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Les initiatives des communistes

Chapitre IV : Les activités des marxistes (1947-1959)

4.1 Les activités du pôle marxiste en faveur du panjabi entre 1947 et 1955 .1 Activités du groupe progressiste

4.1.2 Les initiatives des communistes

4.1.2.1 Le programme d’Abid Hassan Minto (1951)

En octobre 1951 parait dans la revue Adab-e laṯīf de Lahore un premier programme du CCP concernant la politique linguistique du Pakistan. Il s’agit de Pakistān meṃ zubān kā masla « La question de la langue au Pakistan », écrit par Abid Hassan Minto à la demande de Dada Amir Haïder pour clarifier la position du parti en matière de politique linguistique au Pakistan383. Et même si cet essai n’est pas dédié uniquement au panjabi (le panjabi n’y est que mentionné), il détaille une politique générale qui le concerne directement. Ce programme, avait été lu de façon ‘informelle’ par Abid Hassan Minto en novembre 1949 pendant la conférence de progressistes384 avant d’être publié dans la revue Adab-e laṯīf. Au début de son programme, Abid Hassan Minto constate :

Ḥukūmat-e pakistan urdu ko qaumī zubān banāne kā a‘ilān is vaja se kar rahī hai ki isse ek ṯaraf to vo paṛhe likhe mutavassiṯ ṯabqe kī hamdardyāṃ ḥāṣil kar letī hai aur dūsrī ṯaraf urdu se vohī kām lyā jā saktā hai jo angrez sāmrāj angrezī se lyā kartā thā. Y‘anī mulk ke navve fī ṣad logoṃ ko jāhil aur anpaṛh rakhnā.

« Le gouvernement du Pakistan annonce que l’ourdou sera langue nationale parce que, d’une part en faisant cela il s’attire la sympathie des personnes éduquées de la classe moyenne, et d’autre part l’ourdou pourra être utilisé de la même manière que le gouvernement impérialiste anglais utilisait l’anglais, c’est-à-dire pour maintenir 90 % de la population dans l’illettrisme et l’ignorance »385.

Puis Abid Hassan Minto explique que s’opposer à l’ourdou serait une mauvaise manœuvre, qui mènerait le parti à s’attirer les foudres du gouvernement, et de la classe moyenne. Abid Hassan Minto ajoute néanmoins que si l’ourdou est nécessaire au niveau national, il ne l’est pas toujours sur le plan régional, car sa sphère d’utilisation varie en fonction des provinces et du degré d’avancement des langues vernaculaires qui y sont parlées :

Bangāl aur Sindh meṃ mere nazdīk urdu kī koī xāṣ ẓarūrat nahīṃ hai, aur un ṣūboṃ ke ‘avām ne urdu ke xilāf eḥtijāj bhī kiyā hai. Bangāli urdu se kaī darje taraqqī-yāfta zubān hai, aur Sindh meṃ āpko tamām dīvāreṃ, ištihār, sign board angrezī yā sindhī hī meṃ likhe hue mileṃge. Sindhī meṃ kaī rozāna axbārāt nikāle jāte haiṃ. Lihażā Sindh aur Bangal meṃ urdu ko ṭhoṃsne ke xilāf jadd-o jehd āj bhī durust hai. Jahāṃ tak Panjāb Balocistān aur Sarḥad kā savāl hai ek to yahāṃ kī zubāneṃ bahut zyāda taraqqī-yāfta nahīṃ haiṃ, dūsre yahāṃ kā paṛhā likhā ṯabqa urdu hī jāntā hai. Jabki Bangāl meṃ log bangālī se zyāda mānūs haiṃ. Yahāṃ par abhī tak kisī qaumī teḥrīk kā āġāz bhī nahīṃ hu’ā, aur abhī iskā imkān bhī zyāda nahīṃ hai. Cunāṃce mere xiyāl meṃ un ṣūboṃ meṃ urdu ko sarkārī zubān taslīm karne kī muxālifat nahīṃ karnī chāhiye. Balki hamārā muṯālba kuch is qism kā honā cāhiye ki angrezī kī jaga urdu aur primary t‘alīm ke liye maqāmī zubāneṃ ist‘emāl kī jā’eṃ (…) Bangāl aur Sindh ke ‘alāva dūsre ṣūboṃ meṃ urdu ko sarkārī zubān banāne ke xilāf jadd-o jehd nahīṃ karnī cāhiye lekin qaumī zubānoṃ kī taraqqī ke liye jadd-o jehd bhī tez karnī cāhiye (…) Panjāb, Balocistān aur Sarḥad meṃ inqilāb ke b‘ad bhī kuch ‘arṣe tak bāvjūd iske vahāṃ kī zubāneṃ faurī ṯaur par taraqqī kareṃgī, urdu kā vahāṃ par rehnā ẓarūrī hai, kyoṃki vahāṃ kī zubānoṃ meṃ urdu jaisī vus‘at itnī jaldī paidā nahīṃ ho saktī. Isliye bhī urdu kī muxālifat nahīṃ karnī cāhiye.

383Entretien avec Abid Hassan Minto, Lahore, 14 mars 2018.

384Entretien avec Abid Hassan Minto, Lahore 14 mars 2018

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« Au Bengale et au Sindh , à mon sens, l’ourdou n’est pas vraiment nécessaire, et le peuple de ces provinces a déjà protesté contre l’ourdou. Le bengali est bien plus évolué que l’ourdou, et au Sindh la totalité de ce qui est écrit sur les murs, dans les publicités et sur les panneaux est en anglais ou sindhi. Quelques quotidiens sont publiés en sindhi. Donc au Sindh et au Bengale le mouvement qui s’est développé contre l’imposition de l’ourdou est juste. En ce qui concerne le Panjab, le Baloutchistan et NWFP on peut dire que, d’une part les langues de ces provinces ne sont pas très évoluées, d’autre part la classe éduquée connaît seulement l’ourdou. Alors que cette même classe au Bengale connaît avant tout le bengali. Dans ces provinces, jusqu’à maintenant, nous n’avons pas vu le début d'un mouvement populaire, et il est pratiquement impossible qu’il s'en développe un. Donc, à mon sens, il ne faudrait pas s’opposer à ce que l’ourdou soit adopté dans ces états comme langue officielle. Et notre revendication devrait être que l’ourdou soit utilisé à la place de l’anglais et que l’instruction primaire soit dispensée dans les langues locales.

Il ne faudrait pas lutter contre l’adoption de l’ourdou comme langue officielle dans les provinces autres que le Sindh et le Bengale, mais lutter pour le progrès des langue locales de ces provinces (…) Après la révolution,au Panjab, Baloutchistan et NWFP les langues locales progresseront immédiatement ; mais l’ourdou devra être maintenu pendant un certain temps, car les langues locales ne peuvent pas acquérir aussi vite la même ampleur que l’ourdou. Pour cette autre raison il ne faudra pas s’opposer à l’ourdou »386.

La position d’Abid Hassan Minto fait écho à celle d’Abdullah Malik (exposée dans son commentaire de l’essai de Sharif Kunjahi387), en ce qu’il ne considère pas le panjabi comme une langue évoluée (Taraqqī-yāfta) ; il le place aux côtés du baloutchi et du pachto dans une catégorie de langues encore tributaires de l’ourdou. Ces réserves, par rapport à l’état d’avancement des langues de ce groupe, poussent Abid Hassan Minto à présenter pour le panjabi un programme d’action minimal, qui se résume en deux points : il faudrait demander que l’instruction au niveau primaire soit en panjabi, et développer davantage cette langue (les modalités de ce développement ne sont pas précisées). L’on est en droit de se demander si cette notion de langue panjabie pas évoluée, que nous trouvons déjà chez deux intellectuels marxistes (Abdullah Malik et Abid Hassan Minto) n’est pas elle-même le résultat d’un complexe diglossique. Ces deux intellectuels, de langue maternelle Panjabie mais appartenant à la classe éduquée et parfaitement anglophones et ourdouphones, en dépit de leur adhésion au marxisme, auraient pu, en matière de langue, avoir intériorisé les schémas sociolinguistiques dominants, et considéreraient le panjabi comme une langue inférieure. Mais, forcés d’utiliser un langage sophistiqué et diplomatique, ils utiliseraient un terme comme ‘non évolué’ au lieu d’‘inférieur’.

4.1.2.2 Le programme de Firozuddin Mansur et Sibt-e Hassan (1953)

La situation va évoluer dans les années qui suivent la parution du programme d’Abid Hassan Minto. Le mouvement linguistique du Bengale oriental va réactualiser le débat sur la langue nationale, et le CPP sera obligé de clarifier sa position par rapport aux demandes des bengalis, à la question de la langue nationale. Firozuddin Mansur et Sibt-e Hassan, membres importants du parti communiste pakistanais388, incarcérés ensemble en 1951-52, ont, en prison des discussions sur la question bengalie et celle de la langue nationale ; ils rédigent un pamphlet Pākistān meṃ qaumī zubān kā masla « La question de la langue nationale au Pakistan » publié par le PPH en 1953. Seul le nom de Firozuddin Mansur

386Minto 1951 : 285-287.

387Malik, Abdullah 1950 : 93.

388Sibt-e Hassan était membre du politburo du parti (Ali Kamran Asdar 2015 : 93) et Firozuddin Mansur avait été en charge du parti pour un moment après la Rawalpindi conspiracy en 1951 (Ali Kamran Asdar 2015 : 331) et secrétaire du comité régional entre 1952 et 1954 (Ali, Kamran Asdar 2015 : 202).

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apparaît sur la couverture, mais comme nous l’a certifié Abdul Rauf Malik389 qui était en charge du PPH pendant cette pèriode ce pamphlet avait été écrit en majeure partie par Sibt-e Hassan et comme Firozuddin Mansur était sorti de prison avant lui, il l’avait fait publier sous son nom.

La majeure parti du pamphlet est consacrée à une analyse du mouvement bengali (au cours de laquelle les auteurs expriment leur soutien au mouvement et condamnent les attaques des défenseurs de l’ourdou - dont le Maulvi Abdul Haq – contre la langue bengalie).

Les dernières pages du pamphlet proposent un programme pour les langues régionales (que les auteurs refusent d’appeler ‘régionales’ – ‘ilāqā’ī ou Ṣūbā’ī - mais appellent ‘nationales’ - Qaumī).

Et si ce texte n’est pas - comme celui d’Abid Hassan – spécifiquement consacré au panjabi, le programme général qu’il présente le concerne directement, et son application pourrait radicalement modifier le statut de la langue.

Ce pamphlet va beaucoup plus loin que la position prudente et diplomatique prise par Abid Hassan Minto.

Le programme est le suivant :

Pakistān kī tamām qaumī zubānoṃ ko sindhī, panjābī bangālī, balocī aur pašto ko urdu ke pehlū ba pehlū Pākistān kī sarkārī zubāneṃ taslīm karne meṃ koī qayāmat nahīṃ. Āxir Ṣūba Sarḥad meṃ tamām sarkārī aur daftarī kārobār aur żarī‘a-e t’alīm pašto kyoṃ na ho jo paṭhānoṃ kī mādrī zubān hai, Sindh meṃ sindhī kyoṃ na ho, Balocistān meṃ balocī kyoṃ na ho, Bangāl meṃ bangalī aur Panjāb meṃ panjābī kyoṃ na ho ?

Zindagī ke tamām š‘oboṃ meṃ hamāre ‘avām ke pasmānda rehne kā bahut baṛā sabab ye hai ki unheṃ us zubān meṃ likhne paṛhne socne aur kām karne ke liye majbūr kyā jātā hai jo unkī mādrī zubān nahīṃ hai. Natīja uskā ye hai ki ‘ilm-o faẓal ṣadyoṃ se ūṃce ṯabqoṃ kī ijāradārī hai aur ‘avām hameša se bexabar aur jāhil haiṃ.

Qaumī zubānoṃ ko ‘ilm o adab se meḥrūm rakhnā aur żarī‘a-e t‘alīm aur daftarī kārobār na banne denā ‘avām ko jāhil aur bexabar rakhne kā bahut purānā ṯarīqa hai.

‘Avām ko ‘ilm-o faẓal kī daulat se mālāmāl karne ke liye ẓarūrī hai ki angrezī zubān ko żarī‘a-e t‘alīm aur sarkārī zubān kī ḥaiṡyat se xatm kyā jā’e, ṣūboṃ meṃ żarī‘a-e t‘alīm aur daftarī kārobār ‘avām kī mādrī zubāneṃ hoṃ, Panjāb meṃ panjābī, Sindh meṃ sindhī, Bangāl meṃ bangāli, Sarḥad meṃ pašto aur Balocistān meṃ balocī zubān żarī‘a-e t‘alīm aur sarkārī kārobār ho. Ṣūbā’ī ḥukūmatżarī‘a-eṃ apnżarī‘a-e apnżarī‘a-e ṣūbżarī‘a-e kī qaumī zubānoṃ ko taraqqī deṃ.

Urdu Pākistān meṃ ābād qaumoṃ ke bāhamī mel milāp aur guft-o šunīd kā żarī‘a hai. Aur UP, Bihār, Ambalā division aur Rājpūtāna se āne vāle mohājiroṃ kī mādrī zubān hai. Use ṡānvī zubān kī ḥaiṡyat se schooloṃ aur collegeoṃ meṃ paṛhāyā jā’e aur use taraqqī dī jā’e. Mohājiroṃ kī sahūlat ke liye unheṃ t‘alīm urdu meṃ dī jā’e.

Ṣūbā’ī ḥukūmateṃ apnā sārā daftarī kām apne apne ṣūbe kī qaumī zubān meṃ kareṃ. Ṣūboṃ ke sarkārī aur nīm-sarkārī meḥkmoṃ meṃ mulāzimateṃ un logoṃ ko dī jā’eṃ jo mut‘aliqā ṣūbe kī qaumī aur sarkārī zubān meṃ likh paṛh aur guftagū kar sakte haiṃ. Sarkārī mulāzimoṃ ko ṣūbā’ī zubāneṃ sikhāne ke liye xāṣ school aur college jārī kiye jā’eṃ.

Pākistān meṃ qaumī zubān ke masle kā ṣaḥīḥ ḥal yehī hai.

« Nous ne vivrons pas un désastre si nous adoptons toutes les langues nationales du Pakistan comme le sindhi, bengali, baloutchi et pachto aux côtés de l’ourdou comme langues officielles. Après tout, en NWFP, pourquoi ne pas utiliser le pachto qui est la langue maternelle des pachtounes dans toutes les affaires gouvernementales et

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administratives et comme medium d’instruction ? Pourquoi ne pas faire de même avec le sindhi au Sindh, le baloutchi au Baloutchistan, le bengali au Bengale et le panjabi au Panjab ?

La raison principale pour laquelle notre peuple est resté arriéré dans tous les domaines est qu’il est obligé de lire, écrire, penser et travailler dans une langue qui n’est pas sa langue maternelle. Depuis des siècles la connaissance est le monopole des classes élevées et le peuple est maintenu dans l’ignorance.

Priver les langues nationales de la possibilité de véhiculer la connaissance et ne pas leur permettre de devenir medium d’instruction ou langue administrative est une vieille tactique utilisée pour maintenir le peuple dans l’ignorance

Pour doter notre peuple des trésors de la connaissance il est nécessaire que l’anglais ne soit plus utilisé ni comme medium d’instruction ni comme langue administrative, que dans les provinces on utilise dans les domaines de l’instruction et de l’administration les langues maternelles du peuple, et que le panjabi, sindhi, bengali, pachto et baloutchi soient langues d’instruction et langues administratives au Panjab, Sindh, Bengale, NWFP et Baloutchistan. Il faut aussi que les gouvernements des provinces promeuvent les langues de leurs provinces

L’ourdou est la langue qu’utilisent les communautés habitant au Pakistan pour communiquer entre elles. Et la langue maternelle des réfugiés qui viennent de UP, Bihar, Ambala et du Rajasthan. Il faudrait donc qu’on l’enseigne comme deuxième langue dans les écoles et college. Et que pour des raisons pratiques on en fasse un medium d’instruction pour les mohajirs.

Les gouvernements provinciaux devraient effectuer leurs tâches administratives dans la langue de leur province, on devrait donner des emplois dans les organismes gouvernementaux et semi-gouvernementaux aux individus qui savent écrire, lire et parler la langue de leur province ; enfin il faut que des écoles et college soient mis en place pour enseigner les langues des provinces aux fonctionnaires de l’état

Voilà la vraie solution à la question de la langue nationale au Pakistan390 ».

Ce programme maximaliste est sans doute le plus radical qui ait été présenté pendant la période que nous considérons. Il ne pouvait évidemment pas faire l’unanimité dans le champ intellectuel de l’époque. Faisait- il au moins l’unanimité au sein des marxistes ? Nous en doutons. Il semble que les intellectuels marxistes aient choisi tout simplement d’ignorer ce programme trop radical à leurs yeux, car nous n'en trouvons aucune référence dans les écrits marxistes de l’époque.

En tout cas cela n'a pas pu provoquer de polémique car la circulation du pamphlet est restée confidentielle et limitée (et les exemplaires ont vite disparu, car tout le stock du PPH a été saisi au moment de son interdiction).

Ce pamphlet est également une des dernières manifestations écrite du CPP qui sera interdit l’année suivante, et une des dernières publications du PPH.

4.1.2.3 Les activités éditoriales du PPH (1953)

Le parti communiste met sa maison d’édition, le PPH, au service du panjabi à deux reprises en 1953. Cela débutera avec la parution en février/mars 1953 de Tirinjan « La réunion des femmes » d’Ahmad Rahi, et se poursuivra par la publication de Navī rut « La nouvelle saison », sélection de poèmes d’Amrita Pritam.

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Fondé par le CPI quelques années avant la partition pour publier de la littérature marxiste léniniste, la branche du PPH de Lahore391 était gérée par Abdul Rauf Malik (membre du parti depuis 1945 et frère cadet d’Abdullah Malik)392.

Le PPH avait d'abord publié des textes d’analyse marxistes tels que Marxī falsafa « Philosophie marxiste » de Zafarullah Poshni393, Daulat-e muštarika aur Pākistān « Le Commonwealth et le Pakistan » de Shaukat Ali394), ainsi que des traductions de Marx, Engels, Lenine, Staline, Mao Tse Tung, et Gorki395.

Puis, fin 1952 le PPH amorce un virage majeur et publie pour la première fois un livre de poésie : le recueil Dast-e ṣabā « La main du zéphyr » de Faiz Ahmad Faiz qui était alors en prison396.

En 1951 ou 1952, Rauf Malik avait été impressionné par un poème lu par Ahmad Rahi pendant une des réunions de l’association des écrivains progressistes, et il l’avait encouragé à continuer à écrire en panjabi, lui promettant qu’il le publierait :

Rāhī ne ek naẕm progressive writers kī meeting meṃ sunā’ī panjābī kī. Us naẕm ne mujhe baṛā fascinate kiyā, maiṃ ne use kahā : ‘Tūṃ panjābī vic šā‘irī kītā kar !’. Kehne lagā : ‘Maiṃ panjābī naẕmāṃ likhāṃgā tūṃ chāpeṃgā ?’ Maiṃne kahā : ‘Maiṃ chāpāṃgā’. Onūṃ paise dī lor si, one thoṛe dināṃ b‘ad kahyā : ‘Maiṃ majmūā banā littā’.

« Rahi avait récité un poème en panjabi pendant un meeting des écrivains progressistes. Ce poème m’avait fasciné et je lui avais dit ‘Continue à écrire en Panjabi’. Il m’avait demandé : ‘si j’écris des poèmes en panjabi, tu les publieras ?’. J’ai dit ‘je les publierai’. Il avait besoin d’argent, et il m’a dit quelques jours plus tard ‘J’ai écrit tout un recueil’ »397. En réalité, il faudra quelques 6 ou 7 mois à Ahmad Rahi pour écrire assez de poèmes pour que la publication d’un recueil soit envisageable398.

Le recueil est publié sous le nom de Tirinjan « La réunion des femmes » en février/mars 1953. Il est dédié à Amrita Pritam et composé de 43 poèmes. 1100 exemplaires sont imprimés. Tirinjan bénéficie d’une véritable opération de marketing : pour rendre le livre attrayant sa calligraphie est confiée à Mohammad Hussain, un des grands calligraphes de Lahore, et sa couverture est conçue par Abdul Rehman Chughtai, un des peintres les plus illustres de son temps399.

391Malik, Rauf 2017 : 273-274.

392Abdul Rauf Malik est né en 1926 dans une famille respectable et religieuse de la vieille ville de Lahore. Il embrasse le communisme en 1942 sous l’influence de son frère et d’un vétéran communiste Fazal Ilahi Qurban (Malik Rauf 2017 : 75). En 1944 il devient membre du CPI, et continue parallèlement des études (FA, BA) au Islamia college de Lahore, et à partir du début des années 50 s’engage en faveur du panjabi pour ‘honorer sa langue maternelle’ (Entretien avec Rauf Malik, Lahore 16 mars 2018), mais aussi parce qu' il voit apparaître avec intérêt une génération montante d’écrivains panjabis (dont Ahmad Rahi). Il passe le Fāzil Panjābī au début des années 1950. Il écrit des essais dans Imroz pour présenter la littérature panjabi, mais sa plus grande contribution à la littérature panjabie sera de prendre l’initiative de publier Tirinjan et Navī rut sous l’égide du PPH. Arrêté en 1954 et libéré en 1955, il reprend des activités éditoriales au début des années 60, et publie quelques livres importants : Theṭṭā « Le coup » d’Abdul Majid Bhatti, premier roman panjabi écrit après la partition et Jhātyāṃ « Aperçus », recueil d’essais de Sharif Kunjahi. 393Malik Abdullah 1950 : 110.

394Mansur & Sibt-e Hassan 1953 : 56.

395Mansur & Sibt-e Hassan 1953 : 58.

396Malik, Rauf 2017 : 283-285.

397Entretien avec Rauf Malik, Lahore 16 mars 2018.

398Entretien avec Rauf Malik, Lahore 16 mars 2018.

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Et afin de le rendre encore plus ‘vendeur’, Rauf Malik y inclut deux textes écrits directement en panjabi par deux écrivains illustres de l’ourdou : une préface d’Ahmad Nadim Qasmi, et un texte de présentation de Sa‘adat Hassan Manto (c’est là le seul texte connu de Manto en panjabi)400.

Puis il organise une cérémonie de lancement au Dyal Singh college, présidée par Maulana Abdul Majid Sālik, au cours de laquelle Z.A.Bukhari, directeur de la station de radio de Lahore et Dr Faqir analysent le livre. L’événement avait même attiré des partisans de l’ourdou comme Ibadat Barelvi, chef du département d’ourdou de l’université du Panjab401.

Tirinjan sera un succès, ses 1100 exemplaires seront écoulés en un an et le livre sera inclus dans le programme du Fāẓil de Panjabi402. Quelques mois seulement après sa

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