’ī vaqf kar ditte ga’e. Te phir urdu ḥarfāṃ vic ‘Tirinjan’ nāṃ dī ikk sohṇī jehī gītāṃ dī kitāb vī chap ga’ī. Panjābī de kujh lok gīt vī ikaṭṭhe karke chāpe ga’e ne. Huṇ fīr ‘Imroz’ har hafte panjābī de lekh chāp rihā ai. Te panjābī de kujh sajaṇ apṇiyāṃ mālī kamzoryāṃ te hornāṃ muškilāṃ de bāvjūd panjābī zubān nūṃ taraqqī deṇ xāṯir navyāṃ kitābāṃ te risāle chāpaṇ dā programme banā rihe ne. Panjābī zubān de šidāyāṃ dī ikk choṭī jehī majlis vī Lahore andar baṇī ho’ī ai jidyāṃ kadī kadī meetingāṃ hondyāṃ rehndyāṃ ne.

Par ai sabb kujh nākāfī ai. (…)

Sab toṃ pehlāṃ sānūṃ cāhīdā ai ki panjābī de ‘āšiqāṃ nūṃ ikaṭṭhā kariye te ikk vaḍḍī te maẓbūṯ majlis banāye te ai majlis baṛe gambhīr ṯarīqe nāl haiṭh dase kammāṃ nūṃ apṇe hath vic love :

-Panjābī de purāṇe adab nūṃ sohṇī ṯaraḥ chāpṇā -Panjābī vic māhvār risāla chāpṇā

-Panjābī de nave adab nūṃ ikaṭṭhā karke kitābi šakal deṇī -Panjābī vic dūsrī zubān vic tarjume karṇā

-Panjābī dictionary te grammar chāpṇī

-Panjābī nūṃ Panjāb vic ibtidā’ī t‘alīm dā żarī‘a banāvaṇ vasṯe košiš karṇi -Panjābī de šā‘irāṃ dā prabandh

Maiṃnūṃ ummīd ai ki panjābī šā‘ir te likhārī aināṃ gallāṃ te ġaur karaṇge te ikk majlis vic ikaṭṭhe hoṇge. Aise ṯarāṃ ī asīṃ sabb milke apṇī zubān nūṃ taraqqī de sakāṇge tāki sāḍḍī qaum jiṛi ais vele jahālat de haneryāṃ vic ḍubī ho’ī ai ‘ilm dī raušni ḥāṣil kar sake te zindagī nūṃ māṇ sake.

« Notre langue panjabie

Le panjabi est la langue du pays des cinq fleuves. Mais la propagande et les rumeurs en ont fait la langue des sikhs, avec laquelle les musulmans n’ont rien à voir, et qui, depuis le départ des sikhs n’a plus aucune utilité. On a même été jusqu’à dire que la langue panjabie n’était pas une langue. Ceux qui s’en sont le plus pris au panjabi sont les gens de la classe éduquée du Panjab. Et il est étonnant de voir à quel point ces gens sont allergiques à leur propre langue. Ils la haïssent. Lorsque la question des langues est discutée, et qu’un ‘fantaisiste’ s’aventure à dire que que le panjabi est une langue alors on voit les personnes éduquées à la fois froncer les sourcils et sourire de façon narquoise, et le ‘fantaisiste’ a le

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sentiment d’avoir commis une faute (…) Des langues différentes sont parlées dans les diverses régions du Pakistan, et dans toutes ces régions l’instruction est donnée à l’école dans dans la langue locale, mais le Panjab est la seule région dans laquelle la langue locale n’a pas été utilisée comme medium d’instruction. La chose la plus triste est que 8 ans après la création du Pakistan nos experts en matière d’éducation et les représentants du peuple ne veulent toujours accorder aucune importance au panjabi et n’ont toujours pas conçu le projet de faire du panjabi un medium d’instruction. Il semblerait que le panjabi ait été est banni du Panjab.

Mais ces tentatives initiées par nos dirigeants n’ont pas été couronnées de succès. La langue panjabie ne peut pas être éliminée de cette contrée des chansons (…) Pendant quelques temps elle a eu du mal a respirer et a parcouru les villes a la façon d’un mendiant, et ce sont les paysans illettrés qui lui ont donné refuge. Et après cela elle a conquis le cœur de son Ranjha. Et a commencé à être mentionnée par quelques personnes éduquées du Panjab occidental.

Afin de développer le panjabi une revue - Panjābī - a été publiée440, une chronique hebdomadaire en panjabi a paru pendant quelque temps dans le quotidien Imroz, un beau livre de chansons intitulé Tirinjan a été publié en caractères ourdou, des chansons traditionnelles du Panjab ont été également publiées et maintenant chaque semaine le quotidien Imroz publie des textes en panjabi. Et quelques amis du panjabi en dépit de leurs difficultés matérielles ont le projet de publier de nouvelles revues et nouveaux livres pour développer le panjabi. Une petite association composée de passionnés du panjabi a été fondée à Lahore qui organise des réunions de temps à autre441.

Mais cela n’est pas suffisant (…)

Tout d’abord il nous faudrait rassembler les amoureux du panjabi et fonder une association solide qui accomplirait de façon sérieuse les travaux suivants

-Publier la littérature classique du panjabi de façon attrayante -Publier une revue mensuelle en panjabi

-Réunir la nouvelle littérature en panjabi et la publier sous forme de livre -Traduire en panjabi à partir de langues étrangères

-Publier une grammaire et un dictionnaire du panjabi

-Tenter de faire en sorte que le panjabi soit utilisé comme medium d’instruction au niveau primaire

-Soutenir les poètes panjabis

J’espère que les poètes et écrivains du panjabi se pencheront sur ces propositions et se réuniront dans une association, et de cette façon nous pourrons tous ensemble développer notre langue, et faire ainsi en sorte que notre peuple, qui est noyé dans l’obscurité de l’ignorance, bénéficie de la lumière du savoir et embrasse la vie. »

Cet essai présente tout d’abord trois obstacles auxquels le panjabi doit faire face : il est assimilé aux sikhs, méprisé par la classe éduquée et n’est pas utilisé à l’école. Mais pour l’auteur – marxiste convaincu- la question du panjabi est avant tout une question de classe. Les classes éduquées rejettent le panjabi à cause de leurs préjugés, et le petit peuple des campagnes s’identifie à lui et s’en fait le gardien. C’est une intervention des intellectuels qui permettra au panjabi de se développer et d’acquérir sa place et son

440Panjābī était la première revue en panjabi publiée au Pakistan après la partition. Ses rédacteurs en chef étaient Faqir Mohammad Faqir et Abdul Majid Salik. Sa publication a commencé en septembre 1951. Voir le chapitre suivant à ce sujet.

441Il s’agit sans doute de la Punjabi Cultural Society d’Abdul Majid Salik, dont nous parlerons dans le chapitre suivant

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développement permettra au peuple d’avoir accès à l’éducation et au savoir. L’enrichissement du corpus écrit (publication de livres, traductions) ainsi que l’utilisation du panjabi à l’école sont les deux mesures recommandées par l’auteur pour faciliter ce développement.

Ce programme se lit comme une continuation du programme minimal d’Abid Hassan Minto (et ignore complètement le programme maximal de Firozuddin Mansur/Sibt-e Hassan). Faire du panjabi le medium de l’instruction primaire était le seul point concret du programme de ce dernier. Quant à l’insistance sur l’enrichissement du corpus écrit, on peut l’attribuer au sentiment partagé avec Abid Hassan Minto que le panjabi n’est pas une langue suffisamment développée, et ne dispose pas du matériel qui assurerait sa légitimité et rendrait possible sa diffusion (dictionnaires, grammaires, collections de littérature classique et contemporaine). Une fois que sa forme écrite serait développée et ce matériel disponible, le panjabi pourrait jouer un plus grand rôle.

4.2.1.2 Un essai littéraire : Ṣūfyāṃ dī šā‘irī « La poésie des soufis » de Sharif

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